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une sorte de légende guerrière de l’épopée napoléonienne. Les Toits rappellent le Maçon de Louis Bertrand (dans Gaspard de la nuit) ; c’est la rêverie d’un écolier réfugié sur le toit d’une maison, et là savourant à la fois le triple plaisir du grand air qu’il respire, du splendide panorama de la ville qu’il contemple à ses pieds, de la vue de la jeune fille qu’il aime et qui est penchée à une fenêtre. Quelques vers que nous allons citer achèveront de donner une idée de la forme de Gustave Drouineau dans ses Confessions, forme souvent indécise, mais enveloppant toujours une idée, et parfois une idée profonde ou sympathique :

Encor si l’on savait le secret de la tombe !
Si l’âme s’élevait ainsi qu’une colombe,
À travers le ciel bleu, vers cette immensité
Où Dieu jouit de tout et de l’éternité !
Si l’âme, se trouvant sous la forme d’un ange,
S’enivrait à jamais de bonheur sans mélange !
Si, rejetant la coupe où l’on boit tant de fiel,
Les âmes qui s’aimaient se revoyaient au ciel !
Si des mondes roulants l’ineffable harmonie,
La majesté de Dieu, sa puissance infinie.
L’orgueil d’être immortel, de voir créer sans fin,
D’unir son chant d’amour au chant du séraphin,
Si les plaisirs sacrés du céleste domaine,
Qui n’auraient point de mot dans toute langue humaine
Dont notre esprit a soif et qu’il ne conçoit pas.
Se montraient devant nous au delà du trépas !

Les Confessions de Drouineau, qui n’ont eu aucun succès et n’ont par conséquent pas été réimprimées, sont à peu prés introuvables aujourd’hui.


Confession d’un enfant du siècle (LA), par Alfred de Musset, publiée à Paris en 1835. « Pour écrire l’histoire de sa vie, il faut d’abord avoir vécu ; aussi n’est-ce pas la mienne que j’écris. Ayant été atteint, jeune encore, d’une maladie morale abominable, je raconte ce qui m’est arrivé pendant trois ans. Si j’étais seul malade, je n’en dirais rien ; mais comme il y en a beaucoup d’autres que moi qui souffrent du même mal, j’écris pour ceux-là, sans trop savoir s’ils y feront attention ; car, dans le cas où personne n’y prendrait garde, j’aurai encore retiré ce fruit de mes paroles, de m’être mieux guéri moi-même, et, comme le renard pris au piège, j’aurai rongé mon pied captif. » Telle est la déclaration que fait l’auteur en tête de sa confession et qu’il nous a semblé utile d’enregistrer, afin de bien préciser le but qu’il s’est proposé. Il a voulu montrer comment il avait pris la maladie du siècle:le doute et la désillusion, le scepticisme en toutes choses ; il a voulu faire toucher du doigt à d’autres jeunes gens la plaie du libertinage et leur en indiquer la guérison.

En 1836, l’auteur avait vingt-six ans, mais le mal dont il souffrait avait développé en lui une expérience précoce qui en faisait un profond moraliste, et si nous allons nous étendre aussi longuement sur cette œuvre, la seule de longue haleine qu’ait donnée le poète, c’est qu’elle renferme de bons et utiles enseignements. En outre, et personne ne l’ignore, les personnages qu’elle met en scène, bien que cachés sous des noms d’emprunt, sont réels et appartiennent à l’histoire. Avant de nous occuper des confidences plus ou moins nécessaires qu’a fait naître l’œuvre de Musset, examinons cette œuvre en elle-même. Un jeune homme, Octave (lisez Alfred), né en 1810 de cette génération venue trop tard pour l’Empire, trop tard aussi pour la Restauration, est amoureux. Il l’est, dit M. Sainte-Beuve, avec naïveté, confiance, adoration, et jusque-là il ressemble aux amoureux de tous les temps; mais, au plus beau de son rêve, un soir à souper, étant en face de sa maîtresse, sa fourchette tombe par hasard, il se baisse pour la ramasser et voit… quoi ? le pied de sa maîtresse qui s’appuie sur le pied de son ami intime. Le réveil est affreux et soudain:Octave prend à l’instant même la maladie du siècle, comme on prenait autrefois la petite vérole, après un brusque saisissement. Il quitte sa maîtresse, se bat avec son ami et est blessé ; guéri, il se jette dans la débauche, dans l’orgie, jusqu’à ce que la mort de son père l’en tire. Confiné alors aux champs, il y voit une personne simple, douce, plus âgée que lui, mais belle encore, un peu dévote, assez mystérieuse, Mme  Pierson ; il en vient à l’aimer, à être aimé d’elle ; ici mille détails simples, enchanteurs. Mais la plaie du libertin se rouvre ; elle saigne encore au sein de ce bonheur. La manière bizarre, capricieuse, cruelle, dont il détruit à plaisir son illusion et la félicité de son amie est admirablement décrites. Cela sent son amère réalité. Après bien des scènes pénibles, lorsqu’une réconciliation semble à jamais scellée, lorsque Brigitte Pierson consent à tout oublier, à voyager bien loin et pour longtemps avec lui, survient un tiers, jusque-là inaperçu, l’honnête Smith, qui aime involontairement Brigitte et se fait aimer d’elle. Octave s’en aperçoit, les interroge, découvre la souffrance de Brigitte, reconnaît que les coups qu’il lui a portés ont tué en elle cet amour qui n’est plus maintenant qu’un devoir. Il hésite, il est près de la frapper d’un poignard ; mais le bon sentiment triomphe. Il se retire, s’efface avec abnégation, et cherche dans une amitié sincère des consolations à son amour meurtri. Smith et Brigitte partent ensemble en chaise de poste pour l’Italie.

