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! ARCHIVES TRAGI-COMIQUK8 DE TA tIGNE

DE LY0.N.

Des retards quotidiens ont lieu aux stations qui avoisinent Paris. On sait qu’un grand nombre de commerçants et d’employés quittant la Capitale chaque soir, pour se trouver | le lendemain matin, à heure fixe, à leurs affaires ou dans leurs bureaux. On voit combien ces retardsspeuvent être dommageables. Sur certaines lignes, ils se renouvellent presque quotidiennement, — c’est en cela surtout

! que la Compagnie observe une régularité qui

j est rarement en défaut, — et souvent il arrive j q^ue les voyageurs se morfondent encore sur , 1 asphalte de la station, à l’heure où ils de-1 vràient être fleurs maisons de Paris. Un registre destiné’à recevoir les plaintes estdé- ; posé dans toutes les gares — c’est une justice qu’il faut rendre aux chemins de fer — et la plupart sont lardés d’imprécations qui feraient pâlir celles de Camille, de lamentafesns qui laissent loin derrière elles celtes de feu. jérémie ; , mais ces plaintes ne sont point suivies, d’effet Une fois sur cent. L’administration se contente, le plus souvent, de répondre : • Vous I avez un registre pour vous plaindre ; alors de L quoi vous plaignez-vous ? »

Cela tourne vraiment au comique, et, puisque nous avons prononcé ce mot, donnons

quelques exemples de ia chose. Un matin, à

la gare de Montgeron, le train venant de Slonteieau n’était encore en retard que de cinquante-neuf minutes. Soudain, un sifflement se fait entendre, et des Ah ! ah ! de joie retentissent comme à certains levers de rideau après une attente de deux heures. On bénissait la ligne de cette faveur inouïe d’une minute, car on avait fini par s’accoutumer au regard en quelque sorte réglementaire d’un tour complet du cadran. Mais, ouich 1 le sifflement annonçait le passage d’un train ex-J. press ; C’était un nouveau retard d’une demiheure au moins. On buvait ia coupe jusqu’à la lie. Cette fois, on perdit patience, et une plainte fortement accentuée émailla bientôt le fameux registre. Le retard continuait ; survint un poëte, qui lança le quatrain suivant :

1 Passons du sévère au plaisant,

j Suivant le précepte d’Horace ;

Allons, mon vers, donnons-nous-en. Car cette ligne jn’aga-gaee.

Ajoutons, pour une complète compréhension de ta chose, que ce retard n’était que le cinquième de la semaine... qui n’était par encore finie, et notre poëte continua par ce distiquerébus :

Cinq refards en six jours ! Tu nous bernes, je crois, Quand tu seras a dix, osas ferons une. T.

I.ë retard continuait à croître et à embellir. Un second poëte surgit, qui griffonna ce vers sons le signe de la rédemption :

lï ne sait pas s^ner son nom. Et le poète au quatrain de répondre en écho :

; ’ Non.

I Puis un troisième nourrisson des Muses ; j II en parait tout réjoui. ■

1 Et le poste de la première heure, qui tenait à avoir le dernier mot :

Oui ! Eh bien, le registre de la station de Montgeron peut se vanter da posséder cet autographe ; et, plus tard, quand nos arrière-neveux liront ces rimes saccadées et fébriles dans quelque vieille bibliothèque impériale, royale on... nationale, alors que tous les chemins de fer seront soumis au régime coopératif, ils riront à leur tour, nos arrière-neveux, des tribulations de messieurs leurs pères.

Quant à l’administration du chemin de fer de , Lyon, elle en a ri... jaune, ce qui ne l’a pas | empêchée de maintenir ses retards à l’ordre du J jour.

} - Qu’est-ce que tout cela prouve ? une chose d’es plus graves : que la ligne de Lyon, quand [ elle-a dressé son tableau des heures, n’a pas

su prévair que la circulation des express entraverait

quotidiennement la marche des trains ordinaires ; et c’est à cette imprévoyante que nous confions journellement nos vies,

colle de nos femmes et de nos enfants 111

j Chapitre des anecdotes.

| Une bonne femme se présente au guichet

; d’un chemin de fer, et demande un billet de

I troisième classe. « Pour quel endroit, lui dit ■ l’employé ?’— Vous êtes ben curieux, » répond-I elle»

• Une autre, trouvant trop élevé le prix de

; Sa place, dit- : « Je vais ailleurs. Il y a bien

J d’autres chemins de fer à Paris. Je payerai sans

;. doute meilleur marché. «
! * ’
; Au temps où te grand théâtre do la rive

fauche ne brillait guère que par son abandon, un plaisant proposa d’ouvrir une ligne de ’ chemin de fer de Paris à l’Odéon, avec embranchement sur Bobino.

