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la même journée, au fur et à mesure qu’on l’enlève de dessus la claie. Il n’y a point à se croiser les bras ; la besogne est rude pour tout le monde, mais aussi cette besogne se termine par une grande fête. On fait grasse chère, et le cidre arrose les bons morceaux. »

La filasse du chanvre est, après la soie, la matière textile la plus tenace. On l’emploie pour faire un fil très-fort, de la ficelle, des cordes, des câbles pour la marine, des toiles à voiles ; mais la force dans le chanvre n’exclut pas la finesse ; ses fibres convenablement préparées donnent des fils et des tissus aussi fins, aussi blancs que ceux qu’on retire du lin. La toile usée est facilement convertie en papier.

On tire parti des chènevottes, soit pour faire des allumettes, Ce qui devient de plus en plus rare, soit pour chauffer les fours, soit enfin pour faire un charbon des plus estimés pour la fabrication de la poudre à canon.

Le chènevis ou graine de chanvre est susceptible de servir à l’alimentation de l’homme ; on en fait une assez grande consommation dans les provinces occidentales de la Russie. On l’emploie encore avec avantage à nourrir les volailles et surtout les oiseaux, de volière à gros bec. Enfin, on en extrait une huile siccative employée dans la peinture, la fabrication des savons mous, l’éclairage et même les usages culinaires, dans certaines contrées. Les tourteaux de chanvre ou résidus d’huilerie de chènevis sont excellents pour engraisser les bestiaux, qui en sont très-friands. Les feuilles du chanvre constituent un excellent engrais ; on a même conseillé cette plante enfouie en vert, pour améliorer les mauvais terrains.

CHANVREUX, EUSE adj. (chan-vreu, euze). Qui tient du chanvre, qui ressemble à du chanvre : Fibres chanvreuses.

CHANVRIER, IÈRE s. (chan-vrié, iè-re — rad. chanvre). Celui, celle qui prépare et vend le chanvre.

— Adj. Qui s’occupe de l’industrie au chanvre : Société chanvrière. L’industrie chanvrîère.

CHANVRIÈRE s. f. (chan-vriè-re — rad. chanvre). Agric. Terre où l’on cultive le chanvre : Dans certains cantons, tous les fumiers sont consacrés à l’amélioration de la chanvrière. (Bosc.) || On dit plus souvent chènevière.

CHANVRIN s. m. (chan-vrain — rad. chanvre). Syn. de galéopside ou chanvre bâtard.

CHANZA, rivière d’Espagne, dans la province de Huelva, prend sa source au versant méridional de la sierra de Aroche, à l’E. de Cortegana, coule d’abord de l’E. À l’O., puis prend la direction du S., sépare l’Espagne du Portugal, et se jette dans la Guadiana, après un cours de 145 kilom.

CHAO-DE-COCCE, ville de Portugal, province d’Estramadure, ch.-l. de comarque, à 45 kilom. N.-E. de Leira, sur une haute montagne rameau de la sierra d’Estrella ; défendue par un vieux château fort ; 3,200 hab. Récolte et commerce de vins et de châtaignes.

CHAODINÉ, ÉE adj. (ka-o-di-né). Bot. Qui ressemble ou qui se rapporte au genre d’algues nommé chaos.

— s. f. pi. Famille de végétaux inférieurs, formée aux dépens des algues, et ayant pour type le prétendu genre chaos : Les chaodinées proprement dites consistent en une couche muqueuse. (Brébisson.)

Encycl. Sous le nom de chaodinées, Bory Saint-Vincent avait réuni un grand nombre de végétaux inférieurs, aussi peu connus dans leur nature que dans leur développement, mais présentant le caractère commun d’une enveloppe muqueuse propre à tous les individus ; voici comment le savant naturaliste caractérise ce groupe : « On dirait une création provisoire, qui se forme comme pour attendre une organisation, et qui en reçoit de différentes selon la nature des corpuscules qui la pénètrent ou qui s’y développent. On dirait encore l’origine de deux existences bien distinctes, l’une certainement animale, l’autre purement végétale. C’est de cette sorte de création rudimentaire que nous formerons le genre chaos, genre dont nous n’oserions assigner la place dans la nature, mais que nous signalerons à l’attention des naturalistes. Il deviendra le type de la famille naturelle dont nous proposerons l’établissement sous le nom de chaodinées. » Les auteurs modernes n’ont pas adopté ces projets de classement. M. de Brébisson voit dans ces végétaux, non un mucus constitutif qui se modifie, mais des plantes de groupes différents simplement entourées d’une couche muqueuse. Ainsi, les chaodinées proprement dites se rapportent aux desmidiées et aux protococcoïdées ; les chaodinées trémellaires, aux nostocinées et aux rivulariées, et les chaodinées diphyses aux batrachospermées. En résumé, d’après cet auteur, on aurait accordé trop d’importance à la couche muqueuse qui entoure les productions diverses très-hétérogènes rapportées à la prétendue famille des chaodinées.

