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radis, chant X) d’un certain Sigier, professeur à l’Université de cette ville, et qu’il indique même la rue où il habitait.

Ce fut aussi à peu près vers ce temps qu’il essaya d’obtenir son rappel de l’exil, en a dressant à ses compatriotes une lettre pathétique, commençant par ces paroles : « O mon peuple ! que t’ai-je fait ?» Mais cette tentative n’eut aucun succès ; la famille des Adimari, qui avait été mise en possession des biens du poète, s’opposa à son retour ; aussi les poursuivit-il plus tard de ses invectives les plus violentes (Paradis, chant XVI).

L’élection de Henri de Luxembourg au trône impérial vint ranimer les espérances de Dante, d’autant plus que ce prince, à peine reconnu empereur, annonça sou intention de venir en Italie pour y revendiquer les droits que lui donnait son titre de roi des Romains, droits que ses prédécesseurs avaient laissés tomber en désuétude. Les chefs des gibelins étaient tout prêts a lui prêter leur concours, et les cités gibelines, Pise entre autres, se déclaraient également en sa faveur. Ce fut pour activer et fortifier leur zèle que Dante écrivit, en 1310, une lettre qui s’adressait ■ aux rois, aux ducs, aux marquis, aux comtes, aux sénateurs de Rome et à tous les peuples d’Italie, et qui les félicitait du bonheur que semblait promettre à leur patrie l’arrivée du pieux Henri, lequel devait punir ceux qui luj résisteraient et pardonner à ceux qui seraient repentants, etc. » Il écrivit à la même époque son traité De monarchia, que l’on peut regarder comme la profession de foi des gibelins. Il y démontre que les droits des empereurs, légitimes successeurs des césars au pouvoir temporel suprême, sont entièrement indépendants de la puissance des papes, qui ne sont que les chefs spirituels de 1 Église. Cette théorie était en opposition formelle avec les droits que s’étaient arrogés Grégoire VII, Innocent III et leurs successeurs, qui prétendaient être placés au-dessus de toutes les têtes couronnées, et avoir le droit de disposer des trônes et des principautés, prétentions que soutenaient les guelfes d’Italie, désireux de s’affranchir de la suzeraineté impériale. Une plus longue appréciation de cet ouvrage sera donnée au mot monarchies (Traité de la) ; il nous suffit d’ajouter que ce livre fut publiquement brûlé à Bologne, après la mort de son auteur, par l’ordre du légat du pape.

Henri VII cependant n’arriva en Italie qu’en 1310 ; il fut couronné à Milan roi des Lombards et, l’année suivante, s’empara de Crémone, de Brescia et de plusieurs autres places fortes. Dante, impatient de voir l’empereur venir en Toscane pour y anéantir le parti guelfe, lui adressa une lettre qui commençait ainsi : Sanetissimo triumpkulori et domino Benrico... etc., Devotissimi sui, Dantes Aliijherius Florentinus, et exsul immeriius, ac nniversaliter omnes Tusci, qui pacem desidevant terra ?, osculantur pedes. Il y engage l’empereur a ne plus s’attarder sur les rives du Pô, mais à s’avancer au sud des Apennins et à mettre un terme aux désordres causés par les guelfes à Florence ; il lance contre ces derniers les invectives les plus sanglantes et les accuse d’indisposer le souverain pontife contre l’empereur. Il reproche en même temps à Florence de se révolter contre sa mère naturelle, contre Rome ; car pour lui Rome est toujours le siège de l’empire, et ces deux mots, Rome et empire, sont souvent employés par lui comme synonymes. Cette lettre, remarquable à plus d’un titre, et qui n’a été découverte que depuis un demi-siècle environ, est datée de la Toscane, prés des sources de l’Arno, avril 1311. On la trouve publiée pour la première fois dans l’ouvrage intitulé : Dantis Aliijhieri Epistolœ quœ exstant, cumnotis Carotide Wirie(Padoue, 1827).

