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les Compagnies de l’indemnité des terrains, des terrassements et travaux d’art, uussi bien que de la pose des rails et du matériel, ouvrait la porte au dessaisissement de l’État et à l’aliénation du domaine publie. En fait, le gouvernement ne tarda pas à s’écarter des règles tracées par la loi de 1842, et à adopter un autre mode d’intervention de l’État que celui qui avait été fixé. Dès 1853, mettant en application l’amendement de M. Duvergier de Hauranne, il livra à une Compagnie chargée de toute la dépense, avec une subvention à forfait de 32 millions donnée par l’État, le chemin de Marseille à Avignon, dernier anneau de la longue chaîne de Paris à Marseille. D’un autre côté, la difficulté d’opérer équitablement le partage de la dépense dont la loi grevait, les localités lit bientôt renoncer au concours qu’elles devaient apporter. Une loi du 19 juillet 1845 abrogea expressément la disposition d’après laquelle les départements et les communes devaient rembourser les deux tiers du prix des terrains.

Projet de rachat des chemins de fer par l’État en 1848. Le parti démocratique, sous le gouvernement de Juillet, s’était toujours montré en principe partisan du système de l’exécution par l’État. Il faut lire dans l’Histoire de dix ans les considérations dont les démocrates s’armaient, en 1848, contre le système des compagnies. Quoi I on parlait sérieusement de livrer tout le domaine de l’industrie à de simples particuliers, spéculateurs ou gens de finançai et Von ne voyait pas ce qu’arriveraient à oser contre l’intérêt public des associations devenues plus puissantes de jour en jour, par leurs richesses, par leur crédit, par leurs accointances, par la position de leurs membres qu’on trouverait dans chaque poste important : et dans les bureaux du ministère, et dans le conseil d’État, et dans les Chambres, et dans les tribunaux, et à la cour, et dans la presse ! On ne songeait pas au formidable réseau dont allait envelopper le pays cette tyrannie multiple, mobile, insaisissable, ayant pied partout : véritable État dans l’Etat ! En Belgique, l’exécution des chemins de fer par le gouvernement avait été considérée comme le meilleur moyen de consolider la révolution de septembre et de défendre la nationalité belge contre la maison d’Orange ; ut l’on avait eu raison. C’était donc une féodalité nouvelle qu’on prétendait organiser. Qu’on y prit garde ! car, cette fois, le joug ne serait pas de fer, il serait d’or, et pour le briser une seconde nuit du 4 août ne suffirait pas. Mais, en cas de danger, ne pourrait-on exproprier les Compagnies ? Les exproprier ! Oui, peut-être, mais au prix d’un bouleversement effroyable. Et si les Compagnies se trouvaient composées d’hommes antinationaux, quelle carrière ouverte à la trahison dans une circonstance critique ? Les chemins de fer, aux mains de ceux que la révolution de 1789 abattit, eussent probablement rendu cette révolution impossible.

M. de Lamartine, nous l’avons vu, avait en 1838 porté ces raisonnements à la tribune. Le pouvoir issu de la révolution de Février devait naturellement s’en inspirer et réagir contre le système qui avait prévalu de 1843 à 1848. Le 17 mai 1848, M. Duclerc, ministre des finances de la République, vint, au nora de la commission du pouvoir exécutif, exposer à l’Assemblée nationale un plan de ruchut des chemins de fer par l’État. L’exposé des motifs commençait par affirmer que toutes les institutions politiques, civiles, économiques et financières qui régissent un État doivent découler d’un principe commun, sous peine de préparer des luttes et des révolutions. Ainsi un gouvernement monarchique ne peut s’accommoder d’institutions républicaines, un gouvernement républicain d’institutions monarchiques. La révolution qui avait renversé la monarchie imposait donc la nécessité de rechercher ce qui, dans l’héritage du passé, était compatible ou incompatible avec le principe du nouveau gouvernement, ce qui devait être conservé, ce qui devait être détruit, ce qui pouvait être transformé. Or le système des Compagnies, en raison de son caractère aristocratique et monarchique, ne pouvait être maintenu dans une république démocratique : dû là, nécessité du rachat des chemins dé fer.

