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dorcet avait l’esprit solide et sérieux da son mari, et tout ce qui pouvait être utile à l’humanité avait pour elle de l’intérêt, quelque sévère et rigoureuse qu’en fût la forme. Elle a été l’éditeur à ce titre, cinq ans après la mort de Condorcet, d’un écrit très-simple et très-utile, intitulé : Moyens d’apprendre à compter sûrement et avec facilité (Paris, an VII-1799, in-12), dont elle a donné une seconde édition quelques années avant sa mort (Paris, Eymery, 1818, in-18). C’est un ouvrage posthume de son mari, dont la mémoire lui fut toujours sacrée, et à la gloire duquel elle ne croyait pas nuire en publiant ce modeste écrit d’un grand esprit, destiné uniquement à l’instruction du peuple.


CONDORI s. m. (kon-do-ri). Bot. Syn. d’adénanthère, genre de légumineuses : On trouve en Chine et aux Moluques une variété du condori. (V. de Bomare.)

— Encycl. Ce genre, qu’on appelle aussi condoumani, et dont le nom scientifique est adenanthera, renferme des arbres à feuilles bipennées ; les fleurs, disposées en épis lâches, axillaires ou terminaux, ont un calice très-petit, à cinq dents ; une corolle à cinq pétales égaux ; dix étamines distinctes, à anthères incombantes, glanduleuses à l’extérieur ; le fruit est une gousse longue, comprimée, membraneuse, contenant plusieurs graines dures, arrondies, lisses, écartées. Ces arbres habitent les régions chaudes de l’Asie et les îles voisines. Le condori à graines rouges (adenanthera pavonina) est assez commun sur la côte du Malabar ; on assure qu’il vit plus de deux siècles. Son bois est dur et d’un beau rouge ; on l’emploie dans l’industrie ; c’est, dit-on, un des arbres qui fournissent le santal rouge. Les graines sont aussi d’un rouge écarlate, mêlé de rouge sombre ; les Malabares les mangent cuites ou réduites en farine. Comme elles sont sensiblement toutes égales en poids, les orfèvres, du pays s’en servent pour peser les ouvrages d’or et d’argent ; ils les emploient aussi, humectées dans l’eau et pilées avec le borax, pour recoller les morceaux brisés des vases de prix. Le condori à graines noires (adenanthera falcata), qui croît en Chine et aux Moluques, n’est peut-être qu’une variété du précédent, dont il diffère par la forme arquée de ses gousses et la couleur de ses graines ; son bois est plus léger et d’un blanc un peu roussâtre ; on dit que les naturels s’en servent pour faire des boucliers.


CONDORIN s. m. (kon-do-rain). Métrol. Monnaie de compte usitée en Chine et au Japon. En Chine, il vaut 0 fr.,07778 ; il en faut dix pour faire un mas, et dix mas pour un taël, dont la valeur est de 7 fr.,77778. Au Japon, le condorin ne vaut que 0 fr.,03007 ; il en faut également 10 pour faire un mas, et 10 mas pour un taël, dont la valeur n’est que de 3 fr.,66667. || Poids usité dans les mêmes pays. En Chine, il équivaut à 0 gr.,374990 de notre système ; il contient 10 caches ; il faut 10 condorins pour un mas et 10 mas pour un tael, dont le poids représente 37 gr.,499033. Au Japon, le condorin est de 0 gr. 364899 ; il vaut également 10 caches ; il en faut 10 pour un mas, et 10 mas pour un taël, qui équivaut à 36 gr.489857.


CONDORMANT s. m. (kon-dor-man — du lat. cum, avec, dormire, dormir). Hist. relig. Membre d’une secte qui autorisait la promiscuité des sexes, et qui a duré du XIIIe au XVIe siècle.


CONDORMITION s. f. (kon-dor-mi-si-ondu hit. cum, avec ; dormira, dormir). Théol. Union charnelle de l’homme et de la femme.


CONDORTES s. f. pl. (kon-dor-te). Péch. Faisceau de roseaux servant a la construction des bourdigues.


CONDOTTIERE s. m., pl. CONDOTTIERI (kon-do-tié-ré, ri — mot ital., formé du lat. conducere, prendre à gage). Chef de partisans ou de soldats mercenaires en Italie ; soldat mercenaire en général : On vit à la fin Maximilien gagnant sa vie comme condottiere dans le camp des Anglais, empereur à cent écus par jour. (Michelet.) Mastama fut, selon toute vraisemblance, le premier ancêtre des condottieri toscans du moyen âge. (Ampère.) S’il faut en croire Machiavel, les condottieri étaient en général plus vantards que redoutables. (De Chesnel.) || Bandit des Apennins, au XVIIe siècle.

