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qu’un contingent de 8,000 Autrichiens ; mais ils étaient commandés par le vieux Kœnigseck, qui avait combattu les Turcs en Hongrie. Il devait aider de ses conseils le duc de Cumberland et le prince de Waldeck, impatient de se signaler à la tête de 40 escadrons et de 26 bataillons hollandais. Le maréchal de Saxe se porta aussitôt à leur rencontre, laissant 20,000 hommes soit devant Tournay pour contenir la garnison, soit aux ponts de l’Escaut pour les protéger en cas de retraite ; puis il prit ses dispositions de bataille sur la rive droite du fleuve, par où arrivaient les ennemis. Le roi et le dauphin se montraient fréquemment aux troupes, qui les accueillaient par des acclamations. Un jour que la conversation roulait sur les batailles où les rois s’étaient trouvés en personne, Louis XV dit que, depuis la bataille de Poitiers, aucun roi de France n’avait combattu avec son fils, qu’aucun n’avait remporté de victoire signalée sur les Anglais, et qu’il espérait obtenir cette gloire le premier. La fortune, en effet, lui réservait un magnifique triomphe ; mais c’est ici le cas de répéter qu’elle choisit bien mal ses favoris.

Les deux armées étaient à peu près de force égale. Le maréchal de Saxe appuya sa droite au village d’Antoin, sous la protection de trois redoutes et d’un ravin ; un second ravin, qui s’étend jusqu’au bois de Barry, couvrait le centre, établi en face du village de Fontenoy, et derrière le bois, que défendaient deux redoutes, se développait l’aile gauche, vers Ramecroix, Rumignies et le mont de la Trinité. Ainsi l’armée française formait une espèce d’équerre dont les deux extrémités s’appuyaient sur l’Escaut, et toutes nos positions étaient garnies d’une artillerie formidable, qui rendait l’attaque très-difficile et très-dangereuse. Le champ de bataille n’offrait pas un développement de plus de 1,000 mètres de longueur, depuis l’endroit où se tenait Louis XV auprès du village de Fontenoy jusqu’au bols de Barry, sur 2,000 mètres de profondeur environ. On allait donc combattre en champ clos, presque à la manière des chevaliers du moyen âge, et la concentration de tant de troupes sur un terrain si resserré devait rendre la bataille excessivement meurtrière. Aussi le vieux Kœnigseck était-il d’avis de se borner à harceler les Français sans engager une lutte décisive ; mais le duc de Cumberland et ses Anglais n’écoutèrent que leur impatience de combattre et marchèrent sur Fontenoy. Ils occupaient le centre ; les Autrichiens de Kœnigseck formaient la droite, et le prince de Waldeck avec ses Hollandais tenait la gauche. À six heures du matin, on commença à se canonner de part et d’autre. Le maréchal de Noailles, renouvelant en cette occasion l’exemple de patriotisme et de générosité donné par le maréchal de Boufflers à la bataille de Malplaquet, voulut servir en second sous le maréchal de Saxo, qui, non-seulement était son cadet, mais presque son ouvrage. Celui-ci sentit tout le prix de cette magnanimité, et jamais on ne vit un accord si complet entre deux hommes que la faiblesse ordinaire du cœur humain pouvait éloigner l’un de l’autre. Comme le maréchal de Noailles embrassait le duc de Grammont, son neveu, au moment de se séparer pour se rendre chacun à leur poste, un boulet de canon renversa mort le jeune duc ; il fut la première victime de cette journée. C’est celui-là même dont l’imprudence nous avait fait perdre la bataille de Dettingen.

