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Sur une étoffe de soie rose, glacée d’argent, était tendue une mousseline des Indes, parsemée d’étoiles et de rosaces d’or. La draperie, garnie de point d’Angleterre, avait, à chaque relevé, un gros bouquet de roses ; au-dessus, des Amours attachaient des écharpes de gaze d’or et d’argent, soutenues par des cordes et des glands pareils, etc. Le lit surpassait tout ce que l’on peut imaginer ; tout y était disposé pour porter la surexcitation des sens à son développement le plus énergique. Le petit salon servant de boudoir, avec son lit de repos faisant le tour de la pièce, ses statues, ses groupes, ses tableaux, représentant tous les égarements possibles de la passion, se prétait mieux encore peut-être aux raffinements calculés des plaisirs mystérieux. Une porte donnait entrée dans une salle de bains, rotonde soutenue par des colonnes de marbre blanc, détachées sur un lambris de marbre noir antique ; quatre satyres, scandaleusement armés, soutenaient un pavillon sous lequel on pouvait à volonté disparaître quand on descendait dans la cuve. Des robinets, l’un d’or, celui de l’eau chaude, l’autre d’argent, celui de l’eau froide, se dressaient en forme de serpents humains, et la portion par laquelle il fallait les saisir pour leur faire dégorger les trésors liquides qu’ils contenaient devait exciter des vœux étranges et de monstrueux désirs chez les femmes que l’on invitait à les toucher pour faire jaillir l’eau par la compression d’un ressort. Cette pièce était un laboratoire où la virginité perdue retrouvait ses illusions, où la vigueur énervée reprenait des forces nouvelles ; c’était un arsenal toujours prêt à fournir des munitions aux désirs : pastilles, élixirs, eaux et pâtes, philtres secrets ; vêtements à l’aide desquels on se procurait des illusions variées, qui mettaient le maître du lieu en présence d’une déesse, d’une bourgeoise, d’une religieuse, d’une bergère ; ceintures de chasteté, masques, etc., rien ne manquait à cette salle de bains, véritable cabinet de toilette, où le libertinage le plus effréné avait fait élection de domicile. Qu’on ajoute à cela mille choses secrètes dont on ne saurait parler sans rougir.

Voilà ce qu’on appelait petite maison, et ce qu’on nomma ensuite folie. Celle dont nous venons d’esquisser l’intérieur n’était pas la moins importante. « C’est un écrin d’un luxe inimaginable, dit le rapport de police. Le propriétaire a vendu deux belles terres pour compléter sa folie. » Nous avons laissé de côté le jardin, qui présentait des sites féeriques, une rivière factice, des îles délicieuses, etc. ; l’auteur du rapport en fait une description longue et minutieuse, qu’il termine de la façon suivante : « C’est dans ce lieu, monseigneur, asile de tant de mystère, dont la police a quelquefois le mot, mais dont elle ne peut murmurer la moindre syllable, que se vendent les vertus, que les séductions se consomment, que se tiennent, enfin, les cours de volupté. »

Ces temples de l’orgie, dont on a tant parlé et que l’on a presque toujours si peu exactement décrits, ont disparu peu à peu sous la pioche des démolisseurs à partir de 1789, et les honteux souvenirs qu’ils ont laissés dans l’histoire de nos mœurs ne nous les font pas regretter. Au point de vue du pittoresque, les artistes et les romanciers pourront longtemps encore se complaire à en retracer sans amertume le luxe outrageant et le dégoûtant mystère, mais il en sera autrement de l’historien et du moraliste. Ceux-ci n’y pourront jamais trouver que des motifs de plus d’applaudir à une heureuse Révolution qui sauva nos mœurs et vengea la pudeur d’attentats qui se produisaient au grand jour, sans craindre aucune des lois et comme pour narguer effrontément un peuple affamé, malmené, vexé, jugé bon tout au plus à fournir des bêtes de somme pour le service d’oisifs libertins ; pauvre peuple laborieux et patient, dont les enfants n’avaient le plus souvent en expectative que misère et corvée pour les hommes, prostitution pour les femmes.

