immortaliser le souvenir des Thermopyles de la France. Elle a voulu glorifier et exalter le martyre du drapeau ! Aucun poème ne mérite à plus juste titre le nom d’épopée : tout y est épique, sans artifice, sans imitation, sans faux merveilleux. Sujet historique, national et religieux ; souvenirs grandioses, croyances et sentiments populaires ; connaissance du cœur humain, éloquence de l’âme ; descriptions saisissantes et rapides ; grandeur naïve et franchise sincère des héros, c’est bien là le caractère d’une Iliade, d’un poème homérique, auquel il ne manque, suivant M. Génin, que d’être écrit en grec. « Même aux endroits les plus faibles et les plus négligés, dit M. Vitet, dans les parties accessoires du poëme, que de traits grandioses qui le relèvent et l’ennoblissent ! Et quand nous sommes au cœur même du sujet, depuis l’instant où l’archevêque donne à ses compagnons la bénédiction suprême, jusqu’au dernier soupir de Roland, quelle série de tableaux, de pensées, de sentiments, tous plus épiques les uns que les autres ! Devant ces admirables scènes, un seul mot vient à l’esprit, le mot sublime. Les plus grands spectacles de la nature soulèvent-ils dans l’âme de plus profondes émotions ? » Ne soyons donc point surpris si la Chanson de Roland a été pendant plusieurs siècles la Marseillaise de la vieille France.
Le 13 octobre 1066, au moment où les armées d’Harold et de Guillaume allaient se prendre corps à corps dans les plaines d’Hastings, un cavalier normand nommé Taillefer sortit des rangs, lança son cheval en avant du front de bataille, et, pour préparer ses compagnons à vaincre ou à mourir, entonna la Chanson de Roland. Les historiens les plus dignes de foi parlent tous de ce chant carlovingien inaugurant le combat, et répété en chœur par les soldats du duc de Normandie, déjà maître de l’Angleterre.
Il est fait mention de la Chanson de Roland dans tout le moyen âge, principalement au XIIe et au XIIIe siècle ; on prétend même que nos armées la chantaient encore au XIVe siècle. M. Vitet dit avec raison : « Plus on lira la Chanson de Roland, plus on y verra, non-seulement les traces évidentes d’une inspiration native, mais le germe, et parfois la première floraison d’un art exquis. À côté de ces beautés grandioses dont tout d’abord on est frappé, et qui viennent moins du talent du poète que de l’énergie de sa croyance, il en est d’autres plus délicates, et qui doivent peut-être exciter plus de surprise. Où donc ce trouvère illettré a-t-il pris le secret de ces dialogues pleins de finesse ? D’où lui vient l’art de conduire une scène, d’en diriger l’action, d’en suspendre l’intérêt avec tant d’à-propos ? Ce savoir-faire se mêle à une telle ignorance ! Homère, outre le privilège de parler, quatre siècles à l’avance, la langue de Sophocle, avait aussi le don d’en savoir autant à lui seul que les sept sages réunis. Notre poète ne sait rien ; de chronologie, pas un mot, moins encore de géographie ; il ignore tout ce qui s’enseigne, mais il connaît le cœur humain, il le connaît à fond, il en sait les plus secrets détours, il sait mieux qu’un lettré dessiner un caractère, témoin ce portrait de Roland, cette vivante image, qui, dans les traits d’un homme étudiés d’après nature, nous montre ceux d’un peuple tout entier ; car Roland, c’est la France, c’est son aveugle et impétueux courage ; Azincourt et Poitiers, aussi bien que Roncevaux, sont là pour confirmer l’exacte ressemblance, la prophétique vérité de ce caractère de Roland. »
M. Vitet n’est plus le seul à placer à un rang exceptionnel parmi les poésies du moyen âge la Chanson de Roncevaux. Qu’on fasse une large part à la rudesse de la forme et à l’imperfection du langage, il n’en faudra pas moins admirer la grandeur du dessin, la vérité de la couleur, l’énergie de l’émotion et la profondeur des sentiments. La France a son épopée.
Chanson d’Antioche (la), poëme de chevalerie,
composé au commencement du XIIe siècle
par Richard le pèlerin, et complété sous le
règne de Philippe-Auguste par Graindor de
Douai. Il fut publié pour la première fois à
Paris en 1848 (2 vol. in-12). La Chanson d’Antioche est la partie la plus ancienne et la seule
réellement historique de cet ensemble de
poëmes qui forme la légende du Chevalier au cygne. C’est un monument d’une certaine valeur
littéraire, très-important pour l’histoire
de la première croisade. Le texte a été divisé
en huit chants par l’éditeur, M. Paulin Paris,
qui n’a pas été bien inspiré peut-être, en retranchant
un épisode ajouté par Graindor de
Douai. Les vers du pèlerin Richard, au nombre
de neuf mille, racontent la funeste échauffourée
de Pierre l’Hermite ; ils suivent les
princes croisés à leur arrivée à Constantinople,
racontent leurs démêlés avec l’empereur,
signalent la loyauté d’Estelin l’Esnasé, montrent
les soldats du Christ à Nicée, et pénètrent
avec eux dans la ville. Ils nous ont conservé
le caractère réel des principaux guerriers
qui prirent part à la croisade. Étienne,
comte de Blois, qui avait fui à Antioche, était
quelque temps resté un objet d’exécration dans
l’armée chrétienne ; le trouvère le représente
comme un parfait modèle de trahison, de
lâcheté et de perfidie. Après avoir suivi les
traces de Boémond dans le mauvais pas de
Gurhénêe, le poète s’attache à Tancrède, à Baudouin : on lui doit de précieux détails sur
la querelle de ces deux fiers chevaliers, sur les
excuses que l’impatient Tancrède fut obligé de
faire au frère de Godefroi; mais la partie la
plus importante de ce poëme est le récit du
siège et de la prise d’Antioche, et la déroute
de Corbaran. « Dans cette partie de la chanson,
dit M, Paulin Paris, le trouvère est bien
supérieur à tous les chroniqueurs latins, et je
crois pouvoir placer au rang des morceaux
les plus importants de l’histoire moderne le
récit de la trahison de Dacien et de l’entrée
des croisés dans la ville. Richard ne dissimule,
dans aucune circonstance, les torts et
les mauvaises passions des chefs qu’il honore
le plus : Boémond tremble plus d’une fois, et
plus d’une fois il a besoin d’être rappelé à son
devoir ; le duc de Normandie est représenté
tel que nous l’ont dépeint les historiens particuliers
de la province, brave, mais léger, irascible,
impétueux et facile à se laisser prévenir,
La chanson abonde en détails précieux
sur les guerriers d’Artois, de Flandre et de
Picardie. C’est avec une sorte d’émotion patriotique
que Richard nous a peint les adieux
de la comtesse Clémence, et qu’il a rappelé
les prouesses de Baudouin Cauderon, de Gontier
d’Aire, d’Enguerrand de Saint-Pol et l’héroïque,
fait d’armes de Raimbaut Créton, le
bon chevalier picard. Il nous attendrit, il sait
nous élever à la hauteur de ses héros quand
il nous montre le brave Renaud Porquet
énervé, chargé de chaînes, et renouvelant la
douteuse action de Régulus. L’amour du pays
ne lui fait pas oublier la gloire des autres
corps d’armée : c’est un écuyer de Chartres
qui, sur l’échelle d’Antioche, veut précéder
le bon comte de Flandre ; c’est à Boémond
que le principal honneur de la prise de la ville
sera réservé, et l’évêque du Puy planera
comme un ange tutélaire au milieu des chefs
pour les ramener sans cesse à l’espérance, à
la résignation. »
Cette chanson de geste suivit les croisés à Jérusalem ; elle y fut évidemment écoutée par les chrétiens qui venaient de toutes les parties de l’Europe contempler le divin sépulcre et la Terre sainte. La Chanson d’Antioche fut revue par Graindor de Douai, dans les premières années du règne de Philippe-Auguste, c’est-à-dire au temps où l’usage d’écrire les chansons de geste venait de s’introduire, où l’habitude de lire, substituée à celle d’écouter, avait rendu les juges plus difficiles. L’histoire du siège d’Antioche occupe le quatrième rang dans la série chronologique des légendes du Chevalier au cygne. On y intercala l’incident fabuleux des chétifs (captifs), récit des désastres des compagnons de Pierre l’Hermite, de leur captivité dans le Khorassan, de leur retour à travers mille dangers imaginaires devant Jérusalem, au moment où le dernier assaut allait être livré. C’est cet épisode, d’un intérêt purement littéraire, que M. Paris a retranché. L’éditeur a comparé avec les témoignages du poète ceux des chroniqueurs latins ; des notes nombreuses, de bonnes tables ajoutent encore au mérite de cette publication. Mme de Saint-Aulaire a traduit en français moderne la Chanson d’Antioche.
Chanson des Saxons (la), par Jean Bodel,
trouvère du XIIIe siècle, est d’environ cent ans
postérieure à la Chanson de Roland. Elle a
été publiée pour la première fois par M. Francisque
Michel, à Paris, en 1839 (2 vol. gr. in-12). Le sujet est la révolte et la défaite des
Saxons par Charlemagne. Encouragés par le
peu de succès de l’expédition du roi des Germains
au delà des Pyrénées, qui se termina
par le désastre de Roncevaux (778), si vivement
décrit dans la Chanson de Roland, les
Saxons avaient envahi et pillé les bords du
Rhin. Charlemagne entreprit de les subjuguer,
et ne parvint que longtemps après à les
soumettre. Il les battit enfin (785), et Witikind,
leur chef, fut contraint d’embrasser le
christianisme. C’est sur ce fait historique que
Bodel a composé sa chanson de geste.
La Chanson des Saxons comprend deux cent quatre-vingt-dix-sept strophes ou couplets fort irréguliers, car plusieurs comptent plus de trente vers, et d’autres n’en ont que douze. C’est un récit romanesque, souvent remarquable, où la partie galante et même comique le dispute à la partie épique ; si bien que l’on trouve dans ce poème comme un avant-goût du Roland furieux de l’Arioste. Il est aussi écrit en une langue plus facile à comprendre que celle de la Chanson de Roland, et cela s’explique par la date plus récente de sa composition. C’est pour cette raison sans doute que M. Delécluze, dans son Roland ou la Chevalerie, n’a pas jugé à propos d’en donner la traduction, et s’est contenté de l’analyser.
Chanson des Albigeois (la), poème provençal,
publié par Fauriel, en 1837. L’auteur
s’est retranché derrière le pseudonyme de
Guillaume de Tudèle. Contemporain des faits
qu’il raconte, il nous apprend lui-même qu’il
a composé son ouvrage sur le plan et sur l’air
de la Chanson d’Antioche. Par la forme, le
poëme se rapproche des grandes épopées
carlovingiennes ; par le fond, c’est moins une
satire qu’une histoire écrite sous l’impression
des événements, histoire curieuse, en ce qu’elle
nous représente parfaitement la marche de
l’opinion publique. Le récit commence à l’année
1204 et s’arrête en 1219, au moment où le
prince Louis, fils du roi de France, arrive
sous les murs de Toulouse ; il n’embrasse
donc point la durée entière des bouleversements
causés par la croisade albigeoise ; il
n’en comprend guère plus de la moitié, c’est-à-dire
les dix premières années de cette croisade
impie. L’auteur semble poursuivre sa
narration presque jour par jour, désastre par
désastre, sous toutes les impressions, au milieu
de toutes les clameurs, de toutes les misères,
de toutes les calamités qui accompagnent
ce scandaleux abus de la force brutale ;
il semble l’interrompre ou la reprendre tour à
tour, à mesure que se développent les événements
dont la mort de Pierre Castelnau, le légat
du pape, fut le signal. Cette chanson offre
deux aspects, et semble écrite par deux hommes
non-seulement différents, mais, de plus,
ennemis. En commençant, l’historien se montre
le partisan décidé, le prôneur ardent de la
croisade ; il a pris parti contre les hérétiques ;
Albigeois et Vaudois, il les déteste et les maudit ;
il célèbre la guerre entreprise contre eux,
comme une guerre sainte, inspirée par le ciel ;
il s’identifie, autant qu’il le peut, avec les croisés ;
il les désigne de vingt manières différentes,
et chacune est une manifestation de sa
sympathie pour eux. La partie du poème composée
sous l’influence de ce zèle fanatique n’embrasse
que les événements des trois premières
années : à partir de ce moment, la guerre est
décrite comme une entreprise de violence et
d’iniquité ; les pieux héros ne sont plus que
des hommes féroces, dominés par l’ambition,
et déshonorant à la fois la religion et l’humanité.
Il n’est cependant pas facile de discerner
nettement l’endroit où se fait une révolution si
complète dans l’esprit ou plutôt dans le cœur
de l’historien ; l’indécision entre les deux causes
ne semble s’accuser qu’après le récit de la
bataille de Muret, après la mort du roi d’Aragon.
« Tout le monde en valut moins, dit-il ;
toute la chrétienté en fut abaissée et honnie. »
Cette pensée une fois exprimée, la haine se
prononce, s’accroît et s’exalte sans s’épuiser.
En cessant d’être le chantre de la croisade, l’auteur ne devient pour cela ni hérétique ni
partisan de l’hérésie ; seulement la croisade
n’est plus pour lui une affaire de croyance,
mais une grande iniquité politique, une guerre
odieuse, où l’Église trompée cherche à triompher,
par la violence et la fraude, de l’innocence
et du droit. Cette protestation dut à son
tour ébranler bien des consciences et indigner
le patriotisme méridional contre les Français
du nord, qui ne sont que des barbares,
des tueurs d’hommes, des ivrognes. Après
le sac de Béziers, le poète dit : « On les égorgea
tous ; on égorgea jusqu’à ceux qui s’étaient
réfugiés dans la cathédrale ; rien ne put
les sauver, ni croix ni autel. Les ribauds, ces
fous, ces misérables, tuèrent les clercs, les
femmes, les enfants ; il n’en échappa, je crois,
pas un seul. Que Dieu reçoive leurs âmes,
s’il lui plaît, en paradis ! »
Dans ce duel à mort entre la France du nord et celle du midi, Toulouse apparaît comme la cité sainte, qui défend contre la barbarie l’honneur et la liberté du monde. L’historien interrompt son récit de temps à autre pour lui parler, l’encourager ou pleurer avec elle : « Ô noble cité de Toulouse, brisée dans tes os, à quelle gent perverse Dieu t’a livrée ! » Mais Toulouse sera vengée : la pierre qui doit briser les espérances ambitieuses de Montfort ira frapper où il faut. « Elle frappe le comte Simon sur son heaume d’acier d’un tel coup, que les yeux, la cervelle et les mâchoires en sont écrasés et mis en pièces. Le comte tombe à terre, mort, sanglant et noir. » Le cardinal, l’abbé et l’évêque le reçoivent dolents, avec la croix et l’encensoir. Pendant ce temps, les cors, les trompettes, les tambours, les cloches célèbrent la vengeance de Toulouse. L’historien partage lui-même l’{{{2}}} universelle : « À tous ceux de la ville, la mort de Simon fut une heureuse aventure, qui éclaira ce qui était obscur, qui fit renaître la lumière à laquelle le mérite fleurit et porte graine. »
Une des premières choses qui frappent dans cette histoire, c’est l’empressement de l’auteur à citer par leurs noms tous les personnages, grands ou petits, qui ont pris part à la croisade ; il cite même les noms des ingénieurs qui ont construit les machines de guerre. Une foule de détails caractéristiques intéressent l’histoire, le droit municipal, la politique générale, la constitution de l’Église, tes mœurs méridionales, etc. Mais c’est surtout le caractère, la situation et le rôle des principaux acteurs de la croisade que le poème met en relief : le fils de Philippe-Auