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qu’elle apparaît dans sa robe blanche, parsemée de fleurs et de diamants, et qu’elle s’avance vers son mari avec un charmant embarras, comme surprise d’être si belle, Fernel oublie bien vite les grâces recherchées de la Parisienne et reprend fièrement le bras de sa femme. Les choses étant rentrées dans l’ordre de ce côté, le brave Bourgoin n’a plus, pour achever sa tâche, qu’à marier Jules. Il y réussira : car Mme de Saligny, bien qu’elle s’en défende, n’est pas éloignée d’aimer ce jeune homme ; elle devine chez lui une honorable ambition à laquelle elle veut s’associer. Jules renoncera à un amour impossible et viendra poursuivre à Paris, sur un théâtre digne de son talent, ses rêves d’avenir.

Le rôle de Mme Fernel est tout rempli de sentiments contenus, de vertus négatives, d’élans étouffés ; il ne manque cependant pas de pathétique, mais elle est plus vivante dans le roman. Quant au notaire papillonnant, M. Fernel, ce Lovelace qui a passé la quarantaine, il est des plus naturels. Le style est spirituel, élégant, mais par moments manque de vivacité et de chaleur. On sent que la pièce a été taillée dans un roman, au lieu d’avoir été fondue d’un seul jet.


FERNÉLIE s. f. (fèr-né-lî — de Fernel, n. pr.). Bot. Genre d’arbres, de la famille des rubiacées, tribu des gardéniées, comprenant trois ou quatre espèces, qui habitent l’île de France.


FERNEY (Paul), pseudonyme d’Alexandre Mesnier. V. Mesnier.


FERNEY ou FERNEX, bourg de France (Ain), eh.-l. de cant., arrond. et à 10 kilom. S.-E. de Gex, au pied du Jura ; pop. aggl. 1,043 hab. — pop. tot. 1,288 hab. Ce bourg, bâti au pied de la chaîne du Jura, dans un charmant vallon entrecoupé de prairies, de bouquets de bois et de terrasses labourables entourées de haies vives, se compose de maisons bien bâties, d’un aspect agréable, précédées de cours et souvent accompagnées de jardins. En 1758, ce n’était qu’un hameau marécageux ayant 49 habitants. Voltaire, qui s’y retira en 1758, après s’être échappé de la cour de Frédéric, a été le véritable fondateur de Ferney, qui, à la mort du grand philosophe, comptait 80 maisons et 1,200 habitants. Le château a perdu presque toutes les traces du séjour de Voltaire ; on y montre cependant encore aux visiteurs de vieux fauteuils et de vieux rideaux en tapisserie ; le mausolée qui devait renfermer le cœur de Voltaire, etc. ; un poêle en faïence, décoré de curieux ornements dorés ; le portrait de son ramoneur et de sa blanchisseuse ; un lit assez bien conservé ; les portraits de Lekain, de l’impératrice Catherine, de Frédéric, de Mme du Châtelet ; une tapisserie brodée par Catherine ; des pastels représentant les hommes les plus célèbres du temps de Voltaire ; un pastel qui le représente lui-même en buste, etc. Dans le parc se voit un ormeau planté par le grand homme.

Nous ne pouvons résister au plaisir de placer ici une charmante étude d’É. Deschanel sur Ferney ; on nous pardonnera la longueur de la citation en faveur de son intérêt.

« On va de Genève à Ferney en trois quarts d’heure, par des espèces de voiturins décorés du nom d’omnibus, qui vous descendent à l’entrée du pays.

« Ferney, lorsque Voltaire y arriva, se composait de sept ou huit cabanes ; à sa mort, Ferney comptait 1,200 habitants et exportait pour 400,000 livres par an d’horlogerie. Aujourd’hui, -la population est de 1,600 à 1,800 âmes.

« Ferney ! Pour quiconque chérit la raison, la liberté et la justice, ce lieu est sacré….. Quelle émotion en y arrivant !

« Après avoir marché pendant dix minutes, nous vîmes, à gauche de la route, une avenue de tilleuls qui mène au château. Il est dans une situation admirable, au pied du Jura, en face des Alpes de Savoie et du mont Blanc, avec le lac de Genève dans l’intervalle. Il est d’ordre composite, à colonnes doriques, n’ayant qu’un étage sur perron, et couronné de mansardes en style de l’époque. Avant la grille d’entrée, à gauche, est la petite église élevée par Voltaire ; elle porte encore l’inscription que M. Arsène Houssaye appelle « une impertinence, » et qui n’est qu’une profession de foi déiste :

DEO
EREXIT VOLTAIRE
MDCCLXI.