Les Hollandais attaquèrent Antoin par leur gauche et Fontenoy par leur droite, tandis que les Anglais et les Autrichiens attaquaient Fontenoy par leur gauche et que leur droite cherchait à tourner les redoutes du bois de Barry. Mais de toutes parts jaillit de nos positions un feu si terrible d’artillerie et de mousqueterie, qu’à chaque mouvement offensif les ennemis durent, se replier en désordre. Les Anglais se portèrent trois fois sur Fontenoy, et les Hollandais se présentèrent à deux reprises devant Antoin ; à la seconde attaque, ces derniers virent un de leurs escadrons broyé presque tout entier par le canon d’Antoin : il n’en resta pas 15 hommes. Dès lors il fut impossible de les ramener en avant. La situation était désespérée pour les ennemis, qui se voyaient foudroyés par une artillerie formidable, écrasés pour ainsi dire dans un étau. C’est alors que Kœnigseck, s’inspirunt d’une résolution hardie, conseilla au duc de Cumberland de masser en une colonne épaisse l’infanterie anglo-allemande, et de charger le centre de l’armée française entre le bois de Barry et Fontenoy, L’entreprise était audacieuse ; mais il fallait la tenter ou se résigner à une retraite humiliante. Les Anglais et les Hanovriens s’avancent donc, traînant leurs canons à bras par les sentiers, franchissent intrépidement le ravin qui les séparait des Français et marchent sous les feux croisés de Fontenoy et d’une des redoutes de Barry. Des rangs entiers tombaient foudroyés à droite et à gauche ; mais ils étaient aussitôt remplacés, et les canons qu’ils amenaient vis-à-vis de Fontenoy et devant les redoutes répondaient à l’artillerie française, Entre cette colonne et le centre de notre armée, dont les gardes françaises formaient la première ligne, le terrain allait en s’élevant et dérobait à la vue la plus grande partie des Anglais. Les officiers des gardes françaises se dirent alors : « Allons prendre leurs canons ; » et ils se jetèrent en avant. Ils furent bien étonnés d’avoir sous les yeux une masse compacte, formidable, dont rien ne semblait pouvoir arrêter la marche lente, mais irrésistible. Les Anglais approchèrent jusqu’à 50 pas de distance ; puis leurs officiers, ôtant leurs chapeaux, saluèrent les Français. Le comte de Chabannes, le duc de Biron, qui s’étaient avancés, et tous les officiers des gardes françaises leur rendirent leur salut. On sait le singulier échange de courtoisie qui eut lieu entre les deux camps. Lord Charles Hay, capitaine aux gardes anglaises, cria : « .Messieurs des gardes françaises, tirez. » Le comte d’Auteroche, lieutenant de grenadiers, répondit : « Messieurs, nous ne tirons jamais les premiers ; tirez vous-mêmes. » Les Anglais ne se le firent pas répéter : ils exécutèrent un feu roulant qui emporta notre premier rang tout entier : 600 soldats et 52 officiers tombèrent morts ou blessés.

Au premier abord, ce raffinage de politesse, cette invitation à se faire passer par les armes, semble une quintessence ridicule de l’ancien esprit chevaleresque ; mais il ne faut pas accuser ici les officiers français d’une civilité puérile et par trop honnête, dont ils n’étaient pas coupables : une ordonnance de la fin du xviie siècle prescrivait à nos troupes d’essuyer le premier feu, et c’est à cette ordonnance seule qu’il faut attribuer la courtoisie, devenue proverbiale, dont Anglais et Français usèrent les uns à l’égard des autres à Fontenoy. V. Anglais. « Après vous… »

