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ftu Sœmmering, ramification des Alpes Noriques, qui sépare la vallée de la Leitha da celle de la Muhr, et dont le col a 590 m. au-dessus dé l’Adriatique. Ce sont les rampes ardues de cette montagne qu’il a fallu faire franchir an chemin de fer qui, pour mettre en communication Vienne avec Trieste, a dû monter de Gloggnitz au Sœmmering et descendre du Sœmmeruig à Murzzuschlag. La

ligne partant de Gloggnitz se déploie sur les deux versants de la vallée de Reiehnau, gravit le Gotschakogel, franchit le Sœimneiing dans un souterrain et descend à Murzzuschlag par la vallée du Frœschuitzbach. Les stations intermédiaires, à ces hautes latitudes, sont au nombre de 6 ; les maisons de cantonniers, de 57 ; le maximum des pentes est de 0 m. 025, et le minimum du rayon des courbes, de 189 m. ; ces courbes forment une longueur totale de 20,413 m. [1 a fallu établir 15 souterrains, mesurant ensemble 3,275 m., dont

tin seul est de 1,428 m., et 16 viaducs, dont

3uelques-uns ont une élévation de 45 m, auessus des rochers. Ces divers travaux ont coûté plus de 20 millions. Le point culminant de la voie ferrée est le tunnel du Sœmmering, long de 1,42g m., et qui ne se trouve qu’aune centaine de mètres au-dessous du sommet de la montagne ; pour le percement de ce souterrain, on a dû forer neuf puits, dont cinq ont été maçonnés et servent à l’aération du tunnel.

Chemin de fer du mont Cciiis. Après !e Sœmmering vient le chemin de fer du mont Cenis, qui sera la principale voie de communication entre la France et l’Italie, et pour lequel on perce en ce moment l’immense tunnel du mont Cenis, Le tunnel des Alpes, qui, lorsqu’il sera achevé, dit M. du Pays, permettra d’aller de Paris à Turin en vingt-deux heures, est improprement appelé tunnel du mont Cenis, car il en est éloigné de 27 kilom. À l’ouest ; c’est sous le col de Fréjus qu’il est percé. Il a 30 m. d’ouverture de section, et est établi dans les mêmes conditions de» largeur et de hauteur que celui de Blaiz’y, sur le chemin de fer de Paris à Lyon. Il remonte sur une longueur de 6,110 m. une pente de o m. 022 par mètre, jusqu’à)a hauteurde 1,338 m., qui est son point culminant ; de là, il descend sur une égale distance de 6,110 m., avec une pente de 0 m. 005 jusqu’à l’orifice méridional, à 1,335 m. au-dessus du niveau de la mer. La pente,

aussi faible que possible, n’a d’autre but que d’assurer l’écoulement des eaux pendant la construction. Les roches à perforer ne sont pas toutes d’une égale dureté ; c’est du côté de la France qu’elles offrent la plus grande résistance, surtout le quartzite. La première idée de cette gigantesque entreprise est due non à un ingénieur, mais à un simple habitant de Ces montagnes, mort il y a quelques années, M. Médail, du village de Bardonnèche, qui avait été frappé du peu de largeur de la chaîne dans cette partie des Alpes. Néanmoins, il fut constaté, dès le principe, que le percement d’un souterrain de 12 kilom. de longueur devrait y être fait, et que ce travail exigerait trente-six ans par les procédés ordinaires. Mais, après l’emploi de différents moyens mé- ■ eaniques proposés ou perfectionnés successivement par divers ingénieurs, un appareil nommé compresseur hydraulique, comprimant de l’air à 5 atmosphères, permit de pourvoir simultanément à la ventilation du tunnel et à la perforation du roc. Les compresseurs hydrauliques ne sont pas établis sur le même