— Par ext. Personne qui agit hardiment et sans règle : Les spirituels condottieri de l’industrie moderne, devenue la plus cruelle des guerres, laissent les inquiétudes à leurs créanciers. (Ba)z.) Ce brillant condottiere de plume devait, en effet, être pendant longtemps esclave. (Balz.)

— Encycl. Le nom de condottiere est surtout resté aux chefs des bandes mercenaires, étrangères ou italiennes, qui jouèrent un si grand rôle dans l’histoire des révolutions d’Italie, au Xive, au xv° et au-xviu siècle.

Dans les guerres anciennes et même dans l’histoire moderne jusqu’à l’établissement des armées permanentes, l’emploi des troupes mercenaires était une nécessité. Les riches républiques phéniciennes n’emploient que des mercenaires. C’est à la tête d’une armée de mercenaires qu’Annibal envahit l’Italie ; c’est à des troupes étrangères qu’est confiée, sinon la défense du territuire, du moins la défense de nos rois, depuis les archers écossais de Louis XI jusqu’à la garde suisse de Charles X ;

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maie nulle part les aventuriers étrangers, les condottieri ne se firent une si large part que dans les républiques italiennes du moyen âge ; ils en ont écrit l’histoire de trois siècles avec la pointe do leur épée.

C’est pendant la grande querelle des guelfes et des gibelins, de la papauté contre l’empire que so font jour les rivalités, les haines de cette multitude de républiques et de principautés qui morcelaient l’Italie. Les Catalans introduits en Sicile et en Calabre par le roi Frédéric marquent l’avécoiiient des condottieri ; Henri VII, Louis de Bavière, Jean de Bohème et Charles IV amènent leurs Allemands ; Louis de Hongrie, roi de Naples, ses Hongrois, Des aventuriers anglais, Bertrand et Hermann Guillaume, après avoir dévasté la Provence, viennent mettre leur armée à la solde des Padouans (guelfes) engagés contre Cane délia Scala, seigneur des marches lombardes, que soutenait l’empereur Henri VII. Dès ce moment, les condottieri ont des troupes formidables ; ces deux Anglais n’ont pas moins de 10,000 chevaux et de 40,000 fantassins à leur solde. C’en était fait de la Lombardie, qu’ils commençaient a envahir, si leur armée n’était morte d’inaction et de peste dans les marais (1313-1314). Raymond de Cardone, gentilhomme aragonais, commande en chef l’armée guelfe de Robert, roi de Naples, et de lÉglise, contre les Visconti, qui le forcent à lever le siège de Milan ; puis l’armée florentine contre les Lucquois et Castruccio. La solde de ses troupes passait 3,000 florins d’or par jour. Fait prisonnier par Castruccio à la bataille d’Altopaccio (septembre 1323), il est promené dans Lucques derrière un char de triomphe. Un gentilhomme anglais, Jean Hawkwood, — Acuto, dans les chroniques italiennes,

— est d’abord à la solde do Rome et de Césène, qu’il remplit de massacres et d’horreurs, puis de Florence, contre les Visconti et la réaction pontificale d’Avignon. Il rendit à la république d’immenses services. « Sage et terrible, exact dans ses entreprises foudroyantes, dit M. Ferrari, ne bougeant jamais sans faire trembler la terre sous ses pas, il surpasse tous ses contemporains et est mêlé à toutes les sanglantes tragédies de cette histoire. • Florence lui fit élever, dans sa cathédrale, à Santa-Croce, un magnifique tombeau surmonté U’une statue équestre. Jean-Galéas Visconti prend à sa Solde presque tous les condottieri et leurs troupes, de façon que, la paix faite, les condottieri continuent pour leur propre compte. En pleine paix, il cassait ostensiblement une compagnie et l’envoyait en

secret surprendre quelque citadelle, quitte à la désavouer si elle échouait, à profiter de ce fait d’armes, en cas de succès.

