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La chèvre d’Angora a des cornes arquées ou contournées en spirale, des oreilles larges et pendantes, mais non aplaties, des poils frisés, soyeux, fins et très-abondants. Cette variété se trouve dans les environs d’Angora, sur les montagnes.situées entre la mer Caspienne et la mer Noire. Il y a plusieurs sousvariétés, qui se distinguent surtout par leur taille et par la nature de leur poil soyeux. La plupart des chèores d’Angora sont blanches ; cependant on en trouve aussi de rousses et de brunes. Le poil est moins fin, mais, plus abondant chez les mâles que chez les femelles. Le lait est excellent, et la viande est préférée par les Turcs à celle du mouton. Les chèvres d’Angora ont été transportées en France, en Suède, en Toscane ; elles y prospèrent, et leur poil y conserve toutes ses qualités.

La chèvre thibétaine a des oreilles larges, demi-tombantes et un duvet abondant. La couleur de Ce duvet est grisâtre ; les poils soyeux, au contraire, sont olancs, gris bleuâtre, chamois clair ou noirs. Les cornes sont droites, tordues en vis. et divergentes. La chèvre thibétaine, improprement appelée chèvre de Cachemire, ne se trouve dans toute sa pureté qu’aux environs de Lhassa, dans le Thibet, par le 90e degré de longitude É. C’est là que les fabricants ne la vallée de Cachemire viennent s’approvisionner de duvet pour la confection de leurs précieux tissus. V. Cachemire.

Il existe, dans d’autres contrées de l’Asie, des chèores qui, bien que différentes d’aspect, paraissent néanmoins dériver de la chèore thibétaine. Les plus connues sont la chèvre à duvet des Kirghis de l’Oural, et la chèvre himalayenne. Cette dernière, qui "habite sur le versant sud de l’Himalaya, est fréquemment employée comme bête de somme, à cause de sa force et de son agilité. La chèvre des Kirghis a été confondue assez longtemps avec la chèvre thibétaine.de Lhassa. Introduite en France au commencement de ce siècle, par MM. Ternaux et Amédée Joubert, elle ne s’y est pas propagée, parce qu’on s’est aperçu que le précieux duvet qu’elle fournit dans son pays natal disparaissait entièrement sous nos climats.

Les chèvres, au moins dans notre pays, sont presque toujours mal logées ; cependant elles réclament, pour donner beaucoup de lait, un logement bien tenu et une température douce. Ces conditions sont nécessaires pour,1a santé et indispensables pour la fourrure des races qui possèdent une précieuse toison. Les chèvres craignent l’humidité, le froid et les fortes chaleurs. Elles recherchent les lieux escarpés, où elles trouvent à pacager, selon leur caprice, des herbes fines et des broussailles. Elles contractent des indigestions dans les prairies de légumineuses, le mal de brou et le pisseinent de sang dans les taillis. Elles croulent des herbes séchées sur pied et fanées, souvent de préférence à une herbe fraîche et succulente. Aussi vivent-elles, en donnant du lait, là où d’autres animaux périraient de misère. Les chèvres, nous l’avons dit, nuisent beaucoup aux jeunes arbres et aux arbustes dont ils mangent les pousses nouvelles, et il ne faut les laisser que dans les terres sans bois et sans culture ; mais on peut les conduire impunément dans les vignes, après les vendanges, ou dans les prairies, après la récolte du regain ; les plantes variées àVelles y trouvent leur donnent beaucoup de lait. Quoique vives, pétulantes et aimant les lieux escarpés, les chèvres supportent facilement le régime de la stabulation permanente. À la chôvrerie, on les nourrit avec de la luzerne, du trèile, des vesces, dès gesses, des feuilles de chou et des feuilles de vigne ramassées après les vendanges. En Afrique, quand lu temps est trop sec, on leur fait manger le iiguier de Barbarie, les feuilles de l’agave américain, etc. ; près du désert, on les nourrit souvent avec des dattes, qui augmentent la quantité de lait et communiquent à ce liquide une saveur douce et agréable.

