Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 8, part. 2, Fj-Fris.djvu/128

Cette page n’a pas encore été corrigée

gnard a su rajeunir ce fonds quelque peu banal, au moyen d’une intrigue assez piquante, quoique peu vraisemblable. Albert veut épouser Agathe, sa pupille ; et, pour éloigner les amants, il prend le parti de faire griller son château. Il fait part de ce projet à Lisette, qui, non contente de le désapprouver, en fait encore confidence à sa maîtresse, que l’arrivée d’Eraste, son amant, rassure contre les mauvais procédés de son tuteur. Bientôt Eraste et son valet Crispin paraissent devant le château. Leur présence excite de plus en plus les inquiétudes d’Albert, qui prend le parti de faire poser les grilles sur-le-champ ; et pour que sa pupille ne soit pas témoin de cette opération, il tente de l’éloigner ; mais la présence d’Eraste le détourne de son dessein. Soudain Lisette vient annoncer que sa maîtresse, à l’aspect des grilles, est devenue folle. En effet, elle ne tarde pas à paraître ; et, dans l’excès de sa première folie, qui se traduit par une passion exagérée pour la musique, elle veut faire chanter Albert, et glisse à Eraste un billet doux, sous le prétexte de lui donner sa partie de chant. (On voit que Beaumarchais s’est souvenu de la pièce de Regnard.) Par cette lettre, elle permet à son amant de l’enlever ; mais par malheur l’argent manque : pour s’en procurer, elle se déguise en vieille plaideuse, et en demande à son tuteur, afin de pouvoir poursuivre son affaire : le vieillard qui craint, en le lui refusant, d’irriter sa folie, le lui accorde ; et aussitôt elle le remet à Eraste, qu’elle feint de prendre pour son procureur. Inquiet sur les suites de la maladie de sa pupille, Albert consulte Crispin, qui s’est fait passer pour médecin. Celui-ci promet de la guérir, s’il se trouve un sujet dans lequel il puisse faire passer son mal. Eraste s’offre ; bientôt Agathe reparaît en habit de dragon : Crispin met la main de la belle dans celle de son amant. Alors elle feint de reprendre son bon sens, et Eraste fait semblant de devenir fou. Dans son prétendu délire, il tire son épée et fond sur Albert, qui, pour le calmer, court chez lui chercher une fiole d’élixir ; les amants profitent de son absence pour s’enfuir ; et, quand il arrive, ils sont déjà loin. Alors, il reconnaît, mais trop tard, qu’il a été dupe de leur stratagème.

Le prologue, comme la préface d’un livre, est fait pour justifier les défauts de l’ouvrage. La cause de l’auteur a été gagnée grâce à l’extrême gaieté qu’il a répandue dans sa pièce, très-souvent jouée, mais sans le divertissement qui l’accompagne. « Cette petite farce de Regnard, dit Geoffroy, est pleine de verve et d’originalité. Depuis "qu’on met des tuteurs et des pupilles sur la scène, on n’a rien fait de plus vif, de plus enjoué, de plus comique que les Folies amoureuses ; mais dans l’École des femmes et dans celle des maris, Molière a le grand avantage de réunir le comique au bon sens, et la gaieté à la peinture des mœurs. »

