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pan raconte les mêmes faits avec quelques variantes dont nous dédaignons de tirer parti, et l’on y lira en toutes lettres que la reine était parfaitement instruite, et ceci avant que Bœhmer fût appelé, car il s’était présenté dans l’intervalle à Trianon, et Marie-Antoinette avait refusé de le recevoir avant de s’être expliquée avec Mme Campan.

Voici le passage ; il est assez explicite pour nous dispenser de tout commentaire :

« Savez-vous que cet imbécile de Boehmer est venu demander à me parler, en disant que vous le lui aviez conseillé ? J’ai refusé de le recevoir... Alors, continue Mme Campan, je communiquai à la reine ce que cet homme m’avait dit, quelque peine que j’éprouvasse à l’entretenir de semblables infamies. Elle me fit répéter plusieurs fois !a totalité de l’entretien que j’avais eu avec Bœhmer.... »

Or, c’est après s’être fait répéter à plusieurs reprises le récit de Boehmer sur toutes les circonstances de l'achat du collier, récit que Mme Campan donne avec détail, c'est le lendemain même de cet entretien avec sa femme de confiance, que Marie-Antoinette fit appeler le joaillier. Il est donc de toute évidence qu’elle se moquait de lui, en feignant de croire qu’il plaidait de nouveau pour la vente de son collier, tandis qu’elle savait très-bien qu’il plaidait pour son argent.

Cependant le malheureux Bœhmer, à bout de paroles et de prières, finit par s’écrier : « Madame, il n’est plus temps de feindre ; daignez avouer que vous avez mon collier, et faites-moi donner des secours, ou ma banqueroute aura bientôt tout dévoilé. »

Il s’en retourna néanmoins comme il était venu, se consulta avec son associé, que quelques paroles de Mme de La Motte avaient jeté dans le doute, et tous deux résolurent, dans leurs perplexités, de s’adresser au cardinal. Admis auprès de lui, Bassenge, après diverses objections, finit par lui demander s’il était bien sûr de la personne qui lui avait servi d’intermédiaire dans la négociation. M. de Rohan lui répondit : « Si je vous disais que j’ai traité directement, seriez-vous tranquille ? Eh bien ! je vous affirme que j’ai traité directement, et je vous l’assure en levant le bras en signe d’affirmation ; allez-vous-en rassurer votre associé. » (Déposition de Bassenge, et Mémoire de l’avocat Target.)

Ainsi le cardinal affirmait à Saint-James, à Bœhmer et à Bassenge qu’il était en relations directes avec la reine. Était-ce une imposture ? Mais ceux à qui s’adressait cette assertion avaient tous les moyens de la vérifier et un intérêt capital à le faire. D’un autre côté, il n’est pas moins avéré que, dès l’achat du collier, M. de Rohan n’avait cessé de presser les joailliers d’aller remercier la reine et qu’il leur avait même dicté une lettre à ce sujet. Comment concilier tout cela ?

Cependant les joailliers déclarèrent formellement à leur noble client que la reine niait qu’elle eût reçu le collier, et qu’elle eût jamais chargé quelqu’un de son acquisition. Stupéfait d’une telle révélation, frappé comme d’un coup de foudre, suivant l’expression de l’abbé Georgel ; alarmé par de sourdes rumeurs qui arrivaient jusqu’à lui, enfin convaincu qu’il avait été cruellement trompé à la vue de quelques fragments de la vraie écriture de la reine que le hasard mit sous ses yeux, le cardinal va sans aucun doute éclater et reprocher à Mme de La Motte sa perfidie et ses frauduleuses manœuvres ?

Nullement. Cette femme, qui l’a entraîné dans un abîme, et dont la trame est désormais percée à jour, il la met à l’abri des premières poursuites, il la reçoit dans son palais, il l’y attire même, suivant quelques versions, et l’y tient cachée vingt-quatre heures, avec son mari et sa femme de chambre. Et comme s’il craignait quelque révélation, il lui offre de la faire passer en sûreté dans la partie germanique de son évêché, où il exerçait une vraie souveraineté. Dans ses interrogatoires, lui-même nie, il est vrai, cette dernière circonstance ; mais elle est rapportée par son grand vicaire et par d’autres pièces de la procédure.

Cela se passait dans les premiers jours d’août.