    1. Chao-hao

CHAO-HAO, empereur de la Chine. Il succéda, l’an 2597 av. notre ère, à son père, Hoang-ti, et mourut en 2513, après un règne de quatre-vingt-quatre ans. Ce prince établit divers usages qui existent encore en Chine, et prescrivit notamment des costumes différents pour les divers degrés de mandarinat. Ce fut, dit-on, sous son règne que s’altéra le culte primitif des Chinois, gui avaient adoré jusqu’alors un Dieu unique et suprême.

CHAO-HING, ville de l’empire chinois, dans la province de Tché-Kiang, à 200 kilom. S. de Schang-Haï, à 1,150 kilom. S.-E. de Pékin, à vol d’oiseau. Elle est située dans une grande plaine d’une admirable fertilité, et les eaux pures et limpides dont elle est environnée pénètrent dans son enceinte par une multitude de canaux. Chacune de ses rues en possède un revêtu de larges pierres de taille et bordé de deux trottoirs pour faciliter la circulation. Les habitants, dont le nombre ne saurait être exactement précisé, à cause de l’absence de registres de l’état civil, s’adonnent avec ardeur à l’étude des lois, et les mandarins les prennent volontiers pour secrétaires. Chao-Hing est le chef-lieu du fou ou département de même nom.

CHAO-KANG, empereur de la Chine, né en 2118 av. J.-C, mort en 2057. Il appartenait à la première dynastie appelée Hia. Après la mort de Siang, son père, tué par des rebelles, sa mère, Min, était parvenue à s’échapper et l’avait élevé en secret parmi des bergers. Lorsqu’il fut devenu grand, Chao-Kang quitta sa retraite, leva une armée, attaqua l’usurpateur Han-Tsou, le vainquit et monta sur le trône (2079). Son règne, qui dura vingt-deux ans, fut heureux et paisible.

CHAO-KING-FOU, ville de l’empire chinois, province et à 50 kilom. O. de Canton, sur la rive gauche du Si-Kiang. Grand port de commerce.

CHAOLOGIE s. f. (ka-o-lo-jî — de chaos, et du gr. logos, discours). Description du chaos ; observations sur l’état de la matière avant la formation des mondes.

CHAOLOGIQUE adj. (ka-o-lo-ji-ko — rad, chaologie). Qui a rapport à ! a ehaologie : Études CHAOLOGIQUES.

CHAOMANCIE s. f. (ka-O-maa-sî — dû chaos, nom de l’air dans Paraeelse, et du gr. manteia, divination). Divination que les alchimistes pratiquaient au moyen d observations faites sur l’air.

CHAOMANCIEN, IENNE S. (Ita-O-mailsiain, iè-ne-rad. ckaomancie). Personne qui pratique la chaomancie.

— Adjectiv. : Devin chaomancien.

CHAONIE s. f. (ka-o-nl). Entom. Genre de lépidoptères nocturnes.

CHAONIE, contrée de l’Epiie, qui touchait du côté du N. aux monts Acrocérauniens, et du côté du S.-O. À la mer Ionienne. Elle tient son nom de Chaon, fils de Priam, tué involontairement par son frère Hélénus. Des colombes, Ckaoniœ aves, y rendaient des oracles dans un bois sacré. La Chaonie appartient aujourd’hui à la Turquie, et se trouve comprise dans le sandjak de Bérat, en Albanie.

CHAONIES s. f. pi. (ka-o-ni). Antiq. Fêtes que l’on célébrait en Chaonie.