Folie ({{sc|une}, comédie en deux actes et en prose, mêlée d’ariettes, paroles de Bouilly, musique de Méhul, représentée sur le théâtre de l’Opéra-Comique le 4 avril 1802. Cerberti, peintre d’histoire, est le tuteur d’Armantine, jeune personne qui lui sert de modèle pour ses tableaux et qu’il veut épouser. Florival, capitaine de hussards, loge dans le voisinage d’Armantine : il ne l’a jamais vue ; mais il l’a entendue chanter, et il en est devenu amoureux. Occupé des moyens de pénétrer chez elle, il apprend que Wermenser, peintre allemand, doit venir voir Cerberti ; il se déguise, se présente chez le tuteur qui l’interroge, le trouve en défaut dans ses réponses, et l’éconduit. Le hasard veut que Francisque, le factotum du peintre, attende ce jour-là même, de Picardie, Jacquinet, un filleul qu’il n’a jamais vu. Ce Jacquinet arrive au moment où Florival et Carlin, son valet, déplorent ensemble le peu de succès de leur première tentative. Le filleul est un niais, qui prend Florival pour M. Cerberti, et Carlin pour son parrain, et leur remet la lettre dont il est chargé. Pendant qu’il est sorti pour aller chercher le reste de ses effets, Carlin se revêt d’habits qu’il trouve dans un sac de nuit et, muni des lettres qu’il a entre les mains, se présente à Francisque, l’embrasse et remet à Cerberti, avec une missive du curé de Jacquinet, vingt louis qui lui sont dus pour un tableau. En vain le filleul paraît-il quelques instants après, son parrain le repousse, et Cerberti le menace. Carlin voudrait bien introduire son maître chez Armantine. Il lui jette une échelle, à l’aide de laquelle Florival monte et arrive dans la maison de Cerberti, au moment où Francisque vient d’amener au peintre un soldat qui doit lui servir de modèle pour un tableau représentant Bayard aux pieds de madame de. Randan. Le soldat reconnaît en Florival son capitaine, lui cède la place et saute par la fenêtre qui a favorisé l’entrée du jeune amant. Francisque, en rentrant, ne s’aperçoit pas de la substitution, et Armantine, avertie, consent de bonne grâce à servir aussi de modèle. Le vieux peintre pose les amants dans l’attitude convenable à son tableau : ils profitent du moment pour se faire une déclaration mutuelle. Florival, sûr de l’aveu d’Armantine, se découvre et obtient la main de sa maîtresse. Méhul tira- admirablement parti de cette donnée bouffe. Sa partition étincelle de verve et de jeunesse, ce qui ne l’empêche pas de trouver, au besoin, des accents attendris. Cet opéra resta au répertoire, et a été repris en 1842.

Nous allons reproduire ici le rondeau d’Une folie.


On ne sau - rait trop em- bel -

- lir Le court es - pa - ce de la

vi - e. On ne sau - rait

trop em - bel - lir Le court es -

- pa - ce de la vi- e. Pour

moi, je veux le par - cou-

- rir A - vec l'a - mour

et la fo - li - e;Pour moi, je

veux le par - cou - rir A -

- vec l'a - mour et la fo -

- li - e, A - vec l'a - mour et

- la fo - lie , A - vec l'a -

- mour et la fo - li - e,

Du temps ra pi - de

qui s'en - fuit Rien n'é -

- chappe à la faux cru - el - le;Sou-

- vent el-l fra- pe et dé -

- truit Jus - qu'à la

fleur la plus

nou - vel - - - le.

Empressons-nous donc de jou -

ir Du char- me heu- reux de

la jeu - nes - se, Et mé-na-

- geons un sou - ve - nir Qui

vient é- gay - er la vieil - les -

- se; Et mé- na - geons

un sou - ve - nir Qui vient é- gay-

- er la vieil - les - se.

Pour finir, après la dernière reprise du refrain, on ajoute au signe  :

- li - e! A - vec l'a -

- mour et la fo - li - e!

Folie. Iconogr. Les anciens pensaient qu’il fallait être fou pour s’occuper à critiquer les actions d’autrui : aussi représentaient-ils Momus, dieu de la raillerie, avec une marotte à la main. La marotte a été de tout temps l’attribut et, pour ainsi dire, l’arme des fous : les miniatures du moyen âge nous montrent les « fols en titre d’office » tenant une marotte et ayant un vêtement multicolore avec capuchon ramené sur le front. L’habit de différentes couleurs, garni de grelots, a été donné par les artistes modernes aux figures allégoriques de la Folie. Jordaens a représenté la Folie sous les traits d’une vieille femme riant aux éclats, coiffée d’un bonnet à grelots et tenant un chat ; cette composition a été gravée par P. de Jode le jeune. Une autre estampe de ce dernier, gravée d’après le même maître, nous montre un bouffon tenant une chouette et ayant derrière lui une femme qui rit. Jean Lepautre a gravé, vers le milieu du xviie siècle, une série de dix planches fort curieuses sous ce titre : le Tableau de la Folie. On a du même artiste une estampe où l’on voit la Folie dans un char de triomphe. Ch. Eisen a représenté la Folie sur son trône, entourée de six petits enfants (gravé par J.-J. Flipart), et la Folie offrant sa marotte à Minerve {gravé par J. Barbie). Citons, parmi les autres représentations allégoriques de la Folie, une estampe de F. Janinet d’après H. Fragonard ; une gravure de P. Aveline d’après C. Visscher ; une grisaille rehaussée d’or (émail de Limoges) par J. Landin, au musée de Cluny, etc. Une estampe d’Is. von Mechenen représente un Fou ; une autre de Nicolas de Bruyn (vers 1600), un Fou se laissant entraîner au bain par deux femmes impudiques. Une pièce libre de B. Beham (xvie siècle) nous montre un Fou aux prises avec une femme. Jean Aubert a gravé, d’après C. Bloemaert, le Fou de carnaval ; Pierre Bertrand (xvie siècle), l’Académie des folz (fous) et le Divertissement des folz. La jolie fable de La Fontaine, le Fou qui vend la sagesse, a inspiré plusieurs peintres, entre autres M. Leray, dont le tableau a été exposé au Salon de 1853 et a été lithographié par M. P.-A. Lamy, et M. Fichel, dont la composition, finement exécutée, a paru au Salon de 1859.

