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CHOU

naines ou un mois plus tard, suivant la crue des mauvaises herbes, on donnera un second binage, léger pour les choux pommés, mais énergique pour les choux feuillus.

On peut commencer la récolte des choux lorsque les feuilles inférieures viennent à jaunir. Les choux verts se cueillent au fur et à mesure des besoins, mais les choux pommés doivent toujours être récoltés avant l’hiver. Ces derniers se conservent mal. Il est cependant un moyen qui, sans offrir une garantie de longue durée, permet de les garder pendant un ou deux mois après la récolte.’Pour cela, dit M. Jules Rieffel, on choisit une platebande de jardin bien nivelée, adossée à un mur, et on la couvre de paille. Au fur et à mesure qu’arrivent les voitures chargées, plusieurs ouvriers arrachent toutes les feuilles extérieures bonnes et mauvaises ; ils écartent aussi toutes les têtes défectueuses, et on fait de tout cela un tas pour la consommation des bestiaux. Les plus beaux plants sont rangés avec soin, la tête renversée, la racine en l’air, par huit ou dix de file, le long de la platebande. Le tout est ensuite recouvert avec de la paille et des feuilles, que l’on consolide avec quelques piancb.es mises par-dessus. Cette couche, très-peu épaisse, est dépassée par la plupart des racines qui restent a l’air ; on cherche seulement à cacher complètement les feuilles, de manière à Les préserver de la neige et des gelées blanches. Le rendement des choux ainsi cultivés peut être évalué à 40, 000 kilogrammes par hectare.

— Anecdotes. On aurait tout lieu de croire que le maréchal de Biron préférait la guerre à la paix, si l’on jugeait de ses sentiments par le trait que voici. Son fils venait de remporter sur les ennemis un avantage qui devait terminer la guerre : « Ah ! malheureux, s’écria Biron avec une sorte d’humeur, tu vas nous envoyer planter des choux à Biron ! » (leur maison de campagne).

Un certain patriarche, nommé Athanase, disait qu’il fallait traiter le pécheur sans miséricorde, et lui faire boire jusqu’à la lie le calice de la pénitence. Or cet Athanase, conséquent dans ses principes, qu’il étendait apparemment jusqu’aux animaux, condamna un âne à avoir les yeux crevés, pour avoir porté une dent sacrilège sur les choux d’un couvent ; et ta sentence fut gravement mise à exécution.

’Un garde du corps alla un jour demander son congé aux comtes de Fougère et de la Luzerne, tous deux lieutenants généraux et commandants de ia maison du roi. n Eh quoi, monsieur, lui dirent-ils ironiquement, vous abandonnez la noble carrière des armes pour aller planter des choux ? — Oui, messieurs, répliqua le garde, et je soignerai mon jardin de iminière qu’il n’y vienne ni fougère ni

luzerne. »

+ + *

Un pauvre moine cordelier venait de prêcher devant le cardinal de Richelieu. Ce dernier lui fit compliment de son éloquence, et surtout de son assurance. ■ Monseigneur, répondit le moine, que cette assurance ne vous surprenne pas. Je savais depuis longtemps que j’aurais l’honneur de prêcher devant votre Éminence, et je m’étais exercé à parler dans un champ planté de choux, où il n’y a.vait qu’un seul chou rouge. C’est à celui-là que je m’adressais, comme je me suis adressé à vous aujourd’hui, n Une vieille chiffonnière en compagnie de son chiffonnier passait par la rue Dauphine, hantée, comme on sait, par les étudiants. La conversation allait bon train ; on parlait haut, et tous les échos pouvaient être dans le secret du dialogue conjugal. La chiffonnière surtout avait de l’expansion et le verbe sonore, A chaque instant ces mots : « Mon gros chou, » s’épanouissaient sur ses lèvres vermeilles. Un étudiant qui passait se mêla à la conversation en s’écriant : « Gros chou tant que vous voudrez, la mère, mais certainement c’est un chou… cabus. » La chiffonnière resta coite, sans doute pour la première fois de sa vie.

Après avoir acquis une popularité immense, le grand acteur anglais Garricfc s’était retiré dans une campagne aux environs de Londres, où lord Littleton alla un jour le visiter :

■ N’avez-vous jamais pensé,.lui dit-il, à vous faire élire membre du Parlement ? "

Garrick répondit en petits vers anglais, dont voici la traduction française:

Qui ? moi ? prétendre au Parlement ! Non. Ce sont mes choux seulement Qu’après ma femme j’idolâtre; Et Garrick, content de son lot, Craindrait sur ce nouveau théâtre De jouer le rôle d’un sot.