Henri VII vint enfin en Toscane, mais n’agit pas et se contenta d’investir Florence par un blocus apparent, qui ne produisit aucun résultat. Dans l’intervalle, il alla se faire couronner à Rome, et, à son retour, mourut subitement à Buon-Convento, près de Sienne

(août 1313). Cette mort porta un coup terrible aux espérances des gibelins, à celles de Dante surtout. Il se réfugia alors à Vérone, à la cour de Cane délia ScaJa, auprès duquel il parait être déjà venu entre les années 1308 et 1310. Cane offrait l’hospitalité la plus généreuse aux émigrés gibelins ; mais Dante, avec son caractère indépendant, aigri par l’adversité, ne pouvait se plier à la flatterie des cours et aux bassesses des courtisans. Il eut, dit-on, beaucoup à souffrir des humiliations que lui faisaient éprouver ceux qui entouraient le souverain de Vérone. Du reste, il déplore d’une manière touchante le sort de l’exilé, dans ce passage si connu de son poème : Tu proverai si corne sd di sale Lo pane altrui, e corn’ ë dura calle Lo scendere, ô7 salir per Valtrùi scalle,

(Paradis, chant XVII.)

« Tu éprouveras combien est amer le pain d’autrui, et combien c’est un pénible chemin que de gravir et descendre l’escalier d’autrui. » Il ne paraît pas cependant qu’il ait jamais perdu la protection de Cane délia Scala- car, dans les lignes de son poème qui précèdent immédiatement celles que nous venons de citer, il fait le plus grand éloge de l’hospitalité du prince de Vérone. Il nous reste même de lui une lettre très-affectueuse, remontant, selon toute probabilité, aux dernières années de sa vie, dans laquelle il dédie à Cane

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le Paradis, la dernière partie de son grand poème, et lui en explique le sujet. Il dit qu’il a donné à son œuvre le titre de Comédie, parce que, contrairement aux habitudes de la tragédie, elle commence tristement et finit gaiement. Il établit une distinction entre le sens littéral et le sens allégorique de ses vers, et fait remarquer que son poème peut être appelé Polysensuum, c’est-à-dire à beaucoup de sens. Il fait ensuite connaître le titre de l’ouvrage complet : Incipit Comœdia Dantis Aligherii, Ftorentini natione, non moribus ; mais le titre de la partie qu’il lui envoie avec sa lettre est : Incipit cantica tertia Comœdiœ Dantis, quœ dicitur Paradisus. De toutes ces circonstances et de plusieurs autres, il ressort que Cane ne connaissait pas le reste du poème ; du reste, il n’est guère probable que le poète eût communiqué son œuvre complète à qui que ce soit pendant le cours de son existence, car il n’eut pu alors trouver de refuge nulle part, ainsi que le prouve justement Foscolo, dans son ouvrage si remarquable, et comme étude, et comme critique, intitulé : Discorso sut testo di Dante (Discours sur le texte de Dante). Pour l’analyse et l’appréciation de la Divine comédie, voir l’article

DIVINE COMÉDIE,

Vers 1316, une occasion de rentrer dans sa patrie s’offrit au poète exilé, mais à des conditions telles, qu’il ne put se résoudre à en profiter. Un de ses amis, un prêtre probablement, car, dans sa réponse, Dante l’appelle son père, lui avait écrit qu’il lui serait facile de revenir à Florence, s’il voulait s’avouer coupable et demander 1 absolution de ses fautes (crimes ?) passées. Le caractère de Dante est peint tout entier dans sa réponse : « Non, mon père, dit-il, ce n’est point là la voie qui doit me ramener dans ma patrie ; mais j’y reviendrai d’un pas rapide, si vous, ou tout autre, m’ouvrez une voie qui ne porte atteinte ni a la gloire ni à l’honneur de Dante. Mais si, pour retourner à Florence, il n’est pas d’autre voie que celle que vous m’offrez, je n’y rentrerai jamais. Ne puis-je, partout ailleurs, jouir de la lumière du soleu et des astres ? Ne puis-je chercher et contempler la vérité sous un autre ciel, sans anéantir ma gloire, sans me rendre infâme aux yeux du peuple et de la république de Florence ? Dante, je l’espère, ne manquera jamais de pain. • Le texte latin et la traduction italienne de cette lettre se trouvent dans l’ouvrage de Foscolo, intitulé : Essais sur Pétrarque et sur Dante (1823, in-8<>).

Les dernières années de l’exil, surtout de 1316 à 1318, furent peut-être plus amères pour le poète que ne l’avaient été les premières, car on le voit errer tour à tour dans le Tyrol, dans le Frioul et à Gubbio. En 1319 il reparut à la cour de Guido da Polenta, seigneur de Ravenne, qui le reçut avec les plus grands égards, et auprès duquel il resta, selon toute vraisemblance, jusqu’à sa mort. Il fut enterré dans l’église des frères mineurs de Saint-François. Guido, que les revers de la guerre forcèrent bientôt après de quitter cette ville pour n’y plus rentrer, n’eut que le temps de faire placer sur sa tombe une simple pierre de marbre sans inscription. Bernardo Bembo, sénateur de Venise et podestat de Ravenne, lui fit élever en 1483 un magnifique tombeau, qui fut réparé en 1692 par le cardinal Corsi, de Florence, et reconstruit complètement sur son plan actuel, en 1780, par le cardinal Valenti Gonzaga.