« Lui-même, dans une de ses lettres, l’explique ainsi, très-simplement : « L’église que j’ai fait bâtir est la seule de l’univers en l’honneur de Dieu. L’Angleterre a des églises bâties à saint Paul, la France à sainte Geneviève, mais pas une à Dieu. »

« On laisse cette petite église à gauche, et on sonne à la grille du château. Le propriétaire actuel, M. David, qui l’habite une partie de l’année, permet aux voyageurs de visiter le parc et les deux pièces des appartements, qu’on appelle le salon et la chambre de Voltaire, et qui sont restées, dit-on, à peu près telles qu’elles se trouvaient lorsqu’en 1778 il quitta Ferney, sans savoir qu’il n’y reviendrait plus, et alla triompher à Paris jusqu’à en mourir.

« Dans le prétendu salon, qui pourrait bien avoir été la salle à manger, il y a, d’un côté, un énorme poêle de faïence, à moitié engagé dans le mur et décoré d’ornements dorés, un de ces poêles-monuments comme on en voit en Suisse et que rend nécessaires la rudesse du climat pendant les longs hivers ; de l’autre côté, un petit cénotaphe de marbre, d’assez mauvais goût, construit par le marquis de Villette et destiné à contenir le cœur de Voltaire, ce cœur tant agité pendant sa vie, tant ballotté après sa mort. Ce mausolée porte deux inscriptions :

Son esprit est partout et son cœur est ici.

Le premier hémistiche seul est vrai. Puis, au-dessous : « Mes mânes sont consolées, puisque mon cœur est au milieu de vous. »

« Dans la chambre à coucher, il reste un lit, capitonné en soie pompadour, du reste dégarni, sans rideaux et sans courte-pointe ; plusieurs portraits, entre autres ceux de Frédéric II et de Catherine II, donnés au poëte philosophe par les deux souverains, ses admirateurs ; celui de Lekain, celui de Mme du Châtelet, enfin celui de Voltaire lui-même, admirable pastel de La Tour : les yeux vifs, le nez gaulois, moins effilé qu’on ne croirait, un peu sensuel et un peu gros au bout, comme celui de Molière. C’est bien Voltaire, tel qu’on se le figure, d’ailleurs, et tel que nous le représentent les contemporains qui altèrent le voir à Ferney.

« On regrette de ne pouvoir visiter la chambre où travaillait Voltaire. Au reste, elle doit être entièrement changée, puisque toute sa bibliothèque se trouve en Russie, ayant été achetée, comme on sait, par l’impératrice Catherine II.

« Le jardin, derrière le château, est assez grand ; moitié à la française et moitié à l’anglaise : d’abord un parterre, ensuite une sorte de parc irrégulier ; à gauche, une longue allée de charmille, où il se promenait à l’abri du soleil en composant et déclamant ses vers. De distance en distance, il avait ménagé dans la charmille de petites ouvertures qui donnent vue sur le mont Blanc et la Savoie, le plus beau paysage du monde. Dans le petit bois, on vous montre un orme que Voltaire, dit-on, planta de ses mains, et qui est protégé par une clôture contre l’admiration des touristes.

« C’est dans cette heureuse retraite qu’il avait trouvé la sécurité pour continuer sa guerre incessante contre les abus et les injustices. « C’est à Ferney que je vais demeurer dans quelques semaines, écrit-il à d’Alembert… Il faut toujours que les philosophes aient deux ou trois trous sous terre « contre les chiens qui courent après eux. » Ces deux ou trois trous, c’étaient les Délices, le château de Tournay et celui de Ferney. Il y vivait en grand seigneur, mais en grand seigneur philosophe. Le nombre des domestiques, tels que jardiniers, valets de ferme, ouvriers, s’élevait, dans les deux maisons de Tournay et de Ferney seulement, à environ cent cinquante. Point de laquais ! point de fainéants ! Maître et vassaux, tout était voué au travail dans cette étrange seigneurie ; et, l’exemple étant donné par M. de Voltaire, tout travaillait avec joie. Mais nul n’égalait l’activité du maître. Tout le monde l’aimait et l’adorait ; par-dessus tous, sa vieille servante Baba. « Elle n’était pas bien sûre, dit M. Eugène Noël, de ne pas être la servante du bon Dieu en personne. Les bouillons de son maître étaient préparés avec dévotion. »

