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pie, de plus naïf et de plus touchant. Cette remarque est de Balzac.

Dans les Contes, qui d’ailleurs ne ressemblent à des contes que par le titre, M. Jules Janin laisse de plus en plus percer l’oreille du critique ; la plupart des sujets ne sont esquissés que pour servir de cadre à des dissertations littéraires. Ainsi, Voltaire est apprécié sous une double face-Dans le conte intitulé ; Voltaire et Mme de Pompadour, il apparaît à nos yeux éblouis comme le vrai monarque de l’époque, exerçant sur le monde entier)a véritable royauté, celle de l’intelligence ; dans la fantaisie de Fréron et Voltaire, nous assistons à un duel d’épigrammes entre les deux ennemis, et le vaincu n’est pas le folliculaire. Est-ce une contradiction ? Non ! c’est un jugement impartial ; Jules Janin loue dans voltaire l’écrivain de génie et blâme en lui le polémiste hargneux. Il use du même procédé pour Byron, dont il explique les ceuvres par les incidents de son aventureuse existence. Ses appréciations, néanmoins, ne sont pas toujours des arrêts sans appel, car il écoute un peu trop ses sympathies, comme dans l’article consacré à Crébillon le fils, qu’il transforme en écrivain de génie. Il place Désaugiers au-dessus de Béranger, qu’il semble ne pas comprendre et auquel il reproche, après avoir élevé Napoléon sur un piédestal, de ne pas trouver une épitaphe pour la tombe du duc de Reichstadt. On remarque, dans ce passage et dans plusieurs réflexions, un certain souffle de républicanisme qui circule à travers tout l’ouvrage, mais qui chez l’auteur n’a pas tardé, comme le duc de Reichstadt, à s’éteindre faute de force vitale.

Si les opinions politiques de M. Jules Janin ne reposent pas sur des bases solides, ses jugements littéraires ne sont pas non plus for— mules rigoureusement II ne s’est guère prononcé que dans une longue étude sur le

xviii* siècle, qui termine les Contes nouveaux. Nous serons plus aftirmatif que lui. Nous aurions désiré lui voir déployer plus de fermeté paternelle, et, à l’exemple des Spartiates, faire disparaître ceux de ses enfants qui étaient venus au monde mal conformés. Sa faiblesse l’a perdu ; aussi le style des Contes nouveaux ne peut-il guère s’apprécier, car il passe successivement du bégayement de l’enfant à la

voix forte de l’homme. Ces tâtonnements pour se créer un style, très-évidents dans les morceaux écrits dans la jeunesse de l’auteur, produisent cet effet désagréable, excitent ces crispations dont nous n’avons jamais pu nous défendre en entendant, avant un concert, le charivari dont nous fatiguent les musiciens, sous prétexte d’accorder leurs instruments.

Contes de l’Alhambra, par Washington Irving. Ces contes ont été pour la plupart puisés dans les légendes, les ballades et les traditions de la province de Grenade, durant le séjour qu’y fit l’auteur américain. Ces fictions, agréablement contées, tirent leur origine de faits réels, mais oubliés ou mal connus. L’auteur a eu te mérite de les exhumer et d’en composer une œuvre à la fois originale et simple. Ce sont en partie des fables d’origine sarrasine, en partie des légendes gothiques écrites avec concision et sobriété, naïves comme le peuple chez lequel on les trouve révérées à l’égal de la religion et souvent davantage. Grenade et l’Alhambra ont fourni à Washington Irving de belles pages, fort curieuses et fort intéressantes ; les reliques, les inscriptions, les monuments les plus modestes ont été décrits avec une merveilleuse érudition. Malgré la réputation dont ce livre jouit de l’autre côté du détroit, on se prend à regretter cependant que le voyageur n’ait pas été doué d’une imagination plus jeune et plus fraîche, qu’il n’ait point cédé par moment au besoin de manifester son enthousiasme et ne nous ait donné qu’un livre de savant. Ces réserves faites, on ne peut trop louer le style brillant et énergique de l’auteur anglais. Les Contes de l’Alhambra ont été traduits en français par Mlle A. Sobry (Paris, 1832, 2 vol.).