Y a-t-il dans ce livre un dessin, une composition ? poursuit M. Sainte-Beuve ; y a-t-il une intention morale et un but ? On ne peut méconnaître, dès le premier chapitre, que l’auteur n’ait voulu faire sortir de sa confession une morale utile et sincère. Il a voulu, ce semble, montrer la plaie hideuse, profonde, incurable, que laissent au fond du cœur, et sous l’apparence de guérison, la débauche et la connaissance affreuse qu’elle donne de toute chose, et les instincts insatiables et dépravés qu’elle inocule. D’autres ont essayé de peindre tous les maux affaiblissants et le relâchement de la volonté produits par un abandon tortueux et secret ; lui, il s’est attaché à peindre le mal orgueilleux, ambitieux, d’une curiosité insatiable, impie, le mal de don Juan renouvelé. « Il y a, dit-il, de l’assassinat dans le coin des bornes et dans l’attente de la nuit. au lieu que dans le coureur des orgies bruyantes on croirait presque à un guerrier. C’est quelque chose qui sent le combat, une apparence de lutte superbe ; « tout le monde le fait et s’en cache ; fais-le et ne t’en cache pas. » Ainsi parle l’orgueil, et une fois cette cuirasse endossée, voilà le soleil qui y reluit. » On ne peut faire une analyse plus rigoureusement vraie et plus désolante du mal de la débauche que celle qui se déroule vive, acérée, mordante, à travers les chapitres de ce livre; mais ce qu’on peut regretter, peut-être, c’est que l’auteur n’ait pas atteint le but qu’il se proposait : la guérison. Où est-elle ? Où peut-elle être, puisque le débauché gâte et souille par ses souvenirs jusqu’à l’amour pur ? Nous savons bien qu’Octave se retranche dans la sainte amitié qu’il offre à Mme  Pierson. Mais après tant de retours sur lui-même, de fantaisies et de bizarreries sans nom, ne peut-on craindre que cette situation nouvelle ne soit pas encore définitive et qu’un brusque changement ne vienne encore une fois remettre en question le repos et le calme de cette âme si jeune et si lasse ? Lorsque le malade dont parle A. de Musset a vingt ans, il n’y a de guérison pour lui que dans l’amour. Voilà la conclusion qu’il fallait offrir. Heureusement que l’année même où paraissait la Confession d’un enfant du siècle, le poète écrivait sa Nuit d’août, dans laquelle son âme, enfin détendue et redevenue sonore, s’écriait :

Dépouille devant tous l’orgueil qui te dévore,
Cœur gonflé d’amertume et qui t’es cru fermé.
Aime, et tu renaîtras ; fais-toi fleur pour éclore ;
Après avoir souffert, il faut souffrir encore ;
Il faut aimer sans cesse, après avoir aimé.

Nous n’avons pas cru devoir nous arrêter devant les personnages pour les faire connaître au lecteur, en les appelant par leurs noms. A. de Musset s’est contenté de raconter, nous avons fait comme lui. Mais, puisque le public persiste à reconnaître une sorte de parenté entre le livre d’Alfred de Musset et les trois ouvrages qui ont été publiés après sa mort par Mme  George Sand d’une part, M. Paul de Musset, frère du poëte, d’autre part, et enfin par Mme  Louise Colet, nous parlerons de ces ouvrages avec toute la prudence et l’impartialité qu’on doit apporter en ces délicates matières.