— Bibliogr. Casus aliqitot notabiles egratorum mente alienatorum aut perversorum (Halle, 1737, in-4o) : Bœhmuis, Dissertatio inauguralis philosopkica exhibens statum furiosorum in paroxysmo constitutorum (Marbourg, 1740, in-4o) ; Quelmaz, De epidemica mentis alienatione (Leipzig, 1752, in-4o) ; Gœrner, De insania (Erfurt, 1753, in-4o) ; Muller, De dieta et curatione imbecilium (Halle, 1758, in-4o) ; Meckel, Recherches anatomo-physiologiques sur les causes de la folie qui viennent du vice des parties internes du corps humain, dans les Mémoires de l’Académie des sciences de Berlin (Paris, 1770, in-4o) ; De Beausobre, Réflexions sur la nature et les causes de la folie (Paris, 1770) ; Duncan, Tentamen medicum de insania (Édimbourg, 1787, in-8o) ; Masuis, De vesanis in genere, et præsertim de insania universali, commentatio medico-physiologica (Gœttingue, 1796, in-8o) ; Thomann, Commentatio de mania et amenia (Vurzbourg, 1798, in-4o) ; De la Rive, Lettre sur un nouvel établissement pour la guérison des aliénés (1798, in-8o) ; Chrichton, An inquiry into the nature and origin of mental derangement, comprehending a concise System of the physiology and pathology of the human mind and a history of the passions and their effects (Londres, 1789, 2 vol. in-8o) ; Piael, Mémoire sur la manie périodique ou intermittente, dans les Mémoires de la Société médicale d’émulation (Paris, an VI) ; Pinel, Recherches et observations sur le traitement moral des aliénés (Paris, an VII) ; Pinel, Observations sur les aliénés et leur division en espèces distinctes (Paris, an VIII) ; Pinel, Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ou la manie(Paris, 1800, in-8o) ; Gogan, An ethical treatise on the passions (Bath, 1803) ; Reil, Rapsodien Hber die anwendung der psychischen curmethode auf geisterzerruettungen (Halle, 1803} ; Arnold, Observations on the nature, kinds, causes and prevention of insanity (Londres, 1806, in-8o, 2e édit.) ; Amard, Traité analytique de la folie (Lyon, 1807, in-8o) ; Haslam, Observations on madness and melancholy (Londres, 1809, in-8o) ; Hallaran, An inquiry in to the causes producing the extraordinary addition to the number of insane together with intended observations on cure of insanity (Londres, 1810, in-8o) ; Cos, Practical observations on the insanity and considérations on the manner of treating disease on the human mind (Londres, 1813, in-80, 2eédit.) ; Hill, Essay on the prevention and cure of insanity (Londres, 1814, in-8o) ; Jacquelin-Dubuisson, Des vésanies ou maladies mentales (Paris, 1816, in-8o) ; Perfect, Annals of insanity, cases in the different species of lunacy, melancholy or madness ; Esquirol, Mémoire sur les crises de l’aliénation mentale, dans le Journal de médecine de Sédillot (1804) ; Esquirol, article Folie dans le Dictionnaire des sciences médicales (1817), Georget, Traité de la folie (Paris, 1827, in-8o) ; Georget, article Folie, dans le Nouveau dictionnaire de médecine (1824, 21 vol.) ; Georget, Examen médical de plusieurs procès criminel (Paris, 1825, in-8o) ; Falret, Du suicide de l’hypocondrie (Paris, 1822, in-8o) ; Hoffbauer, Médecine légale relative aux aliénés, trad. de l’allemand par Charabeiron (Paris, 1826, in-8o) ; Voisin, Des causes morales et physiques des maladies mentales (Paris, 1826, in-8o) ; Bouchet, De l’épilepsie considérée dans ses rapports avec l’aliénation mentale (Paris, 1826, in-8o) ; Calmeil, De la paralysie considérée chez les aliénés (Paris, 1826, in-8o) ; Bayle, Traité des maladies du cerveau (Paris, 1826, in-8o) ; Delaye, Dissertation sur la paralysie des aliénés (Paris, 1825) ; Foville, article aliénation mentale, dans le Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques (Paris, 1829, in-8o) ; Guislain, Traité sur l’aliénation mentale et sur les hospices d’aliénés (Paris, 1826, 2 vol. in-8o) ; Esquirol, Des maladies mentales(Paris, 1838, 2 vol. in-8o) ; Marc, De la folie considérée dans ses rapports avec les questions médico-judiciaires (Paris, 1840, 2 vol. in-8o) ; Calmeil, De la folie (Paris, 1845, 2 vol. in-8o) ; Leuret, Fragments psychologiques sur la folie (1834, in-8o) ; Leuret, Traitement moral de la folie (Paris, 1840, in-8o) ; Lélut, Instructions sur la valeur des altérations de l’encéphale dans le délire aigu et la folie (1836, in-8o) ; Parchappe, Recherches statistiques sur les causes de l’aliénation mentale (Paris, 1839, in-8o) ; Parchappe, Traité de la folie (Paris, 1841, in-8o) ; Parchappe, Altérations de l’encéphale dans l’aliénation mentale (Paris, 1838, in-8o) ; Belhomme, Appréciation de la folie, sa localisation et son traitement (Paris, 1848, in-8o) ; Trélat, Recherches historiques sur la folie (Paris, 1839, in-8o) ; Ferrus, Des aliénés, considérations sur l’état des maisons qui leur sont destinées (Paris, 1834, in-8o) ; Aubanel etThore, Recherches statistiques sur l’aliénation (Paris, 1841, in-8o) ; Falret, Considérations sur les maladies mentales (Paris, 1843, in-8o) ; Voisin, Causes physiques et morales de l’aliénation mentale (Paris, 1826, in-8o) ; Voisin, Traitement intelligent de la folie (Paris, 1847, in-8o) ; Moreau, Du hachich et de l’aliénation mentale (Paris, 1845, in-8o) ; Brière de Boismond, Maladies mentales, dans la Bibliothèque du médecin pratique (1845) ; Brière de Boismond, De l’emploi des bains prolongés et de l’irrigation continue dans les formes aiguës de la folie et de la manie (1847, in-4o) ; Brière de Boismond, Des hallucinations, ou Histoire des apparitions, des songes, de l’extase (Paris, 1852, in-8o, 2e édit.) ; Guislain, Leçons sur les phrénopathies, ou Traité des maladies mentales (1853, 3 vol. in-8o) ; Brière de Boismond, Du suicide et de la folie-suicide, considérés dans leurs rapports avec la statistique, la médecine et la philosophie (Paris, 1856, in-8o) ; Sause, Études médico-psychologiques sur la folie (in-8o) ; Laurent, Simulation de la folie, étude médico-légale sur les considérations cliniques et pratiques, à l’usage des médecins experts, des magistrats et des jurisconsultes (Paris, 1866, in-8o) ; Legrand Du Saulle, La folie devant les tribunaux, couronné par l’Institut (Paris, 1866, in-8o) ; Bonnet, l’Aliéné devant lui-même (Paris, 1866, in-8o) ; Girard de Cailleux, Spécimen du budget d’un asile d’aliénés (Paris, 1855, in-°4) ; Parchappe, Sur les différents modes d’assistance des aliénés (Paris, 1855, in-8o) ; Morel, Traité de la médecine légale des aliénés (Paris, 1866, in-8o) ; Morel, Traité des maladies mentales (1866, in-8o) ; Legrand Du Saulle, Études médicolégales sur la folie paralytique (Paris, 1866, in-8o) ; Lunier, Études sur les maladies mentales et sur les asiles d’aliénés (Paris, 1868, in-8o) ; Lunier, Des placements volontaires dans les asiles d’aliénés (Paris, 1868, in-8o) ; Lunier, Des aliénés dangereux (Paris, 1869 ; Berthier, Excursions scientifiques dans les asiles d’aliénés (Paris, 1862-1867,4 vol. in-8o) ; Berthier, Erreurs relatives à la folie (Paris, 1863, in-8o) ; Delasiauve, Journal de médecine mentale, paraissant mensuellement depuis 1861 : Baillarger, Cerise, Brière de Boismond, Longet, Moreau de Tours, Lunier ; Annales médico-psychologiques, paraissant depuis 1843, continué sans interruption jusqu’à nos jours.