De si grandes forces entra les mains de soldats ambitieux devaient mettre l’Italie dans les plus grands périls ; mais tout d’abord, et théoriquement, 1 emploi des mercenaires résolvait un des plus lourds problèmes de gouvernement, l’enrôlement d une armée. Avec

les condottieri, les gouvernements se trouvaient en tout temps prêts à la guerre sans avoir besoin d’enrégimenter d’avance et de discipliner des troupes ; la paix faite, les dépenses de guerre cessaient en même temps. « Un général, s’il n’avait pas dans son armée un corps d’élite de ces troupes, n’osait prendre aucune confiance dans le reste. Les soldats des villes doutaient d’eux-mêmes et de leurs camarades dès qu’ils ne voyaient pas à leurs côtés une troupe plus exercée pour diriger la première attaque ou former la réserve. Les condottieri, faisant de la guerre leur métier et allant à la première paix chercher dans de nouveaux pays de nouveaux combats, n’avaient pas seulement l’avantage que l’on a reconnu de tout temps dans les troupes de ligne sur les milices, ils formaient une troupe de ligne toute particulière pour laquelle l’état de guerre ne cessait jamais. ■ (Sismondi.) Azario, le chroniqueur de Milan, place les condottieri au rang des bonnes institutions : « La cinquième loi, clit-il en parlant de certaines lois de Visconti, fut que le peuple n’irait plus à la guerre, mais resterait chez lui occupé de ses propres travaux ; car tous les ans, et spécialement au temps des récoltes et des vendanges, quand les princes ont l’habitude de combattre, les peuples, en abandonnant leurs travaux, se ruinent pour assiéger des villes, et il en résulte d’innombrables dommages, d’autant plus qu’on n’est pas habitué au maniement des armes. ■ Eneil’et, dans ces malheureux États italiens du moyen âge, en même temps qu’apparaît la richesse, que se développent la puissance mercantile, l’habileté politique, le courage guerrier fait défaut dans les masses, aussi bien que l’instruction militaire. Une de ces milices nationales, que levaient encore certains États, est, une nuit, surprise par un détachement ennemi et massacrée bien facilement ; les malheureux, pour marcher plus à l’aise, avaient laissé leurs ormes dans des fourgons qui les précédaient à distance. Tout est donc abandonné aux condottieri. Mais Machiavel, le profond homme d’État, le grand patriote sur qui pèse encore maintenant un injuste anathëme, et qui pourtant n’a fait que réduire en maximes brèves, froides, la politique astucieuse et impitoyable de son temps, Machiavel avait la vue autrement large et perçante que les gouvernants et les légistes du xine et du xivu siècle ; il désapprouve hautement l’emploi des condottieri et les accuse de tous les désordres, de toutes les misères sans nom auxquelles

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l’Italie fut en proie. Un résumé rapide de leurs hauts faits va montrer s’il était dans le vrai. La trahison du condottiere Jacques de Fontana-Buona, qui, a la solde des Florentins

contre les Lucquois, accepte du chef lucquois, Castruecio-Uastracatii, une somme supérieure pour tourne^ ses troupes contre Florence, ouvre comme une nouvelle période. Jusque-là, les condottieri- sont au plus offrant, aux enchères, mais du moins ils exécutent les engagements pris et versent bravement leur sang payé, Désormais ces bandes formidables, groupées autour d’un chef, vont constituer en Italie une sorte de puissance permanente, qui, tantôt à la solde d’un État, et le trahissant à la première occasion, tantôt faisant la guerre sans raisons, pour son propre compte, errant du nord au sud, promènera partout le ravage. C’est ce qu’on appela la grande compagnie. Formée à l’origine (1322) par cinq connétables de Florence, ayant les Tolomei pour chefs, elle se composait de 500 chevaliers et d’un nombre considérable de fantassins. On la retrouve en 1339 alliant ses débris à ceux d’une compagnie semblable, engagée par Venise ; elle forme alors, sous Lodrisio Visconti, ta première compagnie de Saint-Georges. Licenciée à la suite des guerres entre Pise et Florence, elle s’augmente des recrues allemandes amenées par l’aventurier Werner, duc d’Urslingen (1342), etprésente une masse de 30,000 casques ou barbues, comme on disait alors, à cause des crinières des casques allemands. Ce Weruer, ou plutôt ce duc deGuavneri, comme il se faisait appeler, en joignant à son titre. de duc celui d ennemi de Dieu, de la pitié et de la miséricorde, titres qu’il portait g ; avés sur une plaque d’argent dont il ornait sa poitrine, ne se proposait qu’un but, lever des contributions. Secrètement payé peut-être par l’Italie du Nord, Milan, Padoue, Parme, il passe dans le sud avec ses gens de sac et de corde, pille et rançonne Sienne, dont il s’éloigne moyennant 12,000 florins ; Moutepulciano, Città-di-Castello et Pérouse se rachètent ; la Romagne est mise à feu et à sung. Prié par les républicains de Bologne de renverser un tyran odieux, Taddeo dé Pepoli, il accepte la tâche, reçoit leur argent d’une main et de l’autre 60,000 livres que lui compte Taddeo ; puis traverse pacifiquement Bologne. Remonté au nord, il ravage Modène, Reggio, Mantoue, et, sur le point de livrer bataille à une ligue composée des marquis d’Esté, des Gonzagtie de Mantoue, de Martino délia Scala, consent à retourner en Allemagne, moyennant une grosse somme. À peine disparue, et l’argent dissipé, la grande compagnie rentre et s’établit dans l’État de Ravenne. Au duc Guarneri succède le comte Landau, car cette année est une puissance, un tief vivant que l’on se transmet. Iciintervientune romanesque aventure. Une comtesse allemande qui traversait l’État de Ravenne pour se rendre à un jubilé est arrêtée par Bemurdiiio, seigneur de Polenta, qui s’éprend pour elle d’une vive passion. Il l’enferme dans sa forteresse, et, comme elle lui résistait, l’outrage odieusement. Les deux frères de la comtesse outragée, pauvres tous deux et n’ayant guère que leur épée, se joignent au comte Landau, qui leur confie un commandement. Tout l’État de Ravenne est ravagé, puis la Fouille, la Terre de Labour, le royaume de Naples, où la compagnie s’établit dans les maisons de plaisance des seigneurs, faisant partout bombance et chère-lie. Le roi de Naples, Louis de Tarente, se décide à donner 70,000 florins pour l’éloigner. Au comte Landau succède un religieux français, le chevalier de Monréal, ancien prieur de Saint-Jean de Jérusalem. Sous lui, la grande compagnie reçoit une organisation régulière ; il y a des conseillers, des secrétaires, un trésorier ; c’est tout un gouvernement. Des juges maintiennent la paix dans je camp. Toute espèce de brigandage est permise vis-à-vis des populations ; mais le butin est partagé avec équité entre les officiers et les soldats, puis vendu à des marchands qui suivaient l’armée pour racheter les objets pillés. Une cohue de femmes et de filles, prisonnières et autres, accompagne le camp,