Commençons par Elle et Lui, roman publié en mai 1859 par George Sand. Ici les deux héros se nomment Thérèse Jacques et Laurent de Fauvel, et nous assistons au début de leur liaison, dont l’étrange caractère nous est tout de suite révélé par trois lettres, dont une de Thérèse. Dans l’une des deux autres, Laurent écrit à Thérèse : « Vous savez que, pour moi, vous n’êtes pas mademoiselle Jacques, mais un homme supérieur déguisé en femme. » On voit qu’il n a pas fallu une bien grande perspicacité pour découvrir le personnage véritable caché sous le pseudonyme de Thérèse ; le vrai nom de Laurent de Fauvel n’était pas plus difficile à deviner ; et, avec ce point de départ, on doit comprendre si le public s’est efforcé de commenter les réticences et d’expliquer les allusions.

Laurent est bien le même qu’Octave ; comme lui il s’est laissé gagner par la maladie du siècle, et, avec ses vingt ans, a déjà trouvé l’occasion de prendre en dégoût toutes choses. C’est un vieil enfant blasé, sinon corrompu. Thérèse, au contraire, plus vieille de quelques années, est la femme supérieure que Laurent a devinée. Elle a moins que lui l’expérience des faits, mais beaucoup plus l’expérience du cœur, et c’est ce prestige, qu’elle possède aux yeux de tous et surtout de Laurent, qui la fait désirer par ce jeune homme comme un idéal à saisir. Thérèse ne s’était pas méprise sur Laurent : « C’était un ange, dit-elle, sinon déchu comme tant d’autres, au moins fourvoyé et malade. Le besoin d’aimer lui dévorait le cœur, et cent fois par jour il se demandait avec effroi s’il n’avait pas déjà trop abusé de la vie et s’il lui restait la force d’être heureux. » Et ailleurs, elle lui dit à lui-même : « Je sais que vous avez la prétention d’être vieux et corrompu. Chez vous, c’est une maladie réelle et douloureuse, mais qui passera quand vous voudrez. Vous êtes un homme de cœur, précisément parce que vous souffrez du vide de votre cœur. Une femme viendra qui le remplira, si elle s’y entend, et si vous la laissez faire… » On prévoit ce que devra être une liaison, un amour entre une vieille pécheresse du genre de Thérèse (c’est elle-même qui s’appelle ainsi) et un enfant gâté qui s’ennuie de tout. Thérèse tenta tous les moyens d’arracher cette âme au mal secret qui la ronge ; elle offre à cet enfant l’amitié d’une sœur, l’affection d’une mère ; mais ce cœur insatiable repousse cet amour tranquille et pur. Ce qu’il lui faut, ce qu’il veut, ce qu’il exige, ce sont les entraînements de la passion, les baisers sans fin. Déjà la jalousie a déchiré son âmeb ; il n’a pu voir près de Thérèse un ami, Dick Palmer, sans ressentir tous les tourments de la haine. Dans cet esprit malade, le doute est toujours là avec ses soupçons injustes. Alors l’enfant a des colères viriles, l’homme a des emportements d’enfant : il frappe du pied, il pleure, il gémit ; puis, pensif, sombre, il va cacher sa douleur ; sa voix est brève, il ne prie plus, il exige, il menace, il raille, et les paroles mordantes s’échappent de ses lèvres crispées ; un instant après, il implore son pardon, et son mal s’exhale avec ses pleurs. Thérèse lutte longtemps ; puis, vaincue dans cette lutte incessante, elle s’abandonne à ces désirs furieux. Elle veut être moins la maîtresse que la marraine de ce nouveau Rousseau. Elle n’a pas compris que ses lèvres n’ont pas de caresses assez ardentes pour satisfaire cette passion ; elle n’aime pas, elle n’a ni ces langueurs ni ces emportements de la femme qui aime ; sa bouche est moins prompte aux baisers qu’aux discours solennels et monotones. Elle affecte des tons protecteurs et maternels ; elle ne se donne qu’à regret. Alors des querelles sans fin surgissent : l’amour parfois se change en haine, la vie entre ces deux êtres devient impossible. Ils se quittent, se recherchent, se jurent de nouveau un éternel amour ; puis, un jour, le poëte s’aperçoit qu’un autre a pris dans ce cœur qu’il n’a pu faire battre la place qu’il croyait occuper, et il reste seul, abandonné « aux infirmités de son génie ».

