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naires ; car on n’ignore point que c’est lé parti de la cour qui, par ses violences et ses trahisons, a poussé la France dans la république. À propos des réformes de l’Assemblée constituante, il s’écrie avec enthousiasme :

« Quand j’examine tout ce qu’il a fallu de raison, de force, de lumière, d’intrépidité, de prudence, pour concevoir, suivre et exécuter tant et de si belles idées, oui, foutre ! j’en conviens sans rougir, je suis comme un aveugle à qui l’art, ou quelque hasard heureux, rend 1 usage des yeux, et qui jouit pour la première fois de l’aspect du soleil... Je ne puis apprécier chaque partie du tout, mais son ensemble me parait admirable... J’idolâtre la constitution comme un amant sa maîtresse... Ce n’est pas à nos seuls représentants que nous avons des hommages à rendre. Le roi aime la constitution, foutre ! il l’a acceptée de bonne foi ; il l’a jurée, il la défendra. J’aime le roi de tout mon cœur... •

Et sur le bruit que Louis XVI était malade :

« La Grande douleur du père Duchesne au sujet de la maladie du roi, et sa Grande colère contre les aristocrates qui empoisonnent sa vie.

Non, foutre 1 il n’est plus de plaisir pour moi ; le vin me semble amer et le tabac répugne à ma bouche. Mon roi, mon bon roi est malade I Français ; pleurez avec moi : notre père est alité ; le restaurateur de la liberté française est retenu dans son lit. Oh ! foutre 1 son cœur est toujours au milieu de son peuple, qu’il aime bougrement, et dont il est bougrement aimé... •

Cet enthousiasme royaliste tomba rapidement, et la feuille d’Hébert suivit le crescendo révolutionnaire, passant, avec le peuple, du soupçon à la haine, et de la haine à la fureur. Bientôt ce sera la gueule d’airain où se répercuteront, où hurleront, avec l’accent des chiens de Scylta, toutes les colères et les souffrances de la plèbe, les gémissements des existences broyées, l’ivresse des faubourgs à la nouvelle d’une victoire, les cris de fureur au bruit d’une trahison ou d’une défaite, et la Marseillaise des fédérés, et le Ça ira des sans-culottes, et le tocsin du 10 août, et la fusillade des Tuileries, et les sanglots des femmes aux portes des boulangers, toutes les plaintes, tous les enthousiasmes et toutes les frénésies. Œuvre étrange, trop souvent cynique et odieuse, mais à coup sûr originale et forte, dramatique comme la réalité et la passion, saisissante d’actualité comme les pamphlets déla Ligue, et dont nombre de pages semblent un écho de Rabelais et des satiriques de la rue, comme Villon et Régnier.

Écoutez (dès 1790) la plainte de la mère Duchesne ; c’est comme la ballade des misères do la femme du peuple, vouée aux privations et aux durs travaux. L’esprit de réforme ennoblit d’ailleurs cet accent, vulgaire à force de réalité :

« Ce n’est-il pas criant que les riches ne payent que 6 sols par bouteille pour le vin de Bourgogne, de Malaga et de Bordeaux, quand la pauvre monde en paye autant pour boire de la ripopée ? Si on se trouve le dimanche aux fêtes et qu’on soit tenté de se faire une petite provision pour se réchauffer la conscience dans la semaine, ne voilà-t-il pas une foule de commis qui vous farfouillent partout ; et s’ils mettent la main sur une topette, c’est pis que si c’était la sainte ampoule... Si j’entame le chapitre des abus, ce n est pas fini. Ne vois-tu pas que dans notre chien de pays tout est pour les riches ? Pendant qu’on nous fait porter les colliers de force, traîner la galère, tirer le diable par la queue, et qu’on ne nous regarde pas plus que des zéros en chiffres, ces gueux de parvenus, ces contrôleurs des finances, vous ont des hôtels d’une façade à perte de vue, des carrosses et des équipages, unévingtaine de chevaliers grimpants au moins aussi insolents que leurs maîtres, autant de femmes qu’ils entretiennent pour les autres ; et je ne pouvons obtenir qu’on nous bâtisse une halle couverte, commode et à l’abri du froid. Pourquoi ne met-on pas les impôts sur les carrosses, sur la valetaille et sur un tas de fariboles qui font mal au cœur ? Cela diminuerait d’autant le nombre des écraseurs et des écrasés.

