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la destruction générale de l’espèce humaine. Il ajoute qu’après l’inondation des actions de grâces furent rendues au grand Yaou « pour avoir ouvert neuf canaux a. l’effet de retirer les eaux qui couvraient les collines peu élevées et baignaient le pied des plus hautes montagnes. » M. Davis donne à entendre qu’un grand débordement des eaux de la rivière Jaune, une des plus considérables de la terre, pourrait, même à l’époque actuelle, occasionner un nouveau déluge semblable h celui de Yaou, et ensevelir sous ses eaux, les plaines les plus fertiles et les plus peuplées de la Chine. La rupture des diguesun canal artificiel, dans lequel une partie des eaux de la rivière Jaune ont été détournées, a plusieurs fois, dans les temps modernes, donné lieu aux plus terribles accidents, et il est aisé d’imaginer combien cette inondation a pu être plus considérable encore, si jamais quelque tremblement de terre violent a ébranlé la vallée en question. Un savant mémoire de M. Biot a du reste démontré la vérité de l’explication proposée par M. Davis. C’est bien aux inondations fréquentes du fleuve Jaune ou Hoang-ho que fut dû le cataclysme dont nous parlent les historiens chinois ; la société chinoise primitive établie sur ces bords eut beaucoup à Souffrir de ces débordements. Les travaux de Yaou n’ont dû être que le commencement des enùiguements nécessaires pour contenir les eaux, endiguements qui ont été continués dans les âges suivants.

Les traditions relatives au déluge que l’on rencontre en Amérique se rapprdchent aussi en beaucoup de points des légendes bibliques et chaldéennes, et l’on n’a pu expliquer jusqu’ici ces ressemblances. On conçoit difficilement en efTet que les émigrations qui eurent lieu très-certainement de l’Asie dans l’Amérique septentrionale par les îles Kouriles ou Aléoutiennes aient apporté de semblables souvenirs, car on n’en trouve aucune trace chez les populations mongoles et sibériennes qui se mêlèrent aux races autochthones du nouveau monde ou peut-être même qui peuplèrent celui-ci dans des temps fort reculés, et l’on ne comprend gjuère comment des légendes aussi circonstanciées se seraient conservées chez des tribus qui avaient perdu toutes les autres traditions de la civilisation à laquelle ces légendes remonteraient. « Il est vrai, dit M. Alfred Maury, que ces traditions nous ont été signalées par des missionnaires, du témoignage desquels il faut

en général extrêmement se défier : les apôtres de la foi chrétienne se sont toujours, en effet, montrés fort empressés à identifier avec les récits de la Bible les légendes très-vagues qu’ils trouvaient chez les sauvages quils cherchaient à catéchiser. Ils se sont constamment hâtés de rapporter au déluge biblique le souvenir des inondations dont les différents peuples avaient gardé la mémoire, et qui durent être particulièrement nombreuses dans un pays où des fleuves immenses, parcourant un sol très-bas, engendraient de fréquents débordements. Examinées de plus près, ces traditions se sont montrées beaucoup moins analogues aux faits bibliques que les missionnaires ne l’avaient dit..,. Le mythe de Bochica, rapporté chez les Muyscas, anciens habitants de la province de Cundinamarcha, n’a offert à des observateurs attentifs aucun trait qui le rapprochât du déluge de Noô avec lequel on l’avait tout d’abord identifié. Que voyons-nous, en effet, dans cette fable ? L’épouse d’un homme divin nommé Bochica, laquelle s’appelait Huythaca, se livrant a d’abominables sortilèges ïiour faire sortir de son lit la rivière Funzha ; toute la plaine de Bogota bouleversée par les eaux, les hommes et les animaux périssant dans cette catastrophe, et quelques-uns seulement échappant à la destruction en gagnant le sommet des plus hautes montagnes. La tradition ajoute que Bochica brisa les rochers qui fermaient la vallée de Canoas et de Tequendama, pour faciliter l’écoulement des eaux, puis qu’il rassembla les hommes dispersés, leur enseigna le culte du soleil et mourut. Nous ferons encore remarquer que ce n’est guère qu’un siècle et plus après la conquête que l’on commença à recueillir les traditions des naturels, alors que les missionnaires avaient déjà pénétré parmi eux et que leurs enseignements s’étaient mêlés dans l esprit des Indiens aux fables locales. On sait, par le témoignage des premiers navigateurs anglais qui visitèrent les bords du Colombia et le territoire de l’Orégon, que des Espagnols avaient pénétré anciennement dans ce pays ; ces Anglais trouvèrent des restes de leurs établissements et notamment un crucifix tout usé qui était resté aux mains des naturels. Des désertions fréquentes avaient de plus amené parmi les Indiens nombre de soldats européens qui leur apportèrent leurs croyances. L’autorité morale que des hommes civilisés exerçaient sur ces peuples barbares dut facilement leur faire admettre les dogmes du christianisme qui parlaient le plus à leur imagination. Il est donc fort possible que les traditions diluviennes que l’on a rencontrées chez les Américains soient dues à ce mélange des anciennes traditions et des croyances qui leur étaient apportées… Les inondations dont le souvenir s était conservé se confondirent avec le déluge de Noé dont les missionnaires leur apprirent l’existence. » Il faut donc apporter une grande réserve