Contes de Samuel Bach (LES) (Il vivere],

par Théophile de Ferrière (Paris, 1836,1 vol. in-8°). Ce livre, un des derniers du romantisme, se compose de cinq contes, dont voici les titres : Ideolo, Lord. Chatterton, Histoire de Gelyot, Héliogabale et Kam-Iiup. Ideolo est le plus remarquable : c’est un véritable pendant aux Jeune-France de M. Théophile Gautier. Les habiles du romantisme commençaient déjà, sinon à brûler ce qu’ils avaient adoré, du moins à railler finement les braves et naïfs qui s’obstinaient à croire à la bonne dague de Tolède et au bousingotisme littéraire. Nous avons cité les Jeune-France de M. Gautier : les Lettres de Dupuis et Cotonnet d’Alfred de Musset visent au même but ; Ideolo également. Sous ce nom, le conteur, M. de Ferrière déguisé en Samuel Bach, nous présente un petit bourgeois à tête à l’évent qui, successivement et suivant la mode littéraire ou sociale d’alors, est dandy, poète, byronien, pantagruéliste, hégélien, philosophe humanitaire, etc., etc. ; qui se bat en duel, fait le coup de feu dans les émeutes, et, finalement blessé et battu, est fort heureux, revenu de ses ambitions peu assises, de trouver une modeste place d’employé à 200 fr. par mois. Nous glissons sur les épisodes piquants du livre : Ideolo, après ses premiers mécomptes, se change en lycanthrope : « O Laral ô Conrad I ô Zafféel s’écrie-t-il ; je vous comprends, mes amis, et je suis des vôtres. Le monde est infâme, hi CONT

deux, abominable 1 c’est une Sodome, une Gomorrhe, une Babylonel... O Byron !» Et là-dessus, dit l’auteur, « Ideolo entra dans sa nouvelle vie d’un air sombre et déterminé. ■ Plus tard « il a les cheveux longs et bouclés sur’les épaules, un gilet à la Robespierre, une redingote bleue, un pantalon bleu, un gourdin à la main et un chapeau à larges bords sur la tête ; « Citoyen Samuel Bach, salut et fraternité ! Le monde marche !... L’avenir du monde ■ est républicain I » Et caetera. On le voit, M. de Ferrière est un sceptique. Ideolo n’en est pas moins une critique très-fine et très-spirituelle des jeunes gens d’alors qui, après avoir hurlé après les « épiciers, » devinrent tour à tour épiciers eux-mêmes. Ces sortes de satires n’ont jamais tué les vrais artistes ni les vrais croyants. Le second conte, Lord Chatterton, est un chapitre ajouté au bel épisode d’Alfred de Vigny. L’auteur suppose que Chatterton n’est pas mort : le poison était mauvais. Une noble lady s’éprend de lui et l’épouse. Chatterton, gras, membre du Parlement, millionnaire, finit vieux beau, vieux courtisan, après avoir brûlé ses manuscrits, et après avoir été aussi dur aux postes qu’on le fut jadis envers lui. C’est toujours la donnée à’Ideolo qui se poursuit. L’Histoire de Gélyot, qui complète cette trilogie railleuse s’attaque aux bas-bleus : c’est l’histoire d’un brave homme naïf, dont la femme l’oblige, par furie du pittoresque, à venir habiter un vieux château délabré, a travers les galeries duquel elle erre échevelée, vêtue de blanc et déclamant. Le malheureux époux faillit perdre la tête. Les deux derniers contes sont dans un ordre d’idées tout différent : Héliogabale est une étude sur la mystagogie antique. Kam-Rup est un pastiche indou. Tous deux sont très-fins et très-savamment faits. Les Contes de Samuel Bach sont, en somme, un livre de délicats. Depuis longtemps épuisés, ils seront réédités dans la Bibliothègue romantique que doit publier prochainement un de nos plus intelligents éditeurs.

Contes denx rois dits, nouvelles angloaméricaines, par Nathaniel Hawtherne. Ces

contes, dont le titre singulier vient de ce qu’ils avaient déjà paru isolément dans des journaux ou des revues, sont une œuvre de la jeunesse d’Hawthorne. Le premier recueil parut en 1837, et le second en 1842. Ils sont peut-être inférieurs comme profondeur psychologique aux contes du recueil intitulé : Mousses d’un vieux presbytère ; mais il y règne une sorte d’horreur naïve qui touche d’autant plus que l’expérience y a moins de part. C’est l’épanouissement spontané d’une âme naturellement

