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CONQUET (le), petite ville de France (Finistère), canton et à 14 kilom. de Saint-Renan, arrond. et à 27 kilom. O. de Brest, sur l’Atlantique ; 1,324 hab. Élève de bestiaux, raffineries de soude de varech. Petit port avec un phare à feu fixe d’une portée de 12 milles. Mouvement de la navigation en 1861 : entrée, 7 navires ; sortie, 9 ; tonnage total, 1,500 t. Cabotage, entrée et sortie réunies, 326 navires ; tonnage total, 7,923 t.

Le Conquet est une place fort ancienne, dévastée par les Anglais en 1597. À 2 kilom. S. du Conquet se trouve le cap Saint-Mathieu, pointe la plus occidentale de la France, sur laquelle est un phare à feu tournant, et où l’on voit les ruines imposantes de l’abbaye de Saint-Mathieu, qui couronnent un rocher escarpé, incessamment battu par les flots tumultueux de l’Atlantique.

Les chevaux que l’on élève du côté du Conquet, de Saint-Renan, de Ploudalmézeau, de Trébahu, à l’extrémité de la presqu’île armoricaine, sont connus sous le nom de chevaux du Conquet. Dans cette contrée, les pâturages sont larges, bien égouttés et fertiles ; le trèfle qu’on y cultive sert de pâture pendant un certain temps. Ces chevaux ont le corps épais, long, les membres gros et secs, beaucoup de force, assez de finesse. Quelques-uns sont alezans ou bais, d’autres gris pommelés, gris truités. On a introduit dans ce pays des étalons de race qui donnent de très-beaux produits, achetés aujourd’hui pour la Normandie ; on châtre les moins précieux et on les élève pour les remontes. Mais deux choses s’opposent à la production des chevaux de luxe en Bretagne : la fluxion périodique des yeux et la difficulté de vendre les poulains. Pour écarter le premier inconvénient, l’éleveur doit exclure de la reproduction les poulinières et les étalons qui appartiennent à des familles fluxionnaires, et nourrir les poulains avec des grains, les tenir dans les endroits où la maladie fait le moins de ravages ; car là où elle sévit, l’hygiène la mieux entendue, les meilleurs aliments n’en préservent pas les animaux. La vente des poulains, si favorable partout ailleurs, est ici de première nécessité, surtout dans les localités du Finistère et des Côtes-du-Nord, qui sont moins propres que les environs de Saint-Renan à la production des chevaux de luxe.


CONQUÊTE s. f. (kon-kè-te — rad. conquest). Action de conquérir : Faire des conquêtes. Aller en conquête. Toute conquête qui n’est soutenue que par un État faible finit par en causer la ruine. (Machiavel.) La gloire des conquêtes est toujours souillée de sang. (Mass.) La conquête laisse toujours à payer une dette immense, pour s’acquitter envers la nature humaine. (Montesq.) Il y a des crimes qui deviennent glorieux par leur éclat ; de là vient que prendre des provinces injustement s’appelle faire des conquêtes. (La Rochef.) Le droit de conquête n’a d’autre fondement que la loi du plus fort. (J.-J. Rouss.) Le droit public de la plupart des États européens repose encore aujourd’hui sur le code de la conquête. (Mme de Staël.) On détruit par la conquête les biens mêmes dont on désirait la possession. (Mme de Staël.) Parmi les Espagnols qui allèrent à la conquête des Indes, il y en eut qui firent vœu de massacrer douze Indiens par jour, en l’honneur des douze apôtres. (Raynal.) Les conquêtes d’Alexandre opérèrent une révolution dans les sciences comme chez les peuples. (Chateaub.) Tout homme peut rêver la conquête du monde ; Alexandre seul l’accomplit. (Chateaub.) Dans toute société qui vit et grandit, il y a un mouvement intérieur d’ascension et de conquête. (Guizot.) J’aime à le proclamer hautement : le temps des conquêtes est passé sans retour. (Napoléon III.)

Je chante ce héros qui régna sur la France,
Et par droit de conquête et par droit de naissance.
                   Voltaire.

|| Résultat de cette action, pays conquis : En moins d’un an, Napoléon perdit toutes ses CONQUÊTES.