Le duvet des chèvres de Cachemire tombe naturellement au printemps ; on le récolte au moment où il se pelotonne et se détache, en peignant la toison tous les deux jours. Cette opération peut durer de huit à quarante jours. Le bouc peut féconder sa femelle à sept ou huit mots, mais on ne doit l’employer que d’un an et demi à trois ou quatre ans. On fait souvent couvrir les chèvres dès l’âge de six à sept mois, mais il serait plus avantageux de ne les mener au bouc qu’à douze ou quinze mois. Si les chèvres sont bien nourries et vivent en présence du bouc, elles peuvent être fécondées dans toutes les saisons, et faire presque deux portées par an ; mais si elles donnent du lait et qu’elles ne sentent pas le mâle, elles le demandent principalement dans les mois de septembre, d’octobre et de novembre. Les chaleurs durent de un à trois jours, et reviennent toutes les trois semaines si la femelle n’est pas fécondée. Le part est souvent laborieux. On donne une soupe à la chèvre qui vient de mettre bas, et pendant trois ou quatre jours on la nourrit avec du pain et des boissons tièdes. On sevra les chevreaux à l’âge de cinq ou six semaines ; on leur donne des farines délayées dans l’eau et du petitlait. En France, on vend généralement comme chevreaux de lait ions ceux* qu’on ne veut pas élever, sans jaimais les châtrer ; en Afrique, au contraire, où on élève des boucs pour la boucherie, on châtre ces animaux à la troisième année de la monte, et on les engraisse

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ensuite. Les chèvres devraient être brossées et pansées tous les jours-, on a observé que le lait des chèvres régulièrement pansées a moins d’odeur et est plus favorable a la santé des personnes délicates.

— Mécan. et techn. Dans les constructions et dans l’artillerie, . on emploie pour élever des fardeaux un appareil appelé chèvre. Cette machine offre un exemple de combinaison du treuil et des poulies mouflées, pour transformer un mouvement circulaire continu ou intermittent en un mouvement rectiligne continu ou intermittent.

La chèvre se compose de deux longues pièces de bois appelées hanches, formant, avec des pièces parallèles nommées épars, un triangle rigide, au sommet duquel sont engagées une ou deux poulies, traversées par un boulon qui leur sert d’axe commun. Ce triangle est soutenu dans une position plus ou moins inclinée par un pied ordinairement mobile. Entre les deux hanches, à 1 m, 20 ou 1 m. 30 de hauteur, est un treuil, terminé soit par deux parties à section carrée appelées têtes et percées de mortaises pour le passage des leviers de manœuvre, soit par une portée qui reçoit une roue d’engrenage conduite par un pignon et-une manivelle.

Au sommet R, on dispose une poulie D ou une moufle ; la corde qui passe sur cette poulie va s’attacher au fardeau M qu’où veut enlever ; l’autre bout entoure le cylindre d’un treuil horizontal T, qu’on nomme moulinet, et qui peut tourner à l’aide de leviers L, ou par une roue à cheville. On conçoit aisément l’usage de cette machine : le câble s-’enroule sur le moulinet, et, par l’action des forces qui font tourner le cylindre, ce câble diminue de longueur de T en 1) et M, et détermine le poids M à s’élever.

Quant au calcul de la puissance capable de produire l’effet qu’on attend, comme la poulie ne sert qu’à changer la direction de la force sans en modifier l’intensité, cette puissance, sans le secours du moulinet, serait précisément dans le même état que si elle avait son action directe employée à élever le poids ; elle devrait donc être égale à ce poids M. Mais le treuil change cette relation ; il sera démontré au mot treuil que, en faisant abstraction du frottement, la puissance et la résistance sont l’une à l’autre comme le rayon du cylindre T est au rayon du cercle décrit par la force qui fait tourner le levier. Il est donc bien facile de calculer l’effet qu’on doit attendre d’une chèvre ; car si le levier L, compté depuis l’axe du moulinet jusqu’à celui où la force le saisit, est 8 fois le rayon du" cylindre, la puissance sera capable d’enlever un poids 8 fois plus grand que si elle n’était pas aidée de cette machine-, un homme qui ’ ne serait capable que d’enlever 50 kilogr. en pourra donc enlever 400. On ne doit pas oublier que les frottements diminuent cet effet. Mais si l’on adapte vers le sommet de la chèvre une poulie mouflée au lieu d’une poulie simple, ce théorème ne s’applique qu’après avoir réduit le poids M dans le rapport fixé par la théorie des moufles. Pour continuer l’exemple numérique précédent, imaginons que l’emploi de la moufle réduise le poids Mau quart, le système combiné de cette machine et du treuil donnera en effet quatre fois 8 ou 32 fois plus grand que si la force agissait sans l’appareil ; notre ouvrier deviendrait alors capable d’enlever 1,600 kilogr.

