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quille et calme, on peut ensuite jouir de ce repos inaltérable que rien ne peut troubler ; étant parvenu à jouir de ce repos inaltérable que rien ne peut troubler, on peut ensuite méditer et se former un jugement sur l’essence des choses ; ayant médité et s’étant formé un jugement sur l’essence des choses, on peut ensuite atteindre à l’état de perfectionnement désiré.

« Les êtres de la nature ont une cause et des effets ; les actions humaines ont un principe et des conséquences : connaître les causes et les effets, les principes et les conséquences, c’est approcher très-près de la méthode rationnelle avec laquelle on parvient à la perfection.

« Les anciens princes qui désiraient développer et remettre en lumière dans leurs États le principe lumineux de lu raison que nous recevons du ciel s’attachaient auparavant à bien gouverner leurs royaumes ; ceux qui désiraient bien gouverner leurs royaumes s’attachaient auparavant à mettre le bon ordre dans leurs familles ; ceux qui désiraient mettre le bon ordre dans leurs familles s’attachaient auparavant à se corriger eux-mêmes ; ceux qui désiraient se corriger eux-mêmes s’attachaient auparavant à donner de la droiture à leur âme ; ceux qui désiraient donner de la droiture à leur âme s’attachaient auparavant à rendre leurs intentions pures et sincères ; ceux qui désiraient rendre leurs intentions pures et sincères s’attachaient auparavant à perfectionner le plus possible leurs connaissances morales : perfectionner le plus possible ses connaissances morales consiste k pénétrer et approfondir les principes des actions.

« Les principes des actions étant pénétrés et approfondis, les connaissances morales parviennent ensuite à leur dernier degré de perfection ; les connaissances morales étant parvenues à leur dernier degré de perfection, les intentions sont ensuite rendues pures et sincères ; les intentions étant rendues pures et sincères, l’aine se pénètre ensuite de probité et de droiture ; lame étant pénétrée do probité et de droiture, la personne est ensuite corrigée et améliorée ; la personne étant corrigée et améliorée, la famille est ensuite bien dirigée ; la famille étant, bien dirigée, le royaume est ensuite bien gouverné ; le royaume étant bien gouverné, le monde ensuite jouit de la paix et de la bonne harmonie,

« Depuis l’homme le plus élevé en dignité jusqu’au plus humble et au plus obscur, devoir égal pour tous : corriger et améliorer sa personne, ou le perfectionnement de soi-même, est la base fondamentale de tout progrès et de tout développement moral.

« Il n’est pas dans la nature des choses que ce qui a sa base fondamentale dans le désordre et dans la confusion puisse avoir ce qui en dérive nécessairement dans un état convenable. Traiter légèrement ce qui est le principal ou le plus important, et gravement ce qui n’est que secondaire, est une méthode d’agir qu’il ne faut jamais suivre, i

Pauthier considère le King ou texte de la Grande étude comme le plus précieux de tous les écrits de Confucius, parce qu’il offre au plus haut degré l’emploi d’une méthode logique, qui décèle dans celui qui en fait usage, sinon la connaissance des procédés syllogistiques les plus profonds, enseignés et mis en usage par les philosophes indiens et grecs, au moins les progrès d’une philosophie qui n’est plus bornée à l’expression uphoristique des idées morales, mais qui est déjà passée à l’état scientifique. L’art est ici trop évident pour que l’on puisse attribuer l’ordre et l’enchaînement logique des propositions à la méthode naturelle d’un esprit droit qui n’aurait pas encore conscience de lui-même. On peut donc établir que l’argument nommé sorite était déjà connu en Chine environ deux siècles avant Aristote, quoique les lois n’en aient peut-être jamais été formulées dans cette contrée par des traités spéciaux.