« Mme de La Motte ne songeait point à s’enfuir à l’étranger ; bien au contraire, on voit les deux époux s’en aller fort tranquillement dans leur résidence de Bar-sur-Aube, où ils font transporter tous leurs meubles et leurs objets précieux ; c’était, lit-on partout, pour mettre en sûreté le fruit de leurs rapines. En sûreté ! Mais il est bien clair que ni leurs richesses mobilières, ni eux-mêmes n’étaient pas plus en sûreté à Bar qu’à Paris. Là, ils s’établissent sans paraître éprouver aucune inquiétude, et cependant ils savent que l’explosion est proche, que les poursuites commencent. Ils tiennent table ouverte, ils voient la haute société, notamment le duc de Penthièvre, qui se trouvait alors à sa résidence de Chateauvillain, l’abbé de Clairvaux et d’autres personnages de distinction, qui tous traitent la comtesse avec la plus grande déférence. (Mémoires du comte Beugnot.)

La comédie, ou plutôt le drame, allait enfin se dénouer.

Après son entrevue avec Bœhmer, la reine prenait conseil de deux violents ennemis du cardinal, son précepteur, l’abbé de Vermond, et le ministre Breteuil. Bientôt Boehmer recevait l’ordre de donner par écrit le récit de toute la négociation. Un rapport foudroyant était rédigé par Breteuil et mis sous les yeux du roi, avec la déclaration de Saint-James et le mémoire des joailliers ; et enfin, comme nous l’avons rapporté, le cardinal était arrêté le 15 août.

Quelques instants avant cette scène émouvante, il avait été appelé dans le cabinet même du roi. Devinant bien pour quelle cause, il était ému, mais ne prévoyait pas encore le coup qui allait le frapper. Il se trouva en présence d’une espèce de tribunal composé du roi, de la reine, du baron de Breteuil, du garde des sceaux Miromesnil et du comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères.

Alors le roi, lui ayant mis les pièces sous les yeux, lui adressa quelques interrogations sèches et brèves. Il convint de l’achat du collier, protesta de sa bonne foi, de sa croyance que le joyau était pour la reine et qu’il lui avait été remis ; et comme Marie-Antoinette le questionnait à son tour avec véhémence, il affecta de ne point lui répondre et continua à s’adresser au roi (c’est la reine elle-même qui rapporta ce détail à Besenval ; voir les Mémoires de celui-ci, t. II, p. 164-165). La princesse interrompit violemment cette justification et qualifia ces assertions d’impostures. Le cardinal, qui croyait toujours être sûr de son fait, jeta sur la reine un regard peut-être trop peu respectueux (Georgel, t. II, p. 102). La reine allait reprendre la parole avec un redoublement de colère, lorsque le roi mit fin à cette scène inouïe, en disant au cardinal : Sortez !

Il n’est pas question du regard indigné lancé à Marie-Antoinette dans le récit de Mme Campan, qui écrivait sans doute d’après les confidences de sa maîtresse. Mais l’abbé Georgel, de son côté, tenait certainement ses renseignements du cardinal. Ce sont ici les intéressés qui ont la parole.

Où est la vérité ?

C’est la question qu’on est obligé de se poser à chaque pas dans cette malheureuse affaire, où tout n’est qu’incertitudes et contradictions.

Au moment de quitter Versailles, M. de Rohan avait pu écrire un mot à l’abbé Georgel, au moyen d’un crayon que lui prêta complaisamment l’officier même qui le conduisait, et remettre ce billet à un de ses gens, qui tua un cheval pour arriver plus vite à Paris. Georgel mit à l’abri toute la fameuse correspondance, qui fut brûlée. Le violent Breteuil, qui dirigeait la police et dont la haine contre Rohan touchait à la frénésie, laissa cependant s’écouler cinq heures avant de faire les perquisitions ; chose étonnante, observe Besenval (Mémoires, t. II, p. 166). Chose inexplicable, en effet. Craignait-on d’en trop savoir ? demande à ce sujet M. Louis Blanc. Il est certain que, par ces négligences singulières, on se priva de pièces bien intéressantes, et l’on augmenta ainsi l’obscurité de cette intrigue.

Mme de La Motte fut arrêtée à Bar-sur-Aube le 18 août seulement. Elle avait eu le temps de brûler ses papiers, parmi lesquels se trouvaient beaucoup de lettres du cardinal, remplies (il faut tout dire) de hardiesses très-licencieuses. Elle fut aidée dans cette opération par un homme qui a figuré depuis avec quelque éclat sur la scène politique, M. Beugnot, qui vivait alors dans son intimité. C’est lui qui nous a révélé ces détails. Dans ses mémoires, il déclare avoir vu avec pitié ces lettres, dont un homme qui se respecte n’aurait pu achever la lecture. Il nous apprend encore qu’il offrit lui-même à Mme de La Motte des moyens de s’enfuir : chose étrange, elle refusa.