Allus. hist. Folié simulée de Brutus, Trait de la vie du premier Brutus, qui dissimulait ses projets sous une feinte imbécillité, pour échapper aux craintes soupçonneuses de Tarquin le Superbe. Les applications que l’on en fait sont faciles à comprendre.

« Ne frissonnez-vous pas quelquefois quand
ces figures serviles frétillent autour de vous
avec une bassesse presque ironique, et qu’il
vous vient tout d’un coup à l’esprit que c’est
peut-être une ruse ; que ce malheureux qui
se démène d’un air si niaisement absolutiste
ou si bestialement obéissant est peut-être un
Brutus qui dissimule ? »
Henri Heine.
« Marat s’était fait cynique pour pénétrer
plus bas dans les masses. Il avait inventé la
langue des forcenés. Comme le premier Brutus,
il contrefaisait le fou
, mais ce n’était pas
pour sauver sa patrie, c’était pour la pousser
à tous tes vertiges et pour la tyranniser par
sa propre démence. »
Lamartine.
« Oui, j’étais républicain, s’écriait Oscar,
avant, pendant, après, toujours ; républicain
de tempérament, républicain de naissance,
tout ce qu’il y a de plus républicain. — Tu te
cachais donc bien, alors ! — C’est !e propre
des convictions profondes, mon cher ; elles
échappent à l’œil nu. Consultez l’histoire.-Toi
si gai, si insouciant, avais-tu seulement
une opinion ? Les fous en ont-ils ? — Folie de
Brutus, Paturot. Stratagème des grandes passions
de l’âme ! »
Louis Retbaud.