« Voltaire trouvait du temps pour tout, même pour babiller avec les enfants. « Lorsque mes enfants, encore tout jeunes, dit Wagnière, son secrétaire, l’importunaient par leurs questions dans le temps même qu’il me dictait quelque chose, et que je les voulais faire taire, il me disait : « Laissez-les ; il faut toujours répondre aux enfants et leur rendre raison sur ce qu’ils demandent, suivant la portée de leur esprit, et ne pas les tromper. » Il avait la bonté d’en a user ainsi avec eux. »

« Tout le monde sait par cœur les vers charmants : O maison d’Aristippe !ô jardin d’Épicure !… Aujourd’hui qu’on préfère les détails réalistes, je ferai mieux de citer les passages suivante : « Heureux qui vit chez soi, avec ses nièces, ses livres, ses jardins, ses vignes, ses chevaux, ses vaches, son aigle, son renard et ses lapins qui se passent la patte sur le nez ! J’ai de tout cela, et des Alpes par-dessus, qui font un effet admirable. » Ailleurs, il parle de ses bœufs, « qui lui font des mines. » S’il s’absente, il ne perd pas de vue sa propriété. « Je recommande à Loup d’avoir soin de fermer la grille… Je prie M. Colini de renvoyer les maçons au reçu de ma lettre ; ils n’ont plus rien à faire. Mais je voudrais que les charpentiers pussent se mettre tout de suite après le berceau du côté de la Brandie. Il faut que les domestiques aient grand soin de remuer les marronniers, d’en faire tomt ber les hannetons et de les donner à manger aux poules. »

« Caton l’ancien n’eût pas mieux dit. Tout cela mêlé à la poésie, à la philosophie, à la science, à l’histoire, aux romans, aux pamphlets et aux luttes ; car « il faut donner à son âme toutes les formes possibles. C’est un feu que Dieu nous a confié, nous devons le nourrir de ce que nous trouvons de plus précieux. Il faut faire entrer dans notre être tous les modes imaginables, ouvrir toutes les portes de son âme à toutes les sciences et à tous les sentiments ; pourvu que tout cela n’entre pas pêle-mêle, il y a place pour tout le monde. » Et ailleurs, en parlant des Muses : « Je les aime toutes neuf ; et il faut avoir le plus de bonnes fortunes qu’on peut, sans être pourtant trop coquet. »

« Sa prodigieuse activité met le feu partout à la fois. « Je suis, dit-il encore gaiement, comme un homme qui a des procès à tous les tribunaux. »

« Et au fond de cette gaieté, que de sérieux ! que d’ardeur ! quelle succession de combats sans trêve, pour les Calas, pour les Sirven, pour Lally, pour La Barre, pour Montbailly… !

« Ces souvenirs nous revenaient en foule, pendant que nous parcourions plusieurs fois de suite, avec quel respect et quel attendrissement ! cette longue allée de charmille où ce grand et charmant esprit médita tant de choses. Et, pour nous consoler des tristesses du temps présent, nous nous disions que, plus la liberté ira se dégageant, plus la raison se fera jour, plus aussi Voltaire sera reconnu comme un des plus grands bienfaiteurs et de la France et de l’humanité, plus son nom sera entouré d’admiration et de sympathies. »


FERNI (les sœurs Virginie et Caroline), violonistes italiennes, nées à Côme (Lombardie), la première en 1840, la seconde en 1841. Elles eurent pour père un professeur de violon distingué, avec lequel elles voyagèrent toutes jeunes dans les principales villes d’Italie, de Piémont et de Suisse. À Genève, elles entendirent les sœurs Milanolo ; cette circonstance, en excitant leur émulation, décida de leur avenir. Formées rapidement par Bianchi et Gamba, elles voyagèrent à leur tour en Suisse, en Savoie, en Hollande et en Allemagne, ainsi que dans le midi de la France ; puis elles vinrent recevoir à Paris la consécration de leur naissante renommée. À deux reprises différentes, en 1854 et en 1855, elles y obtinrent un succès d’admiration et de curiosité, justifié par leur force véritable et par le remarquable contraste qui existe entre le talent de ces deux jeunes artistes. En effet, si Mlle  Virginie se distingue par la douceur mélancolique de son chant, sa sœur brille par l’éclat, l’ardeur et une énergie toute virile. On a dit des deux sœurs que l’une était l’ange de son instrument, et que l’autre en était le démon. À Paris, elles donnèrent des concerts à la salle Herz, dans de nombreux salons et théâtres, et furent spécialement engagées par la direction de la salle Ventadour.

