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ESMA

Koutahièh et à 206 kilom. S.-E. de Constantinople ; 3, 900 hab. Eski-Seheher-, l’antique Dorylée, est située dans une large vallée arrosée par le Thymbrès. à La plaine de Dorylée, dit M. Joanne, mentionnée dans la guerre de Lysimaq ne contre Antigone, et dans un plaidoyer de Cicéron, a souvent, sous lo Bas-Empire, servi de place d’armes pour les armées byzantines. » Godefroi de Bouillon y remporta une victoire sur les troupes de Soliman, sultan seldjoucide. Cette localité est renommée, depuis les temps anciens, pour les eaux, thermales qu’elle possède,

ESK.I-SE11AI, le vieux sérail à Constantinople. Situé à l’O. du nouveau sérail, sur l’emplacement du Palatium in Tauro, il est entouré d’un mur élevé qui a trois portes principales et plusieurs autres sorties, et dont la circonférence est d’environ 1, 700 pas. Il servait autrefois de séjour aux sultanes répudiées et aux filles non mariées du sultan. Mahmoud II y établit les bureaux du ministère de la guerre, et, depuis lors, le séraskier y a toujours habité.

ESK1-STAM110UL, ancienne Xlexandria Troas, ville de la Turquie d’Asie (Anatolie), à 8 kilom. S.-E. de l’île de Ténédos, sur le penchant d’une montagne dont le pied est battu par les eaux, de l’Archipel. Elle eut de l’importance sous les Romains. Quelques maisons éparses s’élèvent aujourd’hui sur l’emplacement de l’antique cité, qui fut fondée par Alexandre et dont la construction fut continuée par Antigone. Les ruines d’Alexandria Troas occupent une étendue de plusieurs kilomètres. Nous signalerons à l’attention des touristes les débris des anciens thermes, les restes d’un temple dorique et les soubassements d’un autre, les ruines d’un aqueduc qui s’étendait à plusieurs kilomètres dans la direction de l’Hellespont, des fûts et des chapiteaux de colonnes, des vestiges d’arcades et de constructions voûtées, etc.

ESKUCHE (Balthasar-Louis), théologien et helléniste allemand, né à Cassel en 1710, mort à Rinteln en 1755. Il fut pasteur et professeur de grec dans cette dernière ville. On a de lui : deux Dissertations sur le naufrage de saint Paul (Brème, 1730. in-4 « ) ; De Festo Judmnrum Purim (Mai-bourg, 1734, in-4o) ; Disputatio de festo ut vulgo dicitur Judxorum Ç-Aoçopîov (Rinteln, L73S, in-4o) ; Y Écriture sainte expliquée par des descriptions de voyage en Orient (Rinteln, 1755, 2 vol. in-S°) ; Observations phitoloyicm critiae in Nouum Testamentum (Rinteln, 1748-1754, in-4o) ; Dissertationes III de vèra Grxcorum pronuntialione, de auctoritate uotularum vetustiora Grscorum scripta distinguentium et de ablativo’Grtecorum non carente (Rinteln, 1750, îii-8 » ). Pour les autres ouvrages d’Eskuche, voirie Dictionnaire de Meusel.

ESLA, rivière d’Espagne, descend du versant méridional des monts des Asturies, se dirige du N.-E. au S.-O., baigne Valencia de Don Juan, passe de la province de Léon dans celle de Zamora, où elle reçoit la Céa, et se jette dans le Douro, après un cours de 200 kiiom.

ESLAVA (don Michel-Hilarion), maître de chapelle de la reine d’Espagne Isabelle II, né à Bentada (Navarre) en 1807. Il obtint au concours, en 1828, la place de maître de chapelle de la cathédrale d’Ossuna, et passa de là, en 1832, à Séville, avec le titre de maître de chapelle de l’église métropolitaine, fonctions qu’il dut abandonner plus tard, à la suite des mouvements politiques de l’Espagne, pour chercher fortune dans la composition dramatique. En 1841, il fit représenter au théâtre italien de Cadix trois opéras : le Solitaire, la Trêve de Ptolémaïs et Pierre le Cruel, qui furent accueillis avec une grande faveur, non-seulement à Cadix, mais encore a la cour et dans toute l’Espagne. En 1844, M. Eslava reçut le titre de maître de la chapelle royale de Madrid, la décoration do l’ordre de Charles III, et se voua entièrement à la musique religieuse. Depuis lors, ce compositeur a fait exécuter un grand nombre de messes et de pièces sacrées, dans lesquelles il a joint habilement le dramatique moderne aux formes sévères de la musique scolastique. Outre une importante publication des œuvres religieuses dues aux meilleurs artistes espagnols du xvio siècle jusqu’à nos jours, M. Eslava a entrepris la collection des œuvres des plus célèbres organistes de son pays. On lui doit aussi un Solfège méthodique très-estimé et adopté dans toute l’Espagne.