M, de La Motte, dont la complicité n’était pas douteuse, se remit aux mains des agents de l’autorité ; mais, s’il faut en croire le Mémoire justificatif de la dame de La Motte, on refusa de s’emparer de sa personne,

M. de Rohan s’abusait fort sur sa position ; car, descendu à son palais en allant à la Bastille, il dit à la dérobée à l’abbé Georgel : « Vous devez être bien étonné ; mais soyez sûr que je ne suis pas un fou, et que j’ai été autorisé à faire tout ce que j’ai fait ; j’en ai les preuves. Soyez tranquille ; nous nous reverrons peut-être ce soir. »

Quelles étaient ces preuves ? Il ne peut être ici question des lettres apocryphes de la reine, puisqu’il vient de donner l’ordre de les détruire, et que, d’ailleurs, il n’eût pu songer à s’en servir, car, fausses, elles le déshonoraient ; authentiques, elles le conduisaient à l’échafaud.

Quoi qu’il en soit, il fut bientôt détrompé par les interrogatoires qu’il subit, et par l’alternative que lui offrit le roi, ou de s'en rapporter à la clémence royale, ou d’être jugé par le Parlement de Paris. Après de longues hésitations, il finit par se décider pour la voie judiciaire. Ce ne fut pas toutefois sans avoir protesté, pour le principe, en faveur des privilèges ecclésiastiques, en faveur de son droit d’être jugé par un tribunal d’évêques.

Dans le public, le retentissement de cette mystérieuse affaire causa une émotion universelle, qui se manifesta par mille commentaires contradictoires, par mille suppositions erronées pour la plupart, et qui défrayent les mémoires du temps, notamment la continuation du Journal de Bachaumont. En outre, les mots pleuvaient. On disait que le cardinal n’était pas franc du collier, que c’était là son dernier coup de collier, etc.

Le 23 août, on arrêta aussi le fameux Cagliostro, que ses liaisons connues avec le cardinal firent soupçonner de connivence. Puis, la police alla jusqu’à Genève saisir un personnage qui avait joué un rôle important dans cette comédie, Réteaux de Villette, familier des La Motte, confident intime de la petite-fille des Valois, et que les notes de police qualifient, avec un cynisme brutal, de taureau de Mme de La Motte. C’était lui qui avait écrit au cardinal toutes les lettres émanées soi-disant de la reine, ainsi que l’apostille du marché passé avec les joailliers : Approuvé, Marie-Antoinette de France.

Enfin, on arrêta également à Bruxelles (17 octobre) la fille d’Oliva, qui s’était enfuie.

Quant à M. de La Motte, il était en Angleterre, et, si l’on en croyait le Sommaire de l’avocat Doillot pour Mme de La Motte, il voulait revenir à Paris pour dévoiler la vérité, et il en avait été empêché par la police française. Un peu plus tard, l’espion français Lemercier avait tout préparé pour l’enlever secrètement et sûrement de Londres, et il adressa à ce sujet un rapport circonstancié au ministère français (septembre 1785, Archives de la police). Mais il ne reçut point l’autorisation qu’il attendait. Seulement, quelque temps après, M. d’Adhémar, ambassadeur de France en Angleterre, s’aboucha avec M. de La Motte, lui suggéra un plan de défense, et, après l’avoir longuement endoctriné, se préparait à l’envoyer en France, lorsque le dénoûment du procès vint rendre sa présence inutile. Telle est du moins l’une des assertions contenues dans le Mémoire justificatif de la comtesse de La Motte (p. 156).

Au milieu de ces événements et de ces intrigues entre-croisées qu’était devenu le collier ? Le collier avait été dépecé, et une partie des diamants vendue en Angleterre par M. de La Motte ; d’autres avaient été montés pour la comtesse elle-même. Mais il est à remarquer qu’en énumérant ceux qu’on voit figurer dans les saisies, dans les déclarations des joailliers anglais et autres pièces, on n’arrive qu’à une faible partie des brillants du merveilleux joyau, qui en contenait environ cinq cent quarante. Ce que sont devenus les autres, il est impossible de le savoir.

