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gogne se rapprocha des communes et pacifia le pays. Au prix de fortes contributions, les bourgeois de Flandre obtinrent, au traité de Tournai, le maintien de leurs franchises municipales.

Les communes respirèrent sous les princes de la maison de Bourgogne, qui, toujours endettés, gardaient avec elles l’attitude douteuse et cauteleuse d’un maître qui a besoin de la caisse de ses sujets. Pauvres maîtres parfois, que leurs troupes abandonnaient sans façon en pleine campagne, la veille d’une bataille, sans qu’ils osassent se plaindre trop haut. Gand, la ville aux tempêtes, était particulièrement ingouvernable. Diverses séditions à propos de la gabelle ou des monnaies avaient nécessité dans sa charte des modifications peu sensibles. Mais, en 1453, la dernière prise d’armes eut pour résultat un changement capital d’où date la décadence de cette grande ville.

Depuis Jacques d’Artevelde, la ville était organisée ainsi : vingt-six jurés, dont treize pour administrer la cité et gérer les finances ; les treize autres, sous le titre d’échevins, rendaient la justice. Quant aux citoyens, ils étaient divisés en trois corporations principales, savoir : 1° les bourgeois (rentiers), dont le doyen était premier bailli de la ville ; 2° les tisserands, répartis en vingt-sept quartiers ayant chacun son doyen, et, au-dessus de tous, un chef unique, le grand doyen des tisserands ; 3° et enfin les cinquante-deux petits métiers, dont chacun avait son doyen particulier.

Tout doyen avait le droit de provoquer une assemblée générale. Il lui suffisait pour cela de planter sa bannière sur le marché, un vendredi, et de faire appel aux autres. Si l’on y répondait, s’il y avait concours notable de petites bannières, force était au grand doyen d’apporter la bannière commune, auquel cas la grosse cloche se mettait en branle, et le bailli lui-même, quoique plus ami du repos que les tisserands, ne pouvait se dispenser de mêler aux autres le drapeau de la ville. C’était, comme on le voit, le gouvernement houleux de la foule, et l’insurrection en permanence.

Pour y mettre fin, Philippe le Bon enleva au doyen des bourgeois l’office de grand bailli, afin de retenir sous ses ordres le premier magistrat de la ville. Sur quoi grande effervescence. Il n’en tint compte, et, se trouvant en veine d’audace, il ordonna coup sur coup une gabelle du sel inconnue jusqu’alors, et force taxes sur d’autres denrées franches, telles que les blés, les laines et les harengs.

Il n’en fallait pas tant pour provoquer un soulèvement. Mais le beau temps de Courtrai n’était plus. Dans le démêlé des Gantois avec leur prince, les trois autres grandes communes de Flandre, Ypres, Bruges et Le Franc, ne virent qu’une question locale et conseillèrent la soumission. L’Angleterre, déchirée par des guerres civiles, refusa d’intervenir. Le roi de France, Charles VII, trop heureux d’avoir, pièce à pièce, reconquis son royaume, n’offrit qu’une médiation suspecte. Les notables de Gand eux-mêmes s’en allèrent tremblants et à genoux implorer la clémence du prince. Abandonnés à eux-mêmes, les tisserands, les petits métiers et quelques bourgeois élurent pour grand bailli un ouvrier maçon du nom de Lievin Bouc, et la guerre fut déclarée. Elle se fit comme toutes les autres, sans pitié, et se termina, après diverses alternatives de succès et de revers, par la bataille de Gavre, où périrent, en se défendant à outrance, vingt mille Gantois, derniers défenseurs de la liberté des communes. Après quoi le bon duc Philippe enferma dans un sac toutes les bannières et ne gouverna plus la Flandre que par ses baillis.

Au surplus, les villes de Flandre ne faisaient que participer à la décadence de l’esprit communal en Europe. En France, où leur existence avait été moins brillante, les communes avaient aussi accompli leur œuvre, dont la royauté recueillait les profits. Quelle part avait-elle prise à la révolution communale ? Quelle avait été, au contraire, vis-à-vis des villes émancipées, l’attitude de la noblesse et du clergé ? La science historique est aujourd’hui fixée sur ces deux points, et nous allons l’exposer brièvement.

Nous avons vu en France les cités, administrées par leurs décurions d’abord, par des échevins ensuite, perdre une à une, de fait sinon de droit, sous la tyrannie féodale, toutes leurs libertés. Quand le mal fut à son comble, la réaction commença.

