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plupart sont du Rosso. La restauration de ces peintures a été commencée par M. Couder.

Nous ne décrirons pas les appartements particuliers, qui n’offrent qu’un médiocre intérêt.

Les jardins de Fontainebleau, si verdoyants aujourd’hui, furent plantés sur un terrain sec et stérile. On raconte qu’un jour Henri IV, s’y promenant avec d’Épernon et trouvant les parterres mal garnis de fleurs, s’en plaignit à un jardinier. « Sire, répondit celui-ci, je ne puis rien faire venir dans ce terrain-là.

— Sèmes-y des Gascons, dit le roi en regardant d’Épernon ; ils poussent partout. » Ces jardins sont au nombre de trois : le parterre, le jardin du Roi ou de l’Orangerie et le jardin anglais.

Le Parterre forme un carré de 3 hectares ; c’est là que se trouvent la pièce d’eau du Bréau et le bassin du Tibre.

Dans le jardin anglais jaillissait autrefois la fontaine Bleau, qui passe pour avoir donné son nom au palais.

Le jardin du Roi ou de l’Orangerie est orné de la statue en bronze de Diane surmontant une fontaine construite sous l’Empire ; on y voit aussi deux cariatides égyptiennes supportant un fronton décoré de trois groupes d’enfants. Ce monument date du règne de François Ier.

L’étang, situé à côté du jardin anglais, a 4 hectares de superficie. Au milieu s’élève un pavillon construit sous Napoléon et restauré sous Louis-Philippe. Cette belle pièce d’eau, bordée de gazon et de saules pleureurs, nourrit un nombre considérable de carpes.

Le parc, de 84 hectares, est divisé en deux parties inégales par le canal que fit creuser Henri IV. On y remarque un château-d’eau, nommé les Cascades, une magnifique avenue bordée d’ormes séculaires et la fameuse treille du Roi qui produit, année commune, 4,000 kilogrammes d’excellents chasselas.

La forêt de Fontainebleau est justement célèbre. Cette forêt, d’une contenance de 16,900 hectares et d’un pourtour de 80 kilom., est limitée au N. et à l’E. par la Seine et au S. par le Loing. Elle comprend 2,000 kilom. de routes et de sentiers. « Le sol sur lequel elle repose, dit M. Ad. Joanne, un des écrivains qui connaissent le mieux et ont le mieux décrit la forêt de Fontainebleau, est presque complètement formé de sable et de grès marins supérieurs. Les rochers occupent un espace qu’on évalue à 4,000 hectares ; ils forment de longues chaînes ou collines, qui s’élèvent souvent, ainsi que les plateaux de cette contrée, jusqu’à 140 mètres au-dessus du niveau de la Seine, et marchent parallèlement entre elles, presqu’en ligne droite de l’E. à l’O. Les gorges qui les séparent sont étroites, déchirées et profondes. En beaucoup d’endroits, d’énormes blocs de grès, détachés du sommet, se sont arrêtés sur les talus escarpés qu’offrent les flancs des collines, et, en s’entassant les uns sur les autres, ils ont pris ces dispositions bizarres qui rendent si pittoresque l’aspect de la forêt de Fontainebleau. Ces chaînes de rochers semblent être des lambeaux d’une ancienne assise de sable et de grès qui s’étendait sur toute la contrée, et qui aurait été en grande partie détruite par des cataclysmes postérieurs à leur formation. Des courants sous-marins auraient creusé les vallées et entraîné les couches de sable qui reliaient entre eux les quartiers de rochers aujourd’hui éboulés. Partout où la couche supérieure a été assez forte pour résister à l’action des eaux, les roches sont restées unies et recouvertes. Les masses de grès les plus puissantes et les plus élevées se trouvent vers le N.-O. de Fontainebleau. La désagrégation par plaques hexagonales qu’on rencontre fréquemment à la surface des blocs de grès provient des variations atmosphériques. Un phénomène des plus remarquables, est celui des cristaux de grès, ayant les formes polyédriques du carbonate de chaux. Cette métamorphose est produite par la présence du carbonate de chaux dans le ciment qui a agglutiné les sables quartzeux. C’est principalement dans les carrières de Belle-Croix et à l’extrémité du rocher de Saint-Germain qu’on trouve de ces cristaux. La partie inférieure des sables, près des argiles, renferme quelques coquilles. Les grès, dépourvus d’animaux fossiles, laissent voir quelques traces de végétaux monocotylédones. Il s’y mêle peu de substances minérales autres que les oxydes de fer et de manganèse. La quantité de pavés que l’on extrayait de la forêt avant 1848 s’évaluait à 4 millions, dont le poids excédait 100 millions de kilogrammes. Les sables blancs sont exploités pour les verreries et les manufactures de glaces. Le gibier abondait autrefois dans la forêt : on y a compté jusqu’à 3,000 cerfs, biches on daims. Les sangliers, qui y étaient aussi très-nombreux, ont disparu depuis quelques années. Les essences principales de la forêt sont le chêne, le hêtre, le charme, le bouleau et le pin du Nord. Le chêne, qui est l’arbre le plus commun, atteint en certains endroits une hauteur considérable : on en rencontre qui ont jusqu’à 7 mètres de circonférence. » Les Sites les plus pittoresques de la forêt sont : le rocher d’Avon, d’où l’on découvre de beaux points de vue ; — le parquet des Monts-Aigus et la grotte du Serment ; — le mont d’Ussy et la vallée du Nid de l’aigle ; — le fort des Moulins ; — la futaie du Gros-Fouteau, où l’on admire une suite de vieux chênes gigantesques ; — la vallée de la Solle, hérissée de rochers à travers lesquels serpentent les sentiers les plus pittoresques et les plus variés ; — le rocher de Saint-Germain, qui forme une grande muraille au nord de la vallée de la Solle ; — la. Tillaie, belle futaie où l’on admire de vieux chênes, entre autres : le Pharamond, couvert de blessures, le Buffon, le chêne Notre-Dame-des-Bois et les deux Frères ; — les gorges d’Apremont, canton sauvage de la forêt, où se trouve une caverne qui, sous Louis XV, servit de refuge à une bande de voleurs ; — les gorges de Franchard, aussi sauvages et aussi pittoresques que les gorges d’Apremont et célèbres par le souvenir de l’assassinat récent de Mme Mertens par Mme Frigard ; — la gorge aux Loups ; le Bas-Bréau, l’une des plus belles futaies de la forêt ; — le fort de l’Empereur, tertre couronné d’une haute tour de deux étages, que surmonte un belvédère d’où l’on découvre un immense horizon, etc., etc. M. Denecourt, que l’on a surnommé le Sylvain, à cause de son amour passionné pour la forêt de Fontainebleau, a consacré sa vie et sa fortune à étudier, à décrire les beautés de la forêt. On lui doit les sentiers et les signes indicateurs qui dirigent le visiteur vers les points les plus intéressants.