Et pis, pourquoi est-ce que les évoques et les abbés ont des quatre cents, des deux cents et des cent cinquante mille livres de revenus ? Ce n’est-il pas pour avoir une table plus friande que celle du roi ? C’est pour avoir de beaux carrosses, c’est pour jouer un jeu d’enfer, c’est pour entretenir les danseuses d’Opéra... A quoique c’est bon, ces petits abbés farauds, à frisure à la monte-au-ciel ? Et ceux des séminaires qui ont des cheveux" plats qui frisent comme la rue Richelieu ? Toutes ces frocailles se croient les premiers moutardiers du pape, pour avoir tout quitté pour ne rien faire et dire avec le nez quelques patenôtres qui ne font ni croître le blé ni diminuer le pain. Je n’avons pas étudié le latin ; mais si je voulions dégoiser un peu, je dirions qu’il vaudrait mieux appliquer leurs feuilles de bénéfices à de belles et bonnes écoles de charité, où nos enfants puissiont aller, ne serait-ce que pour apprendre ce qu’on appelle un petit mot d’arithmétique ou autre chose qui puissiont leur servir au besoin, ou pour bâtie des hospices aux malades, aux estropiés et aux pauvres petits orphelins.»

Ecoutons les conseils que donne le père

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Duchesne au maire de Paris, relativement à la police de la capitale :

« Grand Bailly, qui savez si bien lire aux astres, comment n apercevez-vous pas les abus qui se commettent dans une ville confiée à votre vigilance ? Et tous vos commissaires de police, à quoi s’occupent-ils ? Pourquoi ne cherchent-ils pas à déraciner le germe de tous les maux ? Pourquoi ne travaillent-ils pas a poursuivre les fauteurs de toutes ces académies, ces tripots de jeu qui alarment tous les bons citoyens ? On nous vante une révolution qui va ramener la décence des mœurs, et l’on tolère impunément tout ce qui peut les corrompre. J’ai bien peur, messieurs les gens d’esprit, que vous no vous connaissiez guère en administration et en politique. Vous êtes des bougres qui nous faites de beaux discours, mais le cœur n’y touche, comme on dit ; et quand on a bien claqué des mains, vous êtes tout transportés aux nues, sans vous embarrasser de ce qui se passe dans les rues de Paris, qui devraient principalement vous occuper.

Quoi ! vous ne direz mot, vous.serez indifférents, pendant que îa ville est inondée d’infâmes tripots qui sont de vrais coupegorge ? La jeunesse, l’âge mûr, la vieillesse même, s’y ruinent journellement. Le fils y joue 1 argent volé à son père, le mari la dot de sa femme, le marchand son magasin. Ne voilà-t-il pas la vraie cause dos brigandages, des banqueroutes, des suicides, des assassinats ? Comment ! la municipalité est instruite de ces désordres, et elle se tait ; elle semble, par son silence coupable, autoriser ces jeux perfides qui désolent les familles ! Mille bombes ! jusques à quand subsisteront-ils donc, ces tombeaux de la vertu, des moeurs, de la probité, du travail ? Le beau coup d’œil qu’une capitale livrée à tous les excès, sous 1 empire de la liberté ! » etc.

Sans doute, ce n’est pas là le terrible père Duchesne do la’l’erreur ; mais ces pages sont bonnes à rappeler, d’abord parce que personne ne les rappelle jamais ; ensuite, parce qu’on peut les mettre en regard des réformes accomplies par la grande commune de 17 ?3i répression du jeu, de l’agiotage et de la prostitution, améliorations dans le service des hôpitaux, etc. V. Commune de Paris.

Chaque numéro du Père Duchesne était précédé d un sommaire hautement épicé qui en indiquait à peu près le contenu et qui était destiné à être crié par les rues. Nous transcrivons au hasard quelques-uns de ces morceaux fameux :

— A bas les cloches ! ou grande découverte du père Duchesne pour avoir de la monnaie et des canons,

— La Grande colère du père Duchesne contre la création des mouchards par le nouveau régime.

— La Grande colère du père Duchesne de voir nos généraux s’amuser à la moutarde, au lieu de foutre à bas tous les trônes des tyrans. Ses bons avis au maréchal Luckner pour qu’il se foute enfin un grand coup de peigne avec les Autrichiens...