Cependant le procès suivait son cours, et, par suite de l’éclat qu’on avait donné à cette affaire, la question se trouvait fatalement posée entre la reine et le cardinal. L’acquittement de celui-ci pouvait laisser planer sur la souveraine des soupçons flétrissants.

Le scandale fut énorme dans toute l’Europe. Les accusés entassaient mémoires sur mémoires. L’opinion publique se divisa, mais ne tarda pas à se tourner en faveur du cardinal, que les plus modérés regardaient comme la victime d’une intrigue qui avait eu pour but de le perdre. Beaucoup même allaient plus loin, et s’appuyaient sur la réputation équivoque de la reine pour lui faire jouer un rôle actif et déshonorant. Les femmes témoignèrent à leur manière leur sympathie au noble prisonnier en se parant de rubans rouges et jaunes, dont la couleur s’appela cardinal sur la paille. Dans le monde officiel, deux partis bien tranchés se formèrent : d’un côté la famille royale, Breteuil, le premier président d’Aligre, les deux rapporteurs et quelques conseillers ; de l’autre, la maison de Rohan, les prélats, une bonne partie de la magistrature des gens de cour, et secrètement les ministres de Castries et de Vergennes.

Les portes de la Bastille étaient à peine refermées sur les accusés, que les intrigues les plus actives se nouaient pour submerger le cardinal sous l’accusation. Mme de La Motte, à ce qu’elle affirme, fut circonvenue dans ce but ; on lui traça son plan de défense, on la fit prévenir par le commissaire Chenou qu’il y allait de sa vie si elle nommait une personne auguste, et on lui donna le conseil et l’ordre de rejeter tout sur le prince de Rohan, de l’accabler (Vie de Mme de La Motte). Chose caractéristique, Breteuil lui donna un défenseur de sa main (Mémoires du comte Beugnot). Écoutons aussi l’abbé Georgel : « Quant à ce que la malignité a cherché à insinuer, que la souveraine, pour entraîner la perte du cardinal, fit promettre l’impunité à Mme de La Motte, c’est un blasphème qui n’aurait jamais souillé ma plume, si cette horrible croyance n’avait eu des partisans, et si cette femme infernale n’avait eu la hardiesse de le laisser soupçonner lorsqu’on lui lut son arrêt. » (Mémoires, t. II, p. 151.)

Malgré ses réticences, on voit clairement ici, et bien mieux encore dans l’ensemble de son récit, que l’abbé est parfaitement convaincu. Dans ses démarches en faveur de son patron, il ne peut faire un pas sans être entravé, combattu, repoussé, par la puissante cabale qui enveloppait le Parlement et les accusés.

« Le procureur général, dit-il, se rendait invisible pour tous ceux qui pouvaient lui parler en faveur de l’illustre accusé ; on savait que le baron de Breteuil et l’abbé de Vermond avaient avec ce magistrat et les rapporteurs de fréquents entretiens... Nous apprîmes que le rapporteur Titon avait vu clandestinement la reine au palais des Tuileries avec le premier président d’Aligre, le procureur général et le conseiller d’Amécourt... La reine a sollicité plusieurs fois en personne ceux des juges qu’on présumait avoir le plus d’influence... Ce qui augmentait nos inquiétudes, c’est que le baron de Breteuil et l’abbé de Vermond sollicitaient hautement, au nom de la reine, contre le cardinal. Aigrie sans doute par une publicité qui attirait sur elle les regards de l’Europe, elle ne dissimulait plus ses démarches. Dans un entretien qu’elle eut au palais des Tuileries avec les rapporteurs, le premier président, le procureur général et M. d’Amécourt, elle chercha à les intéresser par une extrême sensibilité, et s’y exprima avec les accents de la douleur la plus amère. Les mêmes entretiens furent encore répétés peu de jours avant le jugement. » (Georgel, t. II, p. 150, 151, 173.)

De leur côté, les partisans du cardinal, la maison de Rohan et ses alliés s’agitaient en sens contraire, et sollicitaient les membres du Parlement avec moins d’autorité, sans doute, mais avec autant d’ardeur. On vit les Rohan, les Condé, les Soubise, les Guémenée prendre le deuil et se mettre en haie devant MM. de la grand’chambre, pour les saluer lorsqu’ils se rendaient au palais. S’il faut en croire Mme Campan, on aurait même employé des femmes à gagner des voix, et des conseillers à tête blanche auraient subi des séductions qui ne s’avouent point.

