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Les principales formes de la folie sont au nombre de neuf : l° délire aigu ; 2° folie commune ; 3° folie puerpérale ; 4° folie alcoolique ; 5° folie paralytique ; 6° folie épileptique ; 7° folie hystérique ; 8° démence ; 9° idiotie.

Délire aigu. Pour la description de cette forme assez commune de la folie, nous renvoyons le lecteur au mot délire.

Folie commune. C’est à cette forme qu’appartient en propre le nom de folie. Il est très-difficile d’en donner une idée exacte, et d’en tracer une image satisfaisante ; car elle se compose d’une foule de variétés qui ne sont pas moins différentes par les symptômes que par la marche. Au point de vue symptomatique, toutes les variétés de la folie commune peuvent être rangées en deux groupes distincts : l° délire général ou folie maniaque ; 2° délire partiel ou folie monomaniaque. Au premier groupe se rattache la manie aiguë ou chronique ; au second groupe se rapportent les différentes espèces de monomanie que l’on peut réduire aux types suivants : 1° monomanie mélancolique ; 2° monomanie religieuse ; 3° monomanie homicide ; 4° monomanie incendiaire ; 5° monomanie du vol ; 6° monomanie d’ivresse. (Pour plus de détails, nous renvoyons le lecteur aux mots manie et monomanie.) Toutefois, quel que soit le caractère que doive revêtir le délire dans la folie commune, la maladie s’annonce, en général, par des symptômes précurseurs plus ou moins accusés. L’inquiétude, le changement d’humeur, l’irritabilité, la bizarrerie du caractère, la tristesse, l’apathie et la répugnance pour les occupations ou les plaisirs habituels précèdent le plus souvent l’explosion du délire. En même temps, la santé physique est plus ou moins altérée ; les malades accusent un malaise, de la fatigue, une céphalalgie vague, de l’inappétence, une soif constante, de la constipation. Le sommeil est agité, troublé par des rêves, et, signe important, par des hallucinations qui surviennent principalement dans l’état intermédiaire entre la veille et le sommeil, et qui peuvent donner lieu à ce qu’on a appelé la folie transitoire. L’intelligence n’est pas encore lésée ; mais il n’est pas rare d’observer une transformation complète dans les habitudes, les sentiments, les affections des malades ; un regard plus animé, une loquacité intarissable, une vivacité insolite, une disposition à la colère et aux emportements. Cet état peut persister sans aggravations, et même avec des intervalles de rémissions pendant un temps plus ou moins long ; mais, sous l’influence d’une excitation accidentelle ou des progrès naturels de la maladie, la limite est franchie, et la folie se déclare, soit par un accès de fureur, soit par une première attaque de délire maniaque. La marche de la folie commune ne diffère pas notablement, qu’elle s’accompagne de délire général ou partiel. Tantôt la manie aiguë, qui marque le début de la maladie, ne dure que quelques jours, et la guérison est complète après un mois ou un mois et demi, tantôt l’agitation se prolonge indéfiniment, les rémissions sont à peine marquées et très-passagères : le malade ne mange pas, ne dort pas, maigrit ; sa peau devient jaune, terne, ses forces tombent, son pouls est petit, faible ; il survient un dévoiement abondant, des escarres au sacrum, et le malade meurt dans les premiers mois de la maladie. Le plus souvent, la folie commune débute par des accès de délire général ou partiel, qui cessent au bout d’un certain temps pour se reproduire après un intervalle variable, plus longs et plus rapprochés jusqu’à ce que l’aliénation persiste d’une façon continue. Quelquefois, cependant, la folie procède exclusivement par attaques de manie périodiques, revenant à des intervalles d’une ou de plusieurs années, d’ordinaire dans la même saison, mais n’entraînant jamais avec elles une aliénation durable, et pouvant même cesser de reparaître.