Le ministre se plaisait k découvrir et à montrer un lien de solidarité et un rapport de filiation entre la royauté bourgeoise de Juillet et l’institution des Compagnies. Il oubliait qu’en 1838 le système de l’exécution par l’Etat avait été soutenu par le gouvernement, combattu par l’opposition de toutes les nuances, y compris la nuance radicale ; il oubliait lé rapport d’Arago. • En Angleterre, disait-il, le système des Compagnies s’est établi sans résistance ; il est sorti naturellement de la situation générale comme un fruit spontané du sol. En France, il n’a prévalu qu’après dix ans d’une lutte acharnée. La raison en est simple. Chez les Anglais, la question était purement économique et financière ; chez nous, elle était surtout sociale et politique. Chez eux domine une aristocratie puissante, fortement assise et dont la suprématie n’est que faiblement pontestée. Directement ou indirectement matr tresse de la richesse territoriale, de la richesse industrielle et d’i crédit, cette aristocratie crée partout des corporations et des privir léges qui, relevant d’elle-même, lui sont soumis et la corroborent. Les Compagnies finan CHEM

cières sont des corporations privilégiées ; elles avaient donc leur place marquée dans l’organisation sociale et politique de l’Angleterre. Mais il n’en pouvait pas être ainsi de la France. Par cela même qu’elle était profondément imprégnée de l’esprit aristocratique, l’institution des Compagnies financières devait nécessairement rencontrer, dans le pouvoir monarchique, un accueil bienveillant ; dans l’opinion générale du pays, une opposition clairvoyante et délibérée. C’est ce que vous avez vu. Après des efforts inouïs et de toute sorte, la monarchie et les Compagnies ont triomphé ensemble des résistances du pays. Mais, trois ans plus tard, la monarchie tombait. Les Compagnies peuvent-elles lui survivre ? Voilà la question que vous avez à décider, •

Rien de plus facile à comprendre, selon M. Duclerc, que la solidarité de la monarchie constitutionnelle et des compagnies ; elle ressort avec évidence de l’appui que les deux institutions avaient besoin de se demander l’une à l’autre. « L’ancienne monarchie avait une noblesse. L’empire voulut avoir la sienne. À son tour, la royauté constitutionnelle fut irrésistiblement entraînée à la reconstruction d’une nouvelle aristocratie. Au lendemain même de son origine, elle se prit à chercher, à réunir en faisceaux toutes les tendances aristocratiques éparses dans la société moderne. Il fallait une base. Où la prendre ? On ne pouvait plus, comme autrefois, donner aux instruments de la. suprématie royale les terres conquises ou confisquées. Les grandes charges, les pensions sans titres, les grands gouvernements, les dotations, avaient également

disparu, et il n’était pas possible de les reconstituer ouvertement. Un moyen restait cependant : le droit de battre monnaie, la faculté de mettre en mouvement et de dominer toutes les forces du crédit public et du crédit privé. Par là, il devenait possible, facile même de concentrer sous la domination d’un petit nombre d’hommes puissants la direction de toutes les richesses mobiles disponibles dans le pays. • M. Duclerc expliquait ensuite comment la propriété mobilière, longtemps subordonnée à la propriété foncière, avait pu devenir l’instrument d’une domination aristocratique. « Ce n’est point par sa nature, disait-il, mais par sa tenue, c’est-à-dire par la manière dont elle est possédée, que la propriété est favorable ou défavorable à l’aristocratie ou à. la démocratie. Un élément de richesse peut devenir d’autant plus dangereux qu’il se concentre avec plus de facilité et qu’il permet à ceux qui le dirigent de se tenir plus intimement unis. Et c’est là le propre de la richesse mobilière. L’ancien gouvernement le comprit bien vite. Il comprit qu’il était facile de réunir sous la main d’un petit nombre d’hommes, instruments de sa domination, toutes ces forcesutilément éparses dans le pays. Il crut qu’en assurant leur fortune il assurait à jamais son pouvoir. De là l’institution des Compagnies financières ; de là aussi, par conséquent, l’urgence pour la République de transformer cette institution, de la régler suivant les nécessités d’une organisation démocratique. »