Voilà ce livre, dans lequel les malveillants ont voulu voir une calomnie à l’adresse d’un mort, une tentative de réhabiliter une réputation compromise en donnant le mauvais rôle à celui qui ne pouvait plus accuser ni se défendre. Les amis, au contraire, ont soutenu que Elle et Lui était une apologie, un dernier hommage rendu pieusement à la mémoire du poëte. Les uns et les autres, à notre avis, ont eu grand tort de faire autant de bruit autour d’un livre qui, en définitive, doit être d’autant mieux jugé de bonne foi que l’auteur le présente au public comme un roman, et non comme une histoire. Libre au public, sans doute, de supposer les visages qu’il veut derrière les masques, mais il n’a pas le droit de les lever, ou, s’il le fait, il doit garder pour lui ce qu’il a vu. Mais les indiscrétions se sont tellement multipliées, que le public n’a plus rien à apprendre aujourd’hui… que la vérité peut-être ; et c’est pourquoi nous avons cru devoir enregistrer ici les documents qui lui ont servi à pénétrer, autant qu’il était possible, dans un coin de la vie privée de celui qui fut son poëte favori et de celle qu’il admire comme son meilleur romancier. Aux accusations malveillantes dirigées contre elle à l’occasion de Elle et Lui, George Sand a répondu dans une préface de son roman : Jean de La Roche, publié dans la Revue des Deux-Mondes le 15 octobre 1859.

Passons maintenant à Lui et Elle, roman publié en décembre 1859 par Paul de Musset : « Ce livre n’a pas besoin d’explications ; son unique raison d’être, c’est l’accomplissement d’un devoir, et c’est ce que tous les honnêtes gens ont parfaitement compris. » Et, en effet, l’épilogue du livre est consacré au récit des circonstances dans lesquelles M. Paul de Musset a contracté l’obligation de prendre un jour publiquement la parole, s’il en était besoin, pour rétablir dans leur vérité les faits qu’on chercherait à travestir. Le grand poëte était à son lit de mort : « Quel reproche pourrait-elle donc me faire ? demanda le moribond à son ami. — Je n’en sais rien, répond celui-ci ; mais si elle rompt le silence, sans aucun doute, ce sera pour te déchirer comme les autres. Elle ne manquera pas de te donner à vingt ans les idées et le caractère d’un homme de quarante ; elle puisera dans ton âge viril de quoi composer un portrait fort peu aimable d’amoureux adolescent. Parce qu’elle t’a rendu ombrageux, elle dira que tu l’étais avant de la connaître. C’est elle qui t’a ravi la confiance et la foi du cœur, et elle dira que ton cœur était défloré. Parce que, dans tes moments d’horreur et de souffrance, tu as parfois appliqué des narcotiques sur ta plaie, elle dira que tu étais déjà blasé et que tu aimais les narcotiques. Ces mensonges par anachronisme volontaire sont les plus perfides, les plus difficiles à démasquer. » C’est donc parce que le silence a été rompu par Elle et Lui, que M. Paul de Musset est venu remplir l’engagement qu’il avait pris, en faisant paraître à son tour, dans Lui et Elle, ce qu’on pourrait appeler avec raison la rectification des faits énoncés dans Elle et Lui. C’est donc beaucoup moins un roman qu’un plaidoyer qu’il faut chercher dans le livre de M. Paul de Musset. Malheureusement le plaidoyer se change souvent en diatribe, en pamphlet excessif, et l’avocat, qui devrait se contenter de défendre, se fait accusateur.

Nous ne nous sentons pas le triste courage d’analyser ce roman page par page ; il est triste. en effet, d’avoir à enregistrer de semblables débats. Que nous importent ces amours ? Nous faut-il fouiller tous les coins de ces alcôves, entendre retentir le bruit de ces baisers ? Et parce qu’un homme est illustre, parce que son nom, glorieux par le génie, plane au-dessus de la foule, sommes-nous condamnés à devenir les confidents de ses amours ? M. Paul de Musset s’est montré sévère ; il oublie parfois qu’il s’adresse à une femme que son grand nom et son immense talent devraient mettre à l’abri de pareilles attaques.