Folie puerpérale. Cette forme survient, soit dans les premiers jours qui suivent l’accouchement, soit après le sevrage. L’impression du froid, le défaut de précautions pendant le sevrage, les émotions morales et surtout la chloro-anèmie, peuvent produire la folie puerpérale. Celle-ci débute tantôt brusquement par un délire fébrile, tantôt elle est précédée par une douleur fixe dans la tête, une tristesse inaccoutumée, des pressentiments sinistres, la suppression ou la diminution de l’écoulement des lochies, l’absence des sécrétions laiteuses et la flétrissure des seins, ou au contraire, leur engorgement et leur tension douloureuse. L’agitation est d’abord extrême ; les malades sont tourmentées par des hallucinations effrayantes et des paroxymes de fureur ; l’insomnie est complète, le visage est pâle, le regard vague et peu assuré, la peau chaude et le pouls fréquent. Pendant toute la durée de la maladie, le délire persiste, caractérisé, dans certains cas, par une grande exaltation, dans d’autres par une véritable lypémanie et une morne rêverie qui peut aller jusqu’à la stupidité. La guérison est la terminaison la plus ordinaire de la folie puerpérale. Les femmes qui en sont atteintes guérissent assez souvent après la réapparition des règles ou par le fait d’évacuations alvines abondantes. Dans les cas les plus rares, la guérison est plus tente et n’est définitive qu’au bout de cinq ou six mois.

Folie alcoolique. V. delirium trbmens.

Folie paralytique. V. paralysie générale progressive.

Folie épileptique. Cette forme a été spécialement étudiée par le docteur Jules Falret, dans un mémoire publié en 1861, qui a pour titre : De l’état mental des épileptiques. Nous emprunterons au mémoire de cet auteur la description de la folie épileptique. Deux espèces de trouble intellectuel, constituant de véritables accès de folie, peuvent survenir chez les épileptiques, à divers intervalles, d’une manière irrégulière, comme les attaques convulsives elles-mêmes. Tantôt, ils sont en rapport direct avec ces attaques, tantôt, au contraire, ils peuvent se produire en dehors de leur influence. Ces deux genres d’accès, trop souvent confondus dans une description commune, méritent d’être décrits séparément, malgré les ressemblances qu’ils présentent. Pour les distinguer nettement les unes des autres, nous leur donnerons un nom qui aura surtout l’avantage de rappeler l’analogie frappante qui existe entre ces deux formes de délire épileptique et les deux espèces d’attaques que les auteurs ont distinguées chez les malades. Nous appellerons l’un le petit mal, et l’autre le grand mal, voulant indiquer par là la parenté étroite que l’on observe entre les manifestations physiques et la manifestation psychique de l’épilepsie.