On attribue à M. Régemortes l’invention d’une autre espèce de chèvre fort ingénieuse, qui sert à monter des poids considérables, et à les enlever ou à les descendre aussi lentement et d’aussi peu qu’on veut. Le treuil est ici formé de deux cylindres de diamètres inégaux, qui font corps ensemble, et qu’un levier fait tourner à la fois. Deux poulies sont disposées au sommet de la chèvre, et le poids est attaché à une troisième poulie qui a son axe mobile. Le câble, après s’être enroulé sur l’un des cylindres, va passer successivement sur les poulies, et do là va s’enrouler sur l’autre cylindre ; cet enroulement des deux bouts de la corde se fait en sans contraire. On conçoit que si, à l’aide d’une force suffisante appliquée au levier, on fuit tourner le treml de manière.à faire envelopper la corde autour

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du plus gros cylindre, elle se déroulera de dessus le plus petit, en sorte qu’à chaque tour du moulinet le poids parcourra un chemin égal à la moitié de la différence des deux circonférences. La force qui suffit à cet effet est très-petite, si cette différence l’est elle-même, puisqu’on sait, par le principe des vitesses virtuelles, que la puissance et la résistance sont entre elles comme les espaces qu’elles décrivent. Cette chèvre remplit donc à la fois le double but de permettre de soûle CHEV

ver ou de descendre de lourdes masses sans un grand appareil de force, et de leur donner des mouvements très-lents ; mais elle n’est pas propre à monter des corps à une grande élévation, ni à opérer rapidement.

Les carrossiers et les charrons se servent d’un outil qu’ils nomment aussi chèore, pour soulever les voitures, afin d’empêcher les roues de toucher le sot, et de pouvoir les ôter, graisser l’essieu, réparer les boîtes, etc. Cet instrument (fig. 2) est, comme celui de la figuré 1,

formé de trois pièces de bois assemblées en triangle isocèle, ou même d’une seule pièce formant la fourche. Ce système, d’environ 1 m. de hauteur, est destiné à se tenir debout, dressé sur la terre. Au sommet est articulée une quatrième branche BC, d’une longueur un peu moindre, à l’aide d’une broche en fer qui la traverse, ainsi que les deux bras réunis au sommet. Cette pièce se nomme bascule ; elle est prolongée de quelques pouces, et présente un talon C au delà de l’axe de rotation. Lorsqu’on veut se servir de cette machine, on élève la bascule, ce qui abaisse le talon, qu’on fait passer sous la voiture ou sous le moyeu de la roue ; puis, pesant fortement de haut en bas sur le bout de la bascule, on l’abaisse de manière que le talon se relevant pousse la voiture en haut. Cette bascule est un véritable levier, dont le point d’appui est « situé à o m. go ou 0 m. 70 du sol ; et comme on rabat la bascule sur la branche-traverse I, qui est proche de la terre, et que le talon pressé pur le poids n’a d’action que pour pousser la bascule contre cette traverse, la machine maintient la voiture dans cette situation, et il est aisé de démonter la roue, de la réparer ou d’y changer la graisse.

On se sert aussi d’une chèvre dont la bascule a 1 m. 50 ou 1 m. 70 de long, pour soulever les voitures chargées. Dans la manœuvre de cette machine, on passe sous l’essieu, après l’avoir soulevé, un tréteau qui supporte la voiture au-dessus du sol, jusqu’à ce que la réparation soit faite. Le cric est aussi employé au même usage.

Les charrons donnent encore le nom de chèvre à une sorte de chevalet formé de deux X ou croix de saint André égales, assemblées parallèlement l’une à l’autre par un morceau de bois long de 0 m. 60 à 0 m. 70 environ. Cet outil sert à recevoir et à maintenir les pièces de bois qu’on veut scier.

— Iconogr. La chèvre la plus célèbre de l’antiquité... mythologique est la chèvre Amalthée, qui eut l’honneur de nourrir de son lait le maître des dieux, et qui obtint en récompense d’être placée au rang des constellations avec ses deux chevreaux. Les artistes de la Grèce et de l’Italie ne manquèrent pas de représenter sur la toile et sur le marbre ce quadrupède illustre. Le musée du Vatican possède une belle chèvre de marbre à la barbe de laquelle est restée accrochée la main d’un jeune enfant dont le corps a été brisé : on pense que ce groupe, qui a été découvert sur le mont Cœlius, représentait le petit Jupiter et sa nourrice, la chèvre Amalthée. On voit dans le même musée plusieurs autres statues antiques de chèvres et de boucs, en bronze ou en marbre, exécutées avec cette habileté que les anciens avaient coutume d’apporter dans la représentation des animaux : on remarque, entre autres, une Chèvre allaitant un chevreau, une Chèvre assaillie par deux serpents et défendue par une cigogne, deux Chèvres et un bouc, etc.