CHAO-PHA-MONGKOUT, roi de Siam, né en 1805, mort en 1SG8. Il fut supplanté en 1825 par un de ses frères, issu d’une femme d’un rang inférieur, tandis qu’en qualité de fils aîné de la reine il devait succéder k son père Phen-Din-Klang. Ecarté du trône, il parut se résigner à la condition qui lui était faite. Refusant toute dignité de cour, il se lit talapoin (religieux bouddhiste). Il employa sa retraite à de longues études, qui ont placé le roi de Siam à la tête des érudits asiatiques. Il parle, outre sa langue maternelle, le pâli, langue sacrée, le sanscrit, le latin, l’anglais et le français, que lui ont appris avec succès des missionnaires catholiques et protestants. Il connaît et cultive les sciences européennes, et particulièrement l’astronomie, la géographie, la physique et la chimie.

En 1851 mourut l’usurpateur Phra-Chao-Prosat-Thong, qui ne put obtenir ni de sa cour, ni de son ministère, la reconnaissance de l’un de ses fils. Le prince cloîtré quitta alors l’habit monastique, et monta sur le trône, nonobstant les tentatives de rébellion de ses neveux. Il prit le titre de ; Prabat-Somdet-Pra-Paramenthon-Maha-Monykout (roi supréme-sacréauguste qui porte la grande couronne). Son frère, prince également très-éclairé, né vers 1820, porte le titre de Prabat-Somdet-PraBoroma-Ramesouen-Mahiswaret (roi suprèmesage-auguste grand Rama parfait). Il a une

cour distincte, et les mêmes honneurs lui sont rendus ; mais son autorité est presque exclusivement nominale, condition nécessaire pour le repos de l’État et la conduite du gouvernement. Le souverain siamois s’empressa de doter son peuple, qui compte six millions d’âmes, de réformes et d’améliorations, de traités qui feront de son règne une époque heureuse et féconde. Ses troupes ont été soumises k la discipline européenne ; la liberté des cultes a été accordée aux diverses nations de son royaume, et huit missionnaires catholiques, exilés sous son prédécesseur, purent rentrer à Bangkok ; une imprimerie royale fut établie ; des forteresses sont bâties, des routes sont tracées, des canaux sont creusés. Il augmente sa marine et construit des bateaux k vapeur. Comprenant l’utilité des rapports internationaux, il demanda au gouvernement anglais l’envoi avec pleins pouvoirs du rajah sir James Brooke, à l’effet de conclure un traité de corn CHAO

merce, qui fut négocié par sir JohnBowring, gouverneur de Houg-Kong. Ce traité fort avantageux confère aux négociants anglais les privilèges dont jouissent les marchands siamois et chinois (1855). En 1856, le gouvernement des États-Unis envoya à Bangkok un plénipotentiaire, qui signa une convention analogue, et le gouvernement français chargea d’une pareille mission M. de Montigny, qui réussit parfaitement à réaliser le but poursuivi. Le roi de Siam, dont un des ancêtres avait envoyé des députés à Louis XIV, fit partir pour la France une nombreuse ambassade qui reçut le meilleur accueil de Napoléon III et de ses ministres, et rapporta à la cour de Siam les impressions les plus favorables. La barbarie asiatique est donc entamée dans ses préjugés séculaires. Le peuple de Siam est de mœurs douces et d’un caractère bienveillant ; il a le sentiment du patriotisme.

Le roi Chao-Pha-Mongkout est membre de ■ la Société Asiatique de la Grande-Bretagne. En J852, Mgr Pallegoix reçut de ce souverain libéral la mission de remettre k la cour de Rome une lettre où il promettait de ne pas persécuter le christianisme.

CHAOS s. m. (ka-o —gr. chaos, abîme, du sanscrit kha, cavité). Confusion générale des éléments, de la matière, avant la formation du monde ; les Grecs avaient d’abord donné ce nom à l’immensité de l’espace : Le chaos ne commença à se débrouiller que quand la lumière fut séparée des ténèbres. (Buff.) Il semble que nous soyons sortis avant-hier du chaos, et hier de la-barbarie. (Volt.) Quand Dieu créa le monde, le mouvement du chaos dut faire .trouver le chaos plus désordonné que lorsqu’à reposait dans un désordre paisible. (Champfort.)

Dieu parle, et le chaos se dissipe à sa voix.

Voltaire.

Ta sagesse, grand Dieu, dans tes œuvres tracée.

Débrouilla le chaos !

Racine.

— Par anal. Désordre, trouble, pêle-mêle : Cette bibliothèque est un véritable chaos. Les objets paraissent sombres et en confusion le matin, aux premières lueurs de l’aurore, mais ensuite ils semblent sortir comme d’un 'chaos. (Fén.)

