Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 8, part. 2, Fj-Fris.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour la plupart, sous le titre de : Thalie de W. van Fockenbroch (Amsterdam, 1682, 3 vol. in-12).

FOCOT s. m. (fo-ko). Baume qui découle d’une espèce de peuplier, et qu’on appelle aussi faux tacamaque.

FODÉRÉ (Jacques), controversiste français, né à Bessan (Savoie) dans la seconde moitié du XVIe siècle, mort vers 1625. C’était un cordelier qui a laissé les ouvrages suivants : Avertissement aux archevêques et évêques de France sur l’arrêt rendu en 1606 contre les récollets (Lyon, 1607, in-8o) ; Traité des indulgences et confirmation de celles de saint François (Lyon, 1611, in-8o) ; Narration historique et topographique des couvents de l’ordre de Saint-François et des monastères de Sainte-Claire, érigés en la province de Bourgogne, ou de Saint-Bonaventure (Lyon, 1619, in-4o).

FODÉRÉ (Joseph-Benoît), savant médecin, né à Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie) en 1764, mort à Strasbourg en 1835. Il montra de bonne heure de si heureuses dispositions pour l’étude que l’intendant de Maurienne, M. de Saint-Réal, obtint qu’il fût admis gratuitement au collège des Provinces, à Turin. Devenu docteur en médecine, Fodéré se fit remarquer tout d’abord du monde savant par un ouvrage sur le crétinisme, maladie morale et physique, dominante dans certaines vallées des Alpes, de la Savoie, du Dauphiné, de la Suisse, etc.

Protégé par le souverain, Victor-Amédée III, il reçut de lui une allocation pour visiter les principales facultés de médecine de l’Europe, vit Paris, Londres, et revint dans ses montagnes en 1790. Là il s’adonna à l’étude de la médecine légale, et on le nomma médecin juré du duché d’Aoste. Quand la Savoie eut été réunie à la France, Fodéré fut attaché au service sanitaire de l’armée d’Italie. Arrivé à Marseille avec le corps d’armée du général Cartaux, il épousa la fille du docteur Moulard, qui était cousine des deux sœurs Clary, femmes de Joseph Bonaparte et de Bernadotte. Une telle alliance aurait pu le conduire à la fortune ; mais modeste et sans ambition, le savant docteur n’avait d’autre désir que de faire progresser l’art de guérir. Fodéré se contenta d’être nommé médecin de l’hospice des aliénés et de l’hôpital de Marseille, et, tout en remplissant ces fonctions, en faisant divers cours, il réunit les matériaux d’un grand traité de médecine légale, science alors dans l’enfance, et qu’il créa en quelque sorte. Le roi d’Espagne Charles IV, exilé à Marseille, le choisit pour son médecin. Enfin, après avoir été professeur dans diverses facultés, notamment à Nice, il obtint au concours, en 1812, une chaire de médecine légale à Strasbourg. Frappé de cécité, il n’en continua pas moins ses travaux, avec l’aide de sa fille aînée. Il mourut sans fortune, et ses filles furent obligées de chercher des ressources dans un travail manuel. La ville de Saint-Jean-de Maurienne l’a vengé de l’injustice de la fortune en lui élevant une statue en bronze, exécutée par Rochet. Parmi ses nombreux ouvrages, nous citerons : Traité du goitre et du crétinisme (Turin, 1789) ; Opuscules de médecine philosophique et de chimie (Turin, 1789, in-8o) ; Mémoire sur une affection des gencives, endémique à l’armée des Alpes (Embrun, 1795, in-8o) ; Essai sur la phthisie pulmonaire (Marseille, 1796, in-8o) ; les Lois éclairées par les sciences physiques ou Traité de médecine légale et d’hygiène publique (Paris, 1798,3 vol. in-8o ; Bourg, 1812, 2 vol. in-8o ; 3e édition, Paris, 1815, 6 vol. in-8o, ne portant que la deuxième partie du titre) ; Sur le climat et les maladies des montagnards et sur l’épidémie de Nice (Paris, 1800 ; in-8o) ; Essai de physiologie positive appliquée à la médecine pratique (Avignon, 1806, in-8o) ; Voyage aux Alpes-Maritimes ou Histoire naturelle du comté de Nice et lieux limitrophes (Paris, 1812, 2 vol. in-8o), ouvrage estimé ; De infanticidio (1810, in-8o) ; Manuel des gardes-malades (Strasbourg, 1815, in-12) ; Traité du délire, avec application à la médecine, à la morale et à la législation (Paris, 1817, 2 vol. in-8o) ; Leçons sur les épidémies et sur l’hygiène publique (Strasbourg, 1822-1824, 4 vol. in-8o) ; Essai historique et moral sur la pauvreté des nations, la population, la mendicité, les hôpitaux et les enfants trouvés (Paris, 1827, in-8o) ; Essai sur la pneumatologie humaine ou sur la nature, les causes et la formation de divers cas de perversion de la sensibilité (Strasbourg, 1829, in-8o) ; Recherches historiques et critiques sur le choléra-morbus (1831, in-8o) ; Essai médico-légal sur les diverses espèces de folie, vraie, simulée et raisonnée (1832, in-8o) ; Recherches toxicologiques sur la grande ciguë (1835), etc.

