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des Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de- l’Académie, par Guillet de Saint-Georges : « M. Lebrun porta au roi ce tableau de l’Entrée à Jérusalem, le 13 avril 1689, qui fut reçu avec un plaisir singulier du roi, qui lui en fit un si grand accueil et qui prenait un si grand plaisir de le faire voir à toute sa cour, que ce même tableau ayant été apporté la semaine ensuite à Paris, je n’ai point marqué que toutes les personnes de qualité et de lettres avaient eu un si grand empressement de venir voir ses autres ouvrages que celui-ci. » Cette peinture était placée en 1710 dans le cabinet des tableaux à Versailles. Elle a été gravée par Simonneau, et au trait dans le recueil de Landon.

Christ à la monnaie (le) OU le Denier de

César, tableau de Strozzi ; musée des Offices, à Florence. On lit dans saint Matthieu (ch. XXII) : « Alors les pharisiens, s’étant retirés, tinrent conseil entre eux pour le surprendre dans ses paroles. Ils lui envoyèrent donc leurs disciples, avec les hérodiens, lui dire : « Maître, » nous savons que vous êtes véridique, et que » vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité, » sans avoir égard à qui que ce soit, parce » que vous ne considérez point l’extérieur des » hommes ; dites-nous ce qu’il vous semble : » est-il permis de payer le tribut à César, ou » de ne pas le payer ? » Mais Jésus, connaissant leur malice, leur dit : « Hypocrites, pourquoi » me tentez-vous ? Montrez-moi la pièce » d’argent pour le tribut. » Et ils lui montrèrent un denier. Jésus leur dit : « De qui est cette » image et cette inscription ? — De César, » lui dirent-ils. Alors Jésus leur répondit : « Rendez » donc à César ce qui est à César, et à » Dieu ce qui est à Dieu. » L’entendant parler ainsi, ils furent dans l’admiration. « Cette scène a été souvent retracée par les artistes dans des tableaux auxquels les Italiens ont donné le nom de Christ à la monnaie (Cristo alla moneta). Parmi ces tableaux, on remarque celui de Bernardo Strozzi, qui est au musée des Offices, et qui est regardé comme le chef-d’œuvre de ce maître : c’est une composition en longueur, comprenant sept figures de grandeur naturelle, vues jusqu’aux genoux. Le lieu de la scène est une espèce de portique orné d’une balustrade et de deux colonnes, entre lesquelles flotte une draperie. Le Christ, vêtu d’une draperie rouge, sur laquelle est jetée une ample draperie bleue, se présente de face au centre du tableau, la main droite tendue en avant et paraissant faire saillie, la main gauche et le dos appuyés contre la balustrade, dans une attitude nonchalante et sans noblesse, mais d’une réalité extrême. Il répond au pharisien qui lui montre la pièce d’argent. Celui-ci, vieillard au front chauve et à la barbe blanche, est placé de profil, tout à fait à gauche, tenant d’une main le denier, et de l’autre une bourse entr’ouverte. Quatre autres personnages, trois vieux et un jeune, groupés sous le portique, regardent avec curiosité ce qui se passe, et se montrent très-attentifs aux paroles de Jésus. Enfin, dans le coin de droite, un charmant petit garçon, placé entre le Christ et le pharisien, en deçà de la balustrade, sourit au Spectateur et paraît prêt à s’élancer hors du cadre. Molini s’exprime ainsi au sujet de cette toile, dans la Reale galleria di Firense : « Il semble que Strozzi se soit proposé d’imiter le style du Caravage dans la composition du Denier de César, et celui de Rembrandt dans l’exécution. Caravagesque est la forme du cadre, caravagesque la manière de présenter les figures jusqu’aux genoux, caravagesque, enfin, le caractère du dessin, qui ne s’élève pas au-dessus d’une reproduction fidèle de la nature, et que rachète tout au plus une certaine noblesse dans les têtes de vieillards. Du reste, nul sentiment du beau, et un tel dédain des convenances que l’Homme-Dieu est représenté ici sous les formes les plus vulgaires, dans une attitude et avec une expression de physionomie dont le peintre n’a pu trouver les modèles que dans les cabarets et les carrefours. Mais cette bassesse de style est voilée en quelque sorte par les agréments d’une touche nette, facile et large, et par l’éclat du coloris. Les couleurs sont appliquées sur la toile avec une audace qui touche à la témérité. Le rouge le plus vif, le bleu, le jaune sont employés presque purs dans les vêtements et se juxtaposent sans que l’harmonie en souffre. Les chairs paraissent fraîches et pleines de sang, bien que les teintes en aient été un peu exagérées, à cause de l’intensité vigoureuse du clair-obscur, intensité qui n’a pas été obtenue ici à l’aide de repoussoir, comme dans les tableaux du Caravage et de ses imitateurs. » Le Christ à la monnaie a été gravé par Lasimo fils dans la Reale galleria di Firenze ; par H. Guttenberg, d’après un dessin de Wicar ; par J. Guillaume, sur bois, dans la L’Histoire des peintres de toutes les écoles. Le musée de Munich possède une belle répétition de ce tableau, provenant de l’ancienne galerie électorale de Dusseldorf.