— Par ext. Acquisition : Tout cet espace est une conquête faite sur la mer. Cet horticulteur a fait la conquête d’une nouvelle tulipe. J’ai vu des vols de plus de cinquante aigles se rassembler au-dessus de notre jardin, pour marcher ensemble à la conquête d’une charogne. (E. About.)

                Rien ne remplit
Les vastes appétits d’un faiseur de conquêtes.
                La Fontaine.

Ô terre aux larges flancs, ô terre au vaste sein,
L’homme a fait ta conquête, il est ton souverain.
            A. Barbier.

— Fig. Résultat acquis par certains efforts ; objet dont on acquiert ainsi la possession : Notre langue et nos belles-lettres ont fait plus de conquêtes que Charlemagne. (Volt.) L’opinion publique est, tôt ou tard, la conquête de la vérité et de la raison. (Royer-Collard.) Une idée acquise est une vraie conquête. (Ballanche.) Jadis la liberté était une conquête ; aujourd’hui elle est un droit. (Cormen.) Les conquêtes de la force ne sont solides que lorsqu’elles ont été précédées par les conquêtes de l’esprit. (St-Marc-Gir.) Il reste beaucoup de conquêtes sociales à faire. (Guizot.) Les seules conquêtes utiles, celles qui ne laissent aucun regret, sont celles qu’on fait sur l’ignorance. (Napol.) L’humanité marche à la conquête de la vérité. (A. Martin.) L’amour de Dieu, révélé par l’Évangile, est devenu la conquête spirituelle de l’humanité chrétienne. (Ed. Scherer.) Il n’est pas une seule de nos libertés publiques qui ne soit le résultat d’une conquête sur la licence individuelle. (H. Castille.) Les conquêtes faites sous le règne de la liberté sont les plus légitimes et les seules durables. (Montalemb.)

De ces mêmes forfaits vous serez la conquête.
                        Corneille.
Et l’on porte sa tête aux pieds de Médicis,
Conquête digne d’elle et digne de son fils.
                        Voltaire.

— Action de gagner les cœurs ou les esprits : Aller à la conquête des âmes. La conquête des cœurs nous répond de cette de l’univers. (Boss.) Les conquêtes les plus glorieuses sont celles qui gagnent les cœurs. (Mass.) Ses nombreuses conquêtes sur les cœurs, Jésus les devait au charme infini de sa personne et de sa parole. (Renan.) Rome triompha, parce que seule, dans des vues d’avenir, elle fit la guerre, non pour détruire, miais pour conserver, et qu’après la conquête matérielle elle s’appliqua toujours à faire la conquête morale des vaincus. (Napoléon III.)

Les seules conquêtes durables
Sont celles qu’on fait sur les cœurs.
                       J.-B. Rousseau.

La conquête facile est presque sans plaisir ;
Le cœur aime parfois qu’on choque son désir.
                             Fréville.

|| Action d’inspirer de l’amour : Pauline commence à faire des conquêtes. (Mme de Sév.) L’essentiel, pour faire la conquête d’une Italienne, c’est d’avoir l’âme exaltable. (H. Beyle.)

Tant qu’ils ne sont qu’amants, nous sommes souveraines,
Et jusqu’à la conquête ils nous traitent de reines.
                         Corneille.

La conquête d’un cœur est plus facile à faire
                     Qu’elle n’est facile à garder.
                             Regnard.

            … La beauté, méditant des conquêtes.
Se parait pour le bal, les festins et les fêtes.
                             Delille.

Dame, mon cher ! il faut renoncer aux conquêtes ;
Les amoureux râpés font peu tourner les têtes.
                             Ponsard.

Et la dernière main que met à sa beauté
                  Une femme allant en conquête,
C’est un ajustement des mouches emprunté.
                             La Fontaine.

Mais s’il eût dit : « Voyez quelle est votre conquête ;
Je suis un jeune dieu beau, galant, libéral, »
Daphné, sur ma parole, aurait tourné la tête.
                             Fontenelle.

|| Personne dont on a conquis le cœur : Voilà une charmante conquête. Il est allé promener sa conquête. Vous nous avez soufflé nos deux conquêtes. (Scribe.)

Eh bien ! mes soins vous ont rendu votre conquête,
                            Racine.

