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politique français, mort vers 1820. Il fut, au commencement de la Révolution, juge do paix à Montbrison. Nommé député de Saôneet-Loire à l’Assemblée législative, puis à la Convention (1792), il vota la mort de Louis XVI sans appel ni sursis, fut envoyé en mission à Lyon en 1795, et écrivit alors, avec le représentant Reverchon, un Mémoire au comité de Salut public sur la réhabilitation du commerce de Commune affranchie, qui a été publié à Lyon (1834, in-8o). Expulsé de France en vertu de la loi sur les régicides (1816), il alla terminer ses jours en Suisse.

DUPUY (Alexis-Casimir), vétérinaire français, né à Breteuil (Picardie) en 1774, mort en 1849. Fils d’un maître de poste, il fut initié de bonne heure au maniement des chevaux, et ce fut sous l’influence de ces premières impressions de son enfance qu’il se décida à embrasser la profession de vétérinaire. Il fit ses premières études au collège de Beauvais et les termina au collège Louisle-Grand, à Paris, en 1792. Entraîné par l’ardeur de son patriotisme, il fit, comme enrôlé volontaire, les premières campagnes de la Révolution et prit part à la bataille de Jeinmapes, où son courage lui mérita le grade de porte-drapeau. Mais comme l’état militaire était peu en rapport avec la nature studieuse de Dupuy, il abandonna sans regret cette carrière, après trois ans de service, et, en 1795, il entra à, l’École d’Alfort comme élève délégué par le district de Breteuil. Au bout de la première année, il remportait le premier prix de théorie. Un an plus tard, il était nommé répétiteur par décision du jury d’examen. Enfin, en janvier 1798, il obtenait, à la suite d’un concours, la place de professeur de botanique, de chimie et de matière médicale. Dupuy avait alors vingt-trois ans. En moins de trois ans, il s’était élevé des bancs des élèves à la chaire de professeur, favorisé sans doute par les circonstances de cette époque, qui ne suffisent pas cependant à expliquer ce rapide avancement ; car ses juges, Chabet, Flandrin, Gilbert et Heuzard, auraient hésité à l’appeler à une haute position dans l’enseignement s’ils n’avaient pas reconnu en lui des capacités supérieures. Professeur à un âge si peu avancé, Dupuy sut comprendre les devoirs que lui imposait la mission qui lui était confiée. Persuadé que le professeur n’est à la hauteur de sa tâche que lorsqu’il a embrassé tout l’ensemble des connaissances qui se rattachent à la spécialité de son enseignement, il redevint élève. Il suivit assidûment les cours du Muséum sur la zoologie, la botanique, l’anatomie comparée, la minéralogie, la chimie, et les cours d’anatomie, de physiologie, d’hygiène, de pathologie et de clinique de l’École de Paris, Mais Dupuy ne se contentait pas seulement de l’enseignement oral ; pendant le temps dont il pouvait disposer en dehors des cours, il se retirait dans les bibliothèques pour étudier les œuvres de tous les écrivains qui, depuis la plus haute antiquité jusqu’à lui, avaient traité des objets do ses études de prédilection. Il était de sa nature essentiellement investigateur ; inspiré des principes de Bacon et de Condillac, atni de Dupuytren et de Magendie, il avait puisé, à leur école, un amour ardent pour les «cherches et pour cette excellente méthode d’expérimentation qui a fait progresser les sciences d’un pas rapide et sûr. Il a exercé sur les hommes et les choses de son temps une action considérable et a imprimé à l’enseignement vétérinaire un cachet véritablement scientifique. Doué d’un esprit vif, mordant quelquefois, d’une très-grande érudition soutenue par une patience sans bornes, animé du désir ardent de se rendre utile aux autres, il avait toutes les qualités voulues pour suffire aux difficultés de l’enseignement.

En récompense d’une vie laborieusement dévouée au culte de la science, Dupuy fut appelé, en 1828, à la direction de la nouvelle école vétérinaire qui venait d’être fondée à Toulouse. Cette récompense devait lui être funeste, car Dupuy n’était pas fait pour veiller aux détails d’une administration compliquée, et les irrégularités, les désordres s accumulèrent rapidement sous sa responsabilité. Le ministre duquel il dépendait frappa le professeur consciencieux dans l’administrateur inattentif, et rompit ainsi sa carrière. Ce coup devait ôter à Duf»uy tout droit k la retraite et le réduire à a. position la plus précaire, si des amis dévoués n’avaient fait comprendre au ministre tout ce qu’il y avait d’excessif dans la mesure sévère prise contre un homme profondément honnête, qui n’était coupable que d’un défaut de vigilance. Le ministre revint sur sa décision, et Dupuy fut admis à faire valoir ses droits à la retraite. Dans cette nouvelle position, Dupuy continua sa mrssion d’enseignement par la voie de la presse, et ses dernières années furent, comme les premières, consacrées à l’étude. Il mourut à l’âge de soixante-quatorze ans, ne laissant à sa famille que son nom et ses travaux scientifiques.