— La France sauvée, ou les bienfaits de la Révolution, et la Grande joie du père Duchesne sur l’émission des petits assignats.

Le Père Duchesne à la toilette de la reine, ou détail des vérités qu’il lui a apprises, et les bons conseils qu’il lui a donnés.

— Les Bons avis du père Duchesne à la femme du roi, et sa Grande colère contre les jean-foutre qui lui conseillent de partir et d’enlever le Dauphin.

— La Grande joie au père Duchesne à l’occasion de la nomination de M. Mirabeau au commandement du bataillon de la section Grange-Batelière ; sa grande ribote avec lui, et l’accolade de l’abbé Maury.

—La Grande colère du père Duchesne contre le ci-devant comte de Mirabeau, qui a foutu au nez de l’Assemblée nationale une motion contraire aux intérêts du peuple.

Grande joie du père Duchesne sur ce que le roi a envoyé faire foutre le grand aumônier, le pape et tous les calotins. Sa Gronde colère contre les sonneurs, carihonneurs et marguilliers aristocrates, et sa motion bougrement patriotique de fondre la cloche d’argent du palaiSj qui a donné le signal du massacre de la Saun-Barthélemy...

Grand tapag*e du pèro Duchesne à l’Assemblée nationale. Sa Grande colère contre les députés qui se font graisser la patte par la liste civile et qui vendent le peuple à la folle enchère...

— La diminution du pain et des subsistances réclamée par le père Duchesne à la nouvelle législature ; sa Grande colère et sa dénonciation contre les ci-devant financiers, fermiers généraux et autres marchands- do chair humaine qui accaparent les denrées et ont formé le complot de réduire Paris à la famine pondant l’hiver.

Grande colère du père Duchesne de voir les sans-culottes s’amuser à la moutarde au lieu d’aller foutre la danse aux prêtres et aux brigands qui ravagent le département de la Vendée. Ses bons avis aux lurons du faubourg Saint-Antoine pour qu’ils s’arment de fouets de poste et de gourdins pour faire rentrer dans leurs caves ceux qui veulent faire la contre-révolution à Paris.

— La Grande douleur du père Duchesne au sujet de Marat, assassiné a coups de couteau par une garce du Calvados... Ses bons avis aux braves sans-culottes, pour qu’ils

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se tiennent sans cesse sur leurs gardes, attendu qu’il y a dans Paris plusieurs milliers de tondus de la Vendée qui ont la patte graissée pour égorger tous les bons citoyens.

— La Grande colère du père Duchesne au sujet de toutes les trahisons de Louis XVI et des coups de chien qu’il médite contre la nation. Sa Grande dénonciation à l’Assemblée nationale contre le roi parjure, et les bons avis qu’il donne aux députés de ne pas se laisser graisser la patte, et, au lieu de faire de la bouillie pour les chats, comme à la révision, de prononcer la déchéance contre le roi de Coblentz, etc., etc.

Nous n’avons besoin de faire aucune observation sur la grossièreté systématique de ce style ; rappelons seulement qu’il était consacré, non-seulement pour le personnage fictif mis en scène ? mais encore dans une foule d’autres publications et spécialement dans beaucoup de feuilles royalistes, le Journal des Halles et autres. C’était une manière léguée par l’ancien régime à la Révolution, et le père Duchesne n est, -après tout, qu’un fils de Vadé. Ce qu’on est en droit de reprocher à Hébert, c’est d’en avoir aggravé la violence et le cynisme, précisément au moment où les mœurs prenaient plus de décence et de gravité avec la République. Bientôt, en effet, la feuille ultra-révolutionnaire se fit l’écho de toutes les colères et de toutes les frénésies, et mêla à sa polémique d’effroyables facéties sur la guillotine. Ou entendit crier dans les rues de Paris « la Grande joie du père Duchesne de voir le général Moustache (Custine) jouer à la main chaude, • c’est-à-dire être exécuté.

— La Grande colère du père Duchesne au sujet de tous les coups de chien qu’on prépare pour donner la volée à la nichée de hiboux du Temple et pour empêcher la Convention nationale de s’assembler. Sa Grande joie de voir arriver de tous les départements les braves bougres qui vont faire le procès du cornard Capet, et l’envoyer à la guillotine avec la louve autrichienne.