En 1578, Catherine de Médicis donnait un bal au roi de Navarre, depuis Henri IV. Un émissaire s’introduit dans le palais, s’approche du prince, et l’informe que le gouverneur de La Réole vient de livrer aux soldats de Catherine la place qu’il était chargé de défendre.

■ Bon ! » dit le Béarnais.

II sort, réunit quelques soldats, arrive au

CHOU’

petit jour devant Fleurance, qui était a la reine, et s’en empare par surprise.

Le bal se donna’t à Auûh. Lorsque Catherine apprit que son ennemi avait quitté la ville pour aller prendre Fleurance, elle se prit à rire, disant:« C’est la revanche de La Réole ; le roi de Navarre a voulu faire chou pour chou ; c’est égal, le mien est mieux pommé.

Aujourd’hui, le plus spirituel de nos chroniqueurs ou de nos vaudevillistes ne dirait pas mieux.

CHOU ou CHOUÉ s. m. (chou). Métrol. Monnaie de compte usitée en Chine, et qui vaut un dixième de cache, ou, en centimes, 0, 08.

— Arch. Nom que les Birmans donnent à leurs p.’igodes, qui ressemblent à celles de l’Inde. Ils disent plutôt choué.

— Encycl. La forme générale de ces édifices est celle d’un cône allongé dont la surface, comme celle des chapeaux chinois, est une courbe concave. On les place ordinairement dans des lieux isolés des habitations, sur une élévation. Comme c’est un acte méritoire de construire une pagode, le nombre en est considérable, et dans les villes on les groupe presque toutes dans le voisinage de celles qui sontle plus renommées pour leur sainteté. Leur hauteur varie depuis 5 mètres jusqu’aux dimensions les plus gigantesques. Elles sont toutes surmontées d’une couronne en fer forgé ou fondu, souvent dorée, qui est découpée à jour et entourée de clochettes résonnant au moindre vent. La plus grande de ces pagodes est le choué Uagon, à Rangoun ; sa nauteur est d’environ 135mètres ; c’est l’édifice le plus élevé de toute l’Asie. La base de la pagode est octogone, et l’édifice s’élève sous cette forme à peu près jusqu’au tiers de sa hauteur. Cette pyramide tronquée se termine par une sorte cie corniche qui a peu de saillie, et qui est couverte de sculptures en relief; elle se prolonge ensuite dans les airs en cône renflé d’abord et puis évidé gracieusement jusqu’à son sommet. Sa couronne, en or massif, diton, est un réseau dentelé, qui n’a pas moins de 5 mètres de diamètre. Toute sa surface est dorée et entretenue avec le plus grand soin. Cette pagode est naturellement l’objet de la vénération universelle, et la tradition dit qu’elle contient une relique précieuse des cheveux de Godama, le Gautama indien.


CHOU interj. (chou). Chass. Cri usité pour exciter les chiens : Chou ! Mêdor, chou ! || On dit aussi chou-là et chou-pille.


CHOUAN s. m. (chou-an — de chat-huant, ou de Chouan, n. propre). Hist. Nom donné aux Vendéens qui prirent les armes contre la République française, en 1793, et plus tard contre le gouvernement de Louis-Philippe, après 1830. On ignore l’origine de ce nom : les uns le font venir de Jean Chouan, l’un des chefs de ces bandes, les autres y voient une allusion à l’habitude qu’elles avaient contractée de ne se montrer guère que la nuit, comme les chats-huants, et alors chouan serait une corruption de chat-huant. Il est à remarquer d’ailleurs que les chouans imitaient le cri de la chouette pour se reconnaître entre eux ou se prévenir de la présence des bleus : C’était dans le centre de la Bretagne et vers la Normandie que s’étaient réfugiés tous les chouans. (Thiers.) Les chouans sont restés comme un mémorable exemple du danger de remuer les masses peu civilisées d’un pays. (Balz.) || Nom injurieux que les libéraux et les républicains donnent quelquefois aux partisans des Bourbons de la branche aînée ; le plus souvent, mot qui est simplement une injure.