FODHAIL (Abou-Ali, ben-Aladh, at-Temimi, al-Fondini, at-Talacani), célèbre sofi et ascète musulman, de la tribu de Temyn. Il était originaire de Fondyn, dans le Khorassan, et fut élevé à Abiwerd, mena longtemps une vie errante, désordonnée et devint même voleur de grand chemin ; mais, revenu de ses erreurs, il se livra à l’étude des traditions prophétiques à Coufa, puis se fixa à la Mecque, où il mourut en 803 de notre ère, après avoir acquis une grande réputation de sainteté. Le calife Haroun-al-Raschid tenait en grande vénération ce personnage, qui lui faisait parfois les plus dures remontrances. Parmi les sentences de Fodhail, nous citerons les suivantes : « Il vaut mieux être affectueux envers ses semblables et essayer de leur être agréable que de passer la nuit en prières et la journée en abstinence ; — les actes de piété que l’on fait par ostentation sont des actes de païens. » On raconte qu’en apprenant la mort de son fils, il rit pour la première fois depuis sa conversion, et prononça ces paroles : « Ce qui plaît à Dieu me plaît aussi. »

FODIE s. f. (fo-dî). Moll. Genre de mollusques axidiens peu connu.

FODOR (Mme Joséphine Mainvielle-), cantatrice italienne de premier ordre, née à Paris en 1793. Elle débuta au Théâtre-Impérial de Saint-Pétersbourg, dans les Cantatrice villane, de Fioravanti. En 1812, elle épousa Mainvielle, acteur français, attaché au théâtre de Saint-Pétersbourg, se rendit en Suède et en Danemark, où elle obtint le plus grand succès, et enfin vint à Paris, où elle débuta en 1814, à l’Opéra-Comique. Complètement fourvoyée dans cette langue étrangère qui exige une netteté d’articulation que Mme Fodor n’a jamais eue, elle comprit, au peu de succès que lui valut sa tentative, qu’elle n’était pas faite pour la scène française. Aussi s’empressa-t-elle d’accepter l’engagement qui lui permettait de remplacer, à l’Odéon, Mme Barilli, enlevée par une mort prématurée à ses nombreux admirateurs. Sûre de son talent, Mme Fodor n’hésita point à se produire dans les rôles que sa devancière avait marqués de son cachet individuel, et son audace lui réussit au delà de toute espérance. En 1816, Mme Catalani obtint le privilège du Théâtre-Italien, et Mme Fodor y fut engagée, avec Garcia, Grivelli et Porto. Mais l’absorbante personnalité de la directrice, le soin que prit cette dernière de faire rentrer dans l’ombre les artistes auxquels le public accordait la moindre sympathie engagèrent Mme Mainvielle et ses collègues à résilier leurs engagements. Mme Fodor se rendit à Londres, y chanta quelque temps, puis partit pour l’Italie, et fut engagée au théâtre de la Fenice, à Venise. Sa voix, primitivement lourde et grosse, avait acquis, par des études journalières, une souplesse et un charme inexprimables. Aussi, lors de son début, qui eut lieu, sur ce théâtre, dans l’Elisabetta de Carafa, obtint-elle une de ces ovations qui ne se produisent qu’en Italie. Les dilettanti firent frapper à son effigie une grande médaille d’or. Mme Catalani ayant dû résigner son privilège, le Théâtre-Italien de Paris fut réformé, et, en 1819, Mme Fodor y fut réengagée. Pendant trois ans, Il Matrimonio segreto, Don Juan, la Gazza ladra, Il barbiere di Seviglia lui fournirent une suite non interrompue de triomphes. Le Barbier, chanté par Mme Ronzi-Debegnis, qui avait créé le rôle de Rosine, n’avait obtenu aucun succès à la première représentation. Quand Mme Fodor eut repris ce personnage, l’œuvre de Rossini ressortit avec toute sa finesse et son charme éternel. Une altération survenue dans sa santé força la cantatrice à aller chercher la convalescence sous le ciel de Naples. Elle arriva dans cette ville en 1822, et l’effet salutaire du climat opéra si rapidement, qu’au mois d’août de la même année, elle put débuter, à Saint-Charles, dans Otello. L’enthousiasme des Napolitains fut aussi grand que l’avait été celui des habitants de Venise. Mme Fodor se vit acclamée dans Sémiramide, dans Zelmira dans tous les rôles qu’elle créa pendant la saison. En 1825, après un séjour à Vienne, elle reparut au Théâtre-Italien de Paris dans Sémiramide ; mais, dès les premières scènes, sa voix s’effaça si complètement, qu’elle acheva, non sans un suprême effort, la représentation, et, depuis ce jour, elle ne se fit plus entendre à Paris. Un procès qu’elle eut avec la direction du Théâtre-Italien, au sujet de ses appointements, acheva de lui faire prendre la capitale en horreur, et quand-, en 1828, une transaction vint mettre fin au débat, elle partit pour Naples. La fatigue, qui avait anéanti son organe à Paris, cessa comme par enchantement ; mais, malgré cette amélioration, jamais sa voix ne reprit sa puissance et son moelleux d’autrefois. Cette triste conviction la décida à se retirer définitivement du théâtre.