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dans l’admission des anciennes légendes diluviennes des peuples américains, surtout quand il s’agit d’accepter les circonstances qui rapprochent ces légendes de celles de Noé et de Xisuthrus. Toutefois, il est vraisemblable que quelques-unes d’entre elles sont réellement authentiques, et leur similitude avec le mythe asiatique est parfois très-positive. Nous allons rapporter les principales. Don Fernando d’Ava Extlixocnitl dit, dans son Histoire des Chichimèt/ues, que, suivant les traditions de ce peuple, le premier âge, appelé atanotiuli, c’est-a-dire soleil des eaux, fut terminé par un déluge universel. Il est réellement très-remarquable qu’on rencontre la tradition des’quatre âges chez les anciens Péruviens ; ces âges sont terminés chacun par une catastrophe, comme dans la doctrine indienne. Cette circonstance est, nous en convenons, une des plus fortes que l’on puisse faire valoir en faveur de l’hypothèse d’une émigration des Indous ou de leurs ancêtres en Amérique. Le Noé du déluge mexicain est Coxcox, appelé par certaines populations Tôo Apactli ou Tezpi. Il se sauva, conjointement avec sa femme, Xochiquetzal, dans une barque, ou. selon d’autres traditions, dans un radeau d ahuahuete (c « pressus disticha).Dss peintures représentant le déluge de Coxcox ont été retrouvées chez les Aztèques, les Miztèques, les Zapotèques, les Tlascaitèques et les Méchoacanèves. La tradition de ces derniers en particulier offre une ressemblance plus frappante encore avec le mythe biblique. Il y est dit que Tezpi s’embarqua dans un bateau spacieux, avec sa femme, ses enfants, plusieurs animaux et des graines dont la conservation était chère ou genre humain. Lorsque le grand esprit Tezeatlîpoca ordonna que les eaux se retirassent, Tezpi fit sortir de la barque un vautour, le zopilote. L’oiseau, qui se nourrit de chair morte, ne revint pas, à cause du grand nombre de cadavres dont était jonchée la terre récemment desséchée. Tezpi envoya encore d’autres oiseaux, parmi lesquels le colibri seul revint en tenant dans son bec un rameau garni de feuilles ; alors Tezpi, voyant que le sol commençait a se couvrir d’une verdure nouvelle, quitta sa barque près de la montagne de Colhuacan. D’après une autre tradition, répandue chez les Indiens de Cholula et consignée dans un manuscrit du Vatican, avant la grande inondation qui eut lieu quatre mille huit ans après la création du monde, le pays d’Anahuac était habité par des géants ; tous ceux qui ne périrent pas furent transformés en poissons, a lexception de sept personnages qui se réfugièrent dans des cavernes. À cette tradition vient s’en joindre une autre qui offre la plus grande analogie avec le mythe de la construction de la tour de Babel.