Toute la doctrine de la Grande étude repose, comme on a pu le voir, sur un grand principe auquel tous les autres se rattachent, et dont ils découlent comme de leur source primitive et naturelle : le per/eciiowwment de soi-même. Ce principe fondamental est posé comme obligatoire pour tous les hommes, quelle que soit leur condition. On remarquera que, dans la politique de Confucius et de ses disciples, chaque famille est une nation ou État en petit, et toute nation ou tout État n’est qu’une grande famille : l’une et l’autre doivent être gouvernées par les mêmes principes de —sociabilité et soumises aux mêmes devoirs. Ainsi, comme un homme qui ne montre pus do vertus dans sa conduite et n’exerce point d’empire sur ses passions n’est pas capable de bien administrer une famille, de même un prince qui n’a pas les qualités nécessaires pour bien administrer une famille est également incapable de bien gouverner une nation. Ces doctrines ont fondé eu Chine un type de monarchie très-caractéristique, la monarchie dite paternelle ; elles ne sont pas d’accord avec la célèbre maxime de la monarchie constitutionnelle : Le roi règne et ne gouverne pas, car elles attribuent au chef de l’État sur ses sujets le pouvoir d’un père sur ses enfants, pouvoir exorbitant dont les princes, en Chine, sont aussi portés à abuser que partout ailleurs. Mais elles ne font pas du pouvoir une propriété, un moyen de jouissance ; elles ne l’admettent pas sans responsabilité, et ce ca-


ractère d’assimilation au père de famille leur impose des devoirs qu’ils trouvent quelquefois assez gênants pour se décider à les enfreindre ; alors, d’après la même politique, les membres de la grande famille ont le droit, sinon toujours la force, de déposer les mauvais rois qui ne gouvernent pas en vrais pères de famille.

2° Le Tchoung —young ou Y Invariabilité dans le milieu. Le titre de cet ouvrage a été interprété de diverses manières par les commentateurs chinois. Les uns l’ont entendu comme signifiant la persévérance de la conduite dans une ligne droite également éloignée des extrêmes, c’est-à-dire dans la voie de la vérité que l’on doit constamment’suivre ; les autres l’ont considéré comme signifiant tenir le milieu en se conformant aux temps et aux circonstances. Teu-sse, qui le rédigea, était petit-fils et disciple de Khoung-fou-tseu.

Dans le premier chapitre, l’auteur expose les idées principales de la doctrine de son maître Confucius, qu’il veut transmettre à la postérité. D’abord il fait voir que la voie droite ou la règle de conduite morale qui oblige tous les hommes a sa base fondamentale dans le ciel, d’où elle tire son*origine, et qu’elle ne peut changer ; que sa substance véritable, son essence propre, existe complètement en nous, et qu’elle ne peut en être séparée. En second lieu, il parle du devoir de conserver cette régie de conduite morale, de l’entretenir, de l’avoir sans cesse sous les yeux ; enfin il dit que les saints hommes, ceux qui approchent le plus de l’intelligence divine, type parfait dt ! notre imparfaite intelligence, l’ont portée par leurs couvres à son dernier degré de perfection.

Dans les chapitres qui suivent, Teu-sse ne fait, pour ainsi dire, que des citations des paroles de son maître destinées à corroborer et à compléter le sens du premier chapitre. Le grand but de cette partie du livre est de montrer que la prudence éclairée, l’humanité oi la bienveillance universelle pour les hommes, la force d’âme, ces trois vertus universelles et capitales, sont comme la porte par laquelle on doit entier dans la voie droite que doivent suivre tous les hommes.

Dans le treizième chapitre, on remarque cette belle maxime, dont on fait généralement honneur au fondateur du christianisme : « Celui dont le cœur est droit, et qui porte aux autres les mêmes sentiments qu’il a pour lui-même, ne s’écarte pas de la loi morale du devoir prescrite aux hommes par leur nature rationnelle ; il ne fait pas aux autres ce qu’a désire qui ne lui soit pas fait à lui-même. »

Dans le vingtième chapitre, Teu-sse énumère les devoirs les plus universels pour le genre humain, les facultés que possède l’homme pour pratiquer ces devoirs, les règles invariables que doivent suivre ceux qui gouvernent les empires et les royaumes. Les devoirs les plus universels sont au nombre de cinq ; ils se rapportent à cinq espèces de relations : relations du prince et de ses ministres, relations du père et de ses enfants, relations du mari et de sa femme, relations des frères aînés et des frères cadets, relations des amis entre eux. La conscience, qui est la lumière de l’intelligence pour distinguer le bien et le mal ; l’humanité, qui est l’équité du cœur ; le courage inoral, qui est la force d’âme : telles sont les trois grandes facultés morales que possède l’homme. Tous ceux qui gouvernent les empires et les royaumes ont neuf règles invariables à suivre, à savoir : se régler ou se perfectionner soi-même, révérer les sages, aimer ses parents, honorer les premiers fonctionnaires de l’État ou les ministres, être en parfaite harmonie avec tous les autres fonctionnaires et magistrats, traiter et chérir le peuple comme un fils, attirer près de soi tous les savants et les artistes, accueillir agréablement les étrangers, et traiter avec amitié tous les grands vassaux. Teu-sse ajoute que la loi suprême, qui renferme toutes les autres, est la perfection. • Il y a un principe certain, dit-il, pour reconnaître l’état de perfection. Celui qui ne sait pas distinguer le bien du mal, le vrai du faux, qui ne sait pas reconnaître dans l’homme le mandat du ciel, n’est pas encore arrivé à la perfection, o Selon le philosophe chinois, le parfait, le vrai, dégagé de tout mélange, est la loi du ciel ; la perfection ou le per/ectionnement, qui consiste à employer tous ses efforts pour découvrir et suivre la loi céleste, le vrai principe du mandat du ciel, est la loi de l’homme. Par conséquent, il faut que L’homme atteigne la perfection pour accomplir sa propre loi.