Parmi les nombreuses anecdotes qui se rapportent à la forêt de Fontainebleau, la suivante nous paraît devoir intéresser particulièrement les lecteurs du Grand Dictionnaire.

Il y avait à Paris, à la fin du xvie siècle, deux hommes qui s’étaient, par oisiveté ou par amusement, si bien exercés à contrefaire le son des cors de chasse et la voix des chiens, qu’à trente pas, quand ils le voulaient, même à la ville, on croyait entendre une meute et des piqueurs ; on devait y être encore plus trompé dans des lieux où les rochers et les échos renvoient et multiplient les moindres cris. On se servit du talent de ces deux hommes, en 1598, dans la forêt de Fontainebleau, un jour que Henri IV y faisait une partie de chasse. Dans quel but ? Peut-être était-ce pour cacher un guet-apens. Quoi qu’il en soit, cette aventure fut regardée comme l’apparition véritable d’un fantôme. Voici comment le Journal du règne de Henri IV, à l’année 1598, rapporte cette scène de ventriloquie :

« Le roi, chassant dans la forêt de Fontainebleau, entendit, comme à une demi-lieue de l’endroit où il étoit, des jappements de chiens, le cri et le cors des chasseurs, et, en un moment, tout ce bruit, qui sembloit être éloigné, se présenta à vingt pas de son oreille. Il commanda à M. le comte de Soissons de brousser et pousser en avant pour voir ce que c’étoit, ne présumant pas qu’il pût y avoir des gens assez hardis pour se mêler parmi sa chasse et lui en troubler le passe-temps. Le comte de Soissons, s’avançant, entendit le bruit sans voir d’où il venoit ; un grand homme noir se présenta dans l’épaisseur des broussailles, et cria d’une voix terrible : « M’entendez-vous ? » et soudain disparut. A cette parole, les plus hardis estimèrent imprudence de s’arrêter en cette chasse en laquelle ils ne prirent que de la peur ; et, bien qu’ordinairement elle noue la langue et glace la parole, ils ne laissèrent pourtant pas de raconter cette aventure que plusieurs auroient renvoyée aux fables de Merlin, si la vérité, affirmée par tant de bouches et éclairée par tant d’yeux, n’eût ôté tout sujet d’en douter. Les pasteurs dès environs disent que c’est un esprit qu’ils appellent le grand veneur ; les autres prétendent que c’est la chasse de saint Hubert, qu’on entend aussi en d’autres lieux. »