Lorsqu’un grand mouvement s’opère dans les sociétés, il serait d’un esprit étroit de n’y assigner qu’une cause unique. Que la renaissance de la liberté en Italie ait réveillé en France, dans la partie méridionale surtout, le vieil esprit municipal, moins étouffé qu’ailleurs ; que, dans le Nord, l’habitude des associations jurées, venues des pays scandinaves et connues sous le nom de guildes, ait préparé les esprits à l’association communale ; que la querelle des investitures, qui remua toute l’Europe, ait affaibli dans les âmes le respect pour les grands feudataires de l’Église, tout cela est incontestable ; mais le mouvement fût né tôt ou tard de la force même des choses. Les habitants des villes qui se livraient au commerce et à l’industrie, et qui, malgré mille entraves, avaient acquis un peu de bien-être, commencèrent à se compter. Et, qu’on le remarque bien, la révolution du XIIe siècle ne prit naissance ni dans les campagnes ni dans les grandes villes. Chez les unes, l’isolement fait la faiblesse ; ou si l’extrême misère pousse à bout les populations, il s’y produit une agitation désordonnée, une jacquerie dont les tendances sont un retour à la barbarie. Quant aux grandes agglomérations, comme elles se protègent par leur propre masse, elles éprouvent moins que d’autres, étant moins foulées, le besoin de réagir. Paris, Lyon, Orléans, Tours n’eurent jamais de communes. C’est dans des villes de second ordre, industrielles et commerçantes, telles que Beauvais, Saint-Quentin, Laon, Soissons, en relations suivies avec des municipes plus anciens (Arras, Lille, Tournai, Cambrai) qu’éclatèrent les premières insurrections.

Nous ne mentionnerons qu’en passant les soulèvements prématurés qui y avaient préludé, les tentatives d’union des paysans de Normandie et leurs plaintes étouffées dans les supplices, la prise d’armes des Manceaux et leur commune éphémère abolie par Guillaume le Bâtard. L’heure n’était pas venue. Elle vint enfin, et, pour la première fois, les sujets trouvèrent des souverains disposés, sinon à les seconder activement, du moins à les laisser faire. Louis VI et ses successeurs n’ont ni créé ni émancipé les communes. Ils ont tout simplement, en leur donnant des chartes, légalisé ou prévenu les insurrections et sanctionné des faits accomplis.

L’attitude, favorable d’abord, mais bientôt ambiguë, des rois de France vis-à-vis des villes insurgées, décèle les embarras de leur propre situation. Que les chartes communales aient été dictées par le sentiment du bien public et par une haute idée des devoirs de la royauté, on ne saurait le nier, et il n’est que juste d’en faire honneur à nos rois. Voyez les motifs invoqués et consignés en tête des ordonnances : Pro nimia oppressione pauperum. (Charte de Mantes, 1150.) Ob enormitates clericorum. (Compiègne, 1153.) Propter injurias et molestias a potentibus terræ. (Abbeville et Dourlens.) Et pourquoi des chartes ? Ut sua propria melius defendere possint... Ut homines communiæ cum omnibus rebus suis liberi permaneant, etc., etc. Voilà des motifs graves et des intentions fort louables assurément. Mais il est permis de croire que l’intérêt du monarque n’était pas étranger à ses résolutions. Quand le royaume n’était plus qu’un théâtre de brigandages impunis, quand le roi lui-même n’osait plus se risquer sans une forte escorte à deux pas de sa demeure, il ne pouvait voir que d’un bon œil l’énergie des cités appuyer ses premiers essais de répression. De la création des communes il recueillait d’ailleurs trois avantages positifs : une première somme d’argent d’abord, prix de la concession, puis des redevances annuelles, et enfin le service militaire. Une armée et des finances, n’est-ce pas le pivot de tout gouvernement ?