Parmi les ouvrages modernes où les chèvres jouent un rôle plus ou moins important et sont traitées avec le plus de talent, nous citerons : le Chevrier, estampe de Badiale d’après Flaminio Torre ; la Chèvre malade (musée de Munich), la Chèore que trait un jeune pâtre (musée de Munich), une Paysanne qui trait une chèvre (galerie de Dresde), la Chèvre et le hceuf (galerie de Dresde), etc., charmants tableaux de Karel-Dujardin, que ses’ camarades de la bande

académique avaient surnommé la Barbe de bouc ; des Chèvres broutant parmi des ruines | (musée de l’Ermitage), tableau de J.-B. "Weenix ; la Chèvre qui broute, la Chèvre qui pisse, gravures de Sébastien Barras, d’après Van I der Cabel ; le Chevrier des Abruzzes, tableau | de Decanips, vendu G,000 fr. À la vente Baj rhoilhet (1SG0) ; la Chèvre Amalthée, groupe I en marbre de Julien (musée du Louvre) ; la

! Jeune fille à la chèvre (musée du Louvre),

, nue des plus charmantes productions du ciseau de Bouchardon ; la Vendange, tableau do M. Palizzi, exposé en 1&55, etc. M. Théophile Gautier décrit ainsi ce dernier ouvrage : « Un troupeau de chèvres est entré dans une vigne et s en donne à cœur joie ; les vendanfeuses au nez camus, de la dent, de la lèvre, u pied, mordent, arrachent, détruisent grappes, brindilles, pampres, et font comprendre pourquoi les anciens sacrifiaient le bouc à Bacchus. M. Palizzi rend à merveille la maigreur lascive, l’air mièvre, les allures pétulantes de ces demoiselles cornues et barbues. » ■

CHEVREAU s. m. (che-vrô — dimin. de chèvre). Petit d’une chèvre : Sauter, bondir comme un chevreau. On fait avec la peau du chevreau des gants irès-estimés. (Focillon.)

— Par ext. Peau de chèvre ou de chevreau tannée : Des gants, des souliers de chevreau.

— Fam. Jeune homme vif, ardent, fougueux : Il comprit qu’il fallait lâcher la corde à ce jeune cuevrhau attaché. ^îalz.)

— Astron. Nom des trois petites étoiles «, ï, i) de la constellation du Cocher, formant un petit triangle isocèle, situé a 3 degré* au sud de la Chèvre. Le lever des Chevreaux qui, avant d’être astres, avaient été les frères de lait de Jupiter, passait pour annoncer des ouragans :

Non ulli lutum est, htedis surgentibus, œquor, a dit Virgile.

CHEVREAU (Urbain), savant et littérateur français, né à Loudun en 1015, mort dans laiiièine ville en noi. Il annonça de bonne heure un goût très-vif pour les choses de l’esprit. Il refusa un canonicat, et préférai un mariage brillant une vie indépendante. D’humeur inquiète, il n’aimait que trois choses, mais avec passion : les voyages, les livres er la culture des fleurs. Raconter en détail les voyages d’Urbain Chevreau, ce serait excéder les bornes ordinaires d’un simple article. Le Loudunots, qui possédait quelque fortune, ne voyageait que par curiosité et avec l’insatiable désir d’augmenter la somme de se» observations et de ses connaissances. Il visita la majeure partie des cours de l’Europe, et, bien que fort attaché au catholicisme, devint le familier d’une reine protestante : Christine de Suède le fit son secrétaire des commandements et l’ordonnateur de ses fêtes

(Lûû2-lG5-O. Chevreau, qui avait adressé des. vers à cette souveraine, ne tarda pas à se fatiguer de la vie de courtisan et à ressentir les atteintes de la nostalgie ; il revint donc à Loudun, où le rappelait d’ailleurs le soin de ses intérêts-En 1063, il se remit en route. On le vit successivement, les années suivantes, à Cassel, à Copenhague, à Zell et en Hanovre, où il parut un moment vouloir se fixer. De là-il se rendit à Heidelberg, y vécut quelque temps. comme conseiller de l’électeur palatin, convertit au catholicisme la princesse Charlotte-Elisabeth, et prépara ainsi le mariage de cette princesse avec Monsieur, frère de Louis XIV. Il l’accompagna à Metz, retourna à Heidelberg, voyagea de nouveau et enfin, en 1678, fut précepteur du duc du Maine, à Paris ; après quoi il rentra dans sa ville natale pour y attendre la mort, tout en entretenant > un commercede littérature.avec un grand nombre d’hommes illustres. • Telle fut la vie d’Urbain Chevreau, qui a été écrite par Ancillon dans lesMémoires concernant les vies et les ouvragesde plusieurs modernes (Amsterdam, 1709, in-12). Ce littérateur érudit a laissé un grand nombre d’ouvrages, dont aucun ne lui a survécu. Parmi ces productions., aujourd’hui oubliées, nous citerons seulement de lui des poésies, dont quelques-unes sont assez bonnes ; des œuvres mêlées : l'École du sage ou le Caractère des vertus et des vices (16«) ; le Tableau de la fortune (1651) ; ('Histoire du monde (1B8G, 2 vol.), où il y a de l’érudition, des recherches, mais de la confusion ; Chevrœana (1697-1700, 2 vol. in-12), un des meilleurs recueils de ce genre ; des tragédies médiocres ; •