. . . . . . Je serai la conquête
De quiconque à mes pieds apportera sa tête.
                            Corneille.

            Mais non, c’est la coquette
            Du village voisin.
            Qui m’offre une conquête
            En corset de basin.
                            Béranger.

Pays de conquête, Pays conquis. || Vivre comme en pays de conquête, Vivre en maître, commander, ne pas se gêner : Il VIT au café COMME EN PAYS DE CONQUÊTE.

Air de conquête, Air vainqueur, air suffisant et prétentieux, particulièrement en amour : Il se donne avec moi des airs de conquête.

— Hist. Place de la Conquête, Nom que Napoléon fit donner à la place Vendôme, a l’époque de l’érection de la colonne qui en occupe le centre.

— Hortic. Nom de quelques variétés d’œillets et de tulipes obtenues par la culture. || Quelques-uns écrivent conquette et dérivent ce mot de conque.

— Épithètes. Aisée, facile, rapide, sûre, assurée, certaine, innocente, légitime, paisible, juste, honorable, glorieuse, illustre, brillante, superbe, magnifique, étonnante, fameuse, vaste, importante, immense, fabuleuse, obscure, difficile, impossible, pénible, périlleuse, dangereuse, disputée, sanglante, ensanglantée. — Nouvelle, ancienne, aimable, douce, tendre, amoureuse, facile, aisée, rebelle, difficile, secrète, cachée.