Le même sujet a été peint par Valentin (Louvre), Rubens (Louvre), le Titien (musée de Dresde), et beaucoup d’autres. V. denier de César.

Christ chassant les vendeurs du temple

(le), célèbre estampe de Rembrandt. Le Christ, debout, au centre de la composition, poursuit avec un fouet les marchands qui se sauvent de toutes parts. « La canaille fuit épouvantée, essayant pourtant d’emporter dans sa

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fuite quelques débris des denrées qu’elle expesait dans le sanctuaire, dit G. Planche. Il règne dans toute cette scène une confusion qui s’accorde merveilleusement avec le sujet. Le Christ frappe à coups redoublés. Tonneaux défoncés, pièces d’or et d’argent semées sur les dalles, bétail et publicahis, tout se mêle et se confond sous le regard du spectateur. Le Christ attire d’abord tous les

?eux, et le fouet qu’il tient à deux mains ne

aisse aucun doute sur la mission qu’il va remplir. Au fond, vers la droite, on aperçoit îe grand prêtre qui vient assister au châtiment des publicains. Cette figure calme et majestueuse contraste heureusement avec le caractère tumultueux de la scène. Je ne dis rien de l’architecture du temple, car si elle ne s’accorde pas avec les données que nous possédons aujourd’hui, ’ elle n’offre pourtant rien de singulier, rien qui étonne ou blesse le goût. » Parmi les vendeurs rois en déroute par le fouet du Christ, on remarque à droite un homme renversé sur le dos et qui tient le bout d’une corde attachée aux cornes d’un bœuf ; celui-ci fuit vers la gauche ; l’homme a les bras au-dessus la tête et une jambe en l’air ; son visage exprime la douleur, sa bouche est très-ouverte ’et on distingue parfaitement les dents de la mâchoire supérieure. Il existe deux états de cette magnifique planche. Les connaisseurs distinguent le premier état à ce que l’homme renversé a le haut- de la figure clair, la bouche plus petite et moins travaillée, la lèvre inférieure très-visible et ne se confondant pas avec le reste de la figure ; les épreuves de cet état sont plus légères, d’un ton brillant et volouté.jSelles du second état sont désignées dans le commerce sous le nom d’épreuves à la grande bouche, parce que la bouche y est, en effet, plus grande et a l’apparence d une tache irrégulière faite sur la figure. Au bas de l’estampe on lit : Rembrandt f., 1635.

Christ an jardin des Olivier» (REPRÉSEN-TATIONS diverses du)..Ce sujet, que l’on intitule quelquefois la Prière au jardin des Olives, est un de ceux que les peintres ont retracés le plus fréquemment. D’ordinaire, on voit le Fils de Dieu agenouillé, la tête douloureusement inclinée, le visage baigné d’une sueur de sang, suppliant son Père d’éloigner de lui le calice d’amertume qu’un ange lui apporte ; quelquefois cet ange est accompagné par d’autres qui tiennent les instruments de la Passion ; à quelque distance, les disciples dorment, étendus à terre ; plus loin, on aperçoit Judas le traître, qui s’avance à la tête d’une bande de gens armés d’épées et de bâtons ; dans le fond s’élèvent les murs de Jérusalem. La composition n’est pas toujours aussi compliquée : elle se réduit parfois aux figures du Christ et de l’ange portant le calice, ou même à la seule figure de l’Homme - Dieu. Outre les Christs’au jardin qui sont décrits ci-après, nous citerons : divers tableaux de Giotto (musée des Offices), de Gentile da Fabbriano (musée de Cluny), de Michel-Ange (musées de Munich et de Vienne), du Brusasorci (musée du Louvre), du Guide (musée du Louvre, gravé par Falck), du Titien (musée de Madrid), de Schidone (musée de Lyon), de Daniel Crespi (musée.de Berlin), du Corrége (galerie Wellington, copies au musée des Offices et à la National Gallery), du Caravage (musée de Berlin), d’Annibal Carrache (musée de Madrid), de Chimenti da Empoli (musée de Madrid), de Fr. Trevisani (galerie de Dresde), de Lanfranc (musée de Munich), de Léandre Bassan (Académie des beaux-arts de Venise), de J. Bassan (Académie des beaux-arts de Venise), de Marco Basaïti (Académie des beaux-arts de Venise), de Murillo (musée du Louvre), de Juan de Juanes (musée de Madrid), de Memling (cathédrale de Lùbeck), de Wohlgemuth (musée de Munich), de Schauffeleip (musée de Munich), d’un anonyme allemand du xve siècle (église de Saint-Sebald, à. Nuremberg), do Van Hemessen