» Petit mal. Les épileptiques éprouvent de temps en temps des troubles intellectuels plus prononcés, qui tiennent le milieu entre les maladies légères qui caractérisent l’état mental habituel de ces individus et les accès de fureur maniaque dont nous parlerons tout à l’heure. Ces troubles intellectuels, dont la durée varie de quelques heures à plusieurs jours, se produisent sous forme d’accès. Ils consistent principalement dans une grande confusion des idées, accompagnée le plus souvent d’impulsions instinctives instantanées et d’actes violents, phénomènes tout à fait spéciaux aux épileptiques, et intermédiaires entre la lucidité d’esprit des délires partiels et le trouble complet des délires généraux. Les épileptiques atteints de cette forme particulière de délire commencent habituellement par devenir tristes et moroses sans motifs, puis tombent tout à coup dans un profond découragement, accompagné d’obtusion dans les idées et d’irritation contre tout ce qui les entoure. Ils se sentent alors comme étourdis, disent-ils ; ils ont une demi- conscience de l’état vague dans lequel se trouve leur esprit, de l’affaiblissement de leur mémoire, de la difficulté qu’ils éprouvent à réunir leurs idées et à fixer leur attention, ainsi que des impulsions violentes qui agissent sur eux involontairement. La plupart d’entre eux ont de plus, dès le début de leur accès, un sentiment profond de l’impuissance où ils se trouvent de résister à une force supérieure qui domine leur volonté et les pousse malgré eux à des actes violents. Ils expriment ce sentiment d’une manière différente, selon le degré de leur éducation, ou selon leur position sociale. Sous l’influence de cet état mental, ces malades quittent brusquement leurs occupations ou leur domicile pour errer à l’aventure dans les rues ou dans la campagne. Ce besoin de marcher au hasard, de vagabonder en un mot, est presque constant. Au milieu de la confusion de leurs idées, ils récapitulent en eux-mêmes toutes les idées pénibles qu’ils ont conçues à diverses époques de leur existence et qui leur reviennent spontanément, et toujours les mêmes à chaque nouvel accès. Ils se croient victimes et persécutés par les membres de leur famille ou par leurs amis. Ils accusent tous ceux avec lesquels ils ont été en rapport d’être la cause de leurs anxiétés ou de leurs tourments. S’ils ont nourri précédemment des sentiments de haine et de vengeance contre un individu, ces sentiments se trouvent ranimés par la maladie et élevés tout à coup à un degré extrême de vivacité qui les fait passer immédiatement à l’action. Ces malades se livrent alors, de la manière la plus inattendue et la plus subite, à tous les genres d’actes violents, tels que le vol, l’incendie, l’homicide et même le suicide. Aussitôt après l’accomplissement d’un acte de violence, ils peuvent se trouver dans deux situations morales très-différentes : ou bien l’acte accompli devient pour eux comme une sorte de soulagement ou de détente, et fait cesser subitement l’anxiété indéfinissable et l’obtusion des idées qui existaient chez ces malades ; ils recouvrent alors en partie la connaissance, et commencent à se rendre compte, quoique très-incomplétement, de la gravité de leur acte ; ou bien, au contraire, ils continuent à courir devant eux dans un état de grande excitation et de trouble général, dans lequel ils n’ont qu’une conscience très-imparfaite de l’action qu’ils viennent de commettre, ou même n’en conservent aucun souvenir. La confusion très-grande des souvenirs, sinon l’oubli complet d’un grand nombre de faits, est donc, dans ces deux cas, un symptôme presque constant de ce genre de délire.

» Grand mal. Dans tous les asiles d’aliénés il existe un certain nombre d’épileptiques affectés de cette forme de délire, a laquelle nous donnerons le nom de grand mal intellectuel, et qui est connu généralement sous le nom de manie avec fureur. Nous ne voulons indiquer ici que ses caractères distinctifs. Un premier caractère, propre à la manie épileptique, c’est son invasion beaucoup plus rapide que celle des autres variétés de manie. Tantôt, en effet, elle débute brusquement, sans être précédée d’aucun symptôme précurseur. Dans d’autres circonstances, il existe quelques prodromes physiques, tels que la céphalalgie, les vomissements, la rougeur ou l’éclat brillant des yeux, l’altération de la voix, de légers mouvements convulsifs de la face ou des membres, ou bien, au moral, une période de tristesse, d’irritabilité ou de légère excitation ; mais ces prodromes précèdent de quelques heures à peine l’explosion de la manie épileptique sous la forme la plus accusée. Un autre caractère, également très-important, c’est la ressemblance absolue de tous les accès chez le même malade, non-seulement dans leur ensemble, mais encore dans chacun de leurs détails. Lorsqu’on observe avec soin les diverses phases d’un premier accès de manie épileptique, on est vraiment frappé d’étonnement en constatant que le même malade exprime les mêmes idées, profère les mêmes paroles, se livre aux mêmes actes, éprouve, en un mot, les mêmes phénomènes physiques et moraux aux périodes correspondantes de chaque nouvel accès. Ses idées, ses paroles et ses actes sont comme empreints de fatalité et se reproduisent avec une surprenante uniformité. Pendant ces paroxysmes, les épileptiques présentent la plupart des phénomènes psychiques qui caractérisent l’état maniaque en général. Leurs idées se succèdent avec une grande rapidité. Ils parlent sans cesse. Ils passent sans interruption par les séries d’idées les plus variées, et leurs actes sont aussi désordonnés que leurs paroles. Un trait particulier de leur agitation consiste dans l’excessive violence de leurs actes, qui les porte à frapper et a briser avec une sorte de rage tous les objets qui les entourent, à mordre, à déchirer, à crier sans interruption, et à se frapper eux-mêmes avec un véritable acharnement la tête contre les murailles. Cet état d’agitation, poussée jusqu’à la fureur, est quelquefois porté si loin, que ces malades deviennent les plus dangereux des aliénés, sont redoutés de tous dans les asiles, et ne peuvent être contenus et protégés qu’à l’aide des moyens restrictifs les plus énergiques, tels que la camisole ou le séjour prolongé dans une cellule. Ces accès de manie présentent encore une autre particularité très-importante à signaler. Malgré le désordre et la violence de leurs actes, les paroles que prononcent les malades épileptiques sont, en général, beaucoup moins incohérentes que celles de beaucoup d’autres aliénés. On est étonné, en présence d’une aussi forte agitation, de pouvoir suivre assez facilement la série des idées exprimées par les malades. Leur raisonnement est plus suivi et plus compréhensible qu’il ne l’est habituellement dans la manie. Ils comprennent mieux les questions qui leur sont adressées ; ils y répondent plus directement, d’une manière plus exacte et s’aperçoivent plus souvent de ce qui se passe autour d’eux que la plupart des aliénés atteints de délire général avec excitation. L’incohérence moins grande du délire et la netteté plus prononcée des idées pendant les accès de délire épileptique sont d’autant plus curieuses à signaler, qu’elles contrastent singulièrement avec l’absence presque complète de tout souvenir de l’accès après sa cessation, absence de souvenir qui est également un symptôme presque constant des accès de manie épileptique. Enfin, leur cessation est habituellement aussi brusque que l’a été leur invasion. En quelques heures, quelquefois même plus rapidement, les malades reviennent presque sans transition à leur état normal. C’est à peine si, dans quelques cas, ils présentent une courte période de légère stupeur ou de torpeur physique et morale, avant le retour complet à la raison. Ils guérissent en ne conservant presque aucun souvenir des faits qui se sont passés pendant toute la durée de leur maladie. »