Ce savant a reconnu que la morve est une affection tuberculeuse, héréditaire, incurable, qu’on ne peut prévenir que par des croisements et des accouplements propres à

améliorer la race ; il a découvert que le carnage est dû à l’altération ou à la compression des nerfs pneumo-gastriques, et démontré

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que la pousse est une sorte d’asthme provenant de la dilatation des vaisseaux bronchiques ainsi que d’une espèce d’emphysème des poumons. En outre, Dupuy s’est livré, avec Dupuytren, à des expériences fort importantes sur les effets des substances médicamenteuses et toxiques introduites dans le

sang par injection. Il s’est beaucoup occupé aussi des épizooties ; mais on lui reproche d’avoir nié trop systématiquement qu’elles fussent contagieuses. C’est en vain qu’il a voulu établir que la morve n’est pas contagieuse : des exemples sont venus démontrer qu’elle se communique même à l’homme. Nous citerons de lui : Jtapports sur les travaux de l’École d’Alfort (1813-1823) ; De l’affection tuberculeuse vulgairement appelée morve, pulmonie, gourme, farcin, etc. (1817) ; Transfusion faite pour constater les effets de la noix vomique (1826).

DUPUY (Jean-Baptiste-Édouard-Camille), compositeur suisse, né à Corcelles, près de Neuchàtel, en 1775, mort à Stockholm en 1822. Envoyé à Paris en 1788, il étudia le violon sous Chabran, le piano sous Dussek, et fit de tels progrès qu’il n’avait pas encore seize ans lorsqu’il dirigea les concerts du prince Henri de Prusse. En 1795, Dupuy se rendit à Berlin, où Fasch lui donna des leçons d’harmonie, puis il visita l’Allemagne, la Pologne, la Suède et le Danemark. Lorsqu’en 1801 les Anglais firent la guerre à ce dernier pays, Dupuy s’engagea dans l’armée danoise, où il se fit remarquer par son courage, notamment lors du bombardement de Copenhague (1807). Après un voyage qu’il fît à Paris en 1S09, il se fixa à Stockholm et devint pro-I fesseur, puis maître de chapelle de la cour. Ce compositeur a laissé un grand nombre do duos, de concertos, de contredanses, de valses, et trois opéras estimés : Une folie, Félicie et lijorn farnsida.

DUrUY-DEMPORTES (Jean-Baptiste), littérateur français, mort à Paris en 1770. On ne le connaît que par ses ouvrages, qui montrent qu’il avait aDordé à, peu près tous les genres. En voici la liste : Parallèle de la Sémiramis de Voltaire avec celle de Crébillon (1748) ; Lettres sur Catilina ; Venise sauvée ; les Amazones ; Cénie, tragédie ; le Souper poétique (1748, in-4o) ; Histoire générale du Pont-Neuf, en C volumes in-fol., proposée par souscription (Londres-Paris, 1750, in-8u) ; Mémoires de Gaudence de Lucgues, avec les remarques de Rhedi (4 parties, 1753, in-12) ; Histoire du ministère de Robert Walpole (Amsterdam-Paris, 170H, 3 vol. in-12) ; Morale des princes, traduit de l’italien de Comazzi (La Haye-Paris, 1754,2 vol. in-12)-, Traité historique et moral du blason (1754, 2 vol. in-12) ; le Gentilhomme cultivateur, ou Cours complet d’agriculture, tiré de l’anglais de Hill (1761 et suiv., in-4<>) ; le Gentilhomme maréchal (1756-175S, in-12), également tiré de l’anglais ; le Printemps, comédie en un acte, non représentée (Paris, 1748, in-12). Tous ces ouvrages sont oubliés aujourd’hui.

