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astres avec Mme  du Châtelet, avec Voltaire lui-même. Elle a été en relations « scientifiques » avec Lalande, qui lui a dédié son Astronomie des dames. Elle a fait de nombreux calculs d’éclipses, pour mieux trouver le mouvement des astres, et des mémoires nombreux sur l’astronomie, qu’on trouve dans les œuvres de l’illustre prédécesseur d’Arago. Enfin, la science lui est redevable d’une Table alphabétique et analytique des matières contenues dans les dix tomes du système des connaissances chimiques (Paris, 1802, 1 vol. in-8o).


DUPIN (Jean), poëte français, né dans le Bourbonnais en 1302, mort en 1372. Il passa la plus grande partie de sa vie à l’abbaye de Vaucelles, près de Cambrai, où il était moine, et mourut à l’abbaye des Guillemins, près de Liège. Dupin a composé, en prose et en vers, un ouvrage intitulé : le Livre de bonne vie (Chambéry, 1495, in-fol.), et réédité sous le titre de : le Champ vertueux de bonne vie (Paris, in-4o). Cet ouvrage, dit l’abbé Goujet, « est divisé en deux parties, l’une en prose, l’autre en vers. La première est partagée en sept livres. C’est le récit de ce qu’il feint avoir vu en songe, sous la conduite d’un chevalier nommé Mandevie, avec lequel il parcourt toutes les conditions des hommes. La seconde partie, qui contient le huitième livre, est en vers et roule sur les mêmes sujets. C’est comme l’abrégé des sept autres livres. Jean Dupin fait passer en revue, dans ce huitième livre, tous les états en général, dont il représente en quarante chapitres, et avec beaucoup de liberté, les abus et les vices. Les dignités les plus respectables sont, comme les conditions inférieures, l’objet de sa censure. Il parle fort librement des papes ; il accuse les cardinaux, les évêques et autres prélats de luxe, de simonie, d’avarice et d’autres crimes plus énormes, et leur oppose la vie des apôtres. Il fait un portrait plus affreux des chanoines et des moines, sans épargner les enfants de Saint-Benoît et de Saint-Bernard, qu’il désigne sous le titre de moines noirs et de moines blancs... Les prêtres et surtout les juges d’Église, comme les officiaux et autres, sont encore plus maltraités. S’il n’a pas chargé ses couleurs, il faut avouer que les abus dont il se plaint étaient fort criants... Il parcourt avec la même liberté toutes les conditions séculières, depuis les rois jusqu’aux artisans, et partout il se montre un censeur impitoyable. » Ce curieux ouvrage est assez médiocre au point de vue poétique, et Jean Dupin, dans sa préface, nous apprend lui-même qu’il n’avait aucune prétention littéraire :

Je suys rude et mal courtois ;
Si je dis mal, pardonnez-moy,
Je foys par bonne intention ;
Si n’ay pas langue de François,
De la duché de Bourbonnoys
Fust mon lieu et ma nation.

D’après La Croix du Maine, Dupin est l’auteur d’un poème agréable, l’Évangile des femmes, composé en vers alexandrins, dont la Bibliothèque nationale possède le manuscrit.

DUPIN (Louis-Ellies), historien ecclésiastique français, docteur en Sorbonne, né en Normandie, suivant les uns, à Paris, suivant les autres, en 1657, mort en 1719. Il entra dans les ordres, se fit recevoir docteur en Sorbonne (1C84), devint professeur de philosophie au Collège royal et fut nommé commissaire dans la plupart des affaires de la Faculté. Travailleur infatigable et doué d’une surprenante facilité, Dupin écrivit un grand nombre de livres sur toutes sortes de matières, collabora au Journal des Savants, composa des mémoires et des avis pour ceux qui lui en demandaient, et trouva même le temps, dit Nicéron, de se délasser avec ses amis une partie do sa journée. Il est auteur d’un ouvrage considérable qui n’atteignit pas moins do 58 vol. in-8o : Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, contenant l’histoire de leur vie, le catalogue, ta critique et la chronologie de leurs ouvrages, etc. (1586-1704). Cet ouvrage est impartial et dégagé de préjugés ; mais la rapidité avec laquelle il a été composé a fait commettre a l’auteur quelques inexactitudes. La liberté qui préside à l’examen des doctrines souleva de violentes récriminations et fit censurer l’ouvrage. Dupin essuya encore quelques persécutions pour son opposition à la bulle Unigenitus et pour ses projets de réunion de communion anglicane et catholique. Outre l’immense travail de sa Bibliothèque, il a composé un certain nombre d’autres ouvrages, parmi lesquels nous citerons : De antiquaEcclesim disciplina (Paris, 1C70, in-4») ; Dialogues posthumes du sieur de La Bruyère sur le quiëtisme (Paris, 1699) ; Traité de la doctrine chrétienne et orthodoxe (Paris, 1703) ; l’Histoire d’Apollonius de Tyane (Pans, 1707) ; Bibliothèque universelle, des historiens (Paris, 1707) ; Histoire des Juifs depuisJésus-Christ jusqu’à présent (Paris, 1710) ; Dissertations historiques, chronologiques et critiques sur la Bible (Paris, 1711) ; J/tstoire de l’Église eu abrégé (Paris, 1712) ; Histoire profane depuis son commencement jusqu’à présent (Paris, 0.vol. in-12) ; Traité historique des excommunications (Paris, 1715) ; Défense de la monarchie de Sicile contre les entreprises de la cour de Rome (171G) ; Biblio. thèque des auteurs séparés de la communion romaine du xvio et du xvue siècle. Citons en DUPI