— Ornith. Nom vulgaire du moyen duc.

— Bot. Graine du Levant, qui ressemble au sémen-contra.

— Encycl. V. CHOUANNERIE.

Chouans (le dernier des), roman par H. de Balzac. V. Scènes de la vie militaire.


CHOUAN (les frères). V. chouannerie et COTTEREAU.


CHOUANISME s. m. (chou-a-ni-sme). Par dénigr. Parti politique des chouans, royalisme. || Peu usité.


CHOUANNE s. f. (chou-a-ne). Hist. Femme faisant partie des bandes royalistes des chouans : Elle se déguisa en héroïne et se fit chouanne. (P. Féval.) || Peu usité.


CHOUANNER v. n. ou intr. (chou-a-né — rad. chouan). Faire la guerre des chouans ; se rallier à la chouannerie : Je ne vais pas en Vendée pour donner des bals, je vais chouanneh. (Ch. de Bernard.) Ce chevalier avait un peu guerroyé dans la Vendée et quelque peu chouanné. (Balz.)

— Rem. Cette expression était fort employée, à l’époque des guerres civiles de l’Ouest, pour désigner une guerre d’embuscades, de coups de main, de surprises et de brigandages. Naturellement, les royalistes prenaient ce mot en bonne part, comme le prouve la citation suivante, extraite des mémoires de Puisaye : « Cette expression chouanner est devenue un mot français, dont la lâcheté a voulu faire un terme de mépris et dont le courage et la vertu ont fait un terme d’honneur. Se soumettre à toutes les fatigues, braver tous les dangers, affronter tous les tourments et tous les genres de mort, uniquement par principe de religion et de fidélité… voilà la signification du mot CHOUANNER. »


CHOUANNERIE s. f. (chou‑a‑ne‑ri ‑ rad. chouanner). Hist. Insurrection, guerre des chouans : Aujourd’hui encore, il y en a qui regardent la CHOUANNERIE comme une guerre héroïque ainsi que toutes les guerres de fanatiques. || Bandes de chouans. || Nom que, par dénigrement, les écrivains libéraux donnaient au parti royaliste.

Encycl. La chouannerie fut une insurrection, ou plutôt une longue série d’insurrections royalistes, qui précédèrent la guerre de Vendée proprement dite et qui se perpétuèrent jusque sous le consulat. Elles eurent pour théâtre le bas Maine, une partie de l’Anjou et s’étendirent dans presque toute la Bretagne, en Normandie et même jusqu’en Touraine. C’était une petite Vendée en quelque sorte permanente, dont l’histoire est assez confuse, parce qu’elle ne se compose guère que d’une multitude d’actions particulières ou de brigandages, et qu’à de certains moments elle se confondait avec la guerre vendéenne. Nous essayerons cependant d’en esquisser les principales péripéties.

C’est le département de la Mayenne qui fut le berceau de la chouannerie ; ce pays était aussi favorable que la Vendée à ce genre de guerre ; sillonné d’une infinité de ruisseaux et de torrents, très‑boisé, parsemé de coteaux, morcelé à l’infini, coupé de haies impénétrables que bordaient des fossés profonds, il formait un véritable labyrinthe et offrait les plus grandes facilités pour résister à des forces supérieures. La population était rude et même farouche. Les femmes, tenues dans une dépendance presque servile, ne jouèrent aucun rôle dans la révolte, et ne ressemblaient en aucune manière à ces hardies Vendéennes, fanatiques et aventureuses, qui poussaient leurs maris dans la guerre civile, et souvent les accompagnaient ; en un mot, et pour employer une expression du temps, il n’y eut pas de brigandes dans la chouannerie. Le pays était rempli d’un grand nombre de faux‑sauniers ou contrebandiers, qui approvisionnaient les campagnes de sel acheté en Bretagne (pays de franchise, non soumis à la gabelle); ces hardis fraudeurs étaient naturellement fort populaires et trouvaient partout assistance et protection. Chose singulière au premier abord, ce sont ces hommes dont la vie n’était qu’une lutte continuelle contre les gens du roi et l’ordre légal de l’ancien régime, qui les envoyait aux galères et les pendait, qui se soulevèrent les premiers au nom du roi et de la religion. Au fond, rien de plus simple : l’abolition des gabelles avait supprimé leur profession. Comme les nobles, ils avaient en quelque manière perdu leurs priviléges, et l’affranchissement de la France les ruinait, ou du moins les obligeait à un travail régulier.