Bonjour, bonne œuvre, ou le bouquet de Louis le Traître, ci-devant roi des Français. Grand jugement du père Duchesne, qui condamne le scélérat à être raccourci avec l’infâme Antoinette et toutes tes bêtes féroces de lu ménagerie, pour avoir voulu mettre la France à feu et à sang et faire égorger les citoyens.

— La Grande colère du père Duchesne de voir que l’on cherche midi à quatorze heures pour juger la tigresse autrichienne... Ses bons avis aux braves sans-culottes d’être sur pied pour donner la chasse aux muscadins déguisés et aux fausses poissardes qui se disposent à crier grâce quand la guenon paraîtra dans le vis-à-vis de maître Sanson. »

Certes, quelque coupables que fussent Louis XVI et Marie-Antoinette, on ne saurait justifier de tels outrages contre des ennemis abattus. Hébert poursuivit avec la même furie les girondins vaincus, et l’on peut dire qu’il contribua à les pousser à l’échafaud, tout comme Camille, d’ailleurs, en son langage athénien. En ce temps de guerre acharnée, la violence était k l’ordre du jour dans tous les partis, et les plus modérés étaient terroristes autant que les ultras ; seulement, ils l’étaient dans un autre sens : c’est une remarque que les historiens ont presque toujours négligé de faire.

« Eh bien, dit M. Eugène Hatin, qu’on ne suspectera pas d’hébertisme, au milieu de tout cela, faut-il le dire ? Hébert a du talent ! Surmontez le dégoût qu’il inspire, osez vaincre ce frémissement qu’on éprouve au contact d’un reptile hideux, et vous lui trouverez des qualités de style, une manière de s’exprimer vive et nette, des phrases originales et pittoresques, des rapprochements imprévus et ingénieux. À travers toutes ces férocités, qui ont rendu le nom d’Hébert exécrable, on rencontre des pages pleines de sens et de raison. Sa mise était aussi soignée, ses manières aussi polies, que son style était cynique, dévergondé ; il était, enfin, tout l’opposé de ce que l’on supposerait d après ses écrits. •

Le fameux publiciste était, en effet, un homme aussi distingué par les manières que

fiar les mœurs et le talent (v. Hébert). De à. le quatrain si connu ;

Sur mon journal une horrible figure Me présentait en perruque de crin ; Mais, en effet, j’étais un muscadin. Et seulement sans-culotte en peinture.

Mais nous n’avons à nous occuper ici que de son journal, M. Hatin a cité, dans son Histoire de la presse, quelques fragments do ces pages pleines de sens et de raison qu’il signale dans le Père Duchesne. On pourrait multiplier ces extraits ; mais notre cadre no nous permet pas de prodiguer les citations, et nous devons nous borner à quelques fragments. Nous avons signalé déjà l’énergie avec laquelle le vieux marchand de fourneaux poursuivait les tripots et les maisons de jeu, une des hontes de l’ancien régime, qui semblait vouloir se perpétuer dans la Révolution. Il n’attaque pas avec moins de vigueur l’ignorance :

« La Grande colère du père Duchesne de voir que l’instruction publique ne va que d’une aile ; et qu’il existe des accapareurs d’esprit qui ne veulent pas que le peuple soit instruit, afin que les gueux continuent de

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porter la besace. Ses bons avis à toutes les sociétés populaires pour qu’elles donnent lo grand coup de collier à l’instruction des sansculottes, afin d’écraser une bonne fois le fanatisme et la tyrannie.