fin, en terminant, son Traité de la puissance ecclésiastique et temporelle (1707, in-8o), commentaire sur les articles du clergé de France. Dupin était gallican, et janséniste. « 11 a été en même temps, dit Nicéron, interprète, théologien, canoniste, historien sacré et profane, critique, philosophe même, et tout cela avec la même facilité, quoique quelquefois aux dépens de sa réputation... On ne peut lui refuser la louange d’avoir un goût excellent, une grande exemption des préjugés ordinaires, un esprit net, précis, méthodique, une lecture immense, une mémoire heureuse, une imagination vive, mais réglée, un style léger et noble, un caractère équitable et modéré, sans parti, sans violence, sans prévention, plein de ressources dans les besoins, plus porté à la paix qu’a la division et propre à former des réunions, s’il y avait eu lieu d’en espérer, quelqu’une, des communions étrangères. » Il comptait au nombre de ses amis Racine, son parent, et Rollin.

DUPIN (Pierre), jurisconsulte français, né à ïartasen 1681, mortàBordeauxen 1745. 11 remplit les fonctions de procureur et publia, entre autres écrits, un Traité sur les peines des secondes noces (Paris, 1740, in-4o), et Conférences de toutes les questions traitées par Ferron dans son commentaire sur ta coutume de Bordeaux (Bordeaux, 174G, in-4<>).

DUPIN (Claude), financier et économiste français, né à Châteauroux, mort à Paris en 17G9. Il quitta le service des armes pour devenir fermier général. On lui doit quelques écrits estimés, tirés à un très-petit nombre d’exemplaires, notamment : les (Economiques (Carlsruhe, 1745, 3 vol. in-4o) ; Mémoire sur. les blés (Paris, 1748) ; Observations sur l’Es- prit des lois (Paris, 1757-1758, 3 vol. in-S°).

DUPIN (Mi’o Fontaine, dame), femme du précédent, amie de Jean-Jacques Rousseau, morte à Chenonceaux, presque centenaire, vers 1800. Elle était fille naturelle de Samuel Bernard et de Mme Fontaine. Elle fut aimée tendrement de Jean-Jacques, à qui elle accorda son amitié et sa protection.

Rousseau a quitté les Charmettes, parce qu’un garçon perruquier l’a remplacé dans •le cœur et dans le lit do M™e de Wnrens, un peu aussi poussé par son humeur inquiète, vagabonde ; il s’est dirigé vers Paris, ayant dans sa poche, pour toute fortune, un nouveau système de musique. À peine arrivé, il se heurte à toutes sortes d’obstacles ; le découragement vient et, à la suite du découragement, la misère. Le P. Castel lui dit un jour : « Puisque les musiciens, puisque les savants ne chantent -pas à votre unisson, changez de corde et voyez les femmes. » Et le bonhomme lui donne le nom de quelques daines haut placées qui se piquent de protéger les lettres et les arts et qui sont de ses amies, Mme de Broglie, Mm« de Benzenval, Mmo Dupin. Rousseau fait violence à son caractère et va faire lgs visites qu’on lui a conseillées ; laissons - lui raconter son entrée chez Mme Dupin. 0 Mme Dupin, dit l’auteur des Confessions, fut le prix de l’hospitalité de M. Dupin, à qui sa mère la donna avec une place de fermier général et une fortune immense, en reconnaissance du bon accueil qu’il lui avait fait dans sa province. Elle étoit encore, quand je la vis pour la première fois, une des plus belles femmes de Paris. Elle me reçut à sa toilette. Elle avoit les bras nus, les cheveux épars, son peignoir mal arrangé. Cet abord m’étoit très-nouveau ; ma pauvre tête n’y tint pas ; je me trouble, je m’égare et, bref, me voilà épris de Mme Dupin.