« Certainement, dit M. Maury, la concordance de ces traditions américaines avec celles des Asiatiques occidentaux est frappante, et si, ce dont nous doutons sans cependant avoir la-dessus aucune certitude, elles sont complètement antérieures à la conquête, il faut de toute nécessité admettre qu’elles furent apportées de l’Asie quelques siècles avant l’arrivée des Européens ; car les souvenirs historiques des peuples américains ne semblent pas remonter bien haut. » Les tribus de la Nouvelle-Californie conservent aussi la notion d’un déluge ; leurs chants parlent d’une époque très-reculée où la mer sortit de son lit et couvrit la vallée. Tous les hommes et tous les animaux périrent a la suite de ce déluge envoyé par le dieu suprême Chinigchinig, à l’exeeption de quelques-uns qui s’étaient réfugiés sur une haute montagne où l’eau ne parvint pas. Les Péruviens plaçaient leur déluge sous le roi Tiracocha ; mais leur tradition s’éloignait davantage du récit biblique. Il y est dit que plusieurs années avant le règne des Incas, a une époque où le pays était très-peuplé, il y eut une grande inondation ; que la mer alors franchissant ses limites, la terre fut couverte d’eau, et que tous ceux qui habitaient cette région périrent. Les Guacas, tribu qui occupait la vallée de la Xauxa, et les naturels de Chiquito ajoutent a cela qu’un petit nombre d’individus qui s’étaient retirés dans les anfractuosités et dans les cpvernes des plus hautes montagnes furent épargnés et repeuplèrent le pays. Les habitants de la montagne affirment que tout le monde périt par suite de cette inondation, à l’exception de six personnes qui se sauvèrent sur un radeau et devinrent dans cette contrée la souche d’une nouvelle génération. Cette inondation fut sans doute produite par un tremblement de terre à la suite duquel l’Océan s’est précipité sur le rivage, comme cela est arrivé plusieurs fois déjà au Pérou depuis la découverte de l’Amérique.

Le P. Charlevoix prétend que les tribus indiennes de l’Amérique du Nord rapportaient, dans leurs grossières légendes, que tous les humains avaient été détruits par un déluge, et qu’alors Dieu, pour repeupler la terre, avait changé les animaux en hommes.

Le voyageur Henry raconte cette tradition qu’il prétend avoir recueillie chez les Indiens des lacs : « Autrefois le père des tribus indiennes habitait vers le soleil levant. Ayant été averti en songe qu’un déluge allait désoler la terre, il construisit un radeau sur lequel il se sauva avec sa famille et tous les animaux. Il flotta ainsi plusieurs mois sur

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les eaux. Les animaux, qui parlaient alors, se plaignaient hautement et murmuraient contre lui. Une nouvelle terre apparut enfin ; ce nouveau Noé y descendit avec toutes les créatures, qui perdirent alors l’usage de la parole, en punition de leurs murmures contre leur libérateur. »

M. Catlin a cru retrouver dans la tribu américaine des Mendans des traditions fort analogues à celles du déluge biblique, notamment des souvenirs de la colombe et de la sortie de l’arche. Des ressemblances de même nature ont été signalées par plusieurs voyageurs.

Si par hasard— toutes ces légendes avaient été fidèlement rapportées, il faudrait sans doute en conclure, ainsi que le remarque M. Alfred Maury, que, nées dans l’Asie centrale à côté des traditions sémitiques et aryennes, elles se sont répandues dansfaMandchourie et la Sibérie orientale, d’où elles sont passées en Amérique à la suite des migrations qui se sont opérées d’un continent dans l’autre, migrations que constatent encore ces casas grandes signalées par Torquemada, Clavigero et Siguenza. Peut-être ces traditions auraientelles été conservées par les castes supérieures, par la race que l’on pourrait appeler héroïque, et qui n avait sans doute pas la même origine que les castes inférieures formant le gros des tribus. Il est assez curieux, en effet, de voir que la langue dans laquelle se sont conservés les chants des Indiens de la Nouvelle-Californie est comprise des chefs seuls et que le peuple n’en a pas la moindre intelligence, la langue qu’il parle étant totalement différente. Transmises de chefs en chefs, les traditions, ne comptant qu’un petit nombre de dépositaires, ont pu de la sorte se conserver plus facilement dans leur intégrité première.