■* ’ * *

Un vieux troupier, s’apercevant que sa pipe incommodait une dame, lui dit : ■ On ne fume donc pas dans votre régiment, la petite mère ? — Dans mon régiment, répond-elle, c’est possible î mais dans ma compagnie, jamais, »

IB.

CBEM

Un militaire s’arrête devant un guichet de chemin de fer pour, prendre son billet : « Où aile ?-vous, militaire ? lui demande le receveur.— Bourges en Berri, sans vous offenser, — Quelle classe ? — Classe de 1861. «

Un voyageur entre dans un compartiment déjà occupé, et se met à allumer un cigare. « Mais, monsieur, dit^ine dame, il y a un cornpartiment spécial pour les fumeurs. — C’est vrai, madame ; mais la fumée des autres m’incommode. »

Un employé, faisant le contrôle des billets dans une voiture de première classe, reçoit d’une villageoise un billet de troisième. «Mais c’est un billet de troisième que vous avez, lui dit-il. — Je sais ben, mon bon monsieur ; aussi j’ai compté les voitures : une, deux, trois ; et je suis entrée dans la troisième. »

  • »

Voici une charge du 'Charivari, quelque temps après la fameuse affaire Jud. Une dame se présente pour monter en voiture, mais, voyant dans le fond du compartiment un homme seul dont l’aspect lui inspire quelque crainte, elle fait mine de se retirer.» Oh ! madame, dit l’employé qili te’nail la portière, vous pouvez monter sans danger ; nous avons ici des compartiments spéciaux pour les assassins..., comme pour les fumeurs, »

  • »

Une jeune dame, àonï tout l’extérieur annonçait l’extrême distinction, monta dans un ■wagon de première classe, où quelques fashionables avaient pris place. Un d’eux allumait déjà un cigare. Déconcerté un moment à l’aspect de la nouvelle venue, il s’arma de courage et lui dit : « Madame, est-ce que l’od eur du cigare vous incommode V — Je ne sais pas, monsieur, répondit la dame avec une simplicité digne, on n’a jamais fumé devant moi. î

Un religieux, de manières distinguées, et paraissant occuper une position élevée dans son ordre, se trouvait dans un -wagon en compagnie de jeunes gens, qui se mirent à fumer sans adresser la question préalable. Quelques instants après, le pieux personnage" tira son chapelet, et, s’adressantà ces étourdis : ■J’espère, messieurs, que cela ne vous incommode pas. » La leçon fut comprise, et les jeunes gens se disposaient à éteindre leurs cigares, quaud l’autorisation leur fut gracieusement accordée.

Un employé de chemin de fer, chargé de rédiger le rapport d’usage sur un accident, s’exprimait ainsi : » M. X..., de tel pays, un bras c=*., «é ; M. B., de telle ville, graves contusions à la poitrine ; M. M., commis voyageur, une jambe fracturée ; M. P.^négociant, nombreuses blessures à la tête : on espère cependant que l’amputation ne sera pas jugée nécessaire..»

Unéautrefois, le même employé, envoyant

s6n rapport, le terminait par cet épiphonème

digne de Calino : « Cinq tués, onze blessés, huit

précipités dans là rivière. À part cela, aucun

accident à déplorer. ■

Vous avez vu, sur la vole ferrée poussant les wagons, sur le quai roulant de petits véhicules chargés de bagages, un peuple d’employés en bourgerons de toile bleue maintenus aux flancs par une large ceinture : c’est l’équipe. Ces hommes risquent à toute heure de se faire écraser par une locomotive dans un moment de distraction ; il s’en trouve parfois d’aplatis entre deux tampons. On cite un assez curieux rapport a ce sujet : « Le nommé X..., homme d’équipe à la gare de Z..., se trouvant pris de boisson, l’as été entre deux tampons et est mort sur le coup ; du reste, il était contumier du fait, et pareil accident lui était déjà arrivé l’année dernière. •