FOË (Daniel de), écrivain politique et romancier anglais, né à Londres en 1663, mort en 1731. Il était fils d’un boucher. Fervent puritain, passionné pour la liberté, il se jeta jeune dans les luttes politiques, contribua à la révolution de 1688, et publia, en faveur de la liberté de conscience et de la liberté de la presse, une série de pamphlets vigoureux, qui ont laissé un long souvenir dans les annales de la polémique anglaise. Condamné au pilori, emprisonné à Newgate, il forma dans sa prison le plan d’une grande Revue périodique, qui est restée le modèle de tous les recueils de ce genre qu’on a publiés depuis. Délivré en 1707, chargé par la reine Anne de missions en Écosse, il abandonna la vie politique à l’avènement de George Ier, Découragé par l’acharnement de ses ennemis et par l’ingratitude de ceux dont il avait préparé le triomphe, il consacra désormais ses talents à des œuvres d’imagination. Son Histoire de Molly Flanders, ses Mémoires du capitaine, Carleton, sa Vie de Roxane, ses Mémoires d’un cavalier, etc., sont des œuvres remarquables et qui eussent donné la renommée à un écrivain de second ordre, mais qui disparurent dans le rayonnement de sa ravissante création de Robinson Crusoé. Dès son apparition, ce livre eut le succès extraordinaire qu’il méritait si bien et qui ne l’a pas abandonné depuis. Traduit dans toutes les langues, adopté par toutes les nations, il est resté le premier livre confié à la curiosité naïve de l’enfant, le dernier que lisent les vieillards en souvenir des merveilleuses rêveries de leurs jeunes années. Rien n’égale, en effet, le charme de cette fiction, si bien soutenue, si simplement exposée, d’un réalisme saisissant, et qui, outre l’intérêt pittoresque, contient une sorte de système pratique d’éducation naturelle mis en œuvre avec une sagesse exquise et une simplicité adorable. C’est le premier ouvrage que J.-J. Rousseau mettait entre les mains de son Émile, pour son instruction et son amusement tout à la fois. Ce chef-d’œuvre, devenu le livre universel de la jeunesse, fut payé à son auteur 10 livres sterl. Encore se vit-il contester la priorité de sa conception par quelques critiques envieux. Après une existence toujours honorable, marquée par une série d’agitations, de travaux et de malheurs. Daniel de Foë mourut dans la plus extrême misère, abandonné par un fils qui l’avait dépouillé.

FŒCULUM SAXONIÆ s. m. (fé-ku-lomm-sakso-ni-é — mots lat. qui signif. fécule de Saxe). Nom donné à une poudre alimentaire que l’on emploie, cuite dans du bouillon, dans l’étisie, l’émaciation, etc., et qui se compose de farine d’orge, de sucre, de cannelle et de pâte de froment, le tout additionné quelquefois de quinquina, de salsepareille, d’amandes ou de pistaches.

FŒDOR, nom de deux czars de Russie. V. FÉDOR.