Les voyageurs ont signalé en Océanie des traditions relatives à des inondations dans lesquelles les missionnaires se sont empressés de reconnaître le mythe biblique, bien que ces traditions n’offrent certainement aucune analogie avec le récit juif et chaldéen ; elles se rapportent évidemment à des inondations produites par des ras de marée comme il en arrive souvent dans les îles de la Polynésie et de l’Australie. Les déluges de Taaroa, chez les Taïtiens de l’Est, et de Roua-Hatou, chez ceux de l’Ouest, ne peuvent avoir d’autre origine. L’île de Toa-Marama, dans laquelle, suivant cette dernière légende, se réfugia le pêcheur qui avait excité la colère du dieu des eaux, Roua-Hatou, en jetant des hameçons dans sa chevelure, n a pas la moindre ressemblance avec l’arche. Les Taïtiens ajoutent, il est vrai, que le pêcheur se rendit à Toa-Marama avec un ami, un cochon, un chien et une couple de poules, circonstance dans laquelle on a cru voir le souvenir de l’entrée des animaux dans l’arche ; mais ce dernier trait n’est pas authentique, et d’ailleurs ce ne serait pas assez pour établir l’identité.

Quoi qu’il en soit, il résulte évidemment de tout ce qui précède qu’il a existé chez un grand nombre de peuples une tradition relative à une effroyable catastrophe qui aurait désolé la surface entière du globe et détruit toute la race humaine, à l’exception d’une seule famille.

Les défenseurs de la Bible invoquent l’autorité de cette tradition commune en faveur du récit de là Genèse, qu’ils adoptent tout entier et pour lequel ils font profession d’une foi sans limites. Us affirment donc le déluge universel amené par la colère de Dieu, la terre entière recouverte par les eaux vengeresses, et toute la race humaine détruite à l’exception de Noé et de sa famille, un peu moins de trois mille ans avant notre ère.

C’est ici le Heu d’examiner quelle autorité mérite ce récit. Doit-on lui accorder une foi absolue ? Et, s’il n’a droit à aucune croyance de la part des esprits sérieux, quelle est la part de vérité renfermée dans cette remarquable tradition ? Notre tâche est singulièrement délicate, et, sans négliger d’indiquer notre jufement particulier chaque fois qu’il en sera esoin, nous croyons devoir surtout nous attachera exposer les divers systèmes qui sont en présence.

La manière dont est conçu le récit biblique, manière que np^is avons constatée plus haut en nous appuyant sur un grand nombre de Commentateurs allemands, lui enlève une grande partie de son autorité aux yeux de la critique indépendante ; car, ainsi que nous l’avons vu, ce n’est qu’un assemblage de fragments assez mal assortis et empruntés à de vieux récits que l’auteur de la Genèse n’a fait que coudre ensemble j la plupart des savants allemands fixent même la date de cette compilation au vu" siècle avant notre ère. Il est certain, dans tous les cas, que plusieurs détails ont été ajoutés au-récit dans le but d’imprimer le sceau de la sanction divine à différentes lois juives, telles que la distinction des animaux purs et impurs, qui, d’après les livres sacrés eux-mêmes, fut établie beaucoup plus tard par Moïse. Mais les adversaires de la révélation ne s’appuient pas seulement sur l’examen du texte pour suspecter la véracité du récit biblique, et ils ont bien d’autres objections à présenter:

« Comment, dit M. Maury, une arche de 300 coudées de long, de 50 de large et de 30 de haut, eût-elle contenu, ainsi que le veut la Bible, tous les animaux de la terre et la

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nourriture si variée destinée ïi leur subsistance ? Cela eût-il été possible, lors même qu’on n’eût pas compris dans le nombre les invertébrés, dont il n’est pas parlé dans le livre sacré, évidemment à raison du peu d’attention que les premiers hommes portaient a cette classe innombrable de créatures ? Que l’on calcule la place nécessaire pour loger tous les reptiles, les oiseaux, les mammifères terrestres dont le chiffre grossit chaque jour, par suite des découvertes nouvelles ; et si l’on admet le second récit, qui parle de sept couples de chaque espèce d’animaux purs, la difficulté devient encore plus grande. Mais les approvisionnements qu’il aurait fallu amasser pour subvenir à la nourriture de tant d’êtres animés eussent à eux seuls rempli, et au delà, l’arche merveilleuse. Remarquons que la plupart des races animales sont ennemies et vivent de la chair les unes des autres. Ne se fussent-elles pas dévorées entre elles ? Pressés dans un étroit espace^durant plusieurs mois, bon nombre d’individus ne seraient-ils pas morts ? N’auraient-ils pas rendu impossible la reproduction de leur espèce ? Et les poissons, dont la Bible ne parle pas, et qui sembleraient par leur vie aquatique n’avoir eu rien à craindre du déluge, les mollusques, les cétacés, les crustacés, dans ce mélange d’eau douce et d’eau salée, n’ont-ils pas du étrangement souffrir ? L’eau, en se retirant, n’a-t-eîle pas dû abandonner sur le sol plus d’une espèce qui aurait péri de la sorte ? Supposons, cependant, malgré ces impossibilités radicales, que Noé ait pu placer dans son arche tous les animaux indiqués par la Genèse, ainsi que beaucoup d’autres dont elle ne parle pas, les insectes, par exemple, car, ceux-ci constituant la nourriture exclusive de certains genres, le patriarche dut en réunir assez pour subvenir aux appétits des insectivores et pour pourvoir à leur reproduction sur la terre ; supposons, nous le répétons, que tout cela ait été praticâble, il resterait encore a comprendre comment, en quelques jours, Noé eût pu faire accourir les animaux des zones les plus éloignées…. »