Arrivons, puisque notre tâche d’historien nous y oblige, au troisième acte de cette tragi-comédie. Pour ce dernier volume, produit d’un amour-propre étrange, nous n’avons pas de ménagements à garder. Il est bon que les lanières du fouet caressent parfois ces épaules éhontées qui s’étalent dans toute leur nudité. Quoi, il s’est trouvé une femme, une mère, hélas ! qui, calme, souriante, est venue nous initier aux mystères de ses nuits, nous montrer ses lèvres humides encore des baisers ? Le cœur se soulève vraiment à ces tableaux étranges. Faut-il raconter cette scène grotesque qui se passe dans un fiacre entre l’héroïne de Lui [V. ce mot et Colet (Louise)] et je ne sais quel académicien polisson. Pourquoi la police, qui défend les œuvres du marquis de Sade, permet-elle de semblables ordures ? Est-ce parce que, sous ces noms d’emprunt, se cachent des personnages connus que le public désigne, sans qu’un démenti vienne frapper les railleurs ? Dira-t-on que ce n’est là qu’un roman, œuvre d’une imagination troublée ? Mais vingt journaux ont commenté, discuté, raillé, nommé, et l’auteur s’est réjoui de cette publicité qui assurait la vente du livre. Plus de ces révélations d’alcôve, de ces confidences qui répugnent à une bouche honnête et soulèvent la conscience indignée ! Cela n’est plus de la littérature, mais de la réclame, qui ne devrait pas s’abriter sous la couverture du livre. Pour oublier ces polissonneries relevées, nous avons besoin de relire le poëte.

Tu dis vrai ; la haine est impie.
Et c’est un frisson plein d’horreur
Quand cette vipère assoupie
Se déroule dans notre cœur.
Écoute-moi donc, ô déesse !
Et sois témoin de mon serment :
Far les yeux bleus de ma maîtresse
Et par l’azur du firmament ;
Par cette étincelle brillante
Qui comme une perle tremblante
Scintille au loin sur l’horizon ;
Par la grandeur de la nature,
Par la bonté du Créateur,
Par la clarté tranquille et pure
De l’astre cher au voyageur ;
Par les herbes de la prairie,
Par les forêts, par les prés verts,
Par la puissance de la vie,
Par la sève de l’univers !
Je te bannis de ma mémoire,
Reste d’un amour insensé,
Mystérieuse et sombre histoire,
Qui dormiras dans le passé !
Et toi, qui jadis d’une amie
Portas la forme et le doux nom,
L’instant suprême où je t’oublie
Doit être celui du pardon.
Pardonnons-nous ! Je romps le charme
Qui nous unissait devant Dieu ;
Avec une éternelle larme
Reçois un éternel adieu.

Pourquoi donc avoir soulevé la pierre d’un tombeau dont on devait respecter le silence, plus éloquent cent fois que tous les discours ou récits faits par l’indignation mal contenue, par l’orgueil froissé ou par un calcul mesquin de vanité personnelle ?


Confession (LA), roman par M. J. Janin (Paris, 1837). Il est au moins difficile d’analyser cette œuvre étrange, fantastique. Un mari étrangle sa femme la nuit même de Ses noces, en croyant l’embrasser. C’est d’ailleurs un singulier personnage que ce mari. N’est-il pas devenu affreusement jaloux en voyant sa femme se livrer au plaisir de la danse ? Une polka, un chaste en-avanl-deux le conduisent au crime. Il y a vraiment là de quoi faire frémir, par ce temps de valses échevelées. Nos maris parisiens sont plus débonnaires, heureusement ! Devant le cadavre de sa victime, notre assassin songe à se confesser ; ilenvoie chercher un prêtre, puis refuse de se fier à lui. Il a recours à un second confesseur, séduit une jeune fille pour avoir le secret de cet homme de Dieu, et devient fou après avoir avoué son crime. Cette intrigue bizarre abonde en digressions politiques ; quant à la religion, on se doute qu’elle occupe une place importante dans ce singulier volume.

Le style est correct et hardi, mais les personnages ne sont pas dessinés avec la netteté à laquelle M. Janin nous avait habitués.


Confession d’une Anglaise de qualité, roman anglais, par la comtesse de Blessington. Cet ouvrage parut à Londres en 1S38, et fut bientôt dans toutes les mains. L’année suivante, il fut traduit en français par Lewis Delaporte, et n’obtint pas moins de succès qu’en Angleterre. La vogue prodigieuse de ce livre, aujourd’hui presque tombé dans l’oubli, s’explique par^ lu position qu’occupait l’auteur dans le grand monde britannique. On n’analyse point une telle œuvre : ce serait faire l’histoire de là société anglaise pendant un quart de sièclej et cette tâche dépasserait les limites que nous nous sommes imposées, Ce sont des conversations, des commérages de la high life, plutôt qu’un récit ; c’est du caquet plutôt que du style. Mais, pour les confessions d’une vieille coquette, cette façon d’écrire ne manque pas de naturel. En résumé, c’est un vrai roman de société ; on sent en le lisant que l’auteur a vu se mouvoir sous