Après le noir chaos d’une nuit orageuse, Phœbus renaît plus pur et plus beau dans les airs.

A. Barbier.

Oh ! la guerre ! mon DieuJ qui donc ta détruira ? Quand donc finirons-nous ces luttes insensées 7 Et de ces grands chaos quel amour surgira ?

Barillot.

— Fig. Confusion, défaut d’ordre, de clarté, d’harmonie : Le chaos des idées. Le chaos des intérêts contraires. Débrouillez-moi ce chaos. Cette tête est un chaos. Quelle chimère est-ce donc que l’homme ? quel chaos I quel sujet de contradiction ! (Pasc.) Dieu, mon aîné n’est qu’un chaos avant que vous ayez commencé à en débrouiller toutes les pensées. (Boss.) La lumière et les ténèbres sont mêlées dans le chaos de l’homme. (Pope.) Le concert règne entre les éléments, les hommes sont dans le chaos. (J.-J. Rouss.) L’anarchie est une sorte de chaos social destructif de tout ordre. (Portails.) Avant Jésus-Christ, l’âme de l’homme était un chaos (Ghateaub.) L’athéisme est antisocial, il conduit au CHAOS ; l’homicide en est la conséquence immédiate. (Barbaste.) Les intérêts et les passions seuls rèquent ; on est i plongé dans leur chaos et leurs ténèbres. (Gui— | zot.) La séparation du spirituel et du temporel

a son origine dans le chaos du moyen, âge. (Guizot.) De tous les chaos oit tombe souvent l’humanité, le plus déplorable à contempler est celui de l’âme humaine elle-même. (Guizot.) Descartes tira toutes les sciences du chaos. (Guénard.) Ce sont les idées qui agitent le chaos et qui le fécondent. (Proudh.) N’y a-t-il pas des jours de chaos les mots perdent leur signification primitive, où les amis ne se retrouvent plus, où les ennemis semblent se donner la main ? (Renan.)

O funeste chaos de désordre et de trouble !

Eotrou.

Un désordre éternel, un chaos de malheurs Mêle à nos vains plaisirs de réelles douleurs.

Voltaire.

Qui peut donc, si ce n’est le Dieii qui me conduit, Dont la voix sépara le jour d’avec la nuit. Démêler ce chaos de raison, de caprice. Ce chaos qui confond les vertus et les viees ?

Du RESN2L.

— Géogr. Nom donné à certains sites, particulièrement dans les Pyrénées.

— Bot. Genre de végétaux inférieurs, amorphes et très-simples, type de la famille des chaodinées : Le chaos bitumineua ; croit sur les parois des entrées de grottes ou de carrières. (P. Gervais.)

— Epithètes. Antique, primitif, sombre, obscur, noir, ténébreux, informe, indigeste, confus, impénétrable, inexplicable, horrible, affreux, épouvantable, effroyable, monstrueux, éternel, stérile, débrouillé, éclairci, pénétré.

— Homonyme. Cahot.

— Encycl. État de confusion sans bornes qu’on suppose avoir été celui du monde avant la création proprement dite. Il est admis aujourd’hui que notre globe a une très-longue histoire. Cette histoire se compose de deux périodes : 1 » la période chaotique, qui précéda l’apparition sur la terre des êtr.es organisés ; 2° la

