Cloîtres silencieux, voûtes des monastères.
C’est vous, sombres caveaux, vous qui savez aimer !
A. de Musset.
Rebut du monde, errant, privé d’espoir,
Je me fais moine, ou blanc, ou gris, ou noir,
Rasé, barbu, chaussé, déchaux, n’importe.
De mes erreurs déchirant le bandeau,
J’abjure tout ; un cloître est mon tombeau.
Voltaire.
|| Vie, règle monastique : Dès les premiers temps de sa liaison avec le roi, Mme de La Vallière avait déjà songé au cloître. (Ste-Beuve.)
Elle est par l’indigence au cloître condamnée.
M.-J. Chénier.
— Enceinte de maisons où logeaient les chanoines d’une cathédrale, d’une collégiale et même les prêtres d’une paroisse : Cloître Notre-Dame. Cloître Saint-Merri, Saint-Benoit. Cloître Saint-Nicolas-des-Champs.
— Archit. Voûte en arc de cloître, Celle qui est formée de plusieurs portions de voûtes qui se coupent de manière à former des angles rentrants. || Édifice en cloître, Celui dont les bâtiments entourent complètement une cour.
— Jardin. Carré entouré d’allées d’arbres taillés de façon à former des voûtes.
— Épithètes. Tranquille, calme, silencieux, muet, solitaire, morne, sombre, noir, long, affreux, redouté, détesté, pieux, sacré, religieux.
— Syn. Cloître, couvent, monastère. Cloître exprime proprement une idée de clôture : c’est un lieu où l’on est séparé du monde par une barrière infranchissable ; de plus, cloître signifie souvent l’état même de ceux qui renoncent au monde. Les filles des anciens nobles dont la fortune était peu considérable étaient presque toujours destinées au cloître. Couvent suppose la vie commune, la réunion d’un certain nombre de personnes vivant sous la même règle ; c’est aujourd’hui le mot qui sert le plus souvent à désigner les maisons religieuses, soit pour les hommes, soit pour les filles. Monastère présente l’idée de la solitude, c’est un grand établissement de moines, c’est-à-dire de solitaires qui renonçaient au monde et qui ne voulaient plus s’occuper que d’une seule chose, leur salut. Cependant les anciens moines travaillaient de leurs mains, et ce sont eux qui défrichèrent une partie de la France.
— Encycl. Archit. Les cloitres étaient établis à côté des églises cathédrales, collégiales et monastiques. La forme des cloîtres est généralement carrée. Dès les premiers temps du christianisme, des cloitres furent élevés dans le voisinage immédiat des églises. Les abbayes en possédaient deux, l’un près de l’entrée occidentale de l’église, l’autre à l’orient, derrière l’abside. Le premier donnait accès dans les réfectoires, les dortoirs, la salle capitulaire, la sacristie, le chauffoir et les prisons ; c’était comme le cloître public des religieux. Le second était particulièrement réservé à l’abbé, aux dignitaires et aux copistes ; plus retiré, plus petit que le premier, il était bâti dans le voisinage de la bibliothèque, de l’infirmerie et du cimetière. Les cathédrales avaient toutes un cloître accolé à l’un des flancs de la nef, soit au nord, soit au sud. Il était entouré des habitations des chanoines, qui vivaient sous une règle commune. Souvent les écoles étaient construites dans le voisinage des cloîtres des abbayes et des cathédrales. La disposition la plus habituelle du cloître d’abbaye est celle-ci : une galerie adossée à l’un des murs de la nef, avec une entrée sous le porche et une autre dans le voisinage de l’un des transsepts ; une galerie à l’ouest, à laquelle viennent s’accoler les bâtiments des étrangers, ou des magasins et celliers ayant des entrées au dehors ; une galerie à l’est donnant entrée dans la sacristie, dans la salle capitulaire et les services ecclésiastiques ; la dernière galerie, opposée à celle qui longe l’église, communique avec le dortoir et le réfectoire.
Les dispositions des cloîtres d’abbaye ne furent guère modifiées jusqu’au XVIe siècle ; les cloîtres des cathédrales, au contraire, subirent de notables changements, par suite des usages des chapitres, plus variables que ceux des religieux réguliers. On continuait à désigner sous la dénomination de cloîtres des amas de constructions qui n’avaient plus rien, dans leur ensemble ou dans leurs détails, des dispositions primitives des cloîtres. Les cloîtres des cathédrales avaient souvent la physionomie d’un quartier ayant son enceinte particulière, ses rues et ses places, et, comme ces quartiers étaient dotés de privilèges qui en faisaient comme une cité dans la cité, il en résulta souvent les plus graves désordres.