Folie (Éloge de la), ouvrage satirique d’Érasme, publié à Bâle en 1501. Ce livre, écrit avec beaucoup de recherche, dans un latin savant, est une galerie critique des différents états, des diverses classes de la société, au temps d’Érasme. La Folie, sous les traits d’une femme portant de longues oreilles qui se terminent par des grelots, monte en chaire et renvoie à toutes les professions sa qualification de Folie. Le clergé a la meilleure part du sermon. Depuis le moine jusqu’au pape, toute la hiérarchie sacerdotale reçoit de la Folie des leçons d’ailleurs circonspectes, surtout quand elle arrive aux premiers degrés, qu’elle touche à la mitre et à la pourpre. Pour l’auteur, l’Éloge de la Folie est une véritable profession de foi, sous une forme satirique ; Érasme essaye de faire comprendre la nécessité d’une réforme disciplinaire, et non l’abolition des dogmes établis. En passant sa revue bouffonne, la Folie se moque d’abord de la scolastique : « Parlerai-je des théologiens ? Ce ne sera pas sans crainte : la matière est délicate, et il vaudrait peut-être mieux ne pas toucher cette corde-là. Ces interprètes de la langue céleste prennent feu comme le salpêtre ; ils ont le sourcil terrible ; bref, ce sont de dangereux ennemis. Ils se jettent sur vous comme des ours en fureur, et ne lâchent prise qu’après vous avoir obligé, par une enfilade de conséquences bonnes ou mauvaises, a vous faire chanter la palinodie. C’est en criant : À l’hérétique, à l’athée ! qu’ils font trembler ceux qu’ils n’aiment pas… Comme si ces anges corporels étaient établis dans le troisième ciel, ils regardent du faîte de leur grandeur tous les mortels comme des bêtes rampantes, et les prennent en pitié : environnés d’une troupe de définitions magistrales, de conclusions, de corollaires, de propositions explicites et implicites, ce qui compose la milice de l’école sacrée, ils trouvent tant de moyens d’échapper, que Vulcain même ne pourrait les retenir, eût-il le filet dont il se servit pour montrer aux dieux sa nouvelle paire de cornes. »

La Folie passe à un autre ordre de justiciables, les moines. « À la suite des théologiens paraît la meilleure espèce du genre animal : ce sont ces séquestrés qu’on appelle religieux et moines. Ce ne peut être que par un grand abus qu’on les nomme ainsi ; car il n’y a pas de gens qui aiment moins la religion ; et depuis que moine signifie solitaire, à qui ce nom peut-il convenir plus mal qu’à des hommes que l’on rencontre partout ? Que deviendraient-ils sans mon secours, ces pauvres pourceaux de Dieu ?… Il en est parmi ces révérends qui montrent l’habit de pénitence et de mortifications, mais qui se gardent bien de laisser voir leur chemise fine ; d’autres, au contraire, portent la chemise sur l’habit et la laine dessous. Les plus réjouissants, à mon avis, sont ceux qui, à la vue des espèces monnayées, reculent comme devant une herbe vénéneuse : « Otez, ôtez ! s’écrient-ils, nous ne touchons » point l’argent ! » Oh ! les cafards, ils n’épargnent pas leurs cinq sous pour les femmes et le vin ! Enfin, vous ne sauriez croire combien ils s’étudient à se distinguer en tout les uns des autres. Imiter Jésus-Christ, c’est de quoi ils se soucient le moins… •

Les évêques, les cardinaux, le pape, reçoivent des admonestations plus réservées ; mais ces récriminations plus discrètes de la Folie ne souffrent pas de réplique, et quand on voudra mettre en pleine lumière le sensualisme, l’orgueil et la simonie du clergé supérieur, il suffira de reproduire les raisons concluantes d’Érasme. Pourquoi ce luxe, ce bien-être, ces gros revenus, cet étalage mondain et cet attirail princier, si l’on prétend représenter Jésus-Christ et les apôtres ? Pourquoi les serviteurs et les vicaires de Jésus-Christ, ne se conforment-ils pas à la vie de Dieu leur maître ? Pourquoi les pasteurs du troupeau ne pratiquent-ils pas sa pauvreté, ses travaux, sa doctrine, son mépris du monde ?