Les Florentins tentèrent à différentes reprises de se faire rendre, les cendres de leur plus grand concitoyen, qu’ils avaient banni et proscrit sans pitié ; tous leurs efforts échouèrent, et Ravenne refusa toujours de se dessaisir de son précieux dépôt. Ce n’est que dans le cours de notre siècle que Florence consacra pour la première fois un monument à la mémoire de Dante. Une souscription nationale fournit les frais d’un cénotaphe de marbre, qui fut placé dans l’église Santa-Croce et dont l’inauguration se fit avec une pompe solennelle le 24 mars 1830.’ Du 14 au 16 mai 1855, l’Italie entière sembla s’être réunie à Florence pour y célébrer, au milieu d’un enthousiasme indescriptible, le sixième jubilé séculaire de la naissance de celui qui avait prophétiquement

Ïiressenti l’indépendance future de son pays, et e 14 mai de l’année suivante la statue colossale du poste, œuvre du sculpteur Henri Pazzi, de Ravenne, fut érigée sur la place délia Croce. Mais ces tardifs honneurs effaceront-ils le souvenir de l’injustice passée ? Feront-ils oublier l’anathème lancé par le poète contre sa patrie : ■ Ingrate Florence, Dante repose hors de ton sein ? «

On n’a aucun portrait authentique de l’Homère italien ; Boccace est le seul qui nous ait transmis sur sa personne des renseignements que l’on puisse considérer comme dignes de foi, car il les avait recueillis de la bouche des parents et des compagnons d’exil du poëte. C’est sa description qui a servi de guide aux nombreux artistes qui ont essayé de représenter le chantre de la Divine comédie. Aussi les portraits que l’on a de Dante présentent-ils entre eux un grand air de famille ; dans tous on retrouve les mêmes caractères de physionomie, D’après ces portraits, on voit que Dante avait le visage allongé, le nez aquilm, les yeux grands, la lèvre inférieure saillante, le teint très-brun, la barbe et les cheveux noirs, épais et crépus, l’air bienveillant, mais mélancolique et pensif. Boccace nous apprend

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en outre qu’il était de taille moyenne, qu’il avait la démarche noble et grave ; que dans toutes ses relations il était modeste et réservé, ne prenant que rarement la parole ; mais que, lorsqu’il le faisait, c’était avec une irrésistible éloquence. Il recherchait la société des femmes, et y montrait souvent beaucoup de gaieté. D’une simplicité extrême dans sa manière de vivre, il affectait cependant une certaine recherche dans son costume.

Son vaste génie embrassait toutes les sciences ; dès sa jeunesse il s’était livré à l’étude du dessin et de la musique, et, doué d’une belle voix, il aimait à chanter pendant les rares instants de paix et de joie qui se rencontrèrent dans son existence. Plus tard il s’initia aux sciences naturelles et métaphysiques, étudia les langues du midi de l’Europe, et s’occupa même du grec, de l’hébreu et de l’arabe, qu’il parvint a posséder suffisamment. On a retrouvé dans ses œuvres la preuve qu’il avait une connaissance approfondie de la cabale et des doctrines secrètes de l’Église.

Outre la Divine comédie, à laquelle un article spécial est consacré dans le Grand Dictionnaire, la Vita nuova et le De monarchia, que nous avons eu occasion de citer dans le cours de cet article, on a encore de Dante : le Convivio di Dante, commentaire en prose de ses Canzoni.

Nous n’avons pu songer à apprécier ici complètement le caractère de Dante : il est tout entier dans son œuvre immortelle, dans la Divine comédie. Aussi un écrivain, voulant caractériser ce grand homme et ce grand génie, a cru ne pouvoir mieux faire que d’exposer le caractère de son admirable poème :