Aujourd’hui, on ne désigne plus guère sous le nom de cloîtres que les galeries couvertes bâties dans le voisinage des églises. Un des cloîtres les plus anciens en ce genre que nous possédions en France est celui de la cathédrale du Puy-en-Velay, dont la construction remonte en partie au Xe siècle. Un des plus beaux cloîtres du Midi est celui de Saint-Trophime d’Arles. Deux des galeries de ce cloître datent du commencement du XIIe siècle ; chacune d’elles se compose de trois travées principales, divisées en quatre arcades portées sur des colonnettes jumelles. Ce cloître est d’une grande richesse de sculpture ; les colonnettes, les chapiteaux, le revêtement des piles sont en marbre gris ; le long du mur, une riche arcature reçoit le berceau. On sent dans les sculptures, aussi bien que dans les profils du cloître de Saint-Trophime, l’influence de l’art antique. Les piliers, décorés de statues, sont d’une grande beauté.
Le cloître de l’abbaye de Moissac est aussi remarquable par la richesse des sculptures des chapiteaux et des piliers. Le cloître de l’abbaye de Thoronet (Var) est plus simple et presque complètement dépourvu de sculptures ; il se compose de quatre galeries bâties au nord de l’église. Le cloître de l’abbaye de Fontenay, non loin de Montbard, montre déjà la transition entre le système de construction du XIe siècle et celui du XIIIe siècle, transition qui s’accuse bien plus encore dans le cloître de la petite abbaye de Fontfroide, près de Narbonne. Le cloître de la cathédrale de Laon est orné de fenêtres carrées percées dans le mur, du côté de la rue. Le cloître de l’église Saint-Michel de Cuxa, près de Prades (Pyrénées-Orientales), se compose d’une longue claire-voie formée par deux rangées de colonnettes simples et non accouplées, interrompues seulement de distance en distance par des piles carrées. Le beau cloître de l’abbaye d’Elne, à quelques lieues de Perpignan, évidemment reconstruit au XIVe siècle, présente une grande quantité de colonnettes et de chapiteaux de marbre et de piles de cette époque, entremêlés de colonnettes et de chapiteaux du XIIe siècle. Comme sculpture, ce cloître est le plus riche de tous ceux qui existent encore de nos jours dans cette partie de la France. Le cloître de l’ancienne église de Saint-Papoul, près de Castelnaudary, également rebâti au XIVe siècle avec des fragments du commencement du XIIIe siècle, est moins riche en sculptures que celui de l’abbaye d’Elne. Le cloître de Saint-Lizier (Ariége) est plus simple encore ; il se compose de deux étages de galeries : l’une au rez-de-chaussée, en maçonnerie ; l’autre au premier étage, en charpente.
Les cloîtres que nous venons de passer en revue sont tous romans ; les cloîtres gothiques ne sont pas rares en France, mais ils tendent tous les jours à disparaître, tant à cause de leur légèreté qui amène leur destruction, que par le défaut d’entretien. Le cloître de l’église collégiale de Semur-en-Auxois est fort petit, puisque chacun de ses côtés ne contient que deux travées ; mais il est d’une disposition charmante, et il est orné de chapiteaux fort bien sculptés. Il doit remonter à 1230 ou 1240. Le cloître de la cathédrale de Noyon, d’une construction très-simple, était richement décoré de sculptures d’ornement et de statues d’évêques. Citons aussi les beaux cloîtres de Saint-Léger et de Saint-Jean-des-Vignes, à Soissons. Ce dernier est d’une richesse sculpturale extraordinaire. Le cloître de la cathédrale de Toul présente une jolie décoration, consistant en une suite d’arcatures trilobées, sous chacune desquelles était sculpté un petit bas-relief porté sur une sorte de tablette peu saillante. Le cloître de la cathédrale de Langres, en fort mauvais état aujourd’hui, était surmonté d’un étage. Le plus beau de tous les cloîtres qui offrent cette disposition, parmi ceux qui nous ont été conservés, est certainement celui de la cathédrale de Rouen, dont la construction date de 1240 environ. Le cloître de la cathédrale de Bordeaux, bien que gothique, rappelle les cloîtres romans, composés d’arcades continues. Le cloître de la cathédrale de Narbonne se compose.d’une série d’arcades sans meneaux, séparées par des contreforts épais. Enfin, l’un des plus curieux et des plus complets que nous possédions en France est le cloître de l’abbaye du Mont-Saint-Michel-en-Mer. Il s’ouvre d’un côté sur la mer par des fenêtres oblongues et très-étroites. Les galeries étaient primitivement couvertes par une charpente lambrissée. L’arcature se compose de deux rangées de colonnettes chevauchées. Ce cloître était complètement peint, du moins à l’intérieur, entre les deux rangs de colonnettes. Quant aux profils et à l’ornementation, ils rappellent la véritable architecture normande du XIIIe siècle. Les chapiteaux sont simplement tournés, sans feuillages ni crochets autour de la corbeille, sauf les chapiteaux de l’arcature adossée à la muraille qui sont décorés de crochets bâtards. Les galeries donnaient dans un préau, complètement couvert de lames de plomb destinées à recueillir les eaux pluviales dans une grande citerne située sous l’église. Sous le cloître est bâtie la salle des chevaliers, dont la voûte est portée par un quinconce de colonnes, et sous cette salle est un étage inférieur. Le cloître est donc situé au sommet d’un immense édifice, et galeries sont portées sur des voûtes ; aussi a-t-on cherché à donner à cette construction une extrême légèreté.