chagrine, familiarisée de toute éternité avec la tristesse et la terreur. On sent qu’il ne ne lui a coûté aucun effort pour jouer sur les cordes lugubres du malheur, de la vieillesse, du péché et de la mort, et que la sombre poésie.qui s’échappe de son âme est instinctive et involontaire. « Pendant qu’on lit ces contes, dit M. Montégut, qui a consacré une longue et remarquable étude au romancier américain, une sorte de parfum semblable à celui qu’exhalent les apprêts des funérailles, le buis bénit, les cierges allumés, la couronne d’immortelles, monte au cerveau et l’emplit de visions funèbres. La mort et le péché apparaissent en toute chose, comme les productions naturelles de la vie et du monde. Tout le travail de la vie est de produire la mort, tout le travail du monde est de produire lé péché. La santé et la joie ne sont que des apparences et des illusions : derrière les roses de la jeunesse pointent les laideurs de la décrépitude ; jeunesse, gaieté, beauté, ploient et croulent sous le vieillard qui est en nous dès notre enfance. » Parmi les nombreux contes ou allégories morales de ces deux recueils, nous citerons : la Procession de la vie. C’est une longue suite de personnages tous habillés de noir- ils sont tous en deuil de quelqu’un ou de quelque chose, et viennent tour à tour raconter d’un œil sec une histoire invariablement lugubre. Hawthorne aime à nous les présenter lorsqu’ils ont épuisé en eux la source des larmes, lorsque l’excès du malheur a détruit le magnétisme de la sympathie humaine. Aussi l’habitude a-t-elle émoussé en eux la vivacité de la souffrance, et leur mélancolie s’est changée en quelque manie excentrique et terrible. On pense, en les voyant défiler, aux damnés de Dante. Le Glas des noces n’est pas moins étrange. C’est l’histoire d’un homme qui, déjà septuagénaire, épousa la fiancée de son âme, la femme à laquelle sa jeunesse avait donné toutes ses pensées d’amour. Dédaigné pour d’autres adorateurs, il avait passé toute sa vie dans l’attente et la solitude, et maintenant qu’il était aux portes du tombeau, elle consentait à l’épouser. Il obéit ; mais, au lieu du joyeux carillon du mariage, il fit sonner le glas funèbre, et parut devant l’autel revêtu de son suaire et accompagné de ses témoins vêtus de deuil. Il justifie son excentricité par ces paroles éloquentes : « Après quarante ans, dit-il à sa fiancée, lorsque j’ai bâti ma tombe, lorsque je ne voudrais pas renoncer à la douce pensée d’y reposer enfin, lorsque je n’échangerais pas cette espérance même contre la vie que nous avions rêvée autrefois, voilà que vous m’appelez à l’autel ! J’obéis. Mais d’autres ont joui de votre jeunesse, de votre beauté, de tout ce qui pouvait s’appeler votre vie. Que me reste-t-il, si ce n’est votre décrépitude et votre mort ? Et c’est pourquoi j’ai invité ces amis en deuil, pourquoi j’ai commandé au sonneur son glas le plus sourd,