Mais, tout en souriant aux coups portés à la féodalité par les milices bourgeoises, Louis VI, Louis VII, Philippe II et Louis IX lui-même entendent bien rester juges du camp, toujours prêts à jeter leur sceptre entre les combattants pour mettre fin à la lutte, car ils n’oublient pas, après tout, qu’ils sont les premiers gentilshommes de leur royaume. De là leurs hésitations qu’augmentent encore des scrupules religieux. Souvent une somme d’argent jetée à propos dans la balance la fait pencher d’un côté ou de l’autre. À Laon, moyennant 700 livres promises plutôt que données par l’évêque, tandis que les bourgeois n’en offrent que 400, Louis le Gros se prononce contre la commune. À Beauvais, à Reims, Louis le Jeune condamne également le parti populaire. À Orléans, il châtie rudement la forsennerie de ces musards qui, pour raison de la commune, veulent se rebeller et dresser contre la couronne. C’est que, dans la première effervescence des cités, et plus encore peut-être dans le calme plein de force et de grandeur qui y succède, la royauté croit démêler déjà une certaine tendance à se soustraire à toute autorité supérieure. Or ce n’est point pour créer en France de petites républiques, comme il en existait en Italie et dans les Flandres, que Louis le Gros a délivré aux habitants de Noyon les premières patentes d’émancipation. Aussi, tant que la féodalité reste debout, puissante et menaçante, les communes lui font contre-poids ; mais, dès que l’ennemi commun, décimé, dégradé et ruiné, n’est plus à craindre, le contre-poids tombe de lui-même. La royauté reprend aux communes des concessions qu’elle-même avait déclarées temporaires, confisque à son profit exclusif le service de leurs milices et finit par leur enlever toute juridiction.

L’ennemi commun, avons-nous dit, il y en avait deux, tantôt unis, tantôt divisés : la noblesse et le clergé.

Au XIIe siècle, il y avait peu de villes qui n’appartinssent à un baron ou à un évêque, et parfois à tous deux (Amiens, Auxerre, etc.) ; y créer une commune, c’est-à-dire s’affranchir de la servitude personnelle, s’arroger le droit de justice et s’armer pour le défendre, c’était dépouiller les seigneurs de leurs principaux privilèges. La commune devait donc, avant de s’établir, se heurter à des résistances opiniâtres. Il serait injuste cependant de ranger parmi les ennemis des communes tous les barons du moyen âge. Bon nombre d’entre eux octroyèrent spontanément des chartes qui furent même les plus libérales. À l’instar des comtes de Flandre, les comtes de Toulouse firent de leur capitale une espèce de petite république qui traitait directement de ses intérêts avec des puissances souveraines. Deux motifs atténuaient la résistance des seigneurs : le besoin d’argent et leurs propres rivalités avec les évêques. Les barons ruinés se firent marchands de chartes. Les seigneurs laïques s’unirent au peuple pour saper le pouvoir du clergé. Une seule concession répugnait à l’orgueil des gentilshommes. Accorder à des vilains, serfs de la veille, le droit de porter les armes, c’était presque niveler les rangs. Aussi avec quel mépris la chevalerie française ne cessa-t-elle de traiter les milices bourgeoises ! Préventions injustes et même coupables ! À Bouvines, les bannières des communes de Reims et du Beauvoisis poussèrent aussi avant que l’étendard royal dans le centre de l’armée impériale. Et si, la veille d’Azincourt, la noblesse hautaine n’eût pas repoussé le concours des milices parisiennes, nos annales compteraient peut-être un désastre de moins.

L’implacable ennemi des communes, c’est le clergé : « Commune ! nom nouveau, nom détestable ! s’écrie, dans son aversion, l’abbé de Nogent ; par toi les censitaires sont affranchis de tout servage ! » De tout servage, soit ! mais non de toutes redevances, car l’Église trafique des chartes comme tout le monde, à cette différence près que, possédant le privilège de s’absoudre elle-même du parjure, elle manque à la foi solennellement jurée. Le malheureux évêque Gaudry, de Laon, avait déjà reçu deux fois le prix de la même charte, lorsqu’il rompit le pacte de paix et déchaîna sur son pays les horreurs d’une longue guerre civile, en s’attirant à lui-même une fin déplorable. Sans doute il y eut d’honorables exceptions. Plus d’un vénérable prélat, ému des souffrances des peuples, prit de lui-même l’initiative de l’affranchissement : de ce nombre, les évêques de Noyon et d’Amiens. Mais, à y regarder de plus près, il se trouve que ces pasteurs populaires sortent eux-mêmes de la race asservie. Chez les prélats grands seigneurs, au contraire, l’orgueil de la caste parle plus haut que la douceur et la sainteté de la mission. Les plus intraitables sont un archevêque de Reims, frère d’un roi de France ; un évêque de Liège, allié à la maison de Bourgogne. Aussi est-ce autour des grandes cathédrales, à Cambrai, à Reims, à Liège, à Lyon, que se sont livrées les plus terribles batailles. Et c’est un évêque de Liège, un prince de l’Église, qui traverse l’histoire, marqué au front du surnom de Jean sans Pitié.