Après avoir montré le caractère monarchique et aristocratique des Compagnies, le ministre développait les raisons diverses, raisons de principes et raisons de fait, qui commandaient le rachat des chemins de fer par l’État. Venaient d’abord les raisons de principes. Il n’y avait pas de plus dangereuse aliénation que celle des grandes voies de circulation et de crédit. Abandonner le transport à des Compagnies privilégiées, c’était abandonner le pouvoir de régler la consommation et la production, de fixer la valeur et le prix de tous les objets. Les Compagnies avaient un personnel considérable, c’était une véritable armée qui campait au milieu de nous. Cette ^altitude de clients, soumise à une puissance" indépendante de l’État, n’avait-elle rien d’alarmant pour la sécurité publique ? Que si elle se montrait indépendante jusqu’à l’hostilité, jusqu’à la haine, c’était un perpétuel foyer de guerre sociale. Les tarifs de chemins de fer étaient de véritables tarifs de douanes. Ils affectaient de la même manière, au même degré, le commerce et l’industrie. Par ceux-ci comme par ceux-là, l’autorité qui les gouvernait pouvait, à son gré, développer ou détruire telle ou telle branche d’industrie ou de commerce. Il importait donc, il importait essentiellement que le droit d’élever ou d’abaisser les tarifs de chemins de fer, comme celui d’élever ou d’abaisser les tarifs de douane, demeurât entre les mains d’une autorité supérieure, nécessairement impartiale par position et par devoir. « Imaginez, disait M. Duclerc, les combinaisons légales les plus ingénieuses, les plus compliquées, les plus rigoureuses, vous n’empêcherez jamais une Compagnie de cAetiiïns de fer de peser, suivant son caprice ou son intérêt, sur telle ou telle branche d’industrie ou de commerce ; vous ne l’empêcherez jamais, si cela lui plaît, de favoriser telle maison au détriment dé telle autre. Or, dans certains cas, c’est le prix du transport qui fait la valeur de la marchandise. Quelques centimes déplus ou de moins, c’est pour le commerçant la ruine pu la fortune. Vous donnerez donc à une Corn Îiagnie industrielle le pouvoir de gouverner e développement général et jusqu au déve7 loppement individuel de la richesse ! »

Si la nécessité du rachaf était théoriquemenf incontestable, de graves raisons de fait éji démontraient l’urgence ; d’abord l’impuissance des Compagnies à accomplir leurs entreprises ;

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ensuite la nécessité de donner aux travaux une impulsion nouvelle. La situation de toutes les Compagnies, presque sans exception, était extrêmement grave. Parmi celles qui étaient en exploitation, les plus puissantes, celles dont la prospérité semblait inébranlable, avaient suspendu leurs payements. Pour ne pas s’acquitter de ce qu elles devaient au Trésor, d’autres en étaient réduites à invoquer l’extrême raison de la force majeure. Il n’en était pas une seule qui pût continuer ses travaux dans les conditions des cahiers des charges. « Si vous ne décrétez pas -le rachat, disait le ministre, il faudra nécessairement que vous prêtiez à ces Compagnies l’argent ou le crédit de l’État, ou bien que vous autorisiez, ici, une large diminution des travaux, là, leur absolue cessation.» Il ajoutait que les Compagnies inspiraient généralement de la répugnance ; que cette répugnance s’était manifestée d’une manière funeste dans les premiers jours qui avaient suivi la révolution ; que la justice du pays avait dû réprimer des actes coupables, mais sans pouvoir détruire l’hostilité des sentiments ; que, dans l’intérieur même de leur service, les Compagnies rencontraientun mauvais vouloir opiniâtre ; si bien que le pouvoir était obligé d’intervenir sans cesse dans ces incessantes querelles, et que, dans une circonstance pressante, il avait dû pousser ta protection jusqu’au séquestre. Ainsi la gestion des Compagnies, mauvaise en principe, était devenue, en fait, impossible. Il y avait, par conséquent, nécessité impérieuse d’aviser, dans l’intérêt de l’État, dans l’intérêt des travailleurs, dans l’intérêt des nombreuses industries que les chemins de fer alimentaient, et enfin dans l’intérêt des actionnaires, lesquels se trouvaient placés dans cette alternative ou de verser l’argent qu’ils n’avaient pas, ou d’encourir la déchéance de leurs titres.