Mais, pour que l’homme puisse accomplir sa loi, il faut qu’il la connaisse. > Or, dit Teu-sse (chap. xxii), il n’y a dans le monde que les hommes souverainement parfaits qui puissent connaître à fond leur propre nature, la loi de leur être et les devoirs qui en dérivent ; pouvant connaître à fond la loi de leur être et les devoirs qui en dérivent, ils peuvent s par cela même connaître à fond la nature des autres hommes, la loi de leur être, et leur enseigner tous les devoirs qu’ils ont à observer pour accomplir le mandat du ciel. » Voilà les hommes parfaits, les saints, c’est-à-dire ceux qui sont arrivés à la perfection, constitués les instituteurs des autres hommes, les seuls capables de leur enseigner leurs devoirs et de les diriger dans la droite voie, la voie de la perfection morale.

Teu-sse ne borne pas là les facultés de ceux qui sont parvenus à la perfection. Il nous les


montre s’assimilant, par le développement de leur sagesse, aux pouvoirs supérieurs de la nature. « Pouvant connaître à fond, enntinuet-il, la nature des autres hommes, la loi de leur être, et leur enseigner les devoirs qu’ils ont à observer pour accomplir le mandat du ciel, ils peuvent, par cela même, connaître à fond la nature des autres êtres vivants et végétants, et leur faire accomplir leur loi de vitalité selon leur propre nature ; pouvant connaître à fond la nature des êtres vivants et végétants, et leur faire accomplir leur loi de vitalité selon leur propre nature, ils peuvent, par cela même, au moyen de leurs facultés intelligentes supérieures, aider le ciel et la terre dans la transformation et l’entretien des êtres, pour qu’ils prennent leur complet développement ; pouvant aider le ciel et la terre dans la transformation et l’entretien des êtres, ils peuvent, par cela même, constituer un troisième pouvoir avec le ciel et la terre. » Voilà la loi du ciel.

Mais, selon Teu-sse (chap. xxm et xxiv), il y a différents degrés de perfection. Le plus haut degré est à peine compatible avec la nature humaine, ou plutôt ceux qui l’ont atteint sont devenus supérieurs h la nature humaine. Ils peuvent prévoir l’avenir, la destinée des nations, leur élévation, leur chute. Cependant ceux qui atteignent un degré de perfection moins élevé, plus accessible à la nature de l’homme, opèrent un grand bien dans le monde par la salutaire influence de leurs bons exemples. On doit donc s’eiforcer d’atteindre à ce second degré de per/ection.

Le Lun-yu ou les Entretiens philosophiques. « La lecture de ces Entretiens de Khoung-fou-tseu et de ses disciples rappelle, sous quelques rapports, dit l’authier, les dialogues de Platon, dans lesquels Socrate, son maître, occupe le premier plan, mais avec la différence des lieux et des civilisations. Il y a assurément beaucoup moins d’art, si toutefois il y u de l’art, dans les entretiens du philosophe chinois, recueillis par quelques-uns de ses disciples, que dans les dialogues poétiques du philosophe grec. On pourrait plutôt comparer les dits de Khoung-fou-tseu à ceux de Socrate, recueillis par un autre disciple, Xénophon. Quoi qu’il en soit, l’impression que l’on éprouve à la lecture des Entretiens du philosophe chinois avec ses disciples n’en est pas moins grande et moins profonde, quoique un peu monotone peut-être. Mais cette monotonie même a quelque chose de la sérénité et de la majesté d’un enseignement moral qui fait passer successivement sous les yeux les divers côtés de la nature humaine, en la contemplant d’une région supérieure. »