La guerre du bas Maine ou chouannerie comprend trois grandes périodes : la première commence en 1792 et reste distincte jusqu’au passage des Vendéens dans le pays ; la deuxième date de 1794, peu de temps après la destruction de la grande armée vendéenne, et se prolonge jusqu’à la pacification de 1796 ; enfin la dernière s’étend de 1799 à 1800.

On sait que, dès le commencement de la Révolution, les nobles et les prêtres travaillèrent à fomenter la guerre civile et à fanatiser la partie ignorante de la population. Le marquis de la Rouarie, notamment, avait organisé en Bretagne une vaste conspiration qui se ramifiait dans les contrées adjacentes, qui échoua cependant, mais dont les éléments restèrent à peu près intacts.

En août 1792, à la suite d’un tumulte qui eut lieu dans un village du bas Maine à l’occasion de la levée des volontaires, les paysans du canton prirent les armes. Ces premiers insurgés, presque tous faux‑sauniers et d’autant plus facilement remués par les agents royalistes et par les prêtres réfractaires, ne formaient que quelques bandes irrégulières ; coiffés de ce bonnet de laine que la Révolution avait emprunté au paysan pour en faire le bonnet de la liberté, avec leurs longs cheveux plats, leur casaque de peau de chèvre et leur mine farouche, ils semblaient une cohue de barbares ; les uns avaient des fusils, d’autres n’étaient armés que d’un long bâton nommé ferte dans le pays, et dont l’usage habituel était de servir d’appui pour franchir les haies et les fossés qu’on rencontre à chaque pas. Les contrebandiers en avaient d’ailleurs fait une arme redoutable. Ces premiers rassemblements étaient commandés par Jean Cottereau, surnommé Jean Chouan, qui avait eu de nombreux démêlés avec la justice.

Il y a quelques divergences, peu importantes d’ailleurs, sur l’origine de ce surnom, qui appartenait aux quatre frères Cottereau ; mais, en résumé, voici la version généralement admise. Ces Cottereau formaient une sorte de tribu de contrebandiers, et dans leurs incursions nocturnes, dans leurs courses aventureuses à travers les bois, ils avaient pris pour signe de ralliement le cri du chat‑huant, qui n’éveillait pas la vigilance des gabeleurs ou employés de la gabelle. Le nom leur en resta, prononcé à la manière des paysans du Maine. Ces agiles faux‑sauniers ne furent plus dès lors désignés que sous le nom de chouans, et, quand éclata l’insurrection, ce nom fut naturellement appliqué aux compagnons qui se rangèrent autour d’eux ; car, dès l’origine, ce sont des membres de cette famille qu’on trouve à la tête du mouvement, dont le prince de Talmont prit plus tard la haute direction.

Ces bandes indisciplinées et féroces débutèrent par l’assassinat du juge de paix de Loiron et d’autres patriotes, et vécurent nécessairement de pillages. Après divers petits combats contre des détachements de bleus, elles furent en partie dispersées, et trouvèrent un asile dans le bois de Misdon, près de Laval. Les chouans se firent là des tanières recouvertes de broussailles et de feuilles, et vécurent ainsi pendant six mois d’incursions rapides et de coups de main. Dans l’intervalle éclata l’insurrection vendéenne, et la même cause qui l’avait provoquée, la réquisition, renforça successivement la troupe des chouans de tous les jeunes gens qui refusaient d’aller défendre la patrie en danger. Quand l’armée vendéenne vint dans le bas Maine, les chouans la joignirent à Laval et partagèrent ses destinées jusqu’au grand désastre de Savenay, qui anéantit l’armée catholique et royale.