Mais ici se présentait une grave objection d’ordre juridique. L’État avait-il le droit de déposséder les Compagnies ? Il y avait dans les cahiers des charges une clause qui stipulait, en faveur de’l’État, le droit de racheter les concessions. Mais cette faculté de rachat était soumise à des conditions établies ; ce droit ne pouvait être exercé qu’au bout d’un temps déterminé, « après l’expiration des quinze premières années, à dater du délai hxé pour l’achèvement des travaux. Or, pour aucune des ligues qu’il s’agissait de racheter, le terme de quinze ans n’était encore arrivé, de sorte que 1 État ne pouvait encore, pour aucune d’elles, invoquer cette clause de rachat. Evidemment, disait-on, cette clause a eu pour effet et pour but de régler l’exercice du droit d’expropriation, de l’aliéner pour un certain laps de temps, de stipuler qu’il ne s’exercerait pas avant quinze ans, et de garantir aux Compagnies la jouissance, pendant quinze années, de l’œuvre qu’elles allaient accomplir. En traitant avec les Compagnies et en débattant avec elles les stipulations du rachat, l’État a pu valablement régler ainsi l’exercice du droit d’expropriation et s’interdire d’en user pendant un certain nombre d’années, afin de provoquer par cette garantie la réunion des capitaux et la formation des Compagnies dont il avait besoin pour l’exécution des chemins de fer. D’où cette conclusion que, jusqu’à l’expiration de ces quinze années, l’Etat n’avait pas le droit d’exproprier les Compagnies, et que, s’il le faisait avant ce temps, il manquerait à ses engagements et violerait la foi des contrats. À cette objection, M. Duclerc répondait que, pour reprendre possession des chemins de fer, l’État invoquait, non la clause de rachat stipulée, mais un droit supérieur aux conventions, un droit qui demeure inaltérable entre les mains de l’État, et dont l’État ne peut, en aucun cas et sous aucun prétexte, se dessaisir, le droit d’expropriation pour cause d’utilité publique moyennant indemnité ; que, si le gouvernement précédent avait entendu abandonner pour quelque temps ce droit supérieur et absolument inaliénable d’expropriation, il avait en cela excédé les li*mites naturelles de sa faculté de contracter et fait un acte dont il n’y avait pas à tenir compte et qu’on devait considérer comme nul et non avenu.

L’idée du rachat des" chemins de fer fut mal accueillie par le comité des finances, qui, après examen, conclut au rejet du projet ministériel. M. Bineau fut nommé rapporteur. Depuis le 15 mai, une forte réaction politique et économique s’était produite et allait «’accentuant de plus en plus contre l’esprit démocratique et socialiste de la révolution de Février : on s’en aperçoit en lisant le rapport de M. Bineau. Le rapporteur cependant commençait par reconnaître le droit de l’État ; il accordait a M. Duclerc que la foi des contrats ne pouvait être opposée à son projet de décret, et faisait une distinction très-sensée entre le droit d’expropriation et la faculté de rachat stipulée dans les cahiers des charges. « Le droit d’expropriation, disait-il, est inaliénable ; l’État en est et en doit être constamment armé ; il ne peut ni l’aliéner ni en suspendre l’exercice, et toute stipulation par laquelle il y aurait temporairement renoncé se rait sans valeur. Tel n’est pas d’ailleurs le sens de la clause de rachat, et, en la stipulant, l’État n’a pas entendu renoncer au droit d’expropriation. Pendant la première période de

quinze années, l’État aie droit d’exproprier ; à l’expiration de cette période, il aura un droit d’un exercice plus facile, celui de racheter. L’expropriation et le rachat sont deux opéra CHEM

tions fort différentes. L’expropriation ne peut se faire que lorsqu’il y a utilité publique, lorsque cette utilité est dûment constatée, et moyennant une indemnité préalable. Le rachat pourra s’opérer sans enquête préalable, sans que l’utilité publique existe, lorsqu’il y aura seulement pour le Trésor un avantage, un intérêt, une convenance quelconque ; ^t le prix auquel il s’opérera alors a été fixé d’avance. Le droit de rachat et le droit d’expropriation sont donc parfaitement distincts, et la création de l’un n a nullement supprimé l’autre. Pour ces motifs) votre comité pense que, sans porter aucune atteinte à la foi et à 1 inviolabilité des contrats, en respectant religieusement, comme nous le voulons tous, les engagements contractés, l’État pourrait cependant, si l’ulUili publique l’exigeait, exproprier aujourd’hui les Compagnies concessionnaires des chemins de fer. »