Tous les troubles des facultés intellectuelles marchent, pour ainsi dire, proportionnellement avec le nombre des attaques du mal comitial ; leur intensité étant subordonnée à la fréquence des accès, la première période de la maladie est presque toujours exempte de délire ; celui-ci se montre de préférence dans la période moyenne. Dans la dernière période, lorsque les accès ont été fréquents et renouvelés pendant longtemps, les malades arrivent peu à peu à un état continu de démence et même d’idiotisme, interrompu seulement par des phases d’agitation de courte durée. Terminons en disant que la folie épileptique est incurable.

Folie hystérique. Cette forme de folie se développe surtout chez les femmes atteintes d’hystérie non convulsive, à l’occasion de quelque émotion vive, d’un chagrin violent, ou sous l’influence d’une autre cause, telle que l’irritation. Elle est caractérisée, tantôt par un délire érotique et une grande agitation, tantôt par une loquacité extrême ou une mélancolie sombre qui porte les malades à la solitude. Les unes pleurent sans motifs, les autres chantent des airs plaintifs, dont les paroles incohérentes expriment par moments leurs doléances amoureuses. La folie hystérique est ordinairement périodique, et ses attaques se manifestent, par exemple, à chaque époque menstruelle et durent de huit à quinze jours. Lorsqu’elle est continue, elle est moins grave, et cède alors après un ou plusieurs mois.

Démence. V. ce mot.

Idiotie. V. ce mot.

Le diagnostic de la folie consiste à distinguer : l° la folie, de la raison ; 2° la forme de la folie ; 3° la folie, des autres maladies avec lesquelles on peut la confondre. Après la description des diverses formes de folie que nous venons de donner, on distinguera facilement l’homme fou de l’homme raisonnable, et la forme de folie dont il est atteint. Quant aux maladies avec lesquelles la folie peut être confondue, nous citerons la paralysie, la méningite, le ramollissement cérébral. V. ces mots.