La seconde époque de la guerre des chouans ne commença pas immédiatement après la défaite des Vendéens au Mans et à Savenay. La terreur s’était répandue dans le bas Maine, et les fugitifs qui avaient échappé se tenaient cachés dans leurs forêts. Cependant Charette se maintenait encore dans le bas Poitou, et bientôt Jean Chouan reprit aussi les armes dans la Mayenne, au commencement de 1794, pendant que d’autres chouanneries s’organisaient dans la Bretagne, sous la direction de Puisaye et avec les secours de l’Angleterre. Toutes ces bandes étaient d’ailleurs commandées par des chefs particuliers et n’agissaient que rarement de concert. Le plus souvent, la discorde était entre les chefs, qui avaient chacun leur territoire et agissaient en tout comme de petits souverains absolus, frappant des contributions, soit en argent soit en bestiaux, grains, etc. : c’était la féodalité du brigandage. Ainsi, rien que le bas Maine, dans cette seconde époque, se trouva divisé en six territoires. Les insurgés étaient alors mieux organisés, mieux entretenus, et, comme les routiers du moyen âge, vivaient du paysan, dévoraient la contrée, pillaient, violaient, égorgeaient, toujours au nom de Sa Majesté Très‑Chrétienne et de notre sainte mère l’Église, à peu près comme le faisaient encore dernièrement les brigands du sud de l’Italie. Ils étaient confortablement vêtus d’une veste grise à basque avec parements de couleur, et coiffés d’un chapeau à larges bords orné de rubans blancs sur lesquels étaient inscrites des devises pieuses ou royalistes. Les chefs avaient le tricorne et le plumet blanc, des épaulettes, enfin un gilet rouge, marque de haute distinction parmi ces bandits, dont le plus grand nombre portait le cœur de Jésus au bras ou sur la poitrine. Aux paysans et aux contrebandiers qui avaient formé le premier noyau s’étaient joints des Vendéens fugitifs, des aventuriers et des intrigants de toutes les conditions : nobles, émigrés rentrés, prêtres rebelles, etc. Toutefois le fond se composait principalement des demi-sauvages sortis des bois et des landes de la Mayenne. Comme les Peaux‑Rouges de l’Amérique, ils portaient des surnoms, tels que Sabre‑Tout, Sans‑Quartier, Vif-argent, Brise‑Bleu, Chasse‑Bleu, le Vengeur, etc. Un de leurs chefs les plus renommés, Jean Treton, n’était connu des siens que sous le nom de Jambe‑d’argent. C’était un ancien mendiant, estropié, et qui était ainsi désigné on ne sait trop pourquoi, peut‑être parce que sa jambe malade l’avait toujours fait vivre. Un autre chef du bas Maine était ce Cottereau, à moitié frénétique, toujours gorgé de liqueurs fortes, et dont la férocité épouvantait jusqu’à ses compagnons.

Cette guerre, comme nous l’avons dit, est marquée d’une infinité d’épisodes dont la plupart n’ont pas une grande importance militaire et dont le détail, difficile à suivre, n’offrirait guère que de fastidieuses répétitions. Les principales affaires sont celles du Bourg‑Neuf, de la Baconnière, de Launay‑Villiers, de la Forge‑de‑fort-Brillet, de Châtillon‑sur‑Sèvre, des bois de la Chapelle.

Jean Chouan, dont le centre d’opération et le refuge était toujours le bois de Misdon, fut blessé à mort dans un combat contre les bleus et expira peu d’heures après. Deux autres de ses frères et plusieurs de ses parents furent également tués pendant cette guerre. Mais il restait bien d’autres chefs en armes, et, entre autres, Jambe‑d’argent, Mousqueton, de Scepeaux, La Merozière, dit Jacques, le Grand-Francœur, Coquereau, de Turpin, et, plus tard, de Frotté, Dandigné, de Bourmont, de Rochecotte, Lechandelier, Taillefer, Gaulier dit Grand‑Pierre, Dauphin le Vengeur, Saint-Paul, chef du camp de la Vache‑Noire, et en Bretagne, de Puisaye, Cormatin, Cadoudal, Boishardy, et bien d’autres encore.

Le 18 avril 1795, Cormatin avait signé avec les républicains le traité de pacification de la Prévalaye, se flattant d’entraîner la Bretagne, la Normandie, l’Anjou et le Maine ; mais un petit nombre de chefs seulement consentirent à déposer les armes. Cormatin réunit encore quelques‑uns des dissidents et parvint à leur faire signer une sorte de règlement qu’on voulut bien nommer la pacification de la Mabilais, et qui en réalité ne pacifia rien. Hoche commandait alors dans l’Ouest et s’efforçait, par un mélange d’énergie et de douceur, de ramener la paix dans ces malheureuses contrées ; mais ceux d’entre les chefs royalistes qui avaient juré de désarmer ne songeaient