« Aucun homme, dit M. Mézières, n’a été plus que lui touché de son œuvre ; aucun n’a écrit sous le coup d’émotions plus sincères et n’a suivi, avec plus de sollicitude, avec plus de larmes peut-être, le développement de sa pensée. Il ne prenait pas la plume par pur amour de l’art, uniquement pour le plaisir de satisfaire ses instincts poétiques. Accablé des malheurs de sa patrie, épouvanté des symptômes de décadence qui se révélaient au sein de la société chrétienne, il jette le cri d’alarme, il montre l’écueil caché, et s’il traite si durement l’humanité, s’il l’humilie sous le poids de ses fautes, s’il la force à contempler ses crimes dans le miroir implacable qu’il lui présente, ce n’est point pour la joie stérile de la convaincre de son néant, mais par un profond sentiment de pitié, avec le désir de la réveiller, de la régénérer par la pénitence et de la conduire enfin vers ce port de la béatitude éternelle, dont il lui décrit, avec tant de magnificence, la beauté sereine et l’incomparable splendeur. Ces êtres imparfaits, qui lui inspirent quelquefois de si violents accès d’indignation, auxquels il reproche leurs erreurs avec une véhémence si passionnée, il les aime pourtant en même temps qu’il les juge, il voudrait les sauver ; il leur indique la voie du salut, il ne les accable que pour les convertir ; et faisant, le premier, passer dans la poésie la grande pensée du christianisme, l’idée de la solidarité des hommes entre eux, il choisit pour héros, non pas, comme les poëtes anciens, un chef ou une nation, mais la race humaine tout entière, dont il résume en sa personne les amères douleurs et les saintes espérances. Aussi ne peut-on employer une expression trop large pour caractériser dans toute sa grandeur Ta Divine comédie. On ne dit point assez quand on l’appelle l’épopée nationale de l’Italie : elle mérite d’être appelée l’épopée des peuples chrétiens, et, tant que les peuples chrétiens mèneront le monde, elle restera le poëme religieux de l’humanité. »

« On veut faire à Dante, dit à son tour M. Perrens, un mérite de ne rien devoir au commun des hommes, aux idées roçues, aux postes qui l’ont précédé : sa gloire est, au contraire, d’avoir exprimé avec une magnificence originale ce que tout le monde pensait et sentait confusément. Il a su être lui-même en imitant sans cesse, ici la Bible, là Virgile, ailleurs Aristote, les troubadours, les philosophes, les conteurs et les versificateurs du moyen âge. Il est le premier homme de son temps, non-seulement par le génie poétique, mais par de profondes connaissances en histoire, en philosophie, en théologie. Il est le véritable créateur de la langue italienne, qui lui doit sa force, sa concision, des rimes variées et nombreuses, des mots sans nombre, une harmonie inimitable. Il rajeunit, il s’approprie avec un rare bonheur les expressions communes

Le style de Dante, d’après M.Villemain, « est tantôt simple et sublime comme celui d’Homère, tantôt plus satirique que celui d’Horace, plus riche et plus varié que celui d’Ovide, plus mâle et plus fier que celui de Lucain. » En réalité, Dante, métaphysicien profond, théologien disert, excellent moraliste, poète inimitable, ne peut être comparé à personne, ni à Homère dont il remplace l’aimable naïveté par une science parfois indigeste, ni à Milton, aussi esclave de la Bible qu’il en est indépendant lui-même, ni encore moins à Jean de Meung, quoique le Roman de la Rosé, aussi célèbre au nord des Alpes que la Divine comédie l’était au midi, ait avec la trilogie de Dante des affinités manifestes, quand le trouvère français s’élève et que le poète italien est inférieur à lui-même.

— Iconog. Le masque de Dante fut moulé sur nature après la mort du célèbre poète, à

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Ravenne, et l’on fit d’après ce moulage de» bustes en terre cuite, dont un exemplaire se voyait, il y a une quarantaine d’années, et se voit encore sans doute, dans une collection particulière à Florence. Ce précieux portrait a été lithographie par R. F. Lane, d’après un dessin de H. W. Phillips. L’auteur de la Divine comédie avait le nez long et pointu, légèrement bombé au milieu, les yeux enfoncés sous de puissantes arcades sourcilières, le front sillonné entre les sourcils d’une ride