Horace Vernet a peint la Folle par amour. M. Ant. Galli a représenté le même sujet par une statue de marbre (Exposition universelle 1855). Un tableau très-réaliste de M. Arnaud Gautier, représentant les Folles de la Salpêtrière, a été exposé au Salon de 1857. N’oublions pas les dessins qu’Holbein a faits pour le célèbre ouvrage de son ami Érasme, l’Éloge de la Folie ; ils ont été gravés récemment pour la belle édition que M. Jouaust a donnée du traité du philosophe de Rotterdam.

Folies-Dramatiques (THÉÂTRE DES), situé naguère sur le boulevard du Temple, et transféré depuis la destruction de ce boulevard rue de Bondy, à deux pas de l’Ambigu-Comique. Fondé en 1831, ce théâtre fut construit sur l’emplacement occupé précédemment par l’Ambigu, avant l’incendie qui détruisit ce dernier. Son directeur était Mourier, homme actif et expérimenté, qui tout d’abord ne sembla pas devoir réussir avec éclat, mais qui par la suite en fit la meilleure de toutes les scènes secondaires de Paris. Les artistes qui composaient alors sa troupe étaient Lajariette, Palaiseau, Rébard, Saint-Mars, Neuville, Jules Juteau, Masquil- fier,Villars, Patonnelle, Milher ; Mmes Houdry, Adèle Amand, Nathalie, Sophie, Delille, Anaïs Henry, Fanny Blanc, Laurence, Valentine, etc. Bientôt Odry, momentanément brouillé avec les Variétés, vint y donner quelques représentations qui attirèrent l’attention sur cette petite scène. Mais ce qui la mit hors de pair et amena réellement le public à ce théâtre, jusqu’alors perdu et comme égaré au milieu des scènes voisines, ce fut la fameuse pièce de Robert-Macaire, qui fit courir tout Paris et que notre grand comédien Frédérik-Lemaître vint y jouer avec la supériorité qu’il apportait dans toutes ses créations. Robert-Macaire produisit une série de fructueuses et brillantes recettes ; mais on pouvait supposer que la pièce et le grand comédien disparaissant à la fois, le théâtre allait retomber dans l’oubli. Il n’en fut rien pourtant, et grâce à l’intelligence de Mourier, les Folies-Dramatiques surent profiter de ce succès pour s’établir complètement, et avec des allures modestes, dans les bonnes grâces du public. À l’aide d’une troupe choisie, d’un répertoire composé de pièces toujours honnêtes et pleines d’un intérêt soutenu, le directeur finit par se former une véritable clientèle, et gagna dans son entreprise, tout en faisant convenablement vivre ses artistes et ses employés, une fortune considérable.