système à Modune et h Bardonnèche. À Bardonnèche, la compression a lieu au moyen des eaux du torrent du Mélézel, dont on a dérivé un canal débitant l m. cube d’eau par demiseconde. Du côté de Modane, c’est une dérivation de l’Arc, débitant 6 m. cubes par seconde. L’air, refoulé par de puissantes machines, est-emmagasiné aux entrées du tunnel dans dix réservoirs en fer de 17 m. cubes de capacité. It est transmis au fond des galeries par une conduite en fonte que terminent plusieurs mètres de caoutchouc, revêtus d’une chemise de forte toile, lesquels distribuent l’air comprimé, soit dans les divers organes des machines perforatrices, soit dans le tunnel pour l’aérer. À chaque front d’attaque est un chariot roulant sur des rails ei portant huit machines perforatrices. Celles-ci sont mues par l’air comprimé qui fait agir horizontalement, et à l’aide de coups très-violents et très-rapides, sur 1$ roche, un énorme burin, qui a en même temps un mouvement de rota* tion sur lui-même. On perce en tout quatre-vingts trous (ayant un diamètre variable de 0 m. 4 a 0 m. 9 et une profondeur moyenne rie 0 m. 90) sur la superficie totale, qui est de 12 m. carrés. Ce travail dure six heures. Le chariot portant les machines est ensuite retiré en arrière de deux portières en chêne qui l’abritent des éclats des mines. Les trous sont nettoyés et chargés avec des cartouches préparées. L’explosion, qui a lieu successivement, et l’enlèvement des débris durent quatre heures. La galerie de 12 m. carrés étant ouverte, on procède à l’élargissement dans tous les sens jusqu’aux dimensions définitives du tunnel, qui dqit recevoir deux voies. On travaille jour et nuit ; il y a trois équipes d’ouvriers mineurs pour chaque côté. Chacune d’elles travaille huit heures consécutives. On revêt la route de maçonnerie au fur et à mesure qu’on avance. La température qui règne dans l’intérieur du souterrain est factice ; elle est échauffée par les explosions dés mines (il y en a 200 en vingt-quatre heures) et mo CHEM

difiée pal- l’air qu’on envoie en abondance de l’extérieur. Depuis l’annexion deJa Savoie, la France paye la moitié des frais. Si la durée des travaux est de vingt-cinq ans à partir du’ l«r janvier 1863, la France payera à forfait 19 millions pour sa part ; si le souterrain est fini en dix ans, elle payera 27 millions ; c’est une prime de. 8 millions donnée pour accélérer les travaux. On croit que la dépense totale s’élèvera à une quarantaine de millions. Mais comme rien n’est certain dans les prévisions humaines, comme il peut surgir des obstacles imprévus qui ralentissent les travaux, et que le mouvement commercial augmente sans cesse, de hardis ingénieurs ont eu l’idée d’établir sur la-route ordinaire du inont Cenis un chemin de fer ’provisoire qui gravit et redescend les pentes de la montagne. Pour cet usage, la grande route a été légèrement modifiée, de manière à ne pas offrir une pente de plus de 0 m. 083, et dès que la pente dépasse 0 m. 040, un troisième rail est adjoint aux autres. C’est ce troisième rail qui constitue le côté caractéristique de ce chemin de fer provisoire. Grâce à ce rail, sur lequel agissent deux paires de roues horizontales disposées sous la machine, on obtient l’adhérence la plus complète sur les pentes excessives, et la locomotive, ayant besoin de moins de poids, perd moins aussi de sa force motrice. Le chemin de fer occupe à peu près la moitié de la rpute, qui est très-large, et dont l’autre moitié reste livrée à la circulation. Une barrière de bois sépare les deux voies, La largeur entre les rails extrêmes est de 1 m. 10 ; le rail du milieu, à double champignon et sans engrenage, est de 0 m. 187 au-dessus du niveau des deux autres ; il est établi sur des coussinets en fonte placés sur une longrine fixée aux traverses ordinaires. On a pris pour rayon minimum des courbes 40 m. La longueur totale de la voie, qui va de Lanslebourg à Suse, est de 77 kilom. Pour éviter les accidents et les embarras de la voie qui

ÎPourraient être occasionnés’par les amoncelernents de neige, les passages les plus exposés aux tempêtes vont être recouverts d’une toiture de bois et de fer. Cette voie de communication a été livrée au public le 1er mars 1808. Ce chemin de fer n’est que provisoire sur le mont Cenis et doit disparaître après le percement du tunnel ; mais l’idée n’en sera pas abandonnée, il sera transporté sur les autres passages des Alpes, qui offriront dès lors de plus nombreuses facilités au commerce et aux voyageurs.