4

Une indigène du quartier Bréda à laquelle était venue un jour l’idée singulière de s’attifer en grande dame du meilleur monde, pénétra en cet attirail dans un -wagon de première. Elle se trouva bientôt en compagnie d’un essaim de jeunes gens qui appartenaient à la même société. Ils se regardaient tous d’un air assez embarrassé, aucsin d’eux n’osant adresser la question d’usage à l’inconnue. Celle-ci, comme honteuse de son accoutrement d’emprunt, tire prestement un panatellas de son sac : «Messieurs, dit-elle d’un petit ton ironique, la fumée du cigare vous încommode-t-elle ?» Inutile d’ajouter que huit cigares lancèrent bientôt des torrents de fumée à faire honte à ceux que vomissait la cheminée de la locomotive.

  • *

Un Français se trouvait dans l’express du Havre en compagnie d’un Anglais et d’une Anglaise. Il s’adresse à cette dernière : « Madame, me permettez-vous un cigare ?» Milady reste muette ; mais milord répond brusquement en roulant des yeux de bulldog : t No ! no.’ votre finmée importunait Médême. » Le Français remet mélancoliquement son havane dans son étui et prend le parti de s’endormir. Quelques minutes après, une affreuse odeur de tabac le saisit au nez et à la gorge... Le gentleman est occupé à pantalonner nue pipe

ÇHEM

monstre ! «Ah ! ça, mais, s’écrie notre compatriote, qu’est-ce que vous me chantiez tout a l’heure que la fumée incommodait médéme ?

Àohl yest votre fiumëe à.uo, mais pas fiumée à moa, puisque c’était mon épouse. »

Si les dames détestent en ehemin de fer la fumée de eigare, il y a, sur ce fait, beaucoup, ou plutôt très-peu d’hommes qui sont femmes. Toutefois, en voici un. Il se trouvait en wagon de première, en compagnie d’un lion à tous crins. Celui-ci, tire on londrès ; mais, avant de l’allumer, il demande a son compagnon si la fumée du cigare l’incommode. « Horriblement, répond le bonnetier retiré. » Sans plus répliquer, le jeune lion, qui était de bonne compagnie, remet son cigare dans sa poche. Quelques minutes après, notre bonnetier s’apprête a puiser amplement dans une superbe tabatière en écaille. «Un instant, s’écrie vivement le jeune homme ; l’odeur, la vue même du tabac a priser me donne sur les nerfs. » À ces mots, prononcés sur un ton qui n’admettait pas de réplique, notre bonnetier dut remettre à son tour sa tabatière dans sa poche.

, Un bravé Breton, sans doute le Calino de son village, était venu k Paris pour admirer l’Exposition. Un séjour de trois, semaines dans la capitale avait légèrement embrouillé ses idées. Le jour fixé pour le départ, il brosse son chapeau à larges bords, prend sa canne, ou plutôt son bâton, et se dirige vers la gare de l’Ouest. Arrivé sur la place de l’Odéon, il aperçoit une queue formidable et prend le théâtre pour l’embarcadère. Il se présente hardiment au guichet et demande : « une seconde,

— Voilà, monsieur. » Il arrive au contrôle : « Passez k droite, et montez. • Il monte, on le fait asseoira la galerie ; il écoute, regarde, et, s’adressantà son voisin : « Ah ! monsieur, je ne m’attendais pas à voir tant de Bretons que ça à Paris. ■ Naturellement, le voisin na comprît rien à cette exclamation. Enfin, il tire sa montre, puis s’écrie : « C’est très-gentil, mais c’est pas tout ça : à quelle heure que part le train ? >