DUPUY DU GREZ (Bernard), écrivain français, né h Toulouse en 1039, mort en 1720. Il abandonna la profession d’avocat, qu’il exerçait dans sa ville natale, pour s’adonner exclusivement à l’histoire, aux sciences et aux arts. Dupuy établit à ses frais une école publique de dessin, et fut le véritable fondateur de 1 Académie royale de peinture, sculpture et architecture de Toulouse. Il a publié un Traité sur la peinture (Toulouse, 1699), et laissé de nombreux ouvrages manuscrits, entre autres une Histoire de Toulouse.

DUPUY DES ISLETS (le chevalier), littérateur français, né vers 1770 à Saint-Domingue, mort en 1831. Il appartenait à l’une des plus riches familles de la colonie et vint do bonne heure en France, où il entra dans les chevau-légers du roi. Il émigra à la Révolution, servit dans l’armée de Condé et, après avoir séjourné en Angleterre, obtint de rentrer en France à la suite du 18 brumaire. Le soulèvement des noirs à Saint-Domingue et la révolution qui en fut la suite lui avaient enlevé toute sa fortune. Il eut alors recours à sa plume pour vivre, et, bien que doué d’un mérite httéraipe des plus minces, fut chargé du feuilleton dramatique dans la Gazette de France. Le peu de goût de sa critique et surtout son manque absolu de retenue lui firent de nombreux ennemis, et il finit par s’attirer le mépris de tous en publiant contre Delille un libelle intitulé : Examen critique du poème de la Pitié, de Jacques Delille, précédé d’une Notice sur les faits et gestes de l’auteur et de son Antigone (Paris, an XI, in-8o). Ce prétendu Examen critique, qui portait pour épigraphe : Point de pitié pour la Pitié, n’était qu’un ramassis d’attaques personnelles et de révélations sur la vie intime de Delille, chez lequel Dupuy des Islets avait été autrefois admis. Il prétendit, à la vérité, qu’il n’était pas l’auteur de ce pamphlet, mais il paraît certain que c’est à lui que toute la honte en revient.

Après l’établissement de l’empire Joséphine, dont il était un peu parent, lut fît obtenir une pension sur les fonds destinés à vunir en aide aux gens de lettres, et dès lors Dupuy des Islets se fit le chantre delagloiro et des triomphes de Napoléon. Cet enthousiasme lyrique dura jusqu’en 1814, jusqu’au retour des Bourbons, aux pieds desquels le poète pensionné par Napoléon s’empressa de

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faire agenouiller sa muse. Ce mouvement de conversion, exécuté à temps et avec toute la prestesse désirable, lui valut le titre de chevalier de Saint-Louis et le grade de major de cavalerie. Aussi affîcha-t-il depuis cette époque un royalisme sincère, qu’il ne perdait aucune occasion de manifester. Nous citerons entre autres, à ce sujet, le fait suivant : le matin de l’entrée de la duchesse de Berry à Paris, quelques gouttes de pluie faisaient craindre que les cérémonies du jour ne fussent contrariées par le mauvais temps. « Rassurez-vous, dit Dupuy des Islets, ce sont les larmes des buonapartistes. »

Il avait collaboré à l’A Imanach des Muses, et ce qu’il y a publié forme sans conteste le meilleur de son mince bagage littéraire ; nous en extrayons une épigramme assez réussie contre les journalistes :

D’un air contrit, certain folliculaire Se coiifessoit au bon père Pascal : « J’ai, disoit-il, délateur et faussaire, Vendu l’honneur au poids d’un vil métal ; Dans te mépris je consume ma vie ; Ennemi né du goût et du génie.

J’arme contre eux la sottise et l’envie. Ce qui fut bien me parut toujours mai...

— Ah ! laisse là ce détail qui m’attriste. Que ne dis-tu tout d’un coup, animal, Que ton métier est d’être journaliste ! ■

Les œuvres de Dupuy ne se composent que de pièces fugitives écrites dans le ton erotique, lyrique ou satirique. Il avait en outre publie des éditions des Œuvres poétiques de Boileau et des Œuvres complètes de J.-J. Rousseau.