— Encycl. N’en déplaise aux philosophes, aux législateurs, qui, depuis Platon jusqu’à Montesquieu, ont pris le droit pour sujet de leurs savants commentaires, le droit de la force est resté dominant jusqu’à ce jour ; c’est le seul qui ait fondé des établissements durables, et toujours le dieu des armées s’est prononcé pour les gros bataillons. De tous les peuples qui ont marqué dans l’histoire, il n’en est pas un seul qui ne doive à la conquête le sol sur lequel se sont déroulées les diverses phases de son existence, pas un seul dont les envahissements puissent être justifiés aux yeux de la justice absolue. La domination du peuple juif sur la Palestine, de ce peuple élu soi-disant conduit par Dieu, n’a pas d’autre origine. La terre de Chanaan attire leurs regards par sa fécondité ; aussitôt ils se mettent à la conquérir, sans pour cela y avoir le moindre droit. Les habitants qui occupent le pays sont un obstacle : les chasser ne suffirait pas, il faut les exterminer jusqu’au dernier ; cette politique barbare est suivie durant plusieurs siècles, et c’est pour y avoir contrevenu, et pour avoir épargné le roi Agog, que Saül est rejeté par Dieu, c’est-à-dire par les prophètes. C’est par ces moyens que les Juifs possèdent un moment toute la Palestine, fondent un royaume qui atteint son plus haut période de gloire sous Salomon, et qui va en déclinant jusqu’au jour où, par un juste retour des choses d’ici-bas, on abuse contre lui du droit du plus fort, pour détruire ses cités et conduire ses enfants en captivité. Énée, abordant sur les rives du Tibre, n’a pas plus de droit que les Hébreux faisant invasion dans la terre de Chanaan, et ce que Virgile chante, ce n’est pas la légitimité de la conquête, mais le courage avec lequel elle est exécutée. À quelle époque commence l’âge historique de l’humanité, sinon à l’époque où les races aryennes sont venues envahir la Grèce et l’Italie, apportant leur religion, leurs lumières, leur civilisation, qui se sont répandues sur tout le continent européen, où elles sont aujourd’hui en plein développement ? Ce n’est pas seulement dans l’antiquité, mais à toutes les époques et dans tous les pays, qu’on voit les races autochthones disparaître peu à peu, chassées par des peuples plus civilisés et plus forts. Que sont devenus les Indiens qui habitaient l’Amérique lorsque les Espagnols y abordèrent ? Refoulés peu à peu par le flot toujours montant de la conquête et de l’émigration européenne, ils vont disparaissant chaque jour davantage. Ces peuples, possesseurs autrefois d’empires si riches et si florissants, ne sont plus représentés aujourd’hui que par quelques tribus d’Indiens errant au milieu des montagnes Rocheuses, ou quelques peuplades d’Esquimaux, dont les voyageurs européens sont allés troubler le repos jusqu’au milieu des glaces du pôle. La Nouvelle-Zélande n’est découverte que d’hier, et déjà les mêmes symptômes s’y font remarquer. Des villes anglaises fondées sur plusieurs points, des colonies disséminées à diverses distances y ont introduit la vie européenne ; les indigènes s’éloignent de ces centres civilisés, fuient ces habitudes auxquelles ils ne sauraient se plier, et diminuent chaque jour de nombre, jusqu’au moment où ils auront complètement disparu. En Afrique, il en a été de même, et, tour à tour, les Phéniciens, les Romains, les Anglais, les Français y ont fait des établissements prospères. Si l’Afrique est celle des cinq parties du monde qui a gardé le plus son caractère primitif, qui voit abonder en plus grand nombre ses populations indigènes, elle le doit à son climat et à ses océans de sable, qui, jusqu’à ce moment, en ont interdit l’entrée et le séjour aux étrangers. Mais, là aussi, la conquête tend à s’étendre ; les récentes explorations ont montré ce pays plus habitable et plus fertile en ressources qu’on ne le croyait ; elles ont tracé la voie au commerce et à l’esprit d’entreprise ; d’ici à un temps qu’il n’est donné à personne de déterminer, la race nègre, elle aussi, aura disparu, obéissant à cette loi générale qui, dans tous les pays, a fait disparaître les races indigènes devant des races plus civilisées, plus perfectionnées, fait analogue à celui qui s’est passé dans le règne animal, et dont témoignent chaque jour les découvertes géologiques. La seule excuse de ces conquêtes, qui sont rarement irréprochables au point de vue de la justice absolue et du droit strict, c’est qu’elles sont moins le triomphe de la force que celui de la civilisation. C’est la civilisation qui l’emporte, lorsqu’une poignée de Grecs suffit pour mettre en déroute l’armée formidable d’Artaxerxès ; lorsque quelques Espagnols, égarés au milieu des mers, s’emparent d’un empire défendu par plusieurs milliers d’hommes et changent la face d’un grand continent. C’est une triste nécessité de notre nature imparfaite que les civilisations comme les religions, c’est-à-dire tout ce qui est progrès, a dû, jusqu’à ce jour, s’imposer par la force et par la violence. Si les empereurs romains, d’abord persécuteurs des chrétiens, n’avaient ensuite embrassé leur cause, et versé, pour la soutenir, autant de sang qu’ils en avaient d’abord fuit couler pour la ruiner, le christianisme ne régnerait pas aujourd’hui sur le monde civilisé ; c’est par le même moyen que Mahomet a imposé l’islamisme à des peuples dont la religion était bien plus imparfaite. Enfin, quoique l’occupation de l’Inde par l’Angleterre, de l’Algérie par la France, soit un véritable envahissement, c’est, au fond, la civilisation de ces deux pays qui commence à s’opérer, et qui se réalisera dans un temps plus ou moins éloigné. Remarquons, toutefois, que si les conquêtes, en général, tournent au profit de l’humanité, il n’en résulte nullement qu’il faille élever des autels aux conquérants. À ce mot conquérant, nous avons montré que tous ces hommes qui, par un motif d’ambition personnelle, ont précipité des masses armées contre des populations inoffensives, méritent plutôt le nom de fléaux que celui de grands hommes. S’il leur arrive d’être, sans en avoir conscience, les instruments de la civilisation, il ne faut leur en savoir aucun gré ; car la civilisation n’était pas leur mobile, et cela prouve seulement que, dans le grand laboratoire de la nature, les substances les plus malfaisantes peuvent quelquefois servir de base aux produits les plus utiles. Mais, au point où nous sommes aujourd’hui arrivés, il est permis de rêver pour l’humanité un avenir meilleur, où le progrès triomphera dans les esprits et dans les cœurs par la seule force de la vérité et de la raison. Quoi qu’il en soit, il est du devoir de l’historien de constater que, jusqu’à ce jour, la force a pu seule imposer le progrès à l’humanité, qu’on a traitée comme un enfant, et dont l’éducation n’a pu se faire que par l’emploi de châtiments trop souvent terribles.