ESLEVER v. a, ou tr. (è-sle-vô). Ancienne orthographe du mot élevisr, || A signifié Soulager et atténuer : Chacun poise sur le péché 4e son compaignon et eslèvk le sien. (Montaigne.)

ESLINGUE s. f. (è-slain-ghe). Ane. art milit. Grande fronde. Il Grande arbalète.

ESLINGUEUR s. m. (è-slain-gheur — rad. esliiiQue). Ane. art milit. Soldat qui se servait de i’eslingue.

ESMA-ALLA1I, un des noms turcs de Dieu, qui en a encore, dans la même langue, quatre-vingt-dix-neuf autres, indiquant toutes les

qualités et les perfections que l’homme doit essayer de développer en lui-même. C’est pour ce motif que les tesbichs ou rosaires des Turcs se composent de cent grains.

ESME

ESMANGAUD (Charles), publiciste français, mort à Paris en 1837. Il devint conseiller d’Etat et publia, entre autres ouvrages : De la marine française (Paris, 1800, in-S°) ; Des colonies françaises et en particulier de SaintDomingue (Paris, 1802) ; La vérité sur les affaires d’Haïti (Paris, 1833) ; Nouvet avis aux colons de Saint-Domingue sur le payement de l’indemnité (Paris, 1836, in-8<>).

ESMARCH (Jean), minéralogiste danois, né à Houlberg, dans le Jutland, en 1703, mort à Christiania vers 1835. Élève de l’école royale de Kongsberg, en Norvège, il fit une excursion minéralogique en Saxe, en Bohême, en Hongrie et en Transylvanie, par ordre du gouvernement saxon (179Î-1797), fut nommé, à son retour, assesseur des mines, puis devint successivement professeur suppléant de minéralogie et de physique (1802), inspecteur de l’école des mines de Kongsberg et professeur de minéralogie à l’université de Christiania (1814). Nous citerons parmi ses ouvrages : Quelques mots au sujet du brisement des rayons lumineux (Copenhague, 1788) ; Courte description d’un voyage minéralogique en Hongrie et dans le Banat (1798) ; Géognostique des mines montagneuses de Kongsberg (1800) ; le Livre du teinturier, trad. de l’allemand de Schrader (1836), etc.

ESMARCHIE s. f. (è-smar-chl). Bot. Syn. de céraiste, genre de caryophyllées.


ESMENARD (Joseph-Alphonse), publiciste et poëte français, membre de l’Institut, né à Pélissane (Bouches-du-Rhône) en 1769, mort en 1811. Il eut une jeunesse très-orageuse. Après avoir parcouru l’Europe et l’Amérique, il se fixa à Paris au commencement de la Révolution, écrivit dans les journaux de la cour, et crut prudent de reprendre le cours de ses voyages après le 10 août 1792. Il visita l’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne, la Turquie, l’Italie, s’aboucha avec Louis XVIII en passant à Venise, rentra, en 1797, en France, où il prit part à la rédaction du journal royaliste la Quotidienne, subit une détention de quelques mois après le 18 fructidor, puis fut exilé. En 1799, il revint à Paris et travailla au Mercure de France avec La Harpe et Fontanes. Le consulat établi, Esmenard, voyant la cause des Bourbons perdue, prodigua à Bonaparte l’encens de ses vers et de sa prose. De 1802 à 1804, il remplit les fonctions de secrétaire du général Leclerc à Saint-Domingue, et de consul de France à La Martinique et à l’île Saint-Thomas. Des poésies et des ouvrages dramatiques en l’honneur de Napoléon lui valurent les places lucratives de censeur des théâtres et du Journal de l’Empire, de chef de division au ministère de la police, et son entrée à l’Institut (1810). Parmi ses œuvres bonapartistes, nous devons citer son opéra de Trajan (1808), apothéose assez fade du maître, honorée de cent et quelques représentations. De mauvaises langues ont assuré que Fouché avait mis la main à cet ouvrage si bien accueilli. En 1811, il publia, dans le Journal de l’Empire, une satire violente contre la Russie, écrit composé sans doute par ordre, pour tâter l’opinion publique. Le gouvernement, feignant d’être irrité de cette attaque contre un État avec lequel on était encore en paix, ordonna à l’auteur de quitter la France. Après un séjour de trois mois à Naples, Esmenard revenait dans sa patrie lorsque, près de Fondi, il se brisa la tête contre un rocher en s’élançant hors de sa voiture, que les chevaux entraînaient dans un précipice.