FŒDOROWNA (Eudoxie), première femme du czar Pierre le Grand, née à Moscou le 8 juin 1670, répudiée en 1696, morte en 1731. Le sort de cette princesse fut malheureux, et presque toute sa vie se passa au milieu d’événements tragiques. Plusieurs historiens allemands, et, chez nous, le chevalier d’Eon et le marquis de Luchet ont écrit sa biographie ; mais les renseignements les plus précis et les plus complets se trouvent dans les Mémoires de Villebois.

« Le czar Pierre, dit le marquis de Luchet, fit annoncer, dans toute l’étendue de son empire, qu’il destinait sa couronne et son cœur à la femme qui réunirait à ses yeux le plus de perfections. Cent jeunes filles apportèrent à Moscou leurs timides prétentions et leurs espérances. Eudoxie fixa le choix du czar, qui l’épousa (1691). Elle appartenait à une famille des plus puissantes de la Russie ; son père était le comte Fœdor-Abrahamwitch-Lapoukine. Cette union ne fut pas de longue durée ; pourtant elle donna au czar deux enfants mâles. Alexandre, mort en bas âge, et que des aventuriers ont tenté de faire revivre sous le règne de Catherine, à l’imitation du faux Dmitri, et Alexis, qui devint l’héritier présomptif du trône ; le czarowitch épousa une princesse de la maison de Wolfenbuttel, et, condamné à mort pour conspiration, mourut-dans son cachot. »

Eudoxie ou Eudochia Fœdorowna est représentée, dans les Mémoires secrets de Villebois, aventurier du XVIIIe siècle, qui fut aide de camp du czar Pierre Ier, comme une femme intrigante, impérieuse et jalouse à l’excès. Sa jalousie tourmentait le czar, dont le tempérament amoureux donnait beaucoup trop de prise aux reproches de cette nature. La cause finale de sa disgrâce fut la passion conçue par Pierre pour une certaine Anna Moëns, jeune fille d’une rare beauté, qui devint sa maîtresse, et dont il eût fait sa femme, après la répudiation d’Eudochia, si sa nouvelle conquête, quoique soumise à ses volontés, ne lui eût montré une froideur qui ressemblait beaucoup à de l’aversion. Eudochia fut répudiée sur les conseils du favori Lefort, et enfermée dans un couvent. Elle y passa de longues années, dans le silence et la prière ; mais lorsqu’elle apprit le nouveau mariage du czar avec celle qui fut l’impératrice Catherine, et l’exhérédation de son propre fils, le czarowich Alexis, elle commit l’imprudence de tenter la fortune.

Sortie secrètement de son couvent, avec l’assistance d’un gentilhomme de la province de Rostow, Gléboff, dont le frère était archevêque de la même province, elle essaya d’opérer un soulèvement contre le czar, alors absent. C’est la conspiration qui, découverte à temps par Pierre Ier, coûta la vie à son fils, Alexis Petrowitch, et à l’épouse de celui-ci. Eudochia s’était réunie aux conjurés, qui comptaient aussi parmi eux la sœur du czar, la princesse Sophie. Le complot éventé, le czar condamna la princesse. Sophie à recevoir cent coups de corde sur les reins nus, en présence de toute la cour. Eudochia, convaincue, en outre, dit-on, d’adultère avec Gléboff, fut renfermée dans un in-pace, à Schlusselbourg ; son frère, Abraham Lapoukine, fut décapité ; le czarowitch mourut dans son cachot, d’une saignée aux quatre membres, disent les Mémoires secrets de Villebois. Quant à Gléboff, les plus cruelles tortures lui furent infligées. Le czar, pour obtenir de lui l’aveu de ses relations avec Eudochia Fœdorowna, le fit marcher les pieds nus, en sa présence, sur des planches hérissées de clous, puis empaler et exposer sur la grande place de Moscou. Comme Pierre s’approchait de lui et l’exhortait à avouer, au nom de la religion, Gléboff lui cracha au visage. Tels furent les résultats de la conspiration.

De 1719 à 1727, Eudoxie languit dans son cachot, ayant pour toute société une naine, enfermée avec elle pour préparer sa nourriture et laver son linge. Mais, à la mort de la czarine, le petit-fils d’Eudochia, Pierre II, fils du malheureux czarowith, lui ayant succédé, elle sortit de Schlusselbourg, et, toujours impérieuse, tenta de dominer le souverain et d’obtenir la régence. Les conseillers du prince réussirent à la faire interner dans un des couvents de Moscou, où il lui fut assigné une pension royale de 60,000 roubles. Elle y resta jusqu’à sa mort, arrivée peu après celle de son petit-fils (1731), et fut inhumée dans ce monastère.