On peut dire que c’est dans le Lun-yu que se révèle a nous toute la belle âme de Confucius, sa passion pour la vertu, son ardent amour de l’humanité et du bonheur des hommes. Nous y cueillons, pour les présenter ici au lecteur, les maximes suivantes :

« Il ne faut pas s’affliger de ce que les hommes ne nous connaissent pas, mais au contraire de ne pas les connaître nous-mêmes, -Savoir que l’on sait ce que l’on sait, et savoir que l’on ne sait pas ce que l’on ne sait pas : voilà la véritable science. — Si l’on voit une chose juste, et qu’on ne la pratique pas, on commet une lâcheté. — Je n’ai pas encore vu un homme qui aimât convenablement les hommes pleins d’humanité, qui eût une haine convenable pour les hommes vicieux et pervers.—Si, le matin, vous avez entendu la voix de la raison céleste, le soir vous pourrez mourir.—L’homme supérieur, dans toutes les circonstances de la vie, est exempt de préjugés et d’obstination ; il ne se règle que d’après la justice.—Ne soyez point inquiets de ne point occuper d’emplois publics ; niais soyez inquiets d’acquérir les talents nécessaires pour occuper ces emplois.—Ne soyez point affligés de ne pas encore être connus ; mais cherchez à devenir dignes de l’être. — Ma doctrine consiste uniquement à, avoir la droiture du cœur et k aimer son prochain comme soi-même. — En vous acquittant de vos devoirs envers vos père et mère, ne faites que très-peu d’observations ; si vous voyez qu’ils ne sont pas disposés à suivre vos remontrances, ayez pour eux les mêmes respects, et ne vous opposez pas à leur volonté ; si vous éprouvez de leur part de mauvais traitemetits n’en murmurez pas. — L’âge de votre père et de votre mère ne doit pas être ignoré de vous ; il doit faire naître en vous tantôt de la joie, tantôt de la crainte.—L’homme supérieur aime à être lent dans ses paroles, niais rapide dans ses actions. —Je voudrais procurer aux vieillards un doux repos ; aux amis et à ceux avec lesquels on a des relations, conserver une fidélité constante— ; aux enfants et aux faibles, donner des soins tout maternels. — Avoir assez d’empire sur soi-même pour juger des autres par comparaison avec nous, et agir envers eux comme nous voudrions qu’on agît envers nous-mêmes, c’est ce que l’on peut appeler la doctrine de Vhumanilé ; il n’y a rien au delà. — Si un État est gouverné par les principes de la raison, la pauvreté et la misère sont un sujet de honte ; si un État n’est pas gouverné par les principes de lu raison, la richesse et les honneurs sont alors les sujets de honte.—U est difficile d’être pauvre et de n’éprouver aucun ressentiment ; il est facile en comparaison d’être riche et de ne pas s’en enorgueillir.—Par la nature, nous nous rapprochons beaucoup les uns des autres ; par l’éducation, nous devenons très-éloignés. »


Le Lun-yu est divisé en deux livres formant ensemble vingt chapitres. Il y eut, selon les commentateurs chinois, trois copies manuscrites du Lun-yu : 1 une conservée par tes hommes instruits de la province de Thsi ; l’autre par ceux de Lou, la province natale de Khoung-fou-tseu ; et la troisième fut trouvéecachée dans un mur, après l’incendie des livres. Cette dernière copie fut nommée Koulun, c’est-à-dire VAncien Lun. La copie de Thsi comprenait vingt-deux chapitres ; l’ancienne copie (Kou-lun), vingt et un ; et la copie de Lou, celle qui est maintenant suivie, vingt. Les deux chapitres en plus de la’copie de Thsi ont été perdus ; le chapitre en plus de l’ancienne copie vient seulement d’une division différente de la même matière.