N’était-ce qu’un jeu, ou était-ce un guet-apens d’orthodoxes pour tuer le roi ? Dans ce dernier cas, suivant la remarque d’un mécréant du dernier siècle, si Henri IV avait eu la curiosité d’avancer, on lui aurait sans doute envoyé une balle, et l’on aurait dit ensuite que, n’étant pas dans le cœur bon catholique, c’était le diable qui l’avait tué.

— Bibliogr. Liste des ouvrages à consulter sur l’histoire de Fontainebleau : le Trésor des merveilles de la maison royale de Fontainebleau, par le R. P. F. Pierre Dan (Paris, 1642, in-fol.) ; Description historique des château, bourg et forêt de Fontainebleau, par l’abbé Guilbert (Paris, . 1731, 2 vol. in-12, plans et fig.) ; la Salamandre, ou l’Histoire abrégée et la description complète de la ville, du palais, des jardins, de la forêt et des environs de Fontainebleau (Fontainebleau, 1837, in-18) ; Fontainebleau, études pittoresques et historiques sur ce château, par A.-L. Castellan (Paris, 1840, 2 vol. in-8o, dont un atlas contenant 85 pl. grav. à l’eau-forte par l’auteur) ; Guide du voyageur dans le château de Fontainebleau, par F. Denecourt (Fontainebleau, 1840, in-8o, avec carte topogr.) ; Guide du voyageur dans le palais et la forêt de Fontainebleau, par F. Denecourt (Fontainebleau, 1840, in-8o, avec cartes) ; Description générale du château de Fontainebleau, avec la notice des tableaux, etc., par F. Denecourt (Fontainebleau, 1842, in-8) ; Souvenirs de Fontainebleau, par Aug. Luchet (Fontainebleau, 1842, in-16) ; Fontainebleau, son château, sa forêt et ses environs, etc., par Amédée Aufauvre (Paris, 1850, in-18) ; Souvenirs historiques des résidences royales de France (t. IV) ; le Palais de Fontainebleau, par J. Vatout (Paris, 1844 et 1852, in-8o) ; Fontainebleau et ses environs, par Fréd. Bernard, dans la collect. des Guides - Cicérone (1853) ; Hommage à CF. Denecourt ; Fontainebleau, paysages, légendes, souvenirs, fantaisies, par Ch. Asselineau, Ph. Audebrand, Th. de Banville, etc., etc. (Paris, 1855, in-18) ; Fontainebleau, son palais, ses jardins, sa forêt, par Adolphe Joanne (Paris, 1856, in-16) ; Dissertation sur la bibliothèque fondée à Fontainebleau par François Ier (Hist. de l’Acad. des inscript, et belles-lettres, t. V, p. 353) ; Promenades dans la forêt de Fontainebleau, par C.-F. Denecourt (Fontainebleau, 1844, in-8o) ; Notice sur quelques objets d’antiquité trouvés dans la forêt de Fontainebleau, par Rataud jeune (Mém. de la Soc. des ant. de France, t. VIII, p. 247) ; Campestre Galliæ miraculum, seu Fons-Bellautius, auctore Salomone Priezaco (Paris, 1647, in-4o) ; Relation véritable, arrivée à Fontainebleau, à l’occasion d’un loup qui est entré dans la chambre d’un gentilhomme de la vénerie du roi (Paris, 1730, in-4o) ; le Général Damesme, statue en bronze inaugurée à Fontainebleau le 24 août 1851, signé : Mansard (Paris, s. d., in-fol., feuille vol., extr. du Palais de cristal) ; Lettres (cinq) aux bons habitants de Fontainebleau, sur des questions d’administration municipale, par Boyard (Melun, 1851-1852, in-18) ; New anecdotes of Fontainebleau (Melun, 1857, in-32) ; Itinéraire géographique de Fontainebleau à Château-Landon, par Héricard Ferrand (Annuaire des mines, 2e série, t. Ier, p. 297).