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fiourquoi je suis venu vous épouser dans mon inceul, afin que nous puissions joindre nos mains aux portes du sépulcre pour y entrer ensemble. ■ Le Voile noir du ministre est, dans son genre, une bizarrerie qui ne le cède en rien à celles que nous venons de raconter. Un dimanche, à l’heure du service divin, le révérend Hooper, ministre de la paroisse de Milford, se présente devant ses ouailles, le visage couvert d’un voile noir. Ce voile tourmente fort l’imagination des paroissiens, qui se demandent si leur ministre est devenu fou. Cependant les dimanches se succèdent et le voile noir ne quitte pas le visage du révérend. La vénération qu’il inspirait commence à se changer en terreur. Peu à peu, la solitude se fait autour de lui ; ce simple morceau de gaze noire suffit pour mettre une barrière entre lui et les autres hommes. Sa tendre et pieuse femme elle-même ne peut résister à l’horreur que fait naître ce perpétuel emblème de tristesse, et, après l’avoir vainement interrogé pour connaître son secret, elle prend le parti de quitter ■ le presbytère. Alors l’opinion s’accrédite que le pasteur a commis un crime ignoré, en punition duquel il s’est condamné à porter ce voile noir, et il vieillit ainsi au milieu de l’épouvante générale. Enfin l’heure de la délivrance arrive, les confrères de M. Hooper l’entourent et le prient de livrer son secret. « Sombre vieillard, dit l’un d’eux, avec quelle tache sur votre âme allez-vous donc arriver au jugement de Dieu ? » Alors des lèvres du mourant s’échappe l’explication de sa lugubre manie : « Pourquoi donc tremblez-vous devant moi seul ? cria-t-il tournant sa face voilée vers le cercle des pâles spectateurs ; tremblez aussi en vous regardant les uns les autres ! Est-Ce seulement pour mon voile noir que les hommes m’ont évité, que les femmes m’ont refusé leur pitié, que les enfants se sont enfuis à mon approche ? ou bien était-ce le mystère qu’il symbolise obscurément qui rendait si terrible ce morceau de gaze ?... Je regarde autour de moi, hélas 1 et sur chaque -visage je vois un voile noir I » Le Mariage du shaker est encore une sombre histoire. Deux jeunes gens ont attendu vainement pendant des années l’heure où ils devaient s’unir ; poussés l’un et l’autre par une tristesse commune, ils sont venus demander à une société de shak’ers cette, vie de recueillement et de paix qui convient aux cœurs fatigués. Un jour, un des anciens a l’idée de les placer, selon les rites de la secte, à la tête de la pieuse communauté. Qu’ils soient unis au moins par les liens spirituels, puisque le mariage charnel leur a été refusé, et qu’ils président en cette qualité aux pacifiques destinées de l’association ! h’elder Èphraïm joint les mains de ces époux mystiques, et prononce sur leurs têtes un discours plein des consolations que la religion donne aux affligés. En entendant ce discours, la fiancée s’affaisse ; ces consolations religieuses, qui devaient lui rendre la force et le courage, ont été pour elle un poison mortel, et le suprême désespoir est sorti de ces paroles d’espérance, « "Voilà, dit encore M. Montégut, terminant l’analyse de ces contes, voilà les fantaisies et les caprices de cette sombre imagination. Ne sentez-vous pas, vous enfants du Midi et de la civilisation catholique, quel immense intervalle vous sépare de la société pour laquelle ont été écrits ces récits ? C’est un monde moral tout particulier auquel vous ne vous rattachez presque par aucun lien, et dans lequel notre imagination dépaysée erre comme une étrangère dans une contrée inconnue, » Evidemment, on sent dans ces contes l’influence de la vieille race puritaine à laquelle appartenait l’auteur ; cependant, de temps à autre, une note plus gaie vient vivifier ce funèbre concert ; telles sont :1a Catastrophe de M. Higginbotliam, le Trésor de Pierre Goldthuiaite, l’Expérience du docteur Heidegger, David Swan, etc., ravissantes fantaisies, éblouissantes de grâce et d’humour. Ne pouvant analyser tous ces contes, il nous reste k mentionner le style incomparable qui sert d’enveloppe à ces étranges créations et leur assure l’immortalité. Les Contes deux fois dits, très-souvent réimprimés, ont été partiellement traduits en français par MM. E.-A. Spoll, Leroy et Scheffter.

Contes démocratiques, par M. Altaroche (Paris, 1837). De tous les livres spécialement écrits pour i !usage du peuple, il en est peu qui réunissent un système d’enseignement logique aussi varié et aussi agréable que les Contes démocratiques de M. Altaroche. Chacune des nouvelles ou scènes dialoguées que cet écrivain a réunies sous ce titre met en action une moralité féconde et partout présente. Le style en est agréable et ajoute un intérêt de plus à cette intéressante et utile lecture. Les sujets des Contes démocratiques sont partie imaginés, partie empruntés à notre histoire contemporaine, avec quelques variantes agréables qui étaient non-seulement permises, mais commandées, dans un livre où l’on se propose

d’instruire le peuple en le divertissant.

Contes n ma sauir, par Hégésippe Moreau, accompagnant les poésies de l’auteur, réunies sous le titre : le Myosotis (ire édit., Paris, 1838, in-18 ; 2e éûit, 1S40 ; 30 édit, ] 851, etc.). Ces contes, écrits d’une prose touchante et naïve, soignés avec un goût d’artiste, sont au nombre de cinq seulement : le Gui de chêne, la Souris blanche, les Petits souliers, Thérèse Sureau, le Neveu de la fruitière. Us rappellent Charles Nodier avec une

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note^ plus émue ; la forme en est pure ; un sentiment délicat et vraiment attique de l’art y plane. On y voit k nu le.rfond de l’âme du jeune poëte, le fond de son’imagination aux heures riantes et aux saisons heureuses. Ainsi devait-il être auprès de sa sœur, à l’âge des amours chastes, avant d’avoir laissé iutroduire dans ses doux rêves d’écolier rien d’amer ni d’insultant ; avant la politique, avant la faim, avant l’aigreur. Conter, chez le pauvre enfant qui n’avait rien à soi, rien, pas même le nom qu’il portait, conter n’était pas une moindre vocation que de chanter : Je préfère un conte en novembre

Au doux murmure du printemps.