Le plus grand malheur de l’homme, c’est l’ignorance, foutre ! elle est la cause de presque toutes les sottises et de tous les crimes qui se commettent sur la terre. C’est elle, loutre ! qui a engendré tous les maux qui nous affligent. Le despotisme est son ouvrage, le fanatisme est son chef-d’œuvre ; car, foutre ! si les hommes avaient eu le sens commun, jamais ils n’auraient été dupes des tours de gibecièro des charlatans à calotte, et ils ne se seraient pas laissé lier, garrotter et museler pendant tant de siècles par des faquins qui osent s’intituler princes, rois, empereurs. Le premier qui fut prêtre fut un bougre un peu plus dégoisé que les sauvages avec lesquels il vivait. Il avait remarqué que son chat se frottait le museau ou que son âne remuait l’oreille toutes les fois que le temps devait changer. Tout fier d’avoir fait cette grande découverte, il s’en servit pour tromper les autres et pour les voler, en leur disant que le Père éternel, ou même le diable, lui soufflait dans l’oreille pour lui annoncer la pluie ou le beau temps. Comme on sait qu’il n’y a que le premier pas qui coûte, l’imposteur, après avoir une ibis trouvé des dupes, imagina d’autres sornettes pour embêter les sots qui l’écoutaient. Il se joignit ensuite à d’autres fourbes qui lui servirent de paillasses, et qui imaginèrent d’autres tours do force pour jeter de la poudre aux yeux. Voilà, foutre ! la véritable origine du métier de calotin, qui est devenu si bon pour ceux qui l’exerçaient, et si funeste pour les peuples qui se sont laissé gourer par ces bateleurs. C’est donc, foutre ! parce que de pauvres badauds, qui ne savaient ni A ni B, n’avaient pas examiné pourquoi les chats so grattaient, c’est parce qu’ils ne savaient pas toute la science qu’il y a dans les oreilles d’un âne, qu’ils ont eu des prêtres, et que le chancre du fanatisme a si longtemps rongé l’espèce humaine.

Si on veut également remonter au premier roi, on trouvera un brigand farouche et cruel, un véritable chouan qui n’a eu d’autre mérite que d’avoir une crinière plus longue et plus noire que celle des autres sauvages, et de savoir jouer du bâton à deux bouts. Voilà, foutre ! le premier sceptre qui a existé sur la terre...

Les tyrans, qui savent bien que leur pouvoir est fondé sur l’ignorance, ont grand soin de l’entretenir ; car il ne faut qu un souffle de la raison pour renverser tous leurs châteaux de cartes. Ils protègent la superstition, parce qu’elle abrutit l’homme et fui ôte son courage et son énergie.

11 faut donc, foutre 1 que tous les bougres qui ont du sang dans les veines et qui savent aussi que la raison est la botte secrète pour tuer la tyrannie, ne cessent de prêcher la raison ; il faut donc, si on veut sincèrement établir la liberté, combattre, étouffer les préjugés, il faut instruire tous les hommes ; car, foutre ! si nous continuons de laisser toujours les œufs dans le même panier, c’est-à-dire si les sans-culottes ne peuvent so procurer autant d’instruction que les riches, bientôt ils redeviendront esclaves ; il y aura bientôt un accaparement de science, et les gueux porteront toujours la besace.

Ah ! foutre ! si l’Assemblée constituante avait joué beau jeu bel argent ; si elle avait été de bonne foi comme la Convention, les écoles primaires seraient établies depuis quatre ans, et il n’y aurait pas un seul sans-culotte, dans toute l’étendue de la République, qui ne sût lire et écrire. Nous ne serions pas à la merci des gens de loi et des calotins, qui occupent toutes les places, et qui feront ia pluie et le beau temps jusqu’à ce que les sans-culottes soient instruits. Pour réparer le temps perdu et pour écraser une bonne fois toutes les vermines de l’ancien régime, je voudrais que tous les amis de la liberté se réunissent pour donner un grand coup de collier à l’instruction publique.

Sociétés patriotiques, quelle belle tâche je vous propose 1 Désignez tous les hommes purs et éclairés pour remplir les places dans les écoles primaires ; chargez-vous vous-mêmes d’instruire les sans-culottes, et ouvrez, toutes les décades, des cours d’instruction pour les pauvres ; donnez des prix à ceux qui composeront les meilleurs ouvrages pour cette instruction, et pour les livres élémentaires que la Convention a décrétés ; obligez chacun de vos membres à payer le tribut qu’il doit à la patrie. Quand tous les hommes qui savent penser et écrire auront couché leurs idées sur le papier, vous ramasserez tout ce que vous trouverez de bon. C’est vous, foutre I qui avez fondé îa liberté ; mais ce n’est pas assez, vous devez nous apprendre à la conserver. Délivrez-nous donc du mensonge et de l’ignorance, et vous donnerez le coup do grâce à toute espèce de tyrannie.

«... Ce n’est qu’avec des lois sévères, et surtoutpar l’éducation, que l’on corrigera les vices et que les bonnes mœurs s’établiront ; mais attendons peu de ceux qui ont sucé le lait du despotisme et qui ont croupi dans l’esclavage. Les hommes sont comme les arbres : celui qui a été planté par un bon cultivateur, qui a été greffé à temps, dont les rameaux ont été émondés, dont une main salutaire a