On ne se fait plus de nos jours une idée juste du faste et de la puissance de l’Église au moyen âge. Elle réunissait, outre d’immenses domaines en toute propriété, les pouvoirs spirituel, politique, civil, administratif, judiciaire et militaire. Tel archevêque avait sa garde de jour, sa garde de nuit, ses forteresses, ses prisons, ses maréchaux, ses sergents, ses bourreaux, son sénéchal, son juge mage, son juge des appeaux, ses prévôts, ses baillis, ses viguiers, son chancelier, son audiencier, son trésorier, ses tabellions, ses chambellans, ses écuyers, ses bedeaux, et jusqu’à un roi des ribauds ! Impôts excessifs, péages arbitraires, confiscations, lois honteuses, immorales, voilà le gouvernement théocratique. Que dire de ces apôtres de la pauvreté qui comptent parmi leurs épaves le grabat mortuaire du pauvre, n’y en eût-il pas d’autre dans la chaumière ! (Ce cas exceptionnel fut à la vérité controversé.) Et avec quelle âpreté jalouse le clergé défendait le plus minime de ses droits ! Douter de son autorité était un crime, l’attaquer un sacrilège. Au pouvoir spirituel, pour se défendre, toutes les armes sont bonnes. Les 6,000 bourgeois qui tombèrent à Lyon sous les forteresses de Saint-Just et de Pierre-Scize avaient été excommuniés la veille du combat ; et, avant de livrer la bataille de Hasbain, si funeste aux libertés de la commune, de Liège, Jean sans Pitié avait damné en masse tous ses sujets.

En résumé, la courageuse persévérance de la bourgeoisie, secondée par la bienveillance de la royauté, triompha de tous les obstacles, et de leur concours sortirent les communes.

Qu’est-ce qu’une commune ?

Un municipe ? non ; mais un pacte juré, une conjuration, une association créée pour la sauvegarde des franchises municipales. La commune, c’est le municipe sous les armes. On dirait de nos jours une garde nationale. Soit qu’ils accordent des chartes aux villes sur leur demande, soit qu’ils légalisent après coup les constitutions que les habitants se sont données, les princes n’ont pas en vue de créer des droits nouveaux, mais de restaurer des droits anciens, paralysés, plutôt que détruits par la tyrannie féodale. » Nous voulons, disent-ils, rétablir en votre faveur et confirmer à vos descendants vos anciens usages et coutumes, afin qu’ils ne puissent plus être violés impunément. » Quant à l’administration proprement dite, au municipe, qu’il ne faut pas confondre avec la commune, il en tire toute sa force et sa garantie, mais il n’en fait point partie intégrante et nécessaire. Beaucoup de villes, Paris entre autres, n’eurent jamais de commune, et, sauf la substitution du prévôt royal aux échevins dans l’ordre judiciaire, la suppression de cette institution dans les villes qui l’avaient possédée n’entraîna pas

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de changement Dotable dans les formes de l’administration.

Nous ne saurions analyser ici toutes les chartes communales. Entre les premières (Noyon, Beauvais, Saint-Queutin, Lann, Soissons, Ardres, Vervins, etc.) qui servirent de type à beaucoup d’autres, et toutes celles qui furent promulguées pendant deux siècles, de même qu’entre le Nord et le Midi, nous aurions à relever des différences notables. Toulouse et RouenT par exemple, exerçaient le droit de haute justice qui n’avait pas été concédé à d’autres. Mais la teneur générale de tous les statuts, peut se réduire à cinq objets principaux : l° la rédaction des coutumes ; 2° la juridiction municipale ; 3° les franchises et privilèges ; 4° les réserves faites au profit des seigneurs lésés ou dépossédés ; 5° les charges et redevances.