Mon trouble ne parut pas me nurre auprès d’elle ; elle ne s’en aperçut point. Elle accueillit le livre et l’auteur, me parla de mon projet en personne instruite, chanta, s’accompagna du clavecin, me retint à dîner, me fit mettre à table à côté d’elle. Il n’en falloit pas tant pour me rendre fou ; je le devins. Elle me permit de la venir voir : j’usai, j’abusai de la permission. J’y allois presque tous les jours, j’y dînois deux ou trois fois la semaine. Je mourois d’envie de parler ; je n’osoi jamais. Plusieurs raisons renforçoient ma timidité naturelle. L’entrée d’une maison opulente étoit une porte ouverte à la fortune ; je.ne voulois pas, dans ma situation, risquer de me la fermer. Mmo Dupin, tout aimable qu’elle étoit, étoit sérieuse et froide ; je ne trouvois rien dans ses manières d’assez agaçant pour m’enhardir. Sa maison, aussi brillante alors qu’aucune autre dans Paris, rassembloit des sociétés auxquelles il ne manquoit que d’être un peu moins nombreuses pour être d’élite dans tous les genres. Elle aimoit à voir tous les gens qui jetoient de l’éclat : les grands, les gens de lettres, les belles femmes. On ne voyoit chez elle que ducs, ambassadeurs, cordons bleus. Mm, J la princesse de Rohan, Mme la comtesse de Forcalquier, Mmo de Mirepoix, Mme de Brignolé, milady Hervey, pouvoient passer pour ses amies. M. de Fonteiielle, l’abbé de Saint-Pierre, M. de Fourmont, M. de Bernis, M. de Buffon, M. de Voltaire, étoient de son cercle et de ses dîners. Si son maintien réservé n’attiroit pas beaucoup de jeunes gens, sa société, d’autant mieux organisée, n en étoit que plus imposante ; et le pauvre Jean-Jacques n’avoit pas de quoi se flatter de briller beaucoup au milieu do tout cela. » ’ Mais il y avait eu Rousseau un grand fond d’orgueil sous une apparence modeste et embarrassée ; tout en disant de lui « pauvre

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Jean-Jacques, > il s’imagine avoir été remarqué et il ose écrire ce qu’il n’a pas eu lo courage de dire de vive voix. Mme Dupin lui rendit sa lettre, en y ajoutant quelques conseils donnés d un ton assez hautain pour éteindre à jamais toute passion, ou du moins pour faire renoncer à toute idée de la déclarer.

Mme Dupin, cependant, était bonne et douce, autant que belle et spirituelle ; elle oublia vite la sottise du jeune recommandé du P. Castel, et, pour bien lui prouver qu’il était tout psrrdonné, elle lui confia, durant quelque temps, l’éducation de son fils, . « ce Chenonceaux qui avoit dès lors cette mauvaise tête qui a failli déshonorer sa famille et qui l’a fait mourir à l’Ile de Bourbon. 1

À quelque temps de là, Rousseau accompagne, en sa qualité de secrétaire, le comte de Montaigu k son ambassade de Venise. Il en revient dix-huit mois après, essaye de faire jouer sa comédie deNarcisseei ne peuty réussir. Auxabois, ilarecoursàMme Dupin, qui le reçoit avec son cœur indulgent et l’emploie en qualité de secrétaire ; elle lui donne 900 francs par an d’abord, bientôt après elle porte ses honoraires annuels à cinquante louis ; un jour enfin elle lui fait cette surprise de meubler, rue de Gronelle-Saint-Honoré, un logement pour lui et la trop fameuse Thérèse ; les deux amoureux, alors dans toute la douceur de leur lune de miel, devaient occuper ce logement durant sept ans, jusqu’au jour où ils partirent pour 1 Ermitage.

Dans le recueil des rares poésies de Rousseau, on trouve ce quatrain adressé à

Mme Dupin :

Raison, ne sois point éperdue,

Près d’elle on te trouve toujours ;

Le sage te perd ù. sa vue

Et te retrouve en ses discours.