— Allus. littér. Et par droit de conquête et par droit de naissance, Allusion au début de la Henriade, de Voltaire :

Je chante ce héros qui régna sur la France,
Et par droit de conquête et par droit de naissance,
Qui par de longs malheurs apprit à gouverner,
Calma les factions, sut vaincre et pardonner,
Confondit et Mayenne, et la Ligue, et l’Ibère,
Et fut de ses sujets le vainqueur et le père.

Ce vers est, de la part de Voltaire, un léger plagiat ; on le trouve mot pour mot dans le poëme Henry le Grand, par l’abbé Cassagne. C’est Henri IV qui parle à Louis XIV, son petit-fils :

Monarque, dont le cœur à ses devoirs fidèle,
Veut, parmi tant de rois, me choisir pour modèle,
Je reconnais mon sang qui t’enflamme le sein,
Et ne m’oppose point à ton noble dessein.
Lorsqu’après cent combats je posséday la France,
Et par droit de conquête et par droit de naissance,
Le monde vit briller dans mes illustres faits
La valeur, la bonté, la victoire, la paix.

Dans l’application, ce vers signifie qu’on a sur une chose des droits indiscutables :

« Ce n’est plus un gentilhomme ruiné et brillant qui épouse la fille d’un bourgeois : c’est,
au contraire, un jeune homme, fils de ses
œuvres, et portant un nom désastreusement
roturier, qui, à force de talent, d’énergie, de
délicatesse d’esprit et de cœur, se fait aimer
d’une jeune fille noble, se fait accepter par
ses parents, et entre, par droit de conquête, dans ce monde dont le séparait sa naissance. »
                 A. de Pontmartin.

« Telle est, en effet, la grande puissance
poétique de M. Victor Hugo. Il se mêle tellement
à la nation dont il est le poète par droit de conquête, il en partage si complètement les
émotions prochaines ou lointaines, il est tour
à tour si grave et si ironique, si amoureux et
si triste, qu’il est impossible à un peuple mobile comme nous sommes, de ne pas s’abandonner
corps et âme à ce délire poétique qui prend ainsi toutes les formes. »
                       J. Janin.

Si le lac de Genève appartient à Rousseau et par droit de conquête et par droit de naissance, on peut dire, sans emphase poétique, que celui du Bourget est tout à Lamartine. Son nom, celui d’Elvire, en sont, dès aujourd’hui, et en seront inséparables. »
                       Félix Mornand.

« Mais il faut que je vous fasse un aveu à
propos des deux héroïnes de l’affaire : elles
sont du grand monde par droit de conquête,
mais non de naissance. Ces dames, comme on dit, ne sont pas nées. La Française est fille de braves gens qui tenaient un hôtel garni dans la rue Richelieu ; la Russe est fille d’un officier dit de fortune, c’est-à-dire sans fortune. »
                    J. Lecomte.

— La plus noble conquête que l’homme ait jamais faite…, Allusion au début du morceau si connu de Buffon sur le cheval : « La plus noble conquête que l’homme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal, qui partage avec lui les fatigues de la guerre et la gloire des combats, etc. »

Cette magnifique périphrase, qui présente un si bel exemple d’harmonie imitative, n’était pas du goût du géométrique d’Alembert :

« Ne me parlez pas de votre Buffon, disait-il un jour à Rivarol, de ce comte de Tuffières, qui, au lieu de nommer simplement le cheval, dit : « La plus noble conquête que l’homme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal. » Que ne dit-il, le cheval ? — Oui, reprit avec malice Rivarol, c’est comme ce sot de J.-B. Rousseau, qui s’avisa de dire :

« Des bords sacrés où naît l’aurore
Aux bords enflammés du couchant, »

au lieu de dire tout bonnement : de l’est à l’ouest.  » Il était difficile de mieux répondre à l’observation déplacée de d’Alembert.

Dans l’application, ces mots se disent, sur un ton familier, de toute chose dont on veut exagérer plaisamment l’importance :

« Je dépose l’étonnant animal sur la première page de mon cahier, la tarière bien pourvue d’encre ; puis, armé d’un brin de paille pour diriger les travaux et barrer les passages, je le force à se promener de telle façon qu’il écrive lui-même mon nom. Il fallut deux heures ; mais quel chef-d’œuvre !