Hors de France, nous trouvons en Italie, en Espagne, en Allemagne et en Angleterre des cloîtres fort vastes et fort riches. Nous citerons notamment, en Italie, les cloîtres en marbre couverts de sculptures et de mosaïques : de Saint-Paul-hors-les-murs, de Saint-Jean-de-Latran, à Rome ; en Sicile, l’admirable et immense cloître de Montreale, singulier mélange d’architecture normande et d’architecture mauresque.
Cloître (LE) et le cœur, récit du moyen âge, par Charles Reade. Ce roman important avait
paru d’abord sous forme de nouvelle dans un
recueil hebdomadaire, et avait obtenu un
grand et légitime succès. L’auteur, croyant
voir dans ce texte primitif un cadre susceptible
d’être élargi, le reprit en sous-œuvre, et,
usant d’un procédé qui entrait, dit-on, dans les habitudes littéraires de Balzac, il lui donna
des développements qui l’augmentèrent des
quatre cinquièmes. C’est M. Reade lui-même
qui nous donne ces curieux détails dans une
courte préface. Sa légende est une esquisse
de la civilisation européenne pendant la seconde
moitié du XVe siècle, présentée sous
forme de roman. Peut-être pourrait-on signaler
quelques inexactitudes dans ce travail
où l’imagination domine ; mais les objections
d’un archéologue ou d’un archiviste ne seraient
pas plus de mise contre les erreurs de
M. Reade que celles d’un géographe ou même
d’un historien contre celles de Shakspeare,
C’est dans les environs de Tergou, petite
ville hollandaise, que commence le récit ;
Gérard Eliassoen, le héros, enlumineur de
manuscrits, élevé dans un couvent et promis
à l’Église, nous apparaît tout d’abord c heminant
en habits de gala vers Rotterdam. Laville est en fête, et Gérard y porte une lettre
de recommandation de Marguerite Van Eyck,
qui le signale aux bontés de la jeune duchesse
Marie, sa protectrice. Chemin faisant,
il rencontre un vieillard et une jeune
fille pauvrement vêtus. L’un est à bout de
forces, et l’autre se désespère. Derrière
eux se prélasse sur sa mule caparaçonnée
maître Ghysbrecht van Swieten, le bourgmestre
de Tergou, qui, à la vue de ces honnêtes
gens qu’il éclabousse, sent se réveiller un remords, car, si le bourgmestre eût toujours été probe, le vieux Peter Brandt ne serait pas dans la misère avec sa jolie fille,
la perle de Sevenbergen. Gérard offre son
aide aux voyageurs embarrassés de continuer
leur route, et, grâce à son secours, ils atteignent
l’entrée de la ville, où la foule les sépare
un instant, mais où ils se retrouvent bientôt.
C’est grâce à Gérard que Peter Brandt et
Marguerite perceront la haie de sentinelles
qui barre aux manants l’entrée de la stadthouse. Il a déjà été leur providence sur le
grand chemin, il l’est encore dans ce palais.
Grâce à la précieuse lettre de la sœur des
Van Eyck, Gérard est reçu chez la duchesse ;
il n’en sort qu’après avoir été comblé de présents,
et avec la promesse qu’aussitôt admis
dans les ordres on lui procurera dans le voisinage
de Tergou quelque opulente prébende.
Le jeune lévite s’en réjouit sans arrière-pensée,
et Marguerite n’y voit qu’un sujet de félicitations.