FŒHN s. m. (fènn). Vent du sud-ouest, très-violent et très-chaud, qui souffle dans les Alpes, et qui paraît être le même que le simoun d’Afrique. || On dit aussi foihn’.

Encycl. Avec le chamsin de l’Égypte, le pampero de la république Argentine, le simoun du Sahara, le sirocco de la Sicile, le fœhn fait partie de la classe des vents locaux qui caractérisent certaines régions, et dont l’origine première provient de l’inégale répartition de la chaleur. Comme ceux que nous venons d’énumérer, c’est un vent chaud ; il est généralement sec, et sa fonction principale, que les pâtres de l’Helvétie connaissent bien, est de faire disparaître, soit par la fusion, soit par l’évaporation, les neiges qui s’accumulent sur les montagnes des Alpes. Il existe dans ce pays un dicton populaire que voici : Der lieb Golt und di guldi Sunn vermœged nüd, vœnn der Fœhn nüd chunt, dont la traduction est : « Le bon Dieu et le soleil doré ne peuvent rien contre la neige, si le fœhn ne leur vient en aide. »

C’est dès le mois de mars que le fœhn arrive du sud dans les vallées alpestres ; apportant avec lui la chaleur, il active la végétation, émaille les prés de violettes et fond les glaces. Alors les torrents bondissent, les rivières enflent leurs eaux, et l’inondation se déclare ; des avalanches se succèdent sans interruption. Ce vent chaud met deux jours à chasser l’air froid de la contrée. Mais il n’est pas toujours inoffensif, et souvent la brise agréable se change en ouragan, que M. M. Hubert, officier suisse, décrit ainsi : « Des nuages échevelés, formés par la condensation des vapeurs aux approches des glaciers, volent au-dessus des hautes montagnes sans en effleurer les cimes. Bientôt la neige, balayée des sommets, s’étend vers le nord en longues traînées blanches, qui se détachent sur un ciel plus bleu que de coutume. Chaque crête semble ornée d’une aigrette de dentelle légère. Quelques instants encore, et les couches inférieures de l’atmosphère, entraînées par le courant, font gémir les forêts et soulèvent en épais nuages la poussière des routes. Les lacs prennent une teinte verte et s’agitent en fureur. Le fœhn est descendu, comme on le dit vulgairement. Il mugit en notes lugubres dans les maisons, dont les habitants éteignent tous les feux ; il soulève les tuiles et les ardoises, abat les cheminées et déracine les arbres séculaires. »

On a remarqué une notable baisse du baromètre pendant les rafales du fœhn ; elle tient à la direction ascensionnelle de ces rafales, qui ont aussi pour effet de changer la nature de l’électricité atmosphérique ; de positive qu’elle est pendant les vents du nord, elle devient négative.

L’origine de ce vent a donné matière à de nombreuses controverses entre les savants. MM. Desor, Martins, Escher de La Linth pensent qu’il prend naissance dans le Sahara. Le dernier attribue au fœhn un rôle géologique très-important, fondé sur le pouvoir qu’on lui reconnaît, de fondre rapidement les glaces et les neiges. « Les années, dit-il, dans lesquelles le fœhn souffle moins souvent que dans d’autres sont évidemment plus favorables à l’extension des réservoirs de la neige et à l’allongement des glaciers ; on trouve un exemple frappant d’un tel accroissement extraordinaire dans la période qui s’étend de 1812 à 1820. Si le fœhn ne se manifestait plus à une certaine époque, il est probable que nous aurions un climat semblable à celui des parties les plus méridionales de l’Amérique du Sud, où, sous une latitude qui correspond à celle de Lugano, dans le Tessin, les glaciers s’étendent jusqu’au rivage de la mer. On ne peut donc guère mettre en doute qu’un refroidissement de ce genre survenant, les glaciers recouvriraient de nouveau graduellement tout ce grand domaine qu’ils paraissent avoir occupé dans le passé. Or, le fœhn disparaîtrait si sa terre d’origine, le brûlant Sahara, se changeait de nouveau en mer. De la surface des eaux ne s’élèverait pas, comme actuellement, un courant chaud ascendant, qui, d’après les lois physiques, se dirige vers le nord et apparaît de temps en temps comme fœhn dans notre pays. Différentes circonstances montrent, en fait, comme le sagace C. Ritter l’a indiqué depuis longtemps, que le Sahara a été une mer à une époque relativement récente ; dans ce cas, le fœhn ne pouvait pas alors souffler en Suisse, et on ne doit pas considérer comme invraisemblable