blanchit le linge, moud le grain, et, chose étrange, est rigoureusement respectée. Fra Moriale n’en fut pas moins un des grands ravageurs du temps ; il eut une fin tragique. Arrêté à Rome, pour et contre laquelle il avait servi tour à tour, il fut décapité par ordre du pape. La grande compagnie, achetée par le marquis de Montfertat et l’évêque d’Augusta, ligués contre les Visconti, figura dès lors d’une manière plus militaire, sinon plus honorable, car elle n’abandonna jamais ses habitudes de massacre et de pillage.

L’énorme point d’appui qu’olîrait une armée permanente, bien constituée, entre les mains

; île chefs capables, ne pouvait échapper aux

petits seigneurs italiens, sans force par eux-mêmes, mais qui avaient vu a l’œuvre Guarneri, Landau et Fra Moriale. Un. Romagnol, Albéric de Barbiano, homme de guerre renommé, fut supplié par une foule de gentilshommes ambitieux de réformer la compagnie de Saint-Georges. À partir du xvie siècle, presque tous les condottieri sont Italiens. François des Ordelafli de Forli, les Malatesti de Riinini, Ridolphe de Varano sont appelés comme capitaines à la tête de mercenaires étrangers, allemands, provençaux, armagnacs, bretons, anglais, hongrois, par la république de Florence et par le pape. Albéric de Barbiano fut le grand organisateur de ces milices ;

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sa compagnie de Saint-Georges fut une pépinière de condottieri célèbres : Facino Cane, Otton ben Terzo, Braccio deMontone, Biordo, Sforza, Vitelti. L’amour de l’argent, la vie licencieuse lui amenaient des recrues tous les jours ; mais, dès cette époque, les esprits inquiets portaient plus loin leurs espérances, lies désordres de l’Italie, la faiblesse des gouvernements ouvraient la porte à toutes les