Le pronostic de la folie est, en général, grave, les troubles qu’elle entraîne étant, dans un bon nombre de cas, au-dessus des ressources de l’art. Toutefois, sa gravité est subordonnée à certaines conditions. Ainsi les chances de guérison diminuent avec le nombre des années. Un premier accès guérit plus vite qu’un second, et l’on peut dire que plus la maladie récidive, plus elle est grave. L’hérédité est une circonstance fâcheuse. La manie paraît guérir plus vite que la monomanie ; la folie orgueilleuse ou ambitieuse est très-rebelle. La démence est la forme la plus grave, et, arrivée à un certain degré, elle est incurable. Lorsqu’il existe des symptômes de paralysie, on ne doit plus compter sur une heureuse issue. Les habitudes d’ivrognerie, de masturbation, les accès d’épilepsie sont des antécédents toujours fâcheux. On peut dire, d’une manière générale, que la plupart des folies qui se déclarent brusquement guérissent plus vite et plus ordinairement que celles qui surviennent d’une manière lente. Le printemps et l’automne sont les saisons les plus favorables à la guérison. Les chances de guérison sont nombreuses dans les deux premières années, et diminuent d’autant plus que la maladie se prolonge davantage.

Le traitement de la folie doit être double : il doit être physique et moral.

Le traitement moral, indiqué par Daquin, Pinel et Esquirol, a été pour la première fois érigé en méthode par Leuret. Il se compose des moyens qui s’adressent à l’intelligence et aux passions des aliénés, et sont extrêmement nombreux. Voici les principaux, parmi ceux qui ont réussi le mieux : l’exercice de la mémoire, la lecture, le dialogue, le récit de pièces empruntées à des sujets intéressants, à quelques pièces de théâtre, notamment ; pour ces dernières, Leuret recommande les pièces gaies ; il n’y veut rien de dramatique, et repousse tout ce qui prêterait à des allusions inconvenantes. Quant aux acteurs, il ne prend pas ceux qui peuvent le mieux réciter leurs rôles, mais ceux auxquels le rôle doit être le plus utile : ainsi les aphasiques, les mélancoliques sont ceux qu’il s’efforce de mettre le plus en avant ; car son but est, non pas de faire jouer la comédie, mais de guérir ses malades. Il en est de même pour le chant, pour la danse, le dessin, la musique, la gymnastique, le travail a la terre, les exercices corporels. Le temps consacré à l’étude, celui pendant lequel le malade récite ce qu’il appris, ou travaille pour remplir une tâche, est enlevé à la maladie.

Les représentations scéniques dont nous venons de parler donnent lieu quelquefois à des incidents fort curieux, et qui dénotent que la folie n’exclut ni l’esprit ni la malice. En voici un exemple :

À la maison des fous d’Aversa, dans les provinces napolitaines, on représentait le Saül d’Alfieri d’une façon si remarquable, en tenant compte de l’état mental des acteurs, que le public rappelait à outrance l’interprète du rôle principal, lequel meurt sur la scène. L’un des acteurs, venant enfin près de, la rampe, adressa cette allocution aux spectateurs : « Mesdames et messieurs, on voit bien que vous êtes dignes de vous trouver à notre place et nous à la vôtre. Comment ! vous savez que notre bien-aimé Saül est mort, vous l’avez vu tomber là devant vous, et vous voulez qu’il se présente pour recevoir vos hommages ! c’est de la démence ! »

Dans certains cas, Leuret provoque des idées tristes ; mais alors c’est pour prévenir des idées plus tristes encore, pour faire rechercher le plaisir et en donner. D’autres fois, il s’attache à rendre pénibles les idées déraisonnables, afin que le malade fasse des efforts pour les repousser ; en ce cas, il a toujours le soin d’en suggérer d’autres conformes au bon sens et auxquelles il tâche de donner l’attrait du plaisir. Il conseille, en outre, d’éveiller chez le malade une passion, un sentiment, qui vienne au secours du médecin, et d’entretenir cette passion, ce sentiment jusqu’à ce que le mal soit vaincu : ainsi il emploie concurremment la crainte de la douche, des affusions, des bains répétés, la peur du ridicule, un soupçon injuste, etc. Souvent aussi il conseille de tendre des pièges aux fous qui, après la douche ou tout autre moyen destiné à provoquer une amendement, paraissent raisonnables. Leuret proscrit l’isolement absolu, qui amène la perte de la mémoire et de l’imagination. L’aliéné doit être le plus possible rendu aux habitudes de la vie ordinaire.