Le petit livre d’Érasme a été joyeusement commenté par le crayon d’Holbein ; il faut le lire surtout dans l’édition de Bâle, où les dessins sont mêlés au texte. Les personnages d’Érasme, un peu embarrassés dans les périodes latines, s’agitent et s’animent dans l’œuvre d’Holbein. Cet Éloge de la Folie eut un succès prodigieux ; les rois et les évêques l’honorèrent de leur approbation. Léon X lui-même, qui s’était fort amusé de cette lecture, dit en riant : « Notre Érasme a aussi un coin de folie. » Cet Éloge de la Folie (Encoviium mariæ), plusieurs fois imprimé en latin, a été souvent traduit en français, et si fréquemment qu’il est inutile de citer les traducteurs. En quelques mois seulement, on dut en donner sept éditions.

Folie (des symptômes intellectuels de la), par Eugène Sémérie, docteur en médecine (Paris, 1808). C’est une thèse dédiée à M. Pierre Laffitte, chef de l’école religieuse positiviste. L’auteur fait une profession de foi sans réserve, et présente son travail comme une application du positivisme à l’étude de l’aliénation mentale. Mais ce qu’il y a de curieux, c’est que M. Sémérie suit une méthode diamétralement contraire à sa propre théorie. L’un de ses principes est la subordination du cerveau aux phénomènes objectifs, et cependant sa thèse est toute psychologique et ne renferme rien de médical, si ce n’est des observations psychologiques sur les aliénés. Un autre de ses principes est la proscription de l’hypothèse gratuite ; il voit, avec raison, un caractère mental de la folie dans la construction des hypothèses arbitraires et dans la foi que leur prête l’aliéné ; mais lui-même propose un système conçu gratuitement, une induction tirée de faits dont il n’envisage que certains éléments, qu’il interprète et qu’il généralise. Il aurait besoin d’invoquer le bénéfice d’un critère dont la recherche ne paraît pas l’avoir occupé, d’un critère apte à faire distinguer entre les hypothèses et systèmes gratuits des fous, et les hypothèses et systèmes gratuits des savants et des philosophes qui ne sont pas fous.

Suivant M. Sémérie, l’évolution mentale de l’individu ne diffère pas essentiellement de celle de l’espèce, c’est-à-dire qu’elle se produit en allant de l’état théologique à l’état métaphysique, et de l’état métaphysique à l’état positif. L’enfant est théologien et commence par le fétichisme, quelle que soit son éducation ; puis la décadence sénile reproduit, mais en sens inverse, la marche ascendante, « de manière à former une véritable courbe dont l’équation pourrait être trouvée, si les phénomènes étaient moins compliquées, ou si notre force cérébrale était plus grande. »

Les cellules de la substance grise des circonvolutions cérébrales ont, au dire de M. Sémérie, une subjectivité normale qui leur est propre. La folie consiste en une exagération de cette subjectivité. Les images subjectives deviennent prépondérantes et donnent lieu à l’hallucination, puis à l’incohérence des idées. Les hypothèses qui suivent les images pour les expliquer sont arbitraires, et plus compliquées qu’à l’état normal, mais elles se transforment suivant une loi et redescendent progressivement de l’état positif à l’état fétichique en parcourant les degrés intermédiaires. La guérison suit une marche inverse. Auguste Comte a observé cette loi sur lui-même. Son cas est une des observations recueillies par M. Sémérie.

La dernière proposition de M. Sémérie est celle-ci : « L’état théologico-métaphysique est une prédisposition à la folie. Le fétichisme y expose moins. Le positivisme est, au contraire, une condition de santé intellectuelle et morale. » Sur cela, nous proposerions à M. Sémérie ce problème intéressant, si son école ne s’interdisait la recherche des causes : Nul philosophe renommé n’est devenu fou ; le fondateur du positivisme a été atteint d’aliénation mentale : pourquoi ?

Cette thèse, antérieure à celle de M. Grenier, a fait du bruit à la même époque, dans des circonstances qu’on n’a pas encore oubliées. M. Sémérie, attaqué par l’évêque d’Orléans, lui a répondu avec force et talent : Simple réponse à M. Dupanloup, par E. Sémérie, suivie d’une lettre de M. le docteur Onimus (Paris, Armand Le Chevalier).

Folies amoureuses (les), comédie en trois actes, en vers, de Regnard, représentée en 1704. Le sujet de cette comédie ne se distingue pas par la nouveauté : comme dans l’École des maris, et plus tard dans le Barbier de Séville, nous voyons une jeune fille berner son tuteur, vieux, quinteux et jaloux. Re-