Chemin de fer des Apennins. Ce chemin de fer si important, puisqu’il va de Bologne à Florence, et qu’il met en communication l’Italie du Nord avec l’Italie centrale, est surtout remarquable par les travaux d’art qu’il a fallu exécuter pour faire franchir à la voie ferrée les Apennins sur un des points les plus élevés de la chaîne toscane. Le passage des Apennins a offert aux habiles ingénieurs qui ont dirigé les travaux une occasion nouvelle de montrer à quel degré de hardiesse on peut aujourd’hui atteindre dans les constructions de ce genre. Lorsque, dans la magnifique vallée de l’Ombrone, aux portes de f istoja, on suit de l’œil la voie ferrée qui serpente Sur le flanc de la montagne, on est effrayé de voir des trains de chemin de fer descendre ces pentes abruptes dont l’inclinaison s’exagère encore par |a perspective. La pente de la voie de Pistoja à Pracchia, c’est-à-dire jusqu’au sommet des Apennins, est constamment de o m. 025 par mètre ; les courbes à court.rayon sont très-nombreuses, et presque chaque tronçon de ce gigantesque serpent offre des tunnels, des viaducs d un travail considérable. On a eu à surmonter une foule de difficultés, car le tronçon de Bologne à Pracchia se développant tout entier dans la vallée du Reno, dont les terres sont sans cesse battues par les eaux, il a fallu presque toujours établir la voie dans le lit même du fleuve, en élevant des digues énormes protégées par des remblais et des ouvrages de défense de tout genre, aussi solidement qu’habilement construits. En outre, pour atteindre un terrain stable, on a dû traverser le fleuve plusieurs fois au moyen de ponts nombreux et pour la plupart construits en biais. Les plus remarquables de ces ponts sont ceux de Malpasso et de Casetta. Ce dernier, construit en fer suivant le système américain, a deux tabliers mesurant chacun 40 m. de longueur. De Bologne à Pracchia, il y a vingt-trois galeries, parmi lesquelles celle de Riola mesure 14,000 m., et celle de Casale 2,700 m. Une autre galerie d’égale longueur traverse l’Apennin au delà de Pracchia, puis, de là, la voie descend jusqu’à Pistoja au- moyen de vingt-trois galeries et d’ouvrages magnifiques, parmi lesquels des viaducs d’une très - grande hauteur. Ce chemin de fer si curieux et si pittoresque, puisqu’il est sans cesse dans le lit du fleuve et entre deux murailles de roc, a été livré à la circulation au commencement de 1860. Les locomotives destinées à franchir les pentes des Apennins sont munies du système Beugniot. Pour prévenir les accidents qui pourraient résulter de la descente sur des voies si inclinées, on s’est avisé d’un moyen ingénieux : on a pratiqué aux principales stations des voies d’évitement qui s’en vont en montant avec une inclinaison assez forte ; un train descendant vers Bologne ou vers Florence ji-t-il été entraîné par son propre poids, et court-il avec une rapidité dont les freins ne sont plus maîtres, l’aiguilleur n’a qu’à lui

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faire changer de rails et la pousser sur la voie d’évitement, dont la pente lui a bientôt fait perdre toute «a vitesse acquise. Plusieurs accidents qui au : aient pu être très-graves ont déjà été évités de cette façon.

Chemin de fer du Brermer. Citons enfin Je chemin de fer qui traverse le Brenner, dans le Tyrol allemand, va d’Inspruck à Botzen, et met en communication "Vienne avec Trente, Vérone et Venise. C’est le chemin de fer qui, jusqu’à ce jour, a escaladé les montagnes les plus hautes, a nécessité les plus grands travaux d’art, et offre aujourd’hui au voyageur le coup d’œil le plus pittoresque. Ce chetnin de fer a été livré à la circulation à la fin d’août 18G7. Déjà, l’hiver suivant, il a eu à lutter av.ee les obstacles que présente le climat de ces latitudes élevées, et plus d’un train s’est trouvé en détresse entre des amas de neige résultant d’avalanches tombées des montagnes voisines. L’industrie saura triompher de ces difficultés comme de toutes celles qu’elle a déjà vaincues.

En Amérique. Chemin de fer du Pacifique. De toutes les entreprises de notre siècle, la plus gigantesque, la plus féconde en résultats, c’est le chemin de fer du Pacifique, qui se construit en ce moment dans l’Amérique du Nord. Il fera communiquer l’Atlantique avec le Pacifique, New-York avec San-Francisco, l’Europe avec l’Asie ; ce sera cette grande route des Indes -si longtemps cherchée par Christophe Colomb et par les autres voyageurs du pèle nord. Quand il sera achevé, on ira au Japon ou en Chine en trente jours par le plus court chemin, et l’on s’écartera peu d’un grand cercle de la sphère terrestre. Deux lignes de bateaux à vapeur, une ligne de chemin de fer, et tout sera dit. Le Havre, New-York et Sau-F’rancisco seront les grandes étapes de ce