Fontainebleau (vues prises à), par Théodore Rousseau, Corot, Troyon, Diaz, etc. On peut dire de la forêt de Fontainebleau qu’elle a été l’école où se sont formés, en face de la nature, les plus grands paysagistes du xixe siècle. Aujourd’hui encore, elle est sans cesse visitée, étudiée par les jeunes artistes, et les peintres en renom y viennent fréquemment chercher des inspirations nouvelles. Pas un coin de cette forêt, pas un ravin, pas un plateau, pas une mare, pas un rocher qui n’ait eu les honneurs de la peinture. Des bandes d’artistes ont poussé l’amour des beaux arbres et des aspects pittoresques jusqu’à s’établir, à demeure fixe, dans les villages les plus rapprochés de la forêt, à Barbison, à Chailly, à Marlotte, etc. La colonie de Barbison est restée célèbre. C’est à Chailly que demeurait Decamps, l’illustre artiste qui trouva la mort en faisant une promenade à cheval dans une des parties du bois les plus sauvages.

Théodore Rousseau a été le peintre par excellence de la forêt de Fontainebleau ; il a consacré quelques-unes de ses plus belles toiles à reproduire, tantôt les dessous de bois les plus ombreux, tantôt les grandes allées illuminées par le soleil couchant, tantôt les gorges solitaires, tantôt les mares perdues au milieu des broussailles ; il aimait surtout à peindre les lisières de la forêt, alors que l’automne jetait de belles teintes fauves sur le feuillage des arbres.

Corot a peint de préférence les végétations printanières, d’un vert tendre, avec de légères vapeurs matinales suspendues aux ombrages, comme les flocons de laine blanche que les moutons laissent aux buissons.

Diaz aime à faire scintiller un rayon de lumière à travers les dentelures du feuillage ; ses charmants tableaux nous montrent la nature souriante jusque dans la profondeur des bois.

Beaucoup d’autres paysagistes ont interprété, avec des sentiments divers et un mérité d’exécution plus ou moins remarquable, les beautés pittoresques de la forêt de Fontainebleau. Le Louvre a un intéressant tableau de Bruandet, daté de 1785, et représentant une des routes de la forêt, avec un bûcheron, une bergère et ses moutons et d’autres figures. Boissieu a gravé, en 1764, une vue du grand chemin de Bouron et une vue prise sur la route de Lyon. Mais ce fut surtout après 1830, lorsque le paysage de style commença à être délaissé pour les études d’après nature, que se multiplièrent les vues prises à Fontainebleau. Vers 1840, un aquafortiste de talent, Eugène Bléry, grava, d’une pointe spirituelle et délicate, un assez grand nombre d’études recueillies dans la forêt. On doit aussi à Charles Jacques, une des notabilités de la colonie de Barbison (dont fait également partie François Millet, le peintre des paysans), de charmantes eaux-fortes dont les sujets ont été fournis par cette contrée poétique.

Aux noms des peintres de Fontainebleau que nous avons déjà cités, il faut ajouter ceux de Charles Le Roux, L. Fieury, Troyon, Brissot de Warville, Fiers, L. Leroy, G. Courbet, Jadin, Gaspard Lacroix, Véron, Eugène Lavieille, Wagrez, Thierrée, V. Teinturier, Pron, Boulangé, L. Belly, A. Baudit, F. Blin, Bluhm, Saal, Renié, Saunier, Gab. Prieur, Vuillefroy, Édouard Riou, Defaux, Daubigny, Dagnan, Lapito, Ch. Boulogne, A. Mourlot, G. Chardin, Lanoue, Galetti, Palizi, Allongé, Saint - Marcel, Saiutin, Lapierre, A. de Knyff, etc. Les œuvres de ces divers artistes ont figuré aux expositions officielles des trente dernières années. Les sites représentés le plus fréquemment sont : la mare Appia, les gorges d’Apremont, le rocher d’Avon, le Calvaire, le bornage de Chailly, le mont Chauvet, le plateau de Belle-Croix, les Ecouettes, le carrefour de l’Epine, le rond-point de l’Étoile, la mare aux Fées, les buttes de Franchard, la plaine des grands genévriers, les monts Gérard, la gorge aux Loups, les collines de Jean de Paris, le plateau des Ligueurs, le Long-Rocher, le plateau de Marlotte, le plateau de la Chaise-Marie, le Nid-de-l’Aigle, les rochers aux Nymphes, la Vente à la Reine, etc.

Fontainebleau (traité de), par lequel fut réglée, après les événements de 1814 et sa double abdication, la situation de Napoléon, ainsi que celle de sa famille. Caulaincourt, les maréchaux Ney et Macdonald négocièrent cet acte, de la part de l’empereur déchu, avec les souverains alliés. C’était un dernier témoignage de déférence que ceux-ci accordaient à l’homme qui les avait fait trembler si longtemps. L’orgueil de Napoléon s’en irrita. « À quoi bon un traité, écrivait-il à Caulaincourt, puisqu’on ne veut pas régler avec moi les intérêts de la France ? Du moment qu’il ne s’agit plus que de ma personne, il n’y a pas de traité à faire. Je suis un vaincu. Un simple cartel suffit pour garantir ma liberté. » Puis il envoya le colonel Gourgaud à Paris pour y réclamer son acte d’abdication. « Je ne veux pas de traité pour moi seul, répétait-il à Caulaincourt ; je ne signerai pas ma honte. » On comprend, en effet, que Napoléon ait appréhendé l’impression qu’un acte de cette nature, uniquement consacré à satisfaire des intérêts d’argent, pouvait produire sur l’opinion. « Il avait honte, dit le baron Fain, qu’un si grand sacrifice offert à la paix du monde fût mêlé à des arrangements pécuniaires. » (Manuscrit de 1814). Toutefois, il était trop tard pour revenir sur son abdication, et Gourgaud fit à Paris un voyage inutile. Le 11 avril, le traité fut signé à Paris et il fut apporté le lendemain à Fontainebleau par Caulaincourt. Napoléon ne le ratifia que le 13 avril au matin, après avoir tenté de s’empoisonner la nuit précédente. Voici quelles étaient les principales clauses de ce traité octroyé à celui qui avait été le maître du monde, clauses dont la plupart restèrent inexécutées. On remarquera que les souverains alliés, par un honorable sentiment de délicatesse, conservaient à Napoléon et à Marie-Louise leurs titres d’empereur et d’impératrice ; le gouvernement anglais seul se tint dans la réserve à cet égard, conséquent en cela avec sa conduite politique :

« Article Ier. S. M. l’empereur Napoléon renonce, pour lui et ses successeurs et descendants, ainsi que pour chacun des membres de sa famille, à tout droit de souveraineté et de domination, tant sur l’empire français et le royaume d’Italie que sur tout autre pays.

» Art. 2, LL. MM. l’empereur Napoléon et l’impératrice Marie-Louise conserveront ces titres et qualités pour en jouir leur vie durant. La mère, frères, sœurs, neveux et nièces de l’empereur conserveront également, partout où ils se trouveront, les titres de princes de sa famille.

» Art. 3. L’île d’Elbe, adoptée par S. M. l’empereur Napoléon pour le lieu de son séjour, formera, sa vie durant, une principauté séparée, qui sera possédée par lui en toute souveraineté et propriété. Il sera donné, en outre, en toute propriété à l’empereur Napoléon un revenu annuel de 2 millions de francs en rentes sur le grand-livre de France, dont 1 million réversible à l’impératrice. (Le gouvernement de la Restauration refusa de payer ces 2 millions, dont l’empereur n’a jamais rien touché).

» Art 5. Les duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla seront donnés en toute propriété et souveraineté à S. M. l’impératrice Marie-Louise. Ils passeront à son fils et à sa descendance en ligne directe ; le prince son fils prendra, dès ce moment, le titre de prince de Parme, de Plaisance et de Guastalla.

» Art. 6. Il sera réservé, dans les pays auxquels Napoléon renonce pour lui et sa famille, des domaines, ou donné des rentes sur le grand-livre de France, produisant un revenu annuel net, et déduction faite de toutes charges, de 2,500,000 francs. Ces domaines ou rentes appartiendront en toute propriété, et pour en disposer comme bon leur semblera, aux princes et princesses de sa famille. (Suit la répartition.) Les princes et princesses de la famille de l’empereur Napoléon conserveront, en outre, tous les biens meubles et immeubles, de quelque nature que ce soit, qu’ils possèdent à titre particulier, notamment les rentes dont ils jouissent, également comme particuliers, sur le grand-livre de France ou le Monte-Napoléone de Milan. (Aucune de ces clauses n’a été exécutée.)

» Art. 7. La traitement annuel de l’impératrice Joséphine sera réduit à 1 million en domaines ou en inscriptions sur le grand-livre de France. Elle continuera à jouir en toute propriété de tous ses biens meubles et immeubles particuliers et pourra en disposer conformément aux lois françaises.

» Art. 8. Il sera donné au prince Eugène, vice-roi d’Italie, un établissement convenable hors de France.

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» Art. 17. S. M. l’empereur Napoléon pourra emmener avec lui et conserver pour sa garde 400 hommes de bonne volonté, tant officiers que sous-officiers et soldats.

» Art. 18. Tous les Français qui auront