Le meilleur ouvrage de cet écrivain est un poëme didactique en huit chants, intitulé : la Navigation (1805, in-8o). On y trouve des vers élégants et châtiés, des tableaux exacts, faits sur nature et pendant les voyages de l’auteur ; mais nul mouvement, nulle chaleur. Esmenard est un élève de Delille ; comme lui, il écrit avec élégance et avec goût ; mais, comme lui, il est monotone et froid. Cet écrivain était d’un commerce agréable et facile ; mais il sacrifia souvent à son goût effréné pour les plaisirs sa considération personnelle et même ses devoirs. « Aucun écrivain, dit Michaud, n’eut plus d’ennemis ; mais aucun de ses ennemis n’a contesté son talent. » Parmi ses autres écrits, nous citerons : Fernand Cortez, opéra en 3 actes, musique de Spontini (Paris, 1809) ; Recueil de poésies extraites des ouvrages d’Helena Maria Williams, trad. de l’anglais (1808, in-8o) ; des pièces de vers de circonstance, imprimées pour la plupart dans la Couronne poétique de Napoléon (Paris, 1807) ; des articles dans la Biographie universelle, etc.


ESMENARD (Jean-Baptiste), publiciste et littérateur français, frère du précédent, né à Pélissane (Bouches-du-Rhône) en 1772, mort en 1842. Au commencement de la Révolution, il émigra, passa en Espagne, où il servit comme officier, obtint d’être attaché à l’état-major de Murat lorsque Napoléon fit envahir la Péninsule, en 1808, et combattit dans la Castille, en Galice, en Portugal. Chargé, en 1810, par le maréchal Ney, dont il était devenu officier d’ordonnance, d’une mission à Paris, il fut arrêté par ordre de Berthier, ministre de la guerre, pour un motif inexpliqué, et ne recouvra la liberté qu’après le retour des Bourbons. Nommé chef d’escadron, puis lieutenant-colonel d’état major, il donna sa démission pour prendre une part active à la fondation de la république colombienne. Pour se procurer des ressources, Esmenard, qui était très-versé dans la connaissance des langues du Midi, entra dans le journalisme, collabora activement à la Gazette de France, à la Quotidienne, au Journal des Débats, au Mercure, et donna la traduction des quatre premiers volumes des curieux Mémoires du prince de la Paix, avec qui il était lié. C’était un homme instruit, doué d’un esprit original, et un fort aimable causeur.


ESMERALDA (la), personnage de Notre-Dame de Paris, roman de Victor Hugo, type de la bohémienne ravissante de beauté, de fraîcheur, de grâce sauvage, courant les rues et les places publiques avec sa chèvre, qui n’est pas restée moins populaire que la Esmeralda. Toutes deux ont été reproduites à l’envi par la peinture, la gravure et la lithographie. Esmeralda, aimée de tous ceux qui la voient, de Claude Frollo l’archidiacre, de Quasimodo le monstre, aime elle-même le beau Phœbus de Châteaupers, qui ne veut que la séduire, et finit par épouser Pierre Gringoire. Elle meurt ensuite sur le gibet, victime des affreux préjugés du temps.

Esmeralda est devenue le type de ces jeunes filles remarquables par leur beauté et qui sont vouées par un hasard mystérieux à une existence vagabonde.


Esmeralda, opéra en 4 actes, représenté sur le théâtre de l’Académie royale de musique le 14 novembre 1836 ; libretto de V. Hugo, musique de Mlle Bertin.

Il est d’usage, surtout depuis quelques années, de transporter sur la scène toute œuvre littéraire qui a eu quelque succès à la lecture. C’est ainsi que la Dame aux camélias, ce petit chef-d’œuvre de sentiment, de simple nouvelle est devenue drame, pour être jouée au Vaudeville ; que Mireille, le lumineux poème de Mistral, a été fait opéra, comme d’autres que nous pourrions citer.