Îirofonde, la bouche spirituelle, ironique, la èvre inférieure un peu forte et avançante, le menton proéminent, les pommettes saillantes. Tout dans cette tète exprimait la vigueur intellectuelle, la volonté tenace, la perspicacité, l’habitude de la méditation. Le masque que nous venons de décrire confirme l’exactitude du portrait que Giotto a fait de Dante, dans une fresque de l’ancienne chapelle du Podestà, au palais du Bargello, à Florence. Cette fresque, qui avait été recouverte anciennement d’un badigeon, a été retrouvée en 1840 et restaurée avec soin. Elle offre, outre les traits de Dante, ceux de Benedetto Latini et de Corso Donati. Suivant la conjecture d’un érudit anglais, lord Lindsay, Giotto n’avait pas vingt-six ans lorsqu’il fit ce portrait, et cependant on chercherait en vain dans tous ses ouvrages postérieurs une tête qui puisse être comparée à celle-ci pour l’exactitude du dessin et le fini minutieux de la peinture. La couleur n’est pas seulement pure, elle est profonde : mérite rare chez Giotto. L’œil est doux et pensif, le front noblement modelé. On sait que Dante fut la protecteur et l’ami de Giotto, dont il a fait cet éloge dans son Purgatoire :

Credette Cimabue nella pittura Tener lo campo, ed ora ha Giotto il grido Si, che la fama di colui oscura.

« Cimabué crut avoir conquis la première place dans la peinture. Giotto maintenant a tous tes honneurs et éclipse la réputation de son maître. » Un autre portrait de Dante avait été peint par Giotto dans l’une des nefs latérales de 1 église Sainte-Croix, à Florence ; il fut effacé lors de la restauration de l’édifice par G. Vasari.

La cathédrale de Florence renferme une fresque des plus intéressantes où Dante est représenté debout, la tête ceinte d’une couronne de laurier, la main gauche tenant le livre de la Divine com’édie, d’où partent des rayons lumineux. À droite, on voit la villo de Florence ; à gauche, l’enfer, où des diables tourmentent les damnés-, au fond, le purgatoire. Cette peinture, qui a longtemps passé pour être l’œuvre d’Orcagna, a été reconnue, grâce à des documents découverts par Gaye, commo étant de la main de Domenico Nickelino, disciple de Fra Angelico, qui l’exécuta en 1465. Au-dessous de cette peinture se lisent six vers latins en l’honneur de Dante. Gargiolli dit que ces vers ont été composés par Coluccio Saiutati, et il ajoute que la fresque fut exécutée d’après le conseil de maître Antoine, religieux de l’ordre des Franciscains, qui avait commenté la Divine comédie dans la cathédrale de Florence.

Parmi les portraits anciens que l’on a de Dante, nous citerons encore les médailles publiées par Morzuchellij celle de Putinatti ; celle du cabinet impérial de Vienne, mentionnée par Apostolo Zeno ; une statue provenant de l’ancienne façade de la cathédrale de Florence et qui a été transportée dans le jardin do la villa royale du Poggio, près de cette ville ; une peinture sur bois du xv* siècle, qui appartient à l’Académie des beaux-arts de Pise, et qui a été gravée par M110 Elvira Rossi, pour la traduction en vers français du Purgatoire par M. M. Topin (1802) ; un tableau italien du xvie siècle, appartenant au musée Napoléon III (no 236), et où sont réunis les portraits de Dante et de Béatrix ; un tableau du même musée (n° 267) provenant du palais des ducs d’Urbin et que l’on croit avoir été exécuté, avec une série d’autres portraits d’hommes illustres, par un artiste de l’école flamande de la seconde moitié du xvo siècle, peut-être par Juste de Gand, qui travailla à Urbin en 1474. Dans cette dernière peinture, Dante est représenté assis, de profil, couronné de lauriers et vêtu de rouge ; il lève la main droite et retient de la main gauche un livre fermé placé sur ses genoux. Un tableau de Vasari, appartenant au collège d’Oriel, à Oxford, représente Dante, en compagnie de cinq poètes italiens, Pétrarque, Cavalcanti, Boccace, Cinoda Pistoia et Gui d’Arezzo. Cette composition a été gravée sur bois par M. Régnier, dans VHistoire des peintres de toutes les écoles. Avant Vasari, Raphaël avait peint Dante dans deux de ses chefs-d’œuvre, le Parnasse et la Dispute du Saint Sacrement ; le grand peintre, tout en prenant pour modèles les portraits antérieurs, a su donner à la physionomie du grand poëte une expression incomparable de noblesse, de sévérité et de force ; il l’a peint de profil, avec une couronne de laurier. Cette figure a été reproduite séparément par plusieurs graveurs, entre autres par Aug. Campanella. Une composition de Jean Stradanus, gravée par Cornelis Galle, offre au centre le portrait de Dante, vu de face, la tête ceinte au laurier poétique ; au-dessus, dans un médaillon plus petit, se voit le portrait de Béatrix couronnée également de laurier ; au bas, les têtes de Virgile et de Stace sont réunies dans