« Il est donc de toute évidence, conclut M. Maury, que ce récit est non-seulement invraisemblable, mais encore absurde ; et il eût été jugé tel par tout le monde s’il n’eût point été consigné dans un livre réputé infaillible. Sans aucun doute, cette histoire du déluge porte tout le caractère d’une haute antiquité; mais elle est par cela même empreinte du cachet de l’ignorance des premiers humains. Il est visible que ceux qui l’ont rapportée ne se doutaient ni des lois de distribution des animaux a la surface du globe, ni de leur quantité innombrable, ni de l’étendue de notre monde. Les docteurs chrétiens avaient eux-mêmes senti combien ce mythe du déluge biblique blessait la vraisemblance et la raison, et ils ont fait de vains efforts pour dissiper les difficultés qu’ils rencontraient à chaque pas. On peut son convaincre en jetant les yeux sur ce qu’un des plus savants et des plus éloquents Pères de l’Église, saint Augustin, a écrit à ce sujet dans sa Cité de Dieu- Dans l’impossibilité où il est d’établir que Noé ait pu colloquer dans l’arche tous les animaux existants, il admet que tous n’y avaient pas été réellement placés, et que le fait a, du reste, peu de valeur, parce que leur entrée dans cette immense maison flottante n’avait pas tant pour but la conservation de ieur esfièce que la représentation symboliquo deÉglise, qui devait être composée de toutes les nations. Et ailleurs, poussé à bout par ios objections qu’on soulevait déjà de son temps, l’évêque d’Hippone pare à toutes en s’écriant que la Providence pourvut à tout cela sans que les hommes eussent besoin de s’en mêler. À. la question embarrassante de la nourriture d’une pareille ménagerie, il répond : « Quelle merveille donc que Noé, qui était si sage et si homme de bien, ait préparé dans l’arche une nourriture convenable à tous les animaux, nourriture qu’au surplus Dieu lui-même

> avait pu lui indiquer ? D’ailleurs, que ne mange-t-on pas quand on a faim ? Enfin, Die u. n’était-il pas assez puissant pour leur rendre agréables et salutaires toutes sortes d’aîiments, lui qui n’en avait pas besoin pour les t faire subsister, si cela n eût fait partie du

> mystère ? • Ce sont des raisons de ce genreu’allègue saint Augustin : elles n’ont besoinaucun commentaire. »

Les croyants de notre époque ne sont pas’ plus embarrassés que saint Augustin pour répondre aux objections. « Avant toute discussion, disent-ils, nous remarquerons que nos adversaires supposent gratuitement que la religion chrétienne n’est point divine, que les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament ne sont point révélés ; or nous croyons, pour notre compte, que la divinité de la religion, que la révélation des saintes Écritures sont parfaitement démontrées ; à la rigueur, nous pourrions nous borner là pour la question du déluge biblique, qui est un fait plus moral encore que physique et contre lequel les sciences géologiques ne prouveront jamais rien. » Nous n’inventons pas, nous citons textuellement VEncyclopédie catholique. Néanmoins, ces messieurs veulent bien s’abaisser à discuter les arguments présentés par les incrédules, qui ne peuvent assurément que leur savoir gré d’une telle condescendance.

Pour répondre à cette objection que les dimensions de l’arche étaient incapables de con S