DUPIN (Charles), financier français, né à Ciomecy en 1731, mort à Montpellier en 1808. Employé dans l’administration des domaines avant la Révolution, il fut élu, en 1790, procureur syndic du département de l’Hérault, entra à la cour de cassation en 1795, puis remplit les fonctions de directeur de l’enregistrement à Rouen et à Montpellier. If est auteur d’Instructions sur diverses questions relatives aux droits de contrôle, ttinsinuation, etc. (Montpellier, 1787, in-4o).

DUPIN (Antoine), conventionnel montagnard, né en Champagne en 175S, mort vers 1820. Il était employé dans les fermes générales lorsque le département de l’Aisne l’élut député à la Convention. Dans le procès de Louis XVIj il se prononça pour la peine la plus forte après la mort, et ensuite contre l’appel au peuple et le sursis à l’exécution. En juin 1703, il fut un dos signataires de la protestation contre le 31 mai ; mais, ’ s’étant bientôt rétracté, il prit place sur les bancs de la Montagne. 0 est lui qui fit le fameux rapport a la suite duquel 1 illustre Lavoisier et tous les fermiers généraux furent envoyés à la mort. Accusé, après le 9 thermidor, d’avoir enlevé à l’un d’eux une somme do 100,000 francs, il fut mis en arrestation et ne recouvra la liberté que par l’amnistie de l’un IV. Cette accusation était si peu fondée qu’il dut ensuite, pour vivre, remplir un modeste emploi dans un des départements réunis à la France.

DUPIN (Claude-François-Étienne, baron), administrateur français, né à Metz en 17G7, mort en 1828. Il accepta les idées de la Révolution, devint, en 1791, chef du secrétariat du département de la Seine ; en 1708, commissaire du pouvoir exécutif près l’administration centrale ; en 1730, administrateur du même département. II fut nommé, en 1S00, préfet des Deux-Sèvres ; reçut, en 1809, le titre de baron et remplit, à partir de 1S13 jusqu’à sa mort, la charge de maître des comptes. Étienne Dupin avait épousé, en 1796,1a veuve deDanton, On ade-lui un assez grand nombre d’écrits, parmi lesquels nous citerons : Notices biographiques d’hommes célèbres de l’antiquité et des temps modernes (1793) ; Statistique du département des DeuxSèvres (1801) ; Précis historique de l’administration et de la comptabilité des revenus communaux (1820) ; Histoire de l’administration des secours publics (1821) ; Histoire de l’administration locale ou Revue historique des divers changements survenus dans l’organisation administrative depuis le commencement de la monarchie jusqu’à l’avènement de Charles X (1829, in-S°).

DUPIN (Charles :A«dré), jurisconsulte et magistrat français, né à, Clamecy le 20 juin 1758, mort dans la même ville.le 21 novembre 1843. Son père était un fort habile médecin, qui voulut néanmoins que son fils suivît la carrière du barreau, et lo jeune homme, obéissant à la volonté paternelle, alla étudier le droit à Bourges. Après s’être fait recevoir avocat au Parlement de Paris, il entra dans la magistrature et remplit, jusqu’à la Révolution, les modestes fonctions de conseiller et de lieutenant particulier au bailliage de Clamecy. Il adopta avec enthousiasme les principes do la Révolution et fut envoyé par ses concitoyens à l’Assemblée législative, où il travailla dans les comités, surtout dans celui de l’instruction publique, à côté de Lacépède et de Condorcet, qui devinrent ses amis. Emprisonné en 1793, il ne recouvra sa liberté qu’après la chute de Robes DUPI

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pierre. Il reprit alors sa robe d’avocat son éloquence et son talent lui valurent rapidement une nombreuse et honorable clientèle, et il se vit en possession de la confiance gô- • néralc. Trois fois les suffrages de ses concitoyens le portèrent aux Chambres électives. La haute position que lui donnaient ces témoignages de confiance et d’estime attira l’attention du gouvernement. Un arrêté du 12 frimaire an VII le nomma avocat général à la cour do cassation ; mais il refusa ces’fonctions élevées et préféra revenir dans sa ville natale, à Clamecy, pour y exercer les simples fonctions du ministère public près d’un tribunal de première instance. En 1814, il fut nommé sous-préfet de la mémo ville. Charitable et bienfaisant, désintéressé pour lui-même, soigneux de l’éducation de ses enfants, il mérita qu’on dît de lui.ee qu’on avait dit de Loisel, qu’il était « bon fils, bon père, bon parent, bon ami, bon citoyen, aimant fort sa patrie et sa ville, b Charles Dupin fut lo père de trois hommes remarquables, connus sous le nom des trois Dupin et dont nous donnons ci-après la biographie.