La première ligne ainsi emportée, les autres tournèrent la tête en arrière, et ne se voyant appuyées que par une cavalerie éloignée de plus de 600 mètres, faiblirent aussitôt et se débandèrent. Les Anglais avançaient à pas lents, et comme s’ils eussent été sur un champ de manœuvre ; on voyait les majors appuyer leurs cannes sur les fusils des soldats pour les faire tirer bas et droit. Ils débordèrent Fontenoy et se trouvèrent bientôt au centre de l’armée française ; les divers incidents qui se produisirent imprimèrent à la masse ennemie la forme d’une colonne carrée à trois faces pleines, lançant la mort de tous côtés. Son feu, violent et parfaitement soutenu, renversait tous les corps de cavalerie ou d’infanterie qui venaient vaillamment, mais sans ordre, se jeter sur elle les uns après les autres. Plus la colonne anglaise avançait, plus elle devenait profonde et redoutable, à cause des troupes nouvelles qui venaient sans cesse la renforcer ; elle marchait toujours serrée à travers les morts et les blessés, paraissant former un seul corps d’environ 14,000 hommes. Le sort de la journée paraissait donc fort compromis, et le maréchal de Saxe, que l’on voyait presque mourant, porté d’un corps à l’autre dans une petite carriole d’osier, envoya prier le roi de se mettre en sûreté, ainsi que le dauphin ajoutant qu’il ferait tout son possible pour réparer le désordre : « Oh ! je suis bien sûr qu’il fera ce qu’il faudra, répondit Louis XV ; mais je resterai où je suis. » Tout l’état-major était en mouvement, et un grand nombre d’officiers furent tués ou blessés en donnant des preuves du plus brillant courage. Le chevalier d’Aché, lieutenant général, après avoir eu le pied fracassé, vint rendre compte au roi de la situation de son corps, et lui parla longtemps sans trahir par le moindre geste les douleurs atroces qu’il ressentait, jusqu’à ce qu’il tombât évanoui. Vainement on lança contre la redoutable colonne les escadrons les plus éprouvés ; le défaut d’ensemble dans ces attaques les rendit inutiles : la masse anglaise, faisant face de tous côtés, plaçait à propos son canon, exécutait un feu terrible, puis restait immobile et ne tirait plus. Le maréchal de Saxe, couché dans sa carriole d’osier, se portait d’un corps à l’autre au milieu du feu ; il vit un régiment dont des rangs entiers tombaient et qui restait intrépidement sur place. « Comment peut-il se faire, s’écria-t-il, que de telles troupes ne soient pas victorieuses ? » Aucun corps, aucune attaque ne put enfoncer la colonne, parce que rien n’avait été exécuté avec ensemble. Cependant cette masse d’infanterie semblait évidemment avoir été endommagée, quoique sa profondeur parût toujours égale ; elle oscillait sur ce champ de bataille qu’elle avait couvert de morts, incertaine et comme sans direction ; l’habileté des manœuvres lui fit défaut. Si les Hollandais, passant entre les redoutes établies de Fontenoy à Antoin, étaient revenus à la charge pour donner la main aux Anglais, la victoire eût été certainement le prix de ce mouvement ; mais il fut impossible de les ramener en ligne. Cependant l’agitation était extrême autour du roi. D’après Voltaire, qui tresse peut-être ici une couronne gratuite à son ami Richelieu, celui ci, qui était lieutenant général et aide de camp de Louis XV, arriva auprès du roi après avoir reconnu la colonne de Fontenoy, l’épée à la main, couvert de poussière et tout hors d’haleine. « Quelle nouvelle apportez-vous ? lui dit le maréchal ; quel est votre avis ? — Ma nouvelle, répondit le duc de Richelieu, est que la bataille est gagnée si on le veut ; et mon avis est qu’on fasse avancer dans l’instant 4 canons contre le front de la colonne. Pendant que cette artillerie l’ébranlera, la maison du roi et les autres troupes l’entoureront : il faut tomber sur elle comme des fourrageurs. » Mais les historiens ne sont pas d’accord à cet égard, et les plus judicieux trouvent que l’idée de faire avancer des canons était trop simple pour la transformer en une inspiration de génie ; toutefois, comme l’artillerie lourde et massive de cette époque se déplaçait très-difficilement, on ne songea peut-être pas plus tôt à amener du canon pour battre en brèche la redoutable colonne. Mais déjà le coup d’œil exercé du maréchal de Saxe avait reconnu le vice de ces attaques exécutées sans ordre et sans ensemble, et, après avoir fait converger toutes les forces disponibles sur un même point, il prépara un assaut dont l’impétuosité devait être irrésistible. Le duc de Biron, le comte d’Estrées, le marquis de Croissy, le comte de Lowendhal, lieutenants généraux, devaient diriger ce mouvement décisif. Les régiments de Chabrillant, de Brancas, de Brionne, d’Aubeterre, de Courten, vinrent se mettre en ligne, tous conduits par leurs colonels et prêts à charger au premier signal. Quelques pièces de campagne, pointées sur le front de la colonne, commencèrent à creuser des vides dans ses rangs ; alors la charge fut sonnée, et un véritable ouragan d’hommes et de chevaux fondit sur la colonne, la pénétra, la sillonna en tous sens, la broya sous son élan terrible ; la masse ennemie, écrasée comme dans un étau, fut foudroyée et disparut. En sept ou huit minutes, le général Posomby, le frère du comte d’Albermale ; 5 colonels, 5 capitaines aux gardes et un nombre prodigieux d’officiers tombèrent pour ne plus se relever. Les annales de la guerre n’offrent-peut-être pas un exemple d’un revirement aussi prompt, aussi décisif, aussi terrible. Les débris de la colonne anglaise se précipitèrent en fuyant au delà du ravin, et ils ne furent pour ainsi dire pas poursuivis ; les Hollandais opérèrent leur retraite en même temps.