Après le serment d’union prêté par les membres de la commune, ce qui importait d’abord, c’était de fixer la législation civile et criminelle altérée par les désordres de l’âge précédent. Les coutumes locales, jointes aux anciennes maximes du vieux droit romain, flottantes pour ainsi dire dans l’air et recueillies par la tradition, constituèrent le droit nouveau. Les villes de création récente se réglèrent sur leurs voisines. Les magistratures populaires recouvrèrent, sous le régime des chartes, une juridiction- plus ou moins étendue, et c’est ce qui distingua essentiellement les communes des villes de simple bourgeoisie, régies en prévôté, où la justice se rendait au nom du roi par ses représentants.

Mais, de tous les droits reconquis par les habitants des cités et garantis par les chartes, le plus précieux était celui qui se définit le moins, parce qu’il résume tous les autres, la libt.-té, Echapper à la servitude personnelle ; disposer de soi-même et des siens ; marier ses enfants à, son gré ; se déplacer et circuler librement ; trafiquer, acquérir et léguer ses biens ; se soustraire aux prêts forcés, aux dons gratuits, aux droits de prise, aux corvées et à mille autres exactions, c’est-à-dire à la ruine, «t, pour la défense de tous ces droits, construire des forteresses, s’armer et combattre sous des chefs librement élus, c’était une conquête qui valait bien quelques sacrifices, et les villes rachetées ne marchandèrent pas trop le prix de leur rançon. Rien ne fut gratuit, ni dans la concession, ni dans la jouissance. Au contrat synallagmatique où ils intervinrent, rois, seigneurs et prélats stipulèrent à leur profit force redevances, outre le service militaire ou l’ost et la chevauchée, dont un souverain ne saurait dispenser ses sujets. Avec le temps, les charges devinrent même si lourdes pour les petites villes ou pour les grandes villes ruinées par les guerres, que les citoyens, renonçant d’eux-mêmes à leur droit de commune, en sollicitèrent la suppression.

I En ce qui concerne enfin la constitution des agistratures urbaines, elle varia infiniment, selon les temps et les lieux ; mais le principe général qui y domine, c’est le plus fécond de tous, l’élection. À l’exception de quelques villes, telles que Rouen et Falaise, où le corps municipal était choisi par le roi sur une liste de présentation, on ne voit partout que magistrats élus : maires, échevins, préposés, jurais, pairs de ville dans le Nord ; consuls, syndics, prud’hommes, viguiers et capitouls dans le Midi. Partout les mêmes fonctions et à peu

firès les mêmes attributions. Toutefois, dans a Provence et le Languedoc, où l’autorité royale, toujours contestée, se faisait moins Sentir, les, pouvoirs locaux se donnent plus ample carrière. Vrais souverains de la ville, les capitouls de Toulouse élèvent leur bannière à.la hauteur de celle du comte, et ne s’inclinent même pas devant l’autorité du parlement.

Telle fut au moyen âge la commune française. Fortede toute la faiblesse de la royauté, elle franchit d’un bond les limites du municipe romain, et, si elle n’atteignit pas au degré de splendeur des grandes communes de Flandre et d’Italie, du moins n’en subit-elle pas les cruelles vicissitudes. De nos jours, où la subordination des intérêts locaux à l’intérêt général est poussée à l’excès, on a peine à concevoir cette multitude de petits États souverains, auxquels il ne reste qu’un pas à faire, un pacte à conclure, pour constituer une république fédérative. Nous ne proposerons pa.s nos anciennes communes pour modèles ; mais ce qui serait aujourd’hui un retour à l’anarchie était pour l’époque un progrès. En l’absence de toute grande autorité tutélaire et protectrice, les cito3-eus ne devaient-ils pas pourvoir eux-mêmes à leur salut ? Oui, c’était un état de guerre, une situation violente, qui ne pouvait durer plus longtemps que la lutte, et la royauté victorieuse aspirait au moment de congédier ses auxiliaires devenus à leur tour dangereux pour elle. Au-xvio siècle, ii n’y aura plus de communes, il y aura une nation.

Mais cette grande figure de la nation, si lente à" se dessiner qu’on l’entrevoit à peine à

j la lueur des tempêtes, qui donc la représente au xm» siècle, sous le règne calamiteux des Valois ? Ce ne sont pas les Campagnes. Malgré les affranchissements opérés depuis Louis VI jusqu’à Louis X, la condition des serfs y est misérable, et l’esprit public absolument nul ; ce n’est plus une noblesse, toujours fastueuse et brave, mais fanfaronne

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