Depuis quelques années, l’aînée a épousé à Turin M. Tela, l’un des plus spirituels caricaturistes du Pasguino.


FERNIG (Félicité et Théophile (DE), héroïnes françaises, célèbres dans les fastes de la Révolution comme officiers d’état-major auprès de Dumouriez, de Beurnonville, du duc de Chartres (depuis Louis-Philippe), à Jemmapes, à Valmy, à Anderlecht, à Nerwinde, etc., nées au village de Mortagne (Nord), la première vers 1776, la seconde vers 1779. Elles étaient filles d’un ancien officier, dont les fils servaient, l’un à l’armée des Pyrénées, l’autre à l’armée du Rhin. Félicité et Théophile remplaçaient leur mère morte auprès de deux plus jeunes sœurs encore en bas âge. En 1792, Félicité avait seize ans, Théophile en avait treize. C’était l’époque où les frontières de la France étaient de toutes parts menacées d’invasion. Les uhlans légers de Clairfayt franchissaient souvent la limite du pays belge pour venir piller, incendier la contrée. M. de Fernig, qui commandait la garde nationale de Mortagne, avait communiqué son ardeur patriotique aux villageois de son canton. Sous ses efforts, le pays s’était transformé en un véritable camp, d’où partaient chaque nuit des patrouilles qu’il dirigeait presque toujours en personne et qui avaient de fréquentes rencontres avec les hussards autrichiens. Théophile et Félicité, émues des dangers que courait leur père, émues aussi sans doute des dangers de la patrie, résolurent de se mêler, à l’insu de M. de Fernig, dans les rangs des soldats improvisés par lui, de combattre avec eux, de veiller sur leur père. Quelques habitants du village, dont la complicité leur était nécessaire pour les dérober aux regards du chef, furent seuls instruits de leur résolution. Elles revêtirent des habits masculins que leurs frères avaient laissés à la maison en partant pour l’armée ; elles s’armèrent de leurs fusils de chasse, et, suivant plusieurs nuits la petite colonne guidée par M. de Fernig, elles firent le coup de feu avec les maraudeurs autrichiens, s’aguerrirent au combat, à la fatigue, à la mort, et électrisèrent par leur courage les soldats citoyens. Leur secret fut bien gardé, si bien gardé que M. de Fernig, en rentrant le matin à son logis et en racontant à table les exploits de la nuit à ses enfants, ne soupçonnait pas que deux d’entre eux avaient combattu à ses côtés et peut-être préservé ses jours. « Cependant, dit Lamartine, Beurnonville, qui commandait le camp de Saint-Amand, à peu de distance de l’extrême frontière, ayant entendu parler de l’héroïsme des volontaires de Mortagne, monta à cheval à la tête d’un fort détachement de cavalerie et vint balayer le pays de ces fourrageurs de Clairfayt. En approchant de Mortagne, au point du jour, il rencontra la colonne de M. de Fernig. Cette troupe rentrait au village après une nuit de fatigue et de combat, où les coups de feu n’avaient cessé de retentir sur toute la ligne, et où M. de Fernig avait été délivré lui-même par ses filles des mains d’un groupe de hussards qui l’entraînaient prisonnier. La colonne harassée, et ramenant plusieurs hussards blessés et cinq prisonniers, chantait la Marseillaise au son d’un seul tambour déchiré de balles. Beurnonville arrêta M. de Fernig, le remercia au nom de la France, et, pour honorer le courage et le patriotisme de ses paysans, voulut les passer en revue avec tous les honneurs de la guerre. Le jour commençait à poindre. Ces braves gens s’alignèrent sous les arbres, fiers d’être traités en soldats par le général français. Mais, descendu de cheval et passant devant le front de cette petite troupe, Beurnonville s’aperçut que deux des plus jeunes volontaires, cachés derrière les rangs, fuyaient ses regards et passaient furtivement d’un groupe à l’autre pour éviter d’être abordés par lui. Ne comprenant rien à cette timidité dans des hommes qui portaient le fusil, il pria M. de Fernig de faire approcher ces braves enfants. Les rangs s’ouvrirent et laissèrent à découvert les deux jeunes filles ; mais leurs habits d’homme, leurs visages défigurés par la fumée de la poudre des coups de feu tirés pendant le combat, leurs lèvres noircies par les cartouches qu’elles avaient déchirées avec les dents les rendaient méconnaissables aux yeux mêmes de leur propre père. M. de Fernig fut surpris de ne pas connaître ces deux combattants de sa petite armée. « Qui êtes-vous ? » leur demanda-t-il d’un ton sévère. À ces mots un chuchotement sourd, accompagné de sourires universels, courut dans les rangs. Théophile et Félicité, voyant leur secret découvert, tombèrent à genoux, rougirent, pleurèrent, sanglotèrent, se dénoncèrent et implorèrent, en entourant de leurs bras les jambes de leur père, le pardon de leur pieuse supercherie. M. de Fernig embrassa ses filles en pleurant lui-même. Il les présenta à Beurnonville, qui raconta cette scène dans sa dépêche à la Convention. La Convention cita les noms de ces deux jeunes filles à la France, et leur envoya des chevaux et des armes d’honneur au nom de la patrie. Les citoyennes Ferning (sic) furent encore signalées au pays dans une lettre des commissaires envoyés à Châlons, Carra, Sillery et Prieur, lettre adressée à la Convention nationale et lue par un des secrétaires à la séance du 3 octobre 1792 : « Ces deux jeunes enfants, aussi modestes que courageuses, sont sans cesse aux avant-gardes et dans les postes les plus périlleux, est-il dit dans cette pièce. Au milieu de l’armée, composée de jeunes citoyens, elles y sont respectées et honorées ; c’est toujours le prix de la vertu. » Dumouriez, à l’époque de son premier commandement en Flandre, fixa sur elles l’admiration de ses soldats. Mais à nos premiers revers, les Autrichiens, dans un esprit de basse vengeance, incendièrent et rasèrent la maison des deux héroïnes. M. de Fernig n’eut plus alors d’autre patrie que l’armée. Dumouriez emmena le père, un des fils et les deux filles avec lui dans la campagne de l’Argonne. Il donna au père et au fils des grades dans l’état-major. Félicité et Théophile, toujours entre leur père et leurs frères, portaient l’habit, les armes et faisaient les fonctions d’officiers d’ordonnance. Elles combattirent à Valmy, puis à Jemmapes. L’aînée, Félicité, suivait à cheval le duc de Chartres, qu’elle ne voulait pas quitter pendant la bataille. Théophile, elle, portait les ordres du général en chef, et marchait avec lui à l’assaut des redoutes de l’aile gauche. Dumouriez montrait ces deux jeunes guerrières à ses soldats comme un modèle de patriotisme et un augure de la victoire. Leur exemple fut d’ailleurs suivi par plusieurs citoyennes de cette époque extraordinaire, que l’héroïsme des deux sœurs entraîna, elles aussi, à la frontière. Mais laissons encore la parole à Lamartine, qui a consacré quelques pages touchantes aux demoiselles de Fernig, dans les Girondins.