Ils ne savent pas, dans leur innocence,
qu’ils s’aiment déjà et que leur destinée
à tous deux vient d’être irrévocablement
fixée. Ils auront beau s’aimer, en effet, l’ambition
de la famille, éveillée par la perspective
maintenant ouverte, se placera d’abord
entre eux ; puis le vieux Ghysbrecht, qui a
tout intérêt à laisser dans leur misère le malheureux
Peter et sa fille, déterminera sans
peine le père de Gérard à se montrer sévère.
Le bourgmestre a d’ailleurs, pour servir ses
odieux projets, l’appui de deux méchants frères
de notre héros, Sybrandt le paresseux et
Cornélis l’avare ; et, grâce à eux, l’espionnage,
les sourdes machinations sont mis en
œuvre sous le toit naguère si paisible du père
Élias. Ils découvrent, ils livrent à leur père
indigné une image où le pinceau de Gérard a
reproduit les traits purs de Marguerite. Élias
déchire cette image chérie ; mais cette rigueur
inutile met du côté de Gérard sa mère, et
bien mieux Marguerite, qui jusqu’alors se défendait
de répondre à sa tendresse. Elle refuse
dé quitter son père pour suivre son
amant en Italie, mais elle consent à lui donner
sa main. Par malheur, le terrible bourgmestre
a l’œil sur leur innocent complot, et
Gérard, au pied même de l’autel, est arrêté
au nom de son père absent, mais en réalité
par ordre du magistrat prévaricateur. Cet
emprisonnement de quelques heures.dans la
stadt-house, de Tergou serait un obstacle si
Gérard, en travaillant à sa délivrance, ne
trouvait l’acte même en vertu duquel le bourgmestre
Ghysbrecht a déloyalement privé Peter
Brandt de l’héritage auquel ce dernier
avait droit. La persécution va devenir implacâble
du moment où, sans se douter de la valeur
de sa trouvaille, Gérard tient dans ses
mains la fortune et la réputation de son ennemi.
C’est chez Marguerite, dans sa chambre
virginale, que s’est réfugié le fils d’Élias après
son évasion. Les deux jeunes gens, restés
seuls, tombent dans les bras l’un de l’autre.
Fiancés depuis quelque temps, presque mariés
la veille, se croyant certains d’être unis
le lendemain, exaltés par le danger récent,
ils succombent… Dès le lendemain, ils seront
cruellement punis d’avoir imprudemment obéi
à la voix de la nature, à celle de leur cœur.
Le lendemain, en effet, les poursuites recommencent,
et cette fois dirigées par le bourgmestre
en personne. Sur le point d’être atteint,
Gérard se retourne et frappe son ennemi qui
roule dans la poussière. Gérard, obligé de se
sauver, ramasse la bourse du bourgmestre et,
sous la double inculpation de vol et d’assassinat,
franchit la frontière avec l’aide d’un
vieux soldat, l’hôte et l’ami de sa triste Marguerite,
qui retourne inquiète au foyer paternel,
où elle rapporté le déshonneur et ses
angoisses. Ici le roman se dédouble, et, en
vertu d’un procédé familier aux conteurs anglais
de nos jours, on suit, par chapitres alternés,
les vicissitudes bien diverses de ces
deux existences maintenant séparées, celle
du jeune artiste en route vers l’Italie, et celle
de la pauvre enfant, restée au pays natal
pour y lutter, toujours énergique et patiente,
contre la malveillance, le mépris, la misère.