Pour notre part, nous croyons que roman ou poëme doit perdre à cette transformation. Toute œuvre littéraire est une ou doit l’être. Tout s’y enchaîne et se déduit logiquement ; tout personnage, tout caractère a été d’abord étudié et arrêté par l’auteur ; toute situation y est calculée… Or, si l’on transporte cette œuvre sur le théâtre, on est obligé, par les exigences de la scène et de la musique, quand il s’agit d’un opéra, de retrancher certains chapitres, de changer telle situation, de modifier tel caractère. En un mot, on est obligé de refaire, à côté du poëme ou du roman, un autre roman ou un autre poëme. Ce dernier ne peut être qu’une copie du premier, copie infidèle, informe, difforme, presque une parodie. Un homme mutilé ne peut jamais être qu’un eunuque.

Longtemps, malgré des sollicitations nombreuses et pressantes, V. Hugo refusa de faire de Notre-Dame de Paris un libretto d’opéra. Meyerbeer fut cependant un des solliciteurs, et l’illustre musicien était bien digne de mêler son divin langage au langage divin de l’illustre poète. C’est que V. Hugo pensait sans doute comme nous.

Un jour M. Bertin, le rédacteur en chef du journal les Débats, lui demanda de faire pour sa fille ce qu’il n’avait pas voulu faire pour l’auteur des Huguenots ; il le lui demanda au nom de l’amitié qui les liait, et V. Hugo ne sut pas résister.

Notre-Dame de Paris, sous le titre de Esmeralda, fut donc représentée à l’Académie royale de musique le 14 novembre 1836, jour de la mort de Charles X.

Ainsi que nous le pressentions, ainsi que cela devait fatalement arriver, on ne retrouva pas le roman dans le libretto. Un grand nombre de chapitres sont retranchés ; l’opéra est dix fois moins long que le roman. Plusieurs personnages ne paraissent point, par exemple : Gudule, qui assombrissait le drame, Gringoire et le petit Jehan, qui l’égayaient. Le dénoûment n’est plus le même. Plusieurs caractères enfin sont modifiés, même entièrement changés ; entre autres celui du capitaine Phœbus de Châteaupers. Phœbus, dans l’œuvre première, était une sorte de fanfaron de vice, de Lovelace de caserne, fier de ses éperons d’or, de son épée, de son panache ; un fat, un niais, un sot, mais beau d’une suprême beauté physique. Maintenant, Phœbus, toujours beau, est intelligent autant que brave, honnête autant que fier ; de plus, amoureux fou de Esmeralda, il veut mourir dans ses bras pour l’arracher au gibet…

Mais alors que devient ce qui, dans Notre-Dame de Paris, avait frappé Eugène Sue : « Je vous dirai encore, écrivait à V. Hugo l’auteur du Juif errant, qu’à part toute la poésie, toute la richesse de pensée et de drame, il y a, dans votre œuvre, une chose qui m’a bien vivement frappé, c’est que, Quasimodo résumant pour ainsi dire la beauté d’âme et de dévouement, Frollo l’érudition, la science, la puissance intellectuelle, et Châteaupers la beauté physique, vous ayez eu l’admirable pensée de mettre ces trois types de notre nature face à face avec une jeune fille naïve, presque sauvage au milieu de la civilisation, pour lui donner le choix, et de faire ce choix si profondément femme ? »

Quoi qu’il en soit, V. Hugo, même en mutilant son œuvre, avait dû y laisser assez de poésie, d’intérêt, de passion, de vie pour faire applaudir le libretto. Malheureusement on siffla le musicien. « Les journaux furent d’une violence extrême contre la musique, dit le témoin de la vie de notre poëte. L’esprit de parti s’y mêla et se vengea sur une femme du journal de son père. Alors, le public siffla. L’opposition augmenta de représentation en représentation, et, à la huitième, le rideau fut baissé avant la fin. Tout ce que put le directeur, M. Duponchel, qui devait son privilège à M. Bertin, fut de jouer, de temps en temps, avant le ballet, un acte où l’auteur avait réuni les principaux morceaux des cinq… »

L’auteur anonyme ajoute ensuite, avec un sentiment de tristesse : « Le roman est fait sur le mot Anankê ; l’opéra finit par le mot Fatalité. Ce fut une première fatalité que cet écrasement d’un ouvrage qui avait pour chanteurs M. Nourrit et Mlle Falcon, pour musicienne une femme de talent, pour librettiste V. Hugo, et pour sujet Notre-Dame de Paris. La fatalité s’attacha aux acteurs. Mlle Falcon y perdit sa voix ; M. Nourrit alla se tuer en Italie. Un navire appelé Esmeralda, faisant la traversée d’Angleterre en Irlande, se perdit corps et biens. Le duc d’Orléans avait nommé Esmeralda une jument de grand prix ; dans une course au clocher, elle se rencontra avec un cheval au galop et eut la tête fracassée… »