4 *

Une denu^douzaine de cocottes s’en allant à Versailles, avaient pris place dans un wwgon de première, où se trouvait un jeune homme habillé à la dernière mode. On s’installe sans se gêner, et voilà notre dandy enveloppé de Crinolines ; jusque-là, tout allait bien ; on babillait, et il est facile de deviner que la conversation ne rappelait en rien des ex-pensionnaires du couvent des Oiseaux. L’une d’elles tire un cigare, chacune de ses compagnes l’unit ?, les allumettes crépitent* et la mine chiffonnée de chaque déesse est bientôt enveloppée d’un nuage de fumée. Tout à coup.le jeune homme leur dit d’une voix impérative : «Désole, mesdames, mais la fumée du cigare me donne d’effroyables nausées. » Ces demoiselles, tout interloquées, chuchotent à voix basse, mais les cigares sont éteints. On s’étonnait ironiquement qu’un estomac de poulet fût enfermé dans un corps qui aurait rendu jaloux Apollon, et l’on soupçonnait là-dessous quelque méchante espièglerie. Les soupçons ne tardèrent pas à se continuer : notre voyageur descendit à la station de Suresnes, et, tandis que toutes les têtes s’épanouissaient rieuses a la portière, l’estomac de poulet tirait un superbe havane^ et l’allumait triomphalement au nez — nous., ne pouvons pas dire à la barbe — de ses pétulantes voisines.

« • Voici une anecdote un peu décolletée, mais elle a pour paravent la princesse de B, et, ma foi, nous la risquons, telle qu’elle-même n’a pas craint de la raconter le soir même dans un des salons du noble faubourg. « Je me rendais, dit-elle, à Orléans, et j’occupais une place dans le coupé. Un jeune homme et une jeune fille m’y avaient précédée, et mon entrée parut les contrarier beaucoup ; l’amour leur sortait par les yeux. Je me blottis discrètement dans un coin, et résolus de simuler le plus profond sommeil. Cela durait depuis quelque temps, quand entr’ouvrant légèrement les yeux, j’aperçus le jeune homme dire quelques mots à l oreille de sa compagne, qui fit un signe d’approbation et lui passa un mouchoir de la plus fine batiste ; puis je lavis s’approcher de moi, tenant à la main le mouchoir qu’il venait de rouler en forme de bandeau. Soudain je pensai aux étrangleurs de Londres, et je poussai un cri comme si je m’étais vue à ma dernière heure. • Ohl mille pardons, s’écria te ravisseur — car c’en était un — voici, madame, le cas pressant où je me trouve : j’enlève mademoiselle, et, grftce au télégraphe, ses parents nous feront certainement arrêter k la station d’Etampes. Nous y arriverons dans dix minutes ; mais, d’ici là, il faut absolument que mademoiselle soit ma femme. Vous comprenez, madame, que je n’ai pas une minute à perdre. — Je fis signe que oui, et je me mis à la portière. »

».

Une dame avait acheté à Bruxelles pour 25,000 fr. de dentelles qu’elle voulait passer en fraude. À cet effet, elle fit coudre ses précieux chiffons dans la doublure de sa robe ; puis elle partit bien confiante dans le résultat de sa ruse. Mais les femmes, disent les mauvaises langues, ne peuvent garder un secret. Si bien qu’en route celle-ci raconta son histoire

CHEM

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à un fort aimable jeune homme qui se trouvait dans le même compartiment. Ce monsieur la.

if )partiment. Ce monsieur la. rassura complètement sur ses craintes au sujet de la visite des ’douaniers à la frontière, La dame, reconnaissante et pleine de coniiance, accepta même p bras du voyageur inconnu

fiour passer devant les terribles inquisiteurs ; orsque, à ce moment, le monsieur s’adressaiit au cher des douaniers : « Je vous signale madame, fouillez-la ; vous trouverez dans la doublure de sa robe pour 25,0<M) fr. de dentelles ! » À cette foudroyante dénonciation, la dame suffoquée ne âut que répondre. EUe se laissa emmener, subit la visite et la saisie de ses pauvres dentelles, pendant que le monsieur tort aimable remontait triomphant en wagon, salué jusqu’à terre par toute l’escouade des douaniers reconnaissants. Quand la dame dévalisée reprit sa place dans le wagon, elle se trouva encore vis-à-vis du traître. Elle lui lança un regard terrible de mépris et de haine. L’étranger se mit à lui sourire effrontément, et, le train s’étant remis en marche, il dit à la victime d’un ton de regret affectueux : « Mon Dieu, madame, je vous demande bien pardon, si j’ai agi de la sorte envers vous ; ma conduite doit vous paraître atroce et indigne d’un galant homme. Veuillez m’écouter, et vous conviendrez que je n’avais guère le choix de meilleurs moyens. On vous a saisi pour 25,000 fr. de marchandises, permettez-moi tout d’abord de vous offrir, madame, ces 30,000 fr. en excellents billets de banque. « La dame, de plus en plus étonnée, était devenue muette de surprise et n’osait prendre l’offre an sérieux. Le monsieur poursuivit : « VoicHe fait : En même temps que vous, je passe en contrebande pour 300,000 fr. de Malines et de points d’Angleterre ; pour détourner l’attention des douaniers, je n’ai rien trouvé de mieux que de vous dénoncer avec l’air d’autorité que vous m’avez vu prendre. J’ai réussi ; on a cru que j’étais un employé supérieur- de la douane voyageant incognito, et l’on s’est abstenu de visiter, mon sac de nuit. Maintenant que le mal est réparé, m’en voulez-vous toujours ? » La dame, qui gagnait ainsi 5,000 fr.net, sourit de l’adresse du jeune commerçant, et, en arrivant à Paris, elle et