Plus variée, plus aventureuse, la première
amuse l’esprit ; la seconde, plus simple et plus
vraie, intéresse et captive le cœur. Après
mille vicissitudes, Gérard arrive à Rome, où
son talent d’enlumineur lui fait gagner non-seulement
de quoi vivre, mais de quoi augmenter
chaque jour le trésor qu’il veut rapporter
à sa chère Marguerite, pour l’amour de laquelle
il refuse les faveurs de la princesse
Clœlia. Il songe déjà à son retour lorsqu’une
lettre de la sœur des Van Eyck, apportée par
Hans Hemling, lui apprend que Marguerite
Brandt n’existe plus. Frappé au cœur, après
avoir vainement cherché la mort, Gérard prononce
des vœux monastiques ; le cloître hérite
de cette âme tourmentée, et l’amant de Marguerite
n’est plus que frère Clément. Cependant
la jeune fille n’est pas morte. La substitution
d’une fausse lettre, écrite par le bourgmestre
à celle dont la sœur des Van Eyck
avait chargé Hans Hemling, est l’œuvre des
deux méchants frères de Gérard. Au contraire,
le pardon du duc ouvre à Gérard les
portes de sa patrie, et sa fiancée l’attend patiente
et résignée, tandis que leur fils grandit
sur ses genoux. Cependant le temps a marché ;
Gérard est devenu un grand prédicateur, il
vient à Rotterdam faire entendre sa puissante
parole, il reconnaît Marguerite, dévoile
toutes les infamies dont il a été la victime, et
s’enfuit dans un ermitage abandonné, où il
veut achever seul et désespéré les jours que
Dieu lui destine encore. Mais le courage de
Marguerite s’est retrempé par la vue du père
de son enfant, et, après avoir découvert sa
retraite, elle entreprend, elle, simple femme,
de combattre la résolution de frère Clément ;
humiliée, chassée, elle a déjà fui de la cellule,
mais elle a laissé derrière elle le trait
vainqueur : elle a oublié dans la grotte de
l’ermite l’enfant qu’elle se réservait d’offrir à
ses baisers. Cette fois la tentation l’emporte,
le pauvre ermite sanglote en embrassant son
entant et suit sa mère qui ne sera pour lui
qu’une sœur. Quelques années après, Gérard
et Marguerite succombent aux atteintes de la
peste qui sévissait à Deventer, et l’enfant
reste seul au monde. Quant à ce rejeton d’infortunées
amours, l’histoire nous dira quel il
a été. À Rotterdam, sur la façade d’une maison
de Brede-Kirk-straet, appartenant à un
tailleur, elle a placé cette inscription :
Hœc est parva domus natus qua magnus Erasmus.
« M. Reade, par cet hommage à la mémoire d’Érasme, dit M. Forgues dans la belle étude consacrée à ce roman, acquitte une dette qu’il reconnaît d’ailleurs avec une bonne foi louable… Les Lettres et les Colloques du précurseur de la Réforme ont, en effet, fourni à l’auteur du Cloître et du cœur maint épisode remarquable. » Nous n’avons pu donner qu’une analyse incomplète de ce bel ouvrage, plaidoyer du cœur et de la raison contre les lois d’un autre âge ; l’œuvre est trop longue, trop complexe, la multiplicité des détails et des figures rend impossible un compte rendu plus serré. Ce livre, qui parut en 1861, n’a pas encore été traduit en français, ce dont on pourrait à bon droit s’étonner.
Cloître-Saint-Merri (COMBAT DE LA RUE DU).
La rue du Cloître-Saint-Merri fut le théâtre
de l’un des plus sanglants et des plus extraordinaires
épisodes de l’insurrection des 5 et
6 juin 1832. Le 5, l’enterrement du général
Lamarque ayant donné au parti républicain
le signal d’une prise d’armes générale, on
éleva, dans la soirée du 5 et dans la nuit du 5
au 6, des barricades sur plusieurs points. La
plus forte fut établie au midi de la rue Saint-Martin,
à la hauteur de la rue du Cloïtre-Saint-Merri,
et à quelques pas de l’église de
ce nom. Dans l’espace compris entre les deux
remparts, au coin de la rue du Cloître-Saint-Merri
et faisant face à la rue Aubry-le-Boucher,
se trouvait la maison n" 30, dont 110 insurgés
environ occupaient le rez-de-chaussée
et les abords, et qui devait leur servir tout à
la fois de quartier général, de citadelle, d’ambulance.
La position était bien choisie:si l’on
abordait de front par la rue Aubry-le-Boucher,
on tombait sous le feu parti des croisées
du numéro 30; si l’on attaquait de revers, il
fallait affronter les combattants postés dans
l’intérieur des barricades, hommes déterminés,
qui donnaient la mort d’une main sûre,
et qu’animait un courage extraordinaire. Dans
la soirée du 5, une colonne de gardes nationaux
vint se heurter à la barricade, et se
dispersa après avoir perdu 5 hommes. Cette
première attaque fut suivie de deux autres,
que les insurgés repoussèrent également avec
beaucoup de vigueur. Vers deux heures du
matin, un détachement d’infanterie arrivait
par le bas de la rue Saint-Martin, et traversait
les barricades alors presque désertes, non
sans recevoir des fenêtres une pluie de moellons
et de pavés, et bon nombre de coups de
fusil. Bientôt après, les insurgés, ayant trouvé
une boutique d’armurier dans la cour de la
maison qu’ils occupaient, se distribuèrent les
50 fusils de chasse qu’elle renfermait. Sur ces
entrefaites, on annonça l’approche de la garde
municipale. Alors les insurgés descendent en