Le livre de Meng-lseu. Ce quatrième dos livres classiques porte le nom de son auteur, qui est placé "par les Chinois immédiatement après Khoung-fou-tseu, dont il a exposé et développé les doctrines, et pour lequel il professait la plus haute admiration. « Comme son maître Khoung-fou-tseu, dit l’authier, Mengtseu avait pour but le bonheur de ses compatriotes et de l’humanité tout entière. En communiquant la connaissance de ses principes d’abord aux princes et aux hommes qui occupaient un rang élevé dans la société, et ensuite à un grand nombre de disciples que sa renommée attirait autour de lui, il s’efforçait de propager le plus possible ces mêmes doctrines au sein de la multitude, et d’inculquer dans l’esprit des grands, des princes, que la stabilité de leur puissance dépendait uniquement de l’amour et de l’atfection qu’ils auraient pour les peuples. ■ Sa politique paraît avoir eu une expression plus accentuée que celle de son maître. Si, d’un côté, il enseignait aux peuples le droit divin des rois, de l’autre il enseignait aux rois que c’était leur devoir de consulter sans cesse les désirs du peuple, de soumettre à la raison leur pouvoir, de lui assigner pour but le bien général, en un mot de se rendre, selon son expression, le père et la mère du peuple. « Celui qui fuit un vol à l’humanité, disait-il, est appelé voleur ; celui qui fait un vol à la justice (qui l’outrage) est appelé tyran. Or, un tyran est un homme réprouvé, digne de mort. « 

On remarque, dans le livre de Mencius, des principes d’économie politique qui ne seraient pas désavoués par les premiers économistes modernes. La loi de la division du travail n’est nulle part mieux formulée que dans ce passage : ■ 11 est dés affaires qui appartiennent aux hommes supérieurs, il en est qui appartiennent aux hommes du commun. Une seule

personne en cultivant la terre prépare, au moyen des échanges, les objets que tous les artisans confectionnent. Si vous étiez obligé de les confectionner vous-même pour vous en servir ensuite, ce serait forcer tout le monde à être sans cesse sur les chemins. C’est pourquoi il est dit : Les uns travaillent de leur intelligence, les autres travaillent do leurs. bras. Ceux qui travaillent de leur intelligence gouvernent les hommes ; ceux qui travaillent de leurs bras sont gouvernés par les hommes. Ceux qui sont gouvernés par les hommes nourrissent les hommes ; ceux qui gouvernent les hommes sont nourris par les nommes. C’est, la toi universelle du monde. • Ailleurs, Mencius s’élève contre l’idée de fixer la valeur des choses d’après la seule considération de la quantité. « L’inégale valeur des choses, dit-il., est dans la nature même des choses. Certaines choses diffèrent entre elles d’un prix double, quintuple ; certaines autres d’un prix décuple, centuple, etc. Si vous confondez ainsi toutes choses eu leur donnant à toutes une valeur proportionnée seulement à la quantité, vous jetez le trouble dans l’empire. Si de grands’souliers et de petits souliers sont du même prix, quel homme voudrait en confectionner de grands ? » Les partisans de l’égalitarisme proudhonien ne feraient pas mal do méditer ces paroles.

Abel Rémusat a ainsi caractérisé le style et l’ouvrage de Mencius : « Le stylo de Mengtseu, moins élevé et moins concis que celui du prince des lettres (Khoung-fou-tseu), est aussi noble, plus fleuri et plus élégant. La forme du dialogue, qu’il a conservée à ses entretiens philosophiques avec les grands personnages de son temps, comporte plus de

variété qu’on ne peut s attendre à en trouver dans les apophthegmes et les maximes de Confucius. Le caractère de leur philosophie diffère aussi sensiblement. Confucius est toujours grave, même austère ; il exalte les gens de bien dont il fait un portrait idéal, et no parle des hommes vicieux qu’avec une froido indignation. Mcug-sou, avec le même amour pour la vertu, semble avoir pour le vice plus de mépris que d’horreur ; il l’attaque par la force de la raison, et ne dédaigne pas mémo l’arme du ridicule. Sa manière d’argumenter se rapproche de cette ironie qu’on attribue à Socrate. Il ne conteste rien à ses adversaires ; mais, en leur accordant leurs principes, il s’attache à en tirer des conséquences absurdes qui les couvrent de confusion. Il ne ménage même pas les grands et les princes de son temps, qui souvent ne feignaient de le consulter que pour avoir occasion de vanter leur conduite, ou pour obtenir de lui les éloges qu’ils croyaient mériter. Rien de plus piquant que les réponses qu’il leur fait en ces occasions ; rien surtout de plus opposé à ce caractère servile et bas qu’un préjugé très-répandu prête aux Orientaux, et aux Chinois en parti-