CHAO

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période de ta création, qui date de la présence des êtres organisés. Des hypothèses variées se sont produites sur ces deux états différents de la nature qui se nomment la période chaotique et celle de la création. La plus spécieuse çrétend que la matière, travaillant sur elle-même, sans fin et sans relâche en vertu de son énergie propre, a défait et refait son œuvre pendant une série de siècles indéfinie, jtisqu à ce que, parvenue à créer des types plus conformes k son essence, son action s’est ralentie, l’harmonie s’est établie dans son sein, et l’ordre, succédant ainsi au ■ désordre, a mis un terme à la période chaotique. D’après cette théorie, la nature n’a rien perdu de son énergie primitive, mais elle a acquis des habitudes qui, consolidées, sont devenues les lois naturelles, et elle s’y conforme provisoirement. Cette conception de l’origine successive des choses actuelles est fondée sur l’observation constante de la science depuis qu’elle est née… « Il suffira de faire remarquer ici, dit M. Bory Saint-Vineent, que les créatures vivantes, sans exception, et l’homme autant que la chenille et le papillon, sont des preuves d’une subordination indis. pensable entre les parties constitutives d’un tout, qui, par l’enchaînement de métamorphoses sans nombre, conduit chaque créature vers ses fins… Ces divers éléments d’existence ne se développent pas à la fois. Les temps où des Prométhées animaient des statues de boue avec le feu d’une férule, et des Pygmalions leurs statues de marbre avec une oraison au dieu d’amour, sont passés, ou du moins on ne croit plus a de pareils miracles. Pour qu’un être vive, il faut que toutes les conditions vitales s’y soient développées chacune k son tour, dans certaines proportions, selon les besoins de chaque âge. Ces conditions y sont comme des créatures partielles, ajoutées successivement les unes aux autres par une force merveilleuse toujours agissante, qui voulut que chaque créature fût k cet égard l’image du monde lui-même, lequel dut commencer par un état d’enfance où les eaux l’environnaient, ainsi que celles de Vamnios nous environnaient dans les ténèbres du sein qui nous porta. Les productions des eaux durent donc précéder celles d’une terre que submergeait un océan sans rivages. Les végétaux purent, plus tard seulement, quand cette terre fut suffisamment desséchée, parer son étendue, d’abord toute fangeuse. Les animaux herbivores, qui n’eussent pu se nourrir avant que les végétaux fussent apparus, les y suivirent dans le pompeux cortège des existences perfectionnées ; les espèces sanguinaires vinrent encore après ; l’homme omnivore naquit enfin, et dans son orgueil imagina que l’univers était achevé. •

Cette doctrine du chaos et de la manière dont on en est sorti pour entrer dans la création n’est pas antérieure au xixe siècle, et commence avec les travaux de Cuvier. Elle diffère peu de celle qui voit dans notre terre un astre mort, dans les minéraux les débris d’un cadavre, dans les végétaux une moisissure, et dans les êtres vivants de la vermine qui pullule à la surface du mort. Cette théorie lugubre, d’ailleurs fondée sur un grand, nombre d’observations, se recommande du nom de Buffon, qui ne la poussait pas k ces conséquences extrêmes. « Nous voyons, dit-il (Théorie de la terre), des montagnes affaissées, des rochers fendus et brisés, des contrées englouties, des îles nouvelles, des terrains submergés, des cavernes comblées ; nous trouvons des matières pesantes souvent posées sur des matières légères, des corps durs environnés de substances molles, des dhoses sèches, humides, chaudes, froides, solides, friables, toutes mêlées et dans une espèce de confusion qui ne nous présente d’autre image que celle d’un amas de débris et d’un monde en ruine. »

Ainsi, la période chaotique aurait été celle de la’véritable vie de notre univers, aujourd’hui mort, et la période de la création des êtres vivants serait secondaire dans l’histoire du globe, désormais finie. L’imagination des peuples s’est beaucoup exercée au sujet de cette période inconnue de l’univers, nommée chaos, et on nomme cosmogonies les divers systèmes issus de leur curiosité k cet égard. La plupart sont parvenus jusqu’à nous par l’entremise des poëtesetdes philosophes de la Grèce. Hésiode, le père de la tradition religieuse chez les Grecs, nous donne comme essences primordiales : le Chaos, la Terre, le Tartare et ï’Amuur. Le Chaos, d’après les idées grecques, est l’espace vide, ou, si l’on veut, la nature qui reçoit tout dans son sein, d’après une expression de Platon. La Terre, ce n’est pas la matière ; ce n’est qu’une portion de la matière, le centre de la matière si l’on veut. Le Tartare, toujours au sentiment d’Hésiode, est le penchant qui entraîne la terre k retomber dans le Chaos sans forme. : c’est la mort. h’Amour (Eros), est la force contraire ; il meut, maintient et unit : c’est la vie. Le, Chaos d’Hésiode a deux enfants : YErèbe et la Nuit. VErèbe est la masse pesante et oppressive des ténèbres ; la Nuit est son épouse, et elle a eu de lui deux fils : i’Ether et le Jour..

Ainsi le monde est né du chaos par l’effet d’une forcé inconnue. Il est bon, tandis que le chaos était mauvais, car on le nomme sans cesse l’abîme des ténèbres, ou, dans la Bible, las ténèbres de l’abîme, le puits de l’abîme. Le chaos est représenté dans l’univers actuel par la matière, débris d’un autre univers, qui