Louis XV allait de régiment en régiment. Les cris de « Victoire ! » et de « Vive le roi ! » les chapeaux en l’air, les étendards et les drapeaux percés de balles, les félicitations réciproques des officiers qui s’embrassaient, formaient un spectacle dont tout le monde jouissait avec une joie tumultueuse (11 mai 1745). Le roi, au milieu des cris de triomphe qui retentissaient sur le champ de batailla, fixa l’attention du dauphin sur le spectacle déchirant du carnage, et lui fit envisager avec horreur à quel prix s’achète une victoire. On peut bien croire à ce bon mouvement de Louis XV, puisque plus tard Napoléon Ier a dit que toute guerre en Europe était une guerre civile. Il est vrai que ces paroles, si singulières dans sa bouche, ont été prononcées à Sainte-Hélène.

Les pertes des ennemis furent de 12,000 à 14,000 hommes, tant tués que blessés ou prisonniers ; — les Français eurent au moins 7,000 morts ou blessés ; une quarantaine de canons restèrent au pouvoir des vainqueurs. Les conséquences de la victoire furent la reddition de Tournay, de Gand, de Bruges, d’Audenarde, de Dendermonde, d’Ostende, de Nieuport ; en un mot, la conquête de la Flandre. Mais ce qui rendit surtout la bataille de Fontenoy si populaire en France, c’est qu’elle fut gagnée sur les Anglais par un général presque expirant et incapable d’agir ; le maréchal de Saxe avait pris les dispositions ; ce furent les officiers français qui remportèrent la victoire.

Fontenoy (POÈME SUR LA BATAILLE DE), par Voltaire. Ce poème fut composé à la hâte, et la première édition parut sept jours après la victoire de Louis XV (17 mai 1745). Voltaire avait appris les détails principaux du Combat de la bouche de son ami le marquis d’Argenson, alors ministre des affaires étrangères. On épuisa en peu de temps huit éditions de ce poème à Paris ; à Lyon, à Rouen, à Lille, des réimpressions en furent faites. À chaque édition nouvelle, l’auteur ajoutait quelque nouvel épisode. La sixième édition fut précédée d’une dédicace au roi, « le plus modeste des vainqueurs, » et d’un discours préliminaire, dans lequel Voltaire répond aux critiques qui pleuvaient déjà sur lui : il déclare que « c’est moins en poète qu’en bon citoyen qu’il a travaillé. » Le Poème de Fontenoy, en effet, n’est autre chose qu’un bulletin rimé : c’est ce qui fit son immense succès ; la France entière, dans sa curiosité patriotique, lut cette gazette poétique, où le patriotisme trouvait largement son compte. La poésie, assurément, y était moins bien partagée. La Bataille de Fontenoy est un fragment épique sur le ton de la Henriade : même pompe de style, même langage de convention, même abus des généralités vagues, des fausses élégances et de la vieille friperie poétique. Avant tout, l’éloge du roi ; ab Jove principium :

Venez le contempler aux champs de Fontenoy,
O vous, Gloire, Vertu, déesses de mon roi !
Redoutable Bellone et Minerve chérie ;
Passion des grands cœurs. Amour de "la patrie.
Pour couronner Louis, prêtez-moi vos lauriers !

Qu’ils sont ternes et desséchés, ces lauriers que si longtemps les poètes ont empruntés à la Gloire et à la Vertu ! Aucun de ces mots, cent fois employés pour exprimer une idée vague et sans couleur, vie parle au cœur ou à l’imagination. Tout l’ouvrage est sur ce mode solennel. Quelques vers heureux caractérisent nos divers ennemis, le Hollandais, l’Autrichien :

Surtout ce peuple altier qui voit sur tant de mers
Son commerce et sa gloire embrasser l’univers,
Mais qui, jaloux en vain des grandeurs de la Francs,
Croit tenir danst ses mains la foudre et la balance.

La redoutable colonne anglaise, que trois charges successives ne parvinrent pas à rompre, est peinte en quelques traits qui manquent moins d’énergie que de précision :

Le feu qui se déploie et qui, dans son passage.
S’anime, dévorant l’aliment de sa rage,
Les torrents débordés dans l’horreur des hivers,
Le flux impétueux des menaçantes mers.
Ont-un cours moins rapide, ont moins de violence
Que l’épais bataillon qui contre nous s’avance….

Çà et là une allégorie puérile vient interrompre le récit :

La Fortune auprès d’eux, d’un vol prompt et léger,
Les lauriers dans les mains, fend les plaines de l’air ;
Elle observe Louis et voit avec colère
Que sans elle aujourd’hui la valeur va tout faire.