Mais ce qu’oublie de raconter notre auteur, c’est que, à une représentation de Esmeralda, V. Hugo rencontra M. de Saint-Priest, pair de France, et apprit de lui la condamnation à mort de Barbès. On sait que V. Hugo monta aussitôt chez le régisseur du théâtre, et de là écrivit cette supplique au roi Louis-Philippe :

Par votre ange envolée ainsi qu’une colombe !
Par ce royal enfant, doux et frêle roseau !
Grâce encore une fois ! grâce au nom de la tombe !
         Grâce au nom du berceau !

Vers déchirants, mouillés de larmes, cri du cœur qu’entendit le roi et qui sauva la tête du fier républicain.

Certes, il y a là de quoi consoler de la chute d’un opéra.


Esmeralda, tableau d’Antoine Wiertz. Esmeralda vient de danser devant les badauds de Paris. Elle se repose sur la marche d’un monument ; une draperie verte flotte derrière elle. Sa tête est appuyée sur sa main droite. Elle est absorbée par des rêves d’amour… Le nom de Phœbus, qu’elle vient d’arranger sur ses genoux à l’aide de lettres en bois, témoigne assez que toutes ses pensées sont, en ce moment, livrées au beau cavalier. Sa chèvre Djali est près d’elle ; à ses pieds se trouve son tambour de basque. Au fond, on aperçoit une partie du vieux Paris et les tours de Notre-Dame, qui se dessinent comma deux fantômes noirs sur l’horizon. Cette peinture est une des plus attrayantes parmi celles qu’a produites le célèbre artiste belge. Le dessin est d’une rare correction, et la couleur a cette richesse, cette vigueur, qui ont valu à Wiertz d’être surnommé par ses compatriotes le Rubens contemporain.


Esmeralda faisant boire Quasimodo (LA), groupe en marbre, par Duseigneur ; Salon de 1833. Le nain est attaché au pilori. La bohémienne, son tambour de basque au côté, monte hardiment les degrés de l’échafaud ; le vent fait voler sa robe et son écharpe. Quasimodo la regarde douloureusement, avec un air à la fois surpris et reconnaissant. Djali, la petite chèvre aux cornes dorées, joue et gambade à côté de sa maîtresse.

Ce groupe, exécuté dans le plus pur sentiment romantique, a été ainsi apprécié par M. Théophile Gautier : « Les draperies sont traitées avec une légèreté surprenante; la tête et les mains de la Esmeralda sont fines et gracieuses : ce sont vraiment la tête et les mains de la Esmeralda, cette charmante sœur de la Mignon de Gœthe. Peut-être aurions-nous souhaité, dans le Quasimodo, plus de laideur impossible. Quasimodo est le cyclope du moyen âge ; comme Polyphème, il est amoureux de Galatée. C’est la personnification du laid moderne ; c’est le Thersite de cette Iliade. Dans le groupe, il n’est guère que contrefait. La chèvre manque d’étude, elle est un peu lourde. Nous avons entendu quelques personnes blâmer l’or dont sont couverts les bracelets, les colliers et les autres ornements des figures, ainsi que les couleurs des lettres de l’arrêt, cloué au pilori, comme blessant la majesté de la sculpture et s’éloignant de la dignité antique. Nous ne saurions être de leur avis ; toutes les statues antiques avaient des cercles d’or ou d’argent; les cheveux et la barbe de quelques-unes étaient de ce métal. » À ce jugement d’un critique bienveillant on peut opposer celui de Gustave Planche qui est d’une sévérité excessive : « La Esmeralda de M. Duseigneur nous ramène aux figures sculptées en chêne et en pierre du XIIIe siècle, et aux plus imparfaites. Mais ce qui se tolère et s’accepte dans les ornements d’une ogive ou d’un chapiteau n’est pas bon à montrer dans un musée ; une taille de guêpe, des pieds microscopiques et la tête d’un monstre contrastant avec cette idéalité impossible ne font pas un groupe. »


ESMERALDA, établissement de missionnaires, dans l’Amérique du Sud, État de Venezuela, sur la rive gauche de l’Orinoco, à environ 16 kilom. S. de la célèbre montagne Duida, par 3° 10’de lat. N. et par 68° 23’de long. O. Cette ville doit son nom, qui signifie l’Émeraude, à l’erreur des premiers Européens