ambitions. Les lieutenants d’Albéric de Bar» biano tirent presque tous une fortune étonnante. Faccino Cane, de Casai, au service do Catherine Visconti, est envoyé par elle à, Alexandrie pour, châtier une révolte. Il emporte la ville d’assaut, la livre au pillage et garde pour lui la souveraineté (1403). Il renverse à Milan le fils de Jean-Galéas, ce Philippe-Marie qui chassait les hommes au chien courant, et meurt prince souverain de fait, sinon de titre, d’Alexandrie, Milan, Tortone, Verceil, Novare. Otto ben Terzo, massacreur impitoyable, est un des meilleurs capitaines des Visconti. Élevé à la seigneurie de Parme et de Reggio, il meurt assassiné par Sforza, son rival. Braccio de Montone et Sforza forment deux grandes écoles qui se perpétuent près d’un siècle en Italie. D’abord compagnons d’armes, amis, presque frères, ils se divisent, ot quand Braccio va offrir ses services à un prince, Sforza se rend immédiatement chez l’ennemi. Braccio gouverna Pérouse, puis Bologne, pour le pape Jean XXIII. Cette époque est l’ère véritable des condottieri ; tuutes les ambitions, tous les talents militaires, toutes les audaces se font jour ; la souveraineté, une couronne ducale, peut être, à un moment donné, le lot d’un soldat heureux. Mais Braccio était un gentilhomme, presque un grand seigneur ; Sforza (Giacomuzzo Attendolo) n’est qu’un paysan de Cotignola, qui quitta sa bêche pour suivre une bande d’aventuriers. Sa fortune n’en est que plus surprenante. Sa grande lutie avec Braccio a pour terrain le royaume de Naples, où il tient pour la reine Jeanne, Braccio soutenant le parti d’Alphonse d’Aragon. Le paysan de Cotignola, chef d’une armée puissante, qu’il nourrit, qu’il solde, à laquelle il est le maître de faire embrasser les partis les plus opposés, voyait fieut-être déjà distinctement son but à travers es changements de favoris de la reine, les révolutions de palais qui ne sont que des révolutions d’alcove, lorsqu’il se noie au passage du Pescaire. Son rival, Braccio, est tué peu de temps après à la bataille de l’Aquila. Les deux grandes factions militaires survivent à leurs chefs. AUendolo a pour successeur François Sforza, son fils naturel, qui, plus tard, allié à la famille des Visconti, réalisera le rêve paternel et fera souche de maison ducale ; Draceio est continué par Nicolo Piccinino, un des grands hommes du temps, et ses fils, dignes de se mesurer avec des capitaines tels que les Sforza. Piccinino resta attaché aux Visconti, fit pour eux toutes les guerres contre Venise et Plorence, c’est-à-diro en face de François Sforza et de Garmagnola, jusqu’au mariage de François avec la fille des Visconti ;, il alla offrir alors ses services au pape, et mourut à l’entrée d’une campagne contre Sforza dans les Roimignes (1444). Ses fils, François et Giacopo, jouèrent un rôle important dans les guerres du Milanais, puis prirent le parti de René d’Anjou, dans le royaume de Naples.

Partout les condottieri sont les maîtres. Un capitaine, un gentilhomme ruiné, enrôle quelques amis, groupe autour de lui quelques lances, et va de son côté se tailler une seigneurie. C’est Lemaingre à Tortone, Jacques Arcellani à Verceil, Malutesta à Biescia, Pondulo à Crémone. La guerre se fait plus aux peuples qu’aux années ; traverser les rue3 avec sa cavalerie, tailler en pièces guelfes ou gibelins, blancs ou noirs, c’est courir une ville, en prendre possession. À peine si quelques cités, plus heureuses, ont des princes héréditaires, se succédant dans un certain ordre ; presque toutes sont la proie de condottieri, despotes d’un jour ou d’un an élevés au pavois par quelque coup d’État sanglant, affermis par la cruauté et la perfidie, renversés fiar l’émeute. Biordo des Michelotti, chef de a faction du peuple (les noirs) à Pérouse, en quelque sorte seigneur de la ville, est ussassiné par des citoyens conjurés. Piccinino, le dernier condottiere de la grande époque, le rival de François Sforza, est assassiné dans une fête par Ferdinand de Naples. Vitelli est assassiné par César Borgia, au rendez-vous tragique de Sinigaglia ; Giovani Vigate, seigneur de Lodi, se tue dans une cage de bois où le seigneur de Milan l’avait enfermé. A suivre ces fins tragiques, cette diversité de morts violentes, on croirait parcourir un des cercles de l’enfer, avec Dame, l’âpre poète florentin.

Venise, on le sait, n’employa jamais que des condottieri ; les lois jalouses de la république interdisaient à tout citoyen de porter les armes. On avait peur des ambitieux, Les généraux étrangers eux-mêmes ne pouvaient pénétrer dans la ville avec leurs soldats. L’ambitieuse et riche république n’entendait d’ailleurs dépenser, dans ses guerres, que de l’argent ; le vice inhérent à 1 institution même des condottieri, qui, opposés eux-mêmes à d’autres condottieri, avaient tout intérêt à éterniser la guerre, à ne jamais livrer d’actions décisives, la rendit toujours plus coûteuse que lucrative. Parmi les condottieri à la solde de Venise, Paul Savelli fit en Lom-