« Dans une de ces rencontres entre l’avant-garde française et l’arrière-garde autrichienne, une des jeunes amazones Fernig, Félicité, qui portait les ordres de Dumouriez à la tête des colonnes, entraînée par son ardeur, se trouva enveloppée avec une poignée de hussards français par un détachement de uhlans ennemis. Dégagée avec peine des sabres qui l’enveloppaient, elle tournait bride avec un groupe de hussards pour rejoindre la colonne, quand elle aperçoit un jeune officier de volontaires belges de son parti, renversé de cheval d’un coup de feu et se défendant avec son sabre contre les uhlans, qui cherchaient à l’achever. Bien que cet officier lui fût inconnu, à cet aspect Félicité s’élance au secours du blessé, tue de deux coups de pistolet deux des uhlans, met les autres en fuite, descend de cheval, relève le mourant, le confie à ses hussards, le fait porter, l’accompagne, le recommande elle-même à l’ambulance et revient rejoindre son général. Ce jeune officier belge s’appelait Vander Walen. Laissé, après le départ de l’armée française, dans les hôpitaux de Bruxelles, il oublia ses blessures, mais il ne pouvait jamais oublier la secourable apparition qu’il avait eue sur le champ de carnage. Ce visage de femme sous les habits d’un compagnon d’armes, se précipitant