DUPUY DE I.ÔME(Stanislas-Charles-Henri-Latirent), célèbre ingénieur maritime français, né à Plœmeur, près deLorient, en isig, et fils d’un ancien capitaine de vaisseau. Admis h l’École polytechnique en 1835, il en sortit pour entrer dans le génie maritime. Eu 1845, M. Dupuy de Lôme fut chargé d’aller étudier en Angleterre le mode de construction des navires en fer, et ce fut après son retour, sur ses indications et ses plans, que furent construits k Toulon nos premiers vaisseaux de ce genre. Vers la même époque, il reçut la mission d’inspecter les bateaux à vapeur de ce grand port de l’État, présenta des projets pour en agrandir les ateliers et les bassins, réorganisa les chantiers maritimes de la Ciotat, près de Marseille (1852), et devint, en 1853, ingénieur de première classe. Depuis lors, M. Dupuy de Lôme a été successivement nommé chef de la direction du matériel au ministère de la marine (1857), conseiller d’État (1860), et en 1861 commissaire du gouvernement, chargé de défendre près du Corps législatif l’administration de la marine.

Cet éminent ingénieur a introduit dans notre marine des améliorations et des transformations de la plus haute importance. C’est à lui qu’on doit la construction de notre premier vaisseau de guerre à vapeur à grande vitesse, le Napoléon (1852), qui, sans voiles, peut faire 22 kilomètres à 1 heure, et qui, malgré les vents ce les courants contraires, permit K notre flotte de traverser le détroit des Dardanelles en 1854, alors que la flotte anglaise était impuissante à le franchir ; c’est à lui qu’on doit la transformation en navires à vapeur de nos anciens navires à voiles, transformation qu’on opère en les allongeant par le centre : c’est lui qui dirigea, en 1858, à Toulon, la construction do notre première frégate blindée, la Gloire, devenue le type de nos vaisseaux cuirassés, de même que le Napoléon est resté le type de nos vaisseaux à vapeur. Lorsque cette frégate, toute cuirassée sur bois, fournissant une vitesse de 12 à 13 nœuds à l’heure en temps calme et pouvant franchir d’un trait, avec sa cargaison do charbon, 300 lieues marines à toute vapeur ; lorsque cette frégate fut lancée, le 24 novembre 1859, l’Angleterre prit l’alarme, se mit k organiser des corps de volontaires, et l’amirauté s’efforça, mais en vain, de créer dans le Warrior un vaisseau qui surpassât la Gloire. Enfin, M. Dupuy do Lôme a créé un type particulier de paquebots pour la compagnie des Messageries impériales.

En 1869, M. Dupuy de Lôme a été élu, avec l’appui du gouvernement, membre du Corps législatif par la circonscription de Lorient. 11 est devenu aussitôt un des députés les plus marquants de la majorité, et lorsque, à la fin de décembre de la même année, l’empereur chargea M. Emile Ollivier de former un ministère et d’inaugurer une politique nouvelle, des ouvertures furent faites, dit-on, k M. Dupu y do Lôme pour le faire entrer dans une combinaison ministérielle qui échoua. Depuis lors il a voté avec la droite, a pris une part fort active k la discussion sur notre régime commercial et s’est prononcé pour le système du libre échange. Depuis 1863, M.Dupuy deLôme est grand officier de la Légion d honneur et, depuis 1866, membre de l’Académie des sciences. Il a publié en 1843 un ouvrage sur la construction des bâtiments de fer.

DUPUY DE MONTBRUN, nom d’une famille protestante qui a fourni plusieurs hommes de guerre célèbres. V. Montbrun (Dupuy de).

DU PUYNODE (Michel-Gustave Partou-Nau), économiste français, né aux Forges de Verrières (Vienne) en 1817. Il se fît recevoir docteur eu droit en 1841. En 1845, il obtint au

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ministère de la justice un emploi dont il se démit en 1848, et refusa alors d’accepter les fonctions de secrétaire général du ministère de la marine. Depuis cette époque, M. Du Puynode s’est occupé d’une façon toute particulière d’économie politique et a publié quelques articles littéraires dans l’Artiste. Outro de nombreux articles insérés dans le Journal des Economistes, on lui doit : Études d’économie politique sur la propriété territoriale (Paris, 1843) ; Des lois du travail et des classes ouvrières (1845) ; De l’esclavage des colonies (1847) ; Lettres économiques sur le prolétariat (1818) ; De l’administration des finances en 1S4S et 1S49 (1850) ; De la tnonnaie, du crédit et de l’impôt (1853, 2 vol. in-8o), son ouvrage capital, dans lequel il se prononce en faveur de la liberté des banques et de l’impôt direct substitué à tous les autres impôts ; Des lois du travail et de la population (1861, 2 vol. in-8o) ; Études sur les principaux économistes (1867, in-8"), etc.