(volet de triptyque, musée de Bruxelles), de Lucas Cranach (musées de Berlin et de Dresde), de Lambert van Noort (inusée d’Anvers), de Paul Troger (musée du Belvédère, à Vienne), d’Ad. van der Werf (musée de Munich), de Bart. Beham (chapelle de Saint-Maurice, à Nuremberg), de Bart. Zeitblom (collège Hassler, à Ulra), de Hans Burgkmair (galerie d’Augsbourg), de Holbein (musée de Bàle), de Théodore Chassériau (Salon de 1844), de M. de Rudder (Salon de ISS3), etc. ; — diverses estampes d’Albert Durer, de Giulio Carpioni, de Bonasone, d’après le Titien ; de Cherubino Alberti, d’après le Rosso ; de J. Audran, d’après le Dominiquin ; de Ch. Audran, d’après Claudine Stella ; de Bartsch, d’après Carie Maratte ; de P. van der Banck, d’après Séb. Bourdon, etc.

Christ sur le mont des Olivier» (LE), tableau de Raphaël ; collection de M. Fùller Maitland, à Stanstead (Sussex). Au premier plan, les apôtres saint Jean, saint Pierre et saint Jacques sont plongés dans le sommeil ; ils sont adossés tous trois à un tertre sur lequel Jésus est agenouillé, les mains jointes, les regards levés douloureusement vers le ciel où se montre un petit ange apportant le calice d’amertume. À quelque distance, vers la droite, Judas s’avance avec six hommes armés. Au fond s’élèvent des collines plantées d’arbres et une ville. Sur les ornements d’or à demi effacés du vêtement de saint Pierre, on lit les lettres R. V. initiales du nom de l’ar CHRI

tiste. Ce tableau, qui n’a pas plus de 2 pieds 3 pouces et demi de large sur l pied 7 pouces et demi de haut, est exécuté avec un fini extraordinaire. « On y trouve encore tout le

sentiment profond et naïf du Pérngin, dit M. Bûrger, mais avec un certain affranchissement des traditions ombriennes et la recherche de nouvelles combinaisons dans les lignes du dessin et le mouvementdes-figures... Le Christ a une robe rouge et un grand manteau bleu, simplement et savamment drapés... On vante avec raison les difficiles raccourcis des apôtres couchés au premier plan dans des attitudes variées. » Vasari nous apprend que ce chef-d’œuvre fut peint pour le duc Guidubaldo d’Urbin et qu’il fut donné plus tard par la duchesse Leonora, épouse du duc Francesco-Maria, au couvent des Camaldulesd’Urbin où il se trouvait encore à la fin du xvie siècle. Il devint ensuite la propriété de la famille Gabrielli de Gubbio qui le transporta’ dans son palais de Rome. Cédé, en 1844, par le prince Gabrielli à, un marchand anglais, moyennant 4,000 écus romains, il fut payé 7S7 livres sterling 10 schellings, par M. Fùller Maitland à la vente W. Coningham, en 1849. Il a été gravé par L. Gruner, dans l’édition allemande de l’ouvrage de M, Passavant sur Raphaël, et a figuré à l’exposition de Manchester, en 1S57.

À cette même exposition parut un petit panneau de 8 pouces sur 7, peint par Raphaël et représentant le même sujet : cette peinture, d’un caractère très-sévère, très-mélancolique, faisait partie primitivement d’un tableau d’autel exécuté en 1505 pour les religieuses de Saint-Antoine, à Pérouse ; elle a figuré dans la galerie du duc d’Orléans et dans la collection de Samuel Rogers, et appartient aujourd’hui à MUe Burdetl CouttS.