On sait comment, après avoir terminé ses études, à quinze ans, il était entré en apprentissage chez un imprimeur de Provins. Là, auprès de lui, sous le même toit, il trouvaune amie, qui plus tard fut sa consolatrice, qui pleura de ses douleurs et les partagea, qui souvent le rattacha à l’espérance, ou tout au moins à la résignation. Elle était à la fois pour lui la fée bienfaisante des enfants et la muse que tout poète évoque en songe ; mais il avait choisi pour la nommer un nom plus doux encore que celui de fée et plus pur que celui de muse, il l’appelait ma sœur. C est à cette sœur bien-aimée qu’il a écrit ces contes gracieux, fins et parfumés d’innocence. Parmi eux, il en est un qu’on ne peut lire sans attendrissement, c’est le Gui de chêne ; le cœur gros de regrets et des larmes dans les yeux, le pauvre Hégésippe, perdu dans la grande cité dévorante, loin de Provins, où tout son bonheur était resté, y a retracé ses naïves amours. Qu’il est touchant, ce conte I et qu’il y a de grâce dans ce couple antique, Ixus et Macaria, la poésie et la vertu ! Ixus est, ou peu s’en faut, un mot grec qui signifie le gui. Les parents de l’enfant, à sa naissance, lui avaient jeté ce nom dans leur dédain, et, en effet, cette débile créature, entée sur une aussi forte race (c’était un fils d’Hercule), ressemblait beaucoup à la petite plante parasite qui frissonne au vent sur les grands chênes. Ixus, qu’aucun dieu ne caresse, à qui Apollon seul, touchant ses joues pâles, a soufflé sur les lèvres, et dont le cœur depuis brûle et palpite toujours, languit et meurt. Macaria enlace de ses soins le pauvre enfant, parce qu’il est souffrante dédaigné, et, parce que ses frères les Héraclides, symboles de la force et de la puissance, le battent, le dédaignent et le repoussent. « La pitié, le sentiment fraternel porté jusqu’au culte, la compassion féminine la plus exquise, respirent dans le Gui de chêne, » a dit avec raison M. Sainte-Beuve. La faiblesse tendre qui a besoin d’appui, la souffrance et le martyre d’un être délicat se retrouvent mêlés à de l’espièglerie et à de la lutinerie gracieuse dans la i>ouris blanche ; « c’est, selon l’expression du critique éminent que nous venons de citer, le plus joli conte de fées et le plus attendrissant ; c’est moins naïf que Perrault, mais aussi aimable, aussi léger, et cela ne se peut lire jusqu’à la fin sans une larme dans un sourire. • En lisant ces jolis récits et celui des Petits souliers, et celui même de Thérèse Sureau, d’un haut intérêt et d’une moralité profonde, avoir cette imagination, cette gaieté, cette invention de détails, on devine qu’il n’a manqué à Hégésippe Moreau, cet esprit si séduisant quand il osait être familier, que le pain quotidien pour être heureux et doter la France d’un grand écrivain de plus. Tels qu’ils sont, ses contes prennent rang à côté des plus parfaits de Charles Nodier. Ils ont la gentillesse de Trilby, sans imitation pourtant et sans prétention. Le sentiment en est jeune, vif et compatissant.

Contes de Noël (les), par Charles Dickens. Les fêtes de Noël ont conservé dans la protestante Angleterre toute l’importance dont elles jouissaient au moyen âge dans la France catholique, et dont nos départements du Midi semblent avoir gardé quelque souvenir ; mais elles ont dans la Grande-Bretagne un caractère particulier, et, s’il est permis de s’exprimer ainsi, une physionomie tout à fait insulaire. En effet, si quelques traditions du catholicisme y ont survécu à la réforme liturgique, elles sont modifiées par celles du protestantisme et par les mœurs de la nationalité britannique. Le double cuite de la vieillesse patriarcale et de la première enfance y est représenté par l’enfant sur les genoux de l’aïeul. Le vieillard et l’enfant, l’aïeul conteur et son naïf auditoire, voilà sans doute l’origine de ces histoires du coin du feu qui font partie, en Angleterre, des récréations intérieures de la Noël. À ces récits d’abord exclusivement religieux, tantôt puisés dans la Bible, tantôt dans les Évangiles, se joignirent insensiblement des récits moins édifiants, légendes superstitieuses et contes de nourrice, histoires de revenants, histoires de voleurs, voyages imaginaires et allégories mystiques, etc. ; l’imagination de l’Orient vint en aide à celle de l’Occident pour composer des histoires de magiciens, de sorciers, de fées, de génies, de gnomes, de sylphes, etc. On trouve, en effet, un peu de tout cela dans les contes de Noël des Anglais, qui formaient déjà une bibliothèque étrangement curieuse, lorsque Dickens y apporta son contingent, en créant un genre nouveau dans lequel les imitateurs ne lui ont pas manqué, sans qvi’aucun ait encore pu égaler le maître. Les Contes de Noël, comme la plupart des productions de