DUPUYTREN (le baron Guillaume), célèbre chirurgien français, né à Pierre-Buffière en 1777, mort à Paris le 7 février 1835. Malgré le peu de fortune de son père, qui était avocat, il comiriença ses études au collège de Magnac-Laval, où il était encore lorsque éclata la révolution de 1789. Un officier d artillerie nommé Keffer, de passage dans cette ville, l’ayant remarqué, reconnut en lui une grande justesse d’idées et une vivacité peu ordinaire. Ayant obtenu de son père l’autorisation d’aller à Paris avec M. Keffer, le jeune Dupuytren partit pour la capitale avec son nouveau protecteur, qui le plaça dans le collège de la Marche, dirigé par son frère. Ses études classiques brillamment terminées, Dupuytren ayant à choisir une profession se décida pour la chirurgie, engagé sans doute par les conseils de Thouret, qui le vit, le jugea, le secourut et ne cessa de le protéger. Ses progrès furent rapides, grâce à un travail soutenu, et il fut bientôt en état de préparer les sujets pour les leçons d’anatomie que Vauquelin faisait à l’École de pharmacie.

À la fin de l’année 1794, Fourcroy ayant fait créer trois Facultés de médecine et spécialement celle de Paris, un concours s’ouvrit pour une place de prosecteur. Dupuytren concourut et fut nommé le premier. Mais ces nouvelles fonctions n’amenèrent pas une grande amélioration a son état de dénùment, les émoluments de son nouvel emploi pouvant à peine acquitter le prix d’un habit. Ce fut à cette époque qu’il reçut la visite d’un des hommes les plus singuliers qui aient jamais existé : cet homme était H. Saint-Simon. Un jour Saint-Simon avait découvert Dupuytren : c’est un adepte à conquérir ; il monte et voit le jeune prosecteur grelottant de froid et travaillant au lit ; il s’excuse, développe ses vues avec sa véhémence accoutumée, se flatte que Dupuytren s’en fera l’apôtre, se lève, et feint, en se retirant, d’oublier sur le poêle une somme faible pour l’un, forte pour l’autre, deux cents francs, juste ce qu’il fallait pour n’avoir plus froid ! • Quelle méprise ! » s’écrie Dupuytren resté seul et apercevant l’argent. Il s’habille à la hâte, court à Saint-Simon, et lui remet la somme en l’accusant de distraction.

En 1801, la place de chef des travaux anatomiques étant devenue vacante, Dupuytren concourut pour l’obtenir. Il eut pour concurrent Duméril, qui ne l’emporta que d’une voix. Aussi, peu de mois après, celui-ci étant devenu professeur, Dupuytren fut-il nommé par le vœu unanime de 1 École et sans qu’il y eût concours. Dès ce moment, le jeune savant se tourna vers l’anatomie pathologique. Ses travaux, préparés par ceux de Haller, do Corvisart, secondés et quelquefois modifiés par Laonnec et Bayle, mis en ordre par Cruveilhier, imités, suivis, étendus par une foule de médecins contemporains, ont fait prendre à cette science une face toute nouvelle. Maître d’une multitude de matériaux, Dupuytren en construisit un édifice. Il distribua les lésions organiques en espèces, en genres, en ordres, en classes ; il en fit un grand système, une sorte de musée.

En 1802, il ouvrit plusieurs cours et enseigna l’anatomie, la physiologie et l’anatomie pathologique avec un grand succès ; mais, l’année suivante, la loi étant venue statuer sur les réceptions, Dupuytren fut forcé d’obéir et écrivit une thèse sur des points d’anatomie, de physiologie, de chimie et d’anatomie pathologique. Ce travail remarquable renferme

la description des vaisseaux des os aperçus par Fleùry, l’usage des ligaments latéraux, la nature du chyle, et cette singulière série d’états par lesquels passent les fausses membranes, depuis leur apparence, sous forme do villosités, jusqu’à leur réduction en tissu cellulaire. En 1804, il fut nommé membre de

la Société royale de médecine. Depuis cette époque, ses recherches et ses travaux so multiplièrent à l’infini, et se portèrent sur le cal, les tissus fibreux et érectiles, la rate, etc. Vers la fin de 1804, un concours s’ouvrit pour une place de chirurgien de seconde classe à l’Hôtel-Dieu. Dupuytren concourut et mit dans ses épreuves orales et écrites tant de force et de netteté, déploya tant de connaissances, s’éleva enfin à une telle hauteur, que ses juges éblouis le nommèrent. En 1808, il devint chirurgien en chef adjoint. En 1811, mourut Sabaticr, professeur de