; Si l’utilité publique l’exigeait ! Mais l’utilité

l’exigeait-elleî M. Bineau le niait. Il allait plus loin, soutenant que l’utilité publique défendait de suivre le ministre dans la voie où il voulait engager le pays. Les principaux motifs invoqués par le ministre étaient : l’impuissance des Compagnies à accomplir leurs

entreprises, l’incompatibilité des compagnies financières avec le régime républicain, le danger de laisser entre leurs mains l’application des tarifs, enfin la nécessité de donner aux travaux une impulsion nouvelle. Le rapporteur s’efforçait de détruire successivement ces quatre raisons. Il montrait d’abord que la situation financière des diverses Compagnies n’était pas aussi désespérée qu’on l’avait peinte ; que, saufunpetitnombre d’exceptions, deux ou trois peut-être, elles pouvaient, malgré de réelles difficultés, mener à bonne fin l’œuvre qui leur avait été confiée ; que ces difficultés disparaîtraient certainement, si l’avenir leur était assuré et si elles n’étaient plus sous le coup d’une expropriation prochaine.

La reprise de possession des chemins de fer était-elle justifiée par l’incompatibilité des Compagnies avec le régime républicain ?-M. Bineau répondait à cette allégation qu’un des moyens les plus efficaces qui pût être employé pour l’amélioration du sort des travailleurs, c’était le principe et la pratique de l’association ; qu’on devait respecter dans les Compagnies une application de ce principe ; qu’il fallait voir une œuvre vraiment démocratique, non une institution aristocratique, en un mode d’association qui réunit les plus petits capitaux pour les consacrer à une ceuvro commune.

Mais les tarifs ne pouvaient-ils devenir une arme dangereuse entre les mains des Compagnies, et cette arme pouvait-elle leur être laissée ? — Ici toute l’argumentation du rapporteur consistait à atténuer les dangers que présentaient les tarifs entre les mains des Compagnies. N’étaient-elles pas poussées pai leur intérêt personnel à abaisser les prix au-dessous du maximum fixé dans les cahiers deg charges ? L’État était-il sans moyens d’action sur elles ? N’avait-il pas les concessions d’embranchements et de prolongements ? N’avait-il

pas la menace de rachat, dès que la période de rachat serait arrivée ? D’ailleurs, entre les mains de l’État, les tarifs auraient-ils tous les avantages qu’on en attendait et seraient-ils sans inconvénients ? Comment l’État exploiterait-il ? Serait-ce directement et par ses

agents ? Serait-ce par des fermiers ? Si l’État livrait l’exploitation à. des fermiers, il n’aurait pas la libre disposition des tarifs ; s’il exploitait lui-même, il en aurait la libre disposition ; mais cette entière liberté pourrait faire naître elle-même quelques inquiétudes. On pourrait craindre, par exemple, les abaissements exagérés qui, sans parler de l’intérêt du Trésor, viendraient changer brusquement les relations et la situation commerciales des diverses parties du territoire.

Le rachat des chemins de fer pouvait-il être considéré comme un moyen de donner une nouvelle impulsion au travail ?—Non, répon^ dait M. Bineau ; chargé, d’après la loi de 184 ?, d’exécuter les travaux de terrassement et les ouvrages d’art sur la plupart des chemins en construction, l’État n’avait nul besoin de ra* cheter ces chemins pour imprimer aux travaux toute l’activité qu’exigeaient les besoins du pays ; il pouvait ouvrir des ateliers sur autant de points qu’il le voulait ; il n’avait pour cela d’autres limites que les ressources et les facultés du Trésor. En reprenant aux Compagnies les concessions qui leur avaient été faites pour ces lignes, concessions qui n’entraînaient d’autre travail que celui de la voie et du matériel, l’État aurait, il est vrai, des commandes à faire aux forges et aux fabriques de machines ; mais.ces commandes, si elles n’étaient faites déjà par les Compagnies, le seraient aussi bien par elles, tandis que l’État ne pourrait les faite lui-même qu’en diminuant d’autant les sommes qu’autrement il pourrait appliquer aux travaux de terrassement et de maçonnerie.

Le rapporteur terminait en montrant que l’état du Trésor ne permettait pas de reprendre possession des chemins de fer. ■ D’après l’exposé des motifs, disait-il, l’État, en vertu des lois déjà votées, a 311 millions à dépenser

f’ our la part que ces ïpis lui ont faite dans exécution.’des’ chemins de fer : voulez- vous à cette dépense, aujourd’hui que le Trésor est surchargé, ajouter’ celle de 6 ?3 millions que Des mêmes lois ont mise à la charge des Compagnies, et qui, comme la première, s’accroître