lui étaient devenus les meilleurs amis du monde.

«

  • *

La scène se passe dans la salle de la douane au débarcadère de Mouscron, en Belgique. Il est cinq heures du matin. On attend le train de Lille. Autour d’un poêle rougi, quatre douaniers belges, fumant silencieusement leurs pipes chargées de tabac, écoutent la lecture du Petit Journal, que fait à haute voix leur brigadier.

« On n’a aucune nouvelle de la femme du sieur X., qui disparut subitement un soir que, vers cinq heures, elle prit à Bruxelles une

! place de première dans le train qui allait à

Quiévrain, où elle devait passer quelques heures. Malgré les perquisitions le ? plus minutieuses, et le zèle déployé en cette circonstance, la police n’a encore obtenu aucun résultat. On croit à un crime ëpouvantaôtc. Mariée depuis quelques mois.à peine, M"1* X. était très-heureuse dans son ménage, ce qui exclut tout soupçon de suicide. Bon mari, M. X.. offre 5,000 fr. À quiconque pourra fournir un renseignement propre à mettre sur la trace du crime. »

« Bon enfant, l’mari ! s’écria aussitôt l’un des douaniers ; c’est moi, si ina femme disparaissait, que j offrirais pas tant seulement 5 sous pour qu’on m’Ia rapporte.— Plains-toi, reprit un autre douanier ; ta femme est la plus vertueuse du canton.— Vertueuse, oui, je n’dis pas...— Et d’une égalité d’humeur !...— J’crois bien : elle bougonne toute la journée.— Veuxtu changer ? — Ah ! non. — Eh bien 1 alors ! »

A ce moment un sifflet lointain se fit entendre ; un son de trompe répondit au signai-, « A vos postes, sais-tu, vous autres ! » commanda le lecteur du Petit Journal, en repliant sa feuille. Quelques instants après le train entrait en gare. Les bagages furent déchargés, visités, puis rechargés comme d’ordinaire. Seul, sur la table centrale, un colis de forme étrange, long et étroit comme un cereueildestination : Ostende — n’ayant été réclamé par aucun «/oyageur, resta, et le train partit. Le convoi suivant ne devait arriver qu à sept heures, les douaniers s’enveloppèrent dans leurs houppelandes, et s’étendirent sur le banc autour du poêle.

« Dis donc, brigadier, s’écria tout à coup l’un des douaniers, est-c’que ça n’te vous trotte pas un brin dans la tête, un’fois, sais-tu, la p’tite femme qu’est pas r’venue de Quiévrain ?—A

cause ("~

reg rait,

ca..

ton dée ? — La p’tite femme d’ia gazette donc ; et pis, c’tte caisse qu’est là sans maître, et qui ressemblé, sais-tu, corara’ toi z-et moi à due bière I... que si l’on avait là tant seul’ment un’choppe, que j’ia lîeher&is tout d’un trait, sans vous commander, un’fois, sais-tu, brigadier.., sans compter qu’il y en aurait d’ees choppes "avec les 5,000 balles de la prima, un’fois sais-tu 1 Etqu’si c’était la p’tite femme qu’elle soye dans c’te caisse... C’est nous que j laurions gagnée, un’fois sais-tu, brigadier ?-Hum !

t’es pas si bête que tu parais. »

En un clin d’œil les douaniers, même ceux qui étaient plus d’à moitié endormis, se mettent sur leurs jambes ; et les voilà qui, tous tes

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