Christ an jardin des Oliviers (LE), tableau

du Guide ; musée du Louvre. Le Christ, à genoux sur un rocher et les mains jointes, lève les yeux au ciel. Auprès de lui, un ange, porté sur un nuage, tient la croix de la main gauche et lui présente le calice de la main droite. Au-dessus de la tête du Christ, d’autres anges apportent les instruments de la Passion. Dans le fond, à droite, on voit les apôtres endormis, et, plus loin encore, Judas conduisant les soldats. Ce tableau est peint dans la seconde manière di, Guide, plus claire, plus argentine, plus gracieuse que celle qu’il avait prise des Carrache, ses premiers maîtres ; la composition est fort bien entendue et le dessin d’une grande correction. Il appartenait au cardinal Mazarin. Brienne, dans ses Mémoires, dit qu’après la mort du cardinal le duc de Mazarin l’envoya en présent à duchesse de Chevreuse qui le revendit bientôt. Il a été gravé par Falk et Landon.

Christ au jardin des Oliviers (W3), par Rubens. On connaît sur ce sujet deux compositions du célèbre maître d’Anvers. La plus belle, selon nous, est celle qui a été gravée par Bolswert, avec cette épigraphe tirée de saint Matthieu (v. 26) : Tristis est anima mea usque ad mortem. Le Christ est à genoux, tourné vers la droite, te corps penché un peu en avant, les mains étendues, la tête de profil et renversée en arrière : tout, dans l’expression du visage et dans son attitude, révèle l’immense douleur qui s’est emparée de l’Homme-Dieu. Il a les yeux levés vers le ciel où lui apparaît un ange tenant à la main le calice d amertume. Au-dessus de cet ange, sur les nuages, la Vierge est assise, le cœur percé d’un glaive ; près d’elle sont liés en faisceau les instruments de la Passion ; plus à droite on aperçoit un homme et une femme qui dansent en se tenant la main, et deux gentils dont l’un élève en l’air une coupe. Ces dernières figures, au-dessus desquelles le démon plane sous la forme d’un dragon, sont de proportions très-réduites et sont légèrement indiquées, comme il convient à une apparition. Derrière le Christ s’élève un grand arbre coupé à mi-hauteur par le cadre. A gauche, au troisième plan, les disciples dorment, étendus sur le sol ; plus loin, des gens armés de bâtons sortent de Jérusalem et s’avancent vers Jésus L’estampe que Bolswert a exécutée d’après cette composition est fort belle. Dans l’autre composition, le Christ est vu de face, un peu tourné vers la gauche ; il est agenouillé et parait s’appuyer en arrière sur un rocher dont le sommet est couvert de jeunes arbres. Il étend par côté sa main gauche et appuie la droite sur son cœur, comme pour exprimer l’immense dégoût dont il est saisi, en voyant le calice d’amertume que lui présente un grand ange, debout devant lui. Celui-ci, vu de profil et vêtu d’une robe flottante, a les pieds et les épaules’nus ; de la main gauche, il élève le calice vers le ciel, et, de l’autre main posée sur sa poitrine, il semble témoigner de la douleur qu’il éprouve d’avoir à remplir sa mission. Dans le fond, on entrevoit les disciples endormis et les gens armés de bâtons. Ici, la figure du Christ est beaucoup moins belle que dans l’estampe de Bolswert ; mais l’ange a une tournure du style le plus élégant. Cette seconde composition a été gravée par R. de Bailliu et par Coget. Ce dernier qui n’a fait, croyons-nous, que reproduire en contre-partie l’estampe de Bailliu, a mis un peu plus de distance entre l’ange et le Christ, ce qui est d’uji meilleur effet. Le capitaine Baillie et Melar ont gravé aussi le même sujet d’après lîubens.

Christ arrêté au jardin des Oliviers (LE)

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ou l’Arrestation du Christ, tableau de Van Dyck ; musée royal de Madrid. La scène se passe la nuit, a la lueur des flambeaux. Judas, suivi d’une populace furieuse, donne à son maître le baiser de la trahison ; la belle tête de Jésus contraste avec les figures ignobles des gens qui se ruent sur lui. Saint Pierre irrité coupe une oreille à Malchus. Cette composition est pleine de mouvement et d’énergie. « À la première vue, dit M. Viardot, quand l’œil rencontre les effets rougeâtres des torches, on prendrait ce tableau pour un ouvrage de Jordaens ; mais il ne faut pas une longue attention pour reconnaître, dans la noblesse peut-être un peu étudiée des attitudes, dans la beauté des traits, dans la moelleuse délicatesse des touches, ’dans la modération des effets, le style et la manière de Van Dyck. Cette Prise de Jésus est une de ses plus vastes compositions et de ses plus magnifiques. Précieuse à tous les titres, même par la dimension et par la rareté, elle égale certainement les meilleures œuvres qu’ait laissées Van Dyck, soit en Flandre où il est né, soit en Angleterre où il est mort ; elle surpasse toutes celles que nous avons recueillies au Louvre. »