La défense du cardinal était simple, sinon vraisemblable. Il rejetait tout sur Mme de La Motte, qui l’avait trompé par de faux ordres de la reine. Son vif désir de rentrer dans les bonnes grâces de sa souveraine l’avait aveuglé et disposé à tout croire. Il n’avoua point d’abord la correspondance (qu’il savait brûlée), afin de ne pas compliquer et aggraver sa position ; la chose la plus embarrassante pour lui était d’expliquer l’assurance que Saint-lames et les joailliers témoignaient avoir reçue de lui-même de ses relations directes avec Marie-Antoinette. Mais il nia formellement cette circonstance, et prétendit que ces témoins avaient mal saisi le sens de ses paroles.

Mme de La Motte, soit pour demeurer fidèle au plan qui lui aurait été suggéré, soit pour couvrir son étonnante intrigue, et peut-être pour ces deux causes à la fois, nia tout ce qui lui était imputé et chargea le cardinal et Cagliostro. Elle expliquait son opulence par les bienfaits qu’elle avait reçus des princes et princesses du sang, et de M. de Rohan lui-même. Elle n’avait point de relations avec la reine et elle ne s’en était jamais vantée à personne. Elle a connu la négociation du collier, mais elle est restée complètement étrangère à l’achat, etc.

Cependant la fille d’Oliva avoue la scène du parc ; Réteaux de Villette reconnaît avoir écrit les lettres et les approuvé ; un religieux, procureur des minimes de la place Royale, le P. Loth, qui paraît avoir vécu dans une intimité assez étroite avec Mme de La Motte, vient, comme poussé par le repentir, dévoiler une partie des intrigues préliminaires dont il a été témoin ; enfin un secrétaire du cardinal, Ramon de Carbonnières, fait un voyage à Londres, et en rapporte les attestations légalisées des joailliers à qui le comte de La Motte a vendu ou proposé des diamants.

Devant tant de faits accablants, cette femme audacieuse modifie ses défenses, successivement et au fur et à mesure des révélations. Son mari a vendu des diamants, mais c’est le cardinal qui les en avait chargés, en les trompant sur leur origine. Quant à ceux qu’elle avait en sa possession, ce sont les parures qu’elle porte depuis longtemps, et une partie lui a été donnée par le prélat. Elle finit par avouer la comédie du bosquet, mais comme un badinage destiné à calmer le chagrin que M. de Rohan ressentait de sa disgrâce, de sa nouvelle disgrâce, car elle prétend qu’il lui avait fait la confidence d’un retour de faveur pendant quelques mois de 1784.

Plus tard, le bruit courut dans le public que, dans des interrogatoires qui ne furent pas admis à figurer dans les pièces du procès, elle avait formellement accusé la reine. Elle l’accusa du moins dans ses fameux Mémoires écrits en Angleterre. La scène du parc n’aurait eu lieu que pour amuser la reine, qui était cachée derrière une charmille. Comment croire, disait-elle, que, sans l’aveu de cette princesse, un tel épisode eût été possible à une époque où les promenades nocturnes dans le parc, longtemps permises, étaient interdites ? Comment ne pas craindre que cette comédie imprudente n’exaltât l’espoir du cardinal et ne lui fit tout découvrir, en lui inspirant la confiance d’aborder la reine dès le lendemain ?

Quant aux diamants vendus à Londres, Mme de La Motte prétendit les avoir reçus en pur don de Marie-Antoinette, qui avait réellement reçu le collier, mais qui, l’ayant déjà refusé, ne pouvait dès lors employer cette parure qu’en la dépeçant et en en faisant changer le dessin.

Il est superflu d’ajouter que, donnant ces assertions en en indiquant la source, nous n’en garantissons nullement l’exactitude. L’instruction du procès dura près de dix mois. Le Parlement, sur lequel agissaient des influences contraires, était fort divisé. Dans ses interrogatoires comme dans les confrontations, Mme de La Motte avait montré une assurance extraordinaire, qui témoignait de sa conviction qu’on ne pouvait ou qu’on n’oserait la frapper. Le cardinal continuait à se représenter comme la dupe de cette femme et à protester de sa bonne foi. La d’Oliva avouait la farce du bosquet, mais en affirmant qu’elle avait cru obéir à un caprice de la reine.

Réteaux de Villette reconnaissait avoir écrit les lettres et les approuvé (il l’avait nié dans son premier interrogatoire) ; mais il donnait