DUPIN (André-Marie-Jean-Jacques), magistrat français, fils du précédent, dit Dnpl» nîné, pour lo distinguer de ses deux frères Charles et Philippe, né à.Varzy, en Nivernais, le ier février 1783, mort à Paris le 10 novembre 1865.

Sa mère fut une femme très-éctairêe, à l’esprit ferme, indépendant et vif, qui exerça une grande influence sur l’éducation de ses trois fils. On lui attribue à juste titre l’honneur d’avoir contribué à faire de tous les trois des hommes remarquables, et l’on a pu graver sur sa tombe cette ligne si simple, qui a une fierté toute romaine : Ci-gît i, a mère des trois Dupin. j

Sous lo Consulat, Dupin aine fit ses études de droit à l’académie de législation, qui remplaçait les anciennes écoles de droit. Reçu avocat en 1800, il fut, deux ans après, le premier docteur qui sortit de la Faculté rétablie. Ayant concouru à une chaire do professeur à l’École de droit, il échoua. Il conserva longtemps un souvenir amer do cet échec ; mais la vie lui réservait do nombreuses compensations. En attendant, il étudiait la procédure chez un avoué. On doit à M. Dupin aîné ce témoignage, qu’il mérita ses premiers succès par un travail qui eût fait plier toute autre nature moins robuste que la sienne. Sa parole vive, la verve gauloise de son esprit, sa science incontestable le firent promptement remarquer au barreau de Paris. Un procès bruyant, qu’il gagna, appela sur lui l’attention du procureur général Merlin, qui le fit adjoindre à la commission chargée do la classification des lois de l’Empire.

Pendant les Cent-Jours, les électeurs do Château-Chinon l’envoient siégera la Chambre des représentants. Il prend place dansles rangs du parti libéral, repousse le maintien de la dynastie impériale et signe la déclaration du 15 juillet 1815 : « Que le gouvernement, qujl qu’en fût le chef, devait

réunir les vœux de la nation légalement émis. • Sa carrière politique commençait.

Revenu au barreau, il y affirma d’abord son instinct bourgeois, frondeur, son attachement aux principes de 1789 et son gallicanisme en matière de conflits religieux. Lo procès du maréchal Ney donna l’essor à sa réputation et à sa popularité. Chargé, avec les deux Berryer, de la défense de l’illustre coupable, il déploya, malgré les restrictions apportées à la liberté de parole des avocats, une habileté de moyens digne de plus de succès. Dès lors, l’opposition s’empara de son nom et lui fit une rapide renommée. Tout homme de quelque importance, poursuivi pour affaire politique, faisait appel à M. Dupin. Il était devenu l’avocat de l’opposition libérale. C’est à ce titre qu’il fut chargé de défendre les généraux Alix, Boyer, de Rovigo, Gilly ; les trois Anglais qui avaient favorisé l’évasion do M. de La Valette ; Mérilhou, Béranger, Bavoux, Jouy et Jay, etc.

Les deux procès de presse qui donnèrent le plus de retentissement au nom de M. Dupin furent ceux du Constitutionnel, en 1825, et du Journal des Débats, en 1829. Dans le procès du Constitutionnel, M. Dupin eut à défendre les libertés de l’Église gallicane. Sa plaidoirie ne fut pas une défense, mais une attaque, et il y apporta une ardeur que pouvait seule expliquer son antipathie pour le principe ultraniontain et pour les jésuites. Quant à l’affaire du Journal des Débats, l’article incriminé se terminait par ces mots célèbres : « Malheureuse France I malheureux roi ! » C’était en 1829. L’annéo suivante, la révolution amenait au trône une autre dynastie ; les paroles du journal avaient été prophétiques.

Les succès politiques de M. Dupin ne lui faisaient pas négliger le travail patient de lo procédure. » Il n’allait jamais à l’audience, dit M. Delangle dans le discours consacré à la mémoire de son prédécesseur, sans avoir épuisé les recherches de tout genre, interrogé les textes du droit, compulsé les auteurs, vérifié les arrêts, médité longuement sur le côté moral que présentait la cause à plaider. Il aurait considéré comme un abus de confiance de ne pas consacrer à chaque affaire un examen approfondi. Ses notes étaient un traité sur la matière. »

La popularité de M. Dupin lui valut d’être