Christ au jardin des Oliviers (LE), estampe

de Rembrandt. Jésus-Christ est vu de face, agenouillé sur un tertre et soutenu par un bel ange. À gauche, au bas de la colline, les apôtres dorment, assis ou couchés par terre j dans le fond, du même côté, on aperçoit la porte du jardin par laquelle entrent les satellites qui viennent se saisir dé Jésus. De grands édifices assez peu distincts se détachent en vigueur sur un ciel nuageux, en partie éclairé par la lune. Quoiqu’elle soit d’une petite dimension et d’une exécution très-large, cette estampe impressionne vivement. « Est-il un peintre qui ait compris comme Rembrandt la sublimité de l’Évangile ? dit M. Charles Blanc. Quelle profondeur de sentiment ! quelle poésie dans la mise en scène de ce drame auguste, et quelle grandeur dans un si petit cadre ! La nature entière est en deuil, le ciel va se couvrir de nuées sinistres. Au loin apparaissent les murs de Jérusalem perdus dans l’ombre. La lune, au moment de se- voiler, jette les mélancolies de sa lumière sur le jardin de Gethsémanie, et tandis que ce dernier rayon éclaire la douleur du Fils da l’homme et la blanche figure de l’ange qui le soutient, on aperçoit, dans l’obscurité du fond, les soldats des sacrificateurs qui viennent, conduits par Judas, avec des armes et des flambeaux-Non, il n’est pas un peintre, même parmi les plus grands, qui ait lu l’Évangile comme Rembrandt l’a su lire. Lui seul a vu le côté humain des Écritures, et ce côté humain est vraiment d’une beauté divine. » Cette pièce est signée : Rembrandt f., 165.... On n’en connaît qu’un seul état.

Christ au jardin des Oliviers (le), tableau

de Mantegna ; galerie Baring, à Londres. La Christ est agenouillé sur une éminence formée de pierres et de quartiers de roc. Dans le ciel, cinq auges portent les instruments de la Passion. Au premier plan, trois apôtres, dorment au bord d’un ruisseau.-À droite, au. second plan, arrivent Judus et des hommes armés. Plus loin, on voit une ville ’fortifiée d’où sortent de nombreuses figures de proportion microscopique. De grands rochers se découpent sur le ciel à. 1 horizon. Cette œuvre magistrale, qui n’a pas plus de 2 pieds et demi de large sur 2 pieds de haut, est signée : Opus Andreœ Mantegna. Des détails d’une naïveté charmante animent les premiers plans : deux hérons se tiennent gravement sur le bord du ruisseau ; trois lapins trottinent sur un sentier et un vautour est perché sur un grand arbre qui occupe, à droite, toute la hauteur du tableau. M. Bilrger pense que Raphaël avait vu cette composition de Mantegna et qu’il s’er» est inspiré en peignant son tableau de la collection de Fùller Maitland. Le Christ au jardin de la galerié Baring a fait partie de la célèbre collection du cardinal Fesch ; il a été exposé à Manchester en 1857.

Christ au jardin des Oliviers (LE), tableau

d’Eugène Delacroix ; église Saint-Paul, à Paris. Trois anges apparaissent à Jésus et viennent lui annoncer, de la part du Père, que le moment approche où il va être trahi et livré aux bourreaux ; léChrist ne peut maîtriser un sentiment de tristesse profonde : ce sentiment se reflète sur son visage ; mais, à côté de cette expression d’une douleur purement humaine, on lit la résignation sublime du Dieu qui accepte le sacrifice. Les célestes messagers ne peuvent retenir leurs larmes ; il semble qu’ils voudraient pouvoir racheter le mal qu’ils ont fait innocemment a l’auguste victime dont ils ont abreuvé le cœur d’amertume. « La coaleu de ce groupe est admirable, dit Jal (Salon de 1827) ; le mouvement en est d’une grâce et d’une naïveté touchantes... Si la palette qui a fourni à M. Delacroix la couleur de ces trois figures aériennes ne s’était pas sitôt épuisée ; si le Christ était beau comme les envoyés du Seigneur, l’ouvrage serait, en dépit de quelques incorrections, un chef-d’œuvre romantique... Le tableau de M. Delacroix est conçuet exécuté plus largement que tout ce qu’a créé jusqu’à présent cet artiste si distingué ; il produit un grand effet, il est ’d’une poésie très-étevée, il marque dans le talent de son autpur une heureuse révolution. » Après avoir figuré au Salon de 1827, cette œuvre magistrale a été reléguée au fond d’une chapelle de

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