On ne jouait aux Folies-Dramatiques que le vaudeville et le drame-vaudeville, en un, deux ou trois actes, mais toujours mêlé de couplets. Parmi les pièces de ce genre, très-nombreuses, qui se sont succédé à ce théâtre, et que le directeur, par suite d’un principe peut-être sage, ne voulait jamais jouer plus de trente ou quarante fois, nous citerons : les Aventures de Jovial, la Cocarde tricolore, la Laitière de Belleville, le Parc aux cerfs ou la Fiancée de Chevreuse, Mon oncle Thomas, la Courte paille, les Cuisinières, l’Amour el les farces, le Marquis d’autrefois, le Couvent de Tounington ou l’Amitié d’une jeune fille, Mina l’Alsacienne, la Fille de l’air, le Royaume des femmes, Pauvre Jeanne, le Ver luisant, Une mauvaise nuit est bientôt passée, etc., etc. Les auteurs qui fournissaient habituellement le théâtre n’étaient autres que MM. Paul de Kock, Cogniard frères, Benjamin Antier, Rougemont, Honoré, Francis Cornu, Alexis de Comberousse, Emile Vanderburgh, Leroy de Bacre, Dumersan, Brazier, Valory, Michel Masson, de Livry, Frédéric de Courey, Ferdinand de Villeneuve, Maurice Alhoy, Théaulon, Saint-Amand, Bignon, etc., etc.

Quant aux comédiens, la plupart se sont fait depuis un nom sur des scènes beaucoup plus élevées. Nous citerons particulièrement Mmes Judith, Nathalie et Théodorine Mélingue, qui ont fait tes beaux jours du Théâtre-Français ; MM. Lassagne, Grassot, Rébard, Brasseur, Serres, Boisselot, Alexandre Guyon, Christian, Heuzey, Villars, qui s’en allèrent ensuite, soit aux Variétés, soit au Vaudeville, soit au Palais-Royal ; enfin, Mmes Léontine, Angélina Legros, Duplessy, etc., etc.

À la mort de Mourier, qui arriva vers 1858, M. Harel fils obtint le privilège des Folies-Dramatiques ; mais, voulant donner à ce théâtre un essor dont il n’est pas susceptible, et ne sachant pas, comme son prédécesseur, borner son ambition, il en augmenta trop les frais et rendit sa situation impossible. M. Harel, malgré des efforts surhumains, dut abandonner son entreprise au bout de quelques années, et celle-ci tomba alors entre les mains de M. Moreau-Sainti, qui en prit possession dans le cours de l’année 1867. M. Moreau-Sainti se lança presque aussitôt dans le genre de la grande opérette, de la pièce musicale à spectacle et à développements, à l’instar des Variétés, et remporta de très-grands succès avec trois pièces de M. Hervé : l’Œil crevé, Chilpéric et le petit Faust. Le théâtre des Folies-Dramatiques appartient aujourd’hui à M. Cantin.

Folies-Marigny (THÉÂTRE DES). Ce théâtre, l’un des plus petits, mais aussi l’un des plus mignons et des plus coquets de Paris, tire son nom de l’endroit où il est situé (Champs-Élysées, carré Marigny). Construit, peu de temps après la révolution de 1848, pour les séances d’un prestidigitateur nommé Lacaze, il ne lui servit pas longtemps. Un artiste énergique et persévérant, lequel, ainsi que Jérôme Paturot, était depuis longtemps à la recherche d’une position sociale, conçut alors l’idée d’utiliser ce modeste édifice. Il demanda et obtint le privilège d’un théâtricule lyrique. Cet artiste, dont le nom était alors parfaitement inconnu, s’appelait Jacques Offenbach, et ce théâtre, ce fut les Bouffes-Parisiens. Tous deux ont fait du chemin depuis ! Les Bouffes et leur imprésario ne restèrent pas longtemps aux Champs-Élysées, et vinrent bientôt élire domicile au passage Choiseul. Le petit théâtre du carré Marigny passa alors entre les mains de M. Deburau, fils et successeur du célèbre mime de ce nom, et devint le Théâtre-Deburau. Les Bouffes avaient joué l’opérette et la pantomime, le Théâtre-Deburau joua la pantomime et l’opérette ; mais l’entreprise ne réussit que médiocrement. Mme Lionel de Chabrillan (lisez Mogador), succéda bientôt à M. Deburau, et rouvrit la petite bonbonnière, à laquelle elle donna le nom de théâtre des Champs-Élysées. Un peu plus tard, M. Eugène Moniot remplaça comme directeur Mme Lionel ; celle-ci avait fait jouer des pièces de son cru,