Bien que Voltaire se flatte d’avoir été très-précis en ses descriptions poétiques, il est fort difficile de démêler dans son poème les péripéties de cette bataille : l’ordonnance et la marche du combat s’effacent dans un récit vague et trop général. Il est à remarquer que le mot célèbre : « Messieurs les Anglais, tirez les premiers, » ne s’y trouve point rapporté. On y voit, en revanche, le nom de tous les gentilshommes qui se distinguèrent en cette mémorable journée ; certaines parties de l’ouvrage ne sont qu’un catalogue orné de quelques fadeurs poétiques :

Monaco perd son sang, et l’Amour en soupire… Favori de l’Amour, de Minerve et de Mars, Richelieu vous appelle : il n’est plus de hasards.

Citons, enfin, les deux derniers vers, chef-d’œuvre du genre : « Accourez, » dit le poste aux soldats victorieux :

Accourez, recevez à votre heureux retour
Le prix de la Vertu par les mains de l’Amour.

Si le succès du poème fut grand, si le cardinal Quirini essaya de traduire en vers latins le Poème de Fontenoy, les critiques et les traits satiriques ne manquèrent point non plus ; les plus piquants furent décochés par l’avocat Marchand, dans une prétendue Requête du curé de Fontenoy. Il se plaint :

Que sur sa paroisse on enterre
Sept ou huit mille hommes pour rien.
C’est mon casuel, c’est mon bien.
Sur mes droits et mon honoraire
On m’a fait encor d’autres torts :
Un fameux monsieur de Voltaire
A donné l’extrait mortuaire
De tous les seigneurs qui sont morts.

La critique était malicieuse. Voltaire, au reste, n’était point fait pour emboucher la trompette épique : combien il était mieux inspiré lorsqu’il chantait en badinant :

Les quarante mille Alexandres
Payés à quatre sous par jour !

Fontenoy (la bataille de), tableau d’Horace Vernet ; musée de Versailles. Le moment choisi par l’artiste est celui où le maréchal de Saxe, à pied et tête nue, présente les trophées de la journée à Louis XV, à cheval et accompagné du dauphin. Derrière le maréchal, le duc de Richelieu est à cheval, la tête nue et l’épée à la main. À droite, des soldats sont assis sous un arbre, et un vieil officier embrasse son fils qui tient à la main une croix de Saint-Louis. À gauche sont groupés des prisonniers écossais et des blessés. Ce tableau, qui a été exposé au Salon de 1836, a été ainsi jugé par M. A. Barbier : « La disposition générale est très-belle, les groupes habilement distribués, le dessin ferme et presque toujours correct. La lumière circule bien d’un bout à l’autre du tableau, la couleur en est comme imprégnée, et, sous cette lumière si transparente et si pure, se meuvent et agissent des figures pleines de sentiment et de passion… La figure du vieux maréchal est belle et d’un mouvement plein de dignité. » Gustave Planche, généralement très-peu favorable aux œuvres d’Horace Vernet, a jugé la Bataille de Fontenoy en ces termes : « … Est-il possible, en regardant la toile de M. Horace Vernet, de deviner que la scène se passe sous Louis XV ? À l’exception des costumes, y a-t-il dans ce tableau quelque chose qui rappelle Fontenoy ?… M. Vernet a composé sa bataille avec une remarquable insouciance ; il a renoncé à son ingénieuse vivacité, à l’art de grouper autour de l’action principale des épisodes vrais et touchants ; il semble s’être proposé pour tâche unique de signer une toile plus-grande que les Noces de Véronèse. L’impression produite par cet ouvrage est difficile à caractériser. À coup sûr, ce n’est pas une bataille. Les blessés qui se voient à gauche et qui saignent sur une paille toute neuve, les femmes éplorées qui s’empressent autour des mourants, ne suffisent pas à établir la nature militaire de l’action. Qu’est-ce donc que cet ouvrage ? À mon avis, c’est un rendez-vous de chasse. Les personnages, réunis sous un cerisier paisible, attendent pour partir que le bois ait été battu ; ils se félicitent sur la beauté de la journée, sur le gibier qu’ils espèrent ; ils se complimentent sur la vitesse et la santé de leur meute, et se promettent, au retour, un souper joyeux et splendide. » On reconnaît bien, à ces traits acérés, l’impitoyable critique de la Revue des Deux-Mondes ; mais le jugement est d’une excessive sévérité.

La Bataille de Fontenoy a été gravée par Burdet. Le même sujet a été traité par Ant. Benoist dans une gravure exécutée peu de