voyage, pour lequel ne manqueront pas les trains de plaisir. Ce chemin de fer, qui doit opérer une révolution dans le monde commercial, a été décrété en 1862 par Abraham Lincoln, de laméme plumequidevaitsignerun peu plus tard l’abolition de l’esclavage. Depuis 1864, deux Compagnies travaillent activement à la construction de cette voie ferrée ; l’une établit la ligne de San-Francisco à Omaha, à travers les montagnes Rocheuses et les grandes prairies ; l’autre se charge de la relier aux autres chemins de fer des États de l’Union. Les deux voies doivent avoir leur point de jonction dans le voisinage du grand lac Salé. Les Américains ne font pas comme nous, qui n’établissons des chemins de fer que dans les centres populeux ; eux, au contraire, ils dressent leurs voies ferrées là où était le désert et y amènent la vie et l’animation.

Toutes les stations du chemin de fer deviennent des cités qui s’élèvent du jour au lendemain avec une rapidité incroyable. Telle est, par exemple, celle de Julesbourg, ville improvisée, qui se trouve entre Omaha et San-Francisco, et-qui est le point où s’arrête

actuellement le chemin de fer du Pacifique. Voici comment ce lieu désert s’est transformé en ville. « Les premières maisons construites sont des hôtels de voyageurs où l’on a établi de vastes dortoirs : c’est le wagon américain qui sx pris racine, qui s’est fait maison ; puis on voit quelques constructions plus élégantes et moins banales, pour la demeure des employés de la compagnie. Enfin il y a des magasins où l’on trouve tout, depuis une hache jusqu’à une aiguille, depuis une boîte de cirage jusqu’à un pot de composition pour blanchir la peau, ou de l’eau de Botot pour raffermir les gencives. Ce sont les vrais Magasins réunis transportés sur le sol que foulaient il y a quelques mois l’Indien, le buffle et l’antilope. On a improvisé une sorte de conseil municipal, et l’on a rendu des lois de police très-sévères. » Les contrées traversées par le chemin de fer du Pacifique sont de deux sortes : les grandes prairies, ces vastes étendues de terrrain chantées par Cooper et Irving, OÙ le sol est si uni, si plut, que les rivières n ont presque point de pente, et que le voyageur est obligé de se coucher à plat ventre sur le sot pour voir de quel côté il incline ; et les montagnes Kocheuses, couvertes de forêts inextricables, coupées de ravines profondes. Ajoutons les détails suivants donnés par un Américain, W. Heine, sur la manière dont se construit ce chemin de fer, et sur cette conquête faite pied à pied sur le désert et sur la barbarie ;

n Les soldats de, cette grande armée indus-trielle ont été divisés en brigades, dont chacune estTréser.vée pour un certain travail. Fn tété de l’avant-garde marchent les bûcherons qui, au nombre de quinze cents, font retentir les échos des montagnes Noires, et qui chaque nuit se retranchent contre les Indiens et les bêtes fauves. Derrière ces sapeurs viennent les ingénieurs, qui placent des piquets pour indiquer la route que le chemfn de fer doit suivie. Derrière marchent les terrassiers et les poseurs de traverses. Ces derniers sont partagés en trois brigades. La première, com Sosée d’ouvriers (Kêlite, est chargée de placer es traverses dans les endroits ou la route fait des inflexions et des détours ; elle prend des précautions spéciales pour marquer les endroits où vient tomber le rail. Les autres placent les traverses intermédiaires, et font ce qu’on pourrait appeler le remplissage. Bientôt, en tête du train de la pose, vient un wagon, vaste plate-forme roulante chargée d’environ quarante rails et de tous les accessoires, coussinets, etc. Ce wagon se tient tou CHEM

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jours au front de bataille, et est accompagné de dix hommes, cinq de chaque côté. Un de ces cinq hommes place le rail sur le cylindre de déchargement, trois autres le font sortir du wagon, et le cinquième place.les coussinets, sur lesquels on le laisse tomber au commandement du chef d’équipe. Ce mot d’ordre -.doixm ! (en bas 1), est répété avec une vitesse moyenne de deux fois à la minute, H indique la vitesse d’accroissement de la voie ferrée, puisque chaque rail augmente de i m. la longueur du grand chemin du Pacifique. Du moment que les nouveaux rails sont posés, le wagon s avance jusqu’à leur extrémité, et la même manœuvre se répète sans attendre que le rail ait été fixé. Cette opération est faite par des brigades d’ouvriers qui viennent par derrière, et qui consolident cette prise de possession du sol américain par la vapeur. C’est alors que l’on commence à rencontrer les trains immenses chargés de traverses, de rails et de matériaux de toute espèce. C’est la réserve de la grande armée qui s’avance ; on voit les trains de manœuvres et de construction, les grands dortoirs roulants’des ouvriers. Deux de ces wagons, véritablement monumentaux, n’ont pas moins de 80 pieds de longueur et servent de réfectoire ; il y en a un autre renfermant la cuisine et les magasins. C’est le désert qui est pris d’assaut ; partout retentit le tintement du travail ; le choc des rails qui tombent, le retentissement des coups de marteau des cloueurs, ressemblent à un vrai feu de tirailleurs. » Voici maintenant, sur l’organisation des wagons du Pacifique et de tous les chemins de fer américains, des détails donnés par M. Simonin, qui feront voir combien nous sommes arriérés.

« Nous sommes à 1,000 milles de New-York, franchis en une seule traite, sans fatigue, avec une vitesse qui atteint presque celle de nos trains express. Nous avons dormi deux nuits en wagon, dans des lits. Les sièges, le soir, se transforment en couchettes par un procédé très-ingénieux, et là ou dort, je ne dirai pas comme chez soi, mais aussi bien certainement que dans une cabine de bateau à

vapeur. Les lits sont étages, et l’on n’a que la crainte, si, comme moi, l’on a un massif compagnon couché au-dessus de sa tête, de le recevoir la nuit sur la face avec tout le fourniment, pour peu qu’un ressort se déronge ; mais on m’a dit que cela, n’arrivait jamais. Les palaces cars, les State rooms, ou wagons palais, salons d’État, que l’on peut occuper seul, sont encore plus confortables que les wagons à dormir, et certainement trop luxueux pour un pays aussi démocratique. Jamais souverain n’a voyagé avec autant de confort que dans ces compartiments réservés qu’on peut se procurer pour quelques dollars sur tous les grands chemins de fer américains. Les compartiments à dormir s’appellent les sleeping rooms, comme qui dirait des dortoirs. Vous connaissez les wagons américains, larges, hauts, bien aérés, pouvant contenir chacun une cinquantaine de voyageurs. Les sièges sont disposés sur deux rangS, et une allée est établie au milieu. On va à volonté en avant ou en arrière, car le siège peut basculer autour d’un pivot latéral. DaiiS chaque compartiment est un bidon d’eau et un verre à boire, un lavabo, un poêle que l’on chauffe en hiver ; enfin, faut-il le dire ?, , un mater closet, dont nos wagons auraient tant besoin. Une corde, qui règne sur toute l’étendue du train, met chaque compartiment en relation avec le mécanicien de la locomotive. On peut passer à volonté d’un compartiment à un autre pendant que -le train est en marche, et rester même au dehors, appuyé sur les balustrades, pour contempler à son aise le paysage. Chaque wagon est parcouru par un employé qui vend des journaux, des livres, des comestibles ; et de temps en temps le conducteur du train vérifie les billets sans vous incommoder, car on a soin de passer son ticket au cordon de son chapeau. Il n’est permis que dans quelques compartiments de fumer ; mais on mâche partout du taljac, et vous savez combien les Américains sont chiqueurs. Les dames, pour lesquelles on a ici le plus grand respect, pourraient être incommodées de ces habitudes, aussi trouvent-elles sur tous les trains des voitures réservées. Les maris, et ceux qui, sans jouir de ce titre, accompagnent les daines, peuvent entrer dans ce compartiment, que j’ai bien souvent envié. Le

bachelor, non pas le bachelier comme vous pourriez le croire, mais l’homme sans femme, ne jouit aux États-Unis d’aucun crédit. Le ministre d’Angleterre, sir Frédéric Bruce, qui vient de mourir ces jours derniers à Boston, et qui n’était pas marié, emmenait toujours avec lui sa cuisinière en voyage. Avec cette dame, il passait partout ; toutes les portes réservées lui étaient ouvertes, et il échappait à la compagnie souvent fort peu tolérable des fumeurs et des chiqueurs américains. Quant à la servante, elle suivait son maître comme si elle eût été son maître ; aucune délimitation de rang n’existe aux États-Unis. «

Le chemin de fer du Pacifique est arrivé au pied des montagnes Rocheuses ; on pense qu’il pourra être terminé en 1871.

En Asie. Chemins de fer de l’Indoiistan. Les chemins de fer de l’Indoustan, entrepris il n’y a guère plus de vingt ans, interrompus et retardés par la grande insurrection des cipayes, en 1857, sont aujourd’hui presque complètement terminés. De Calcutta à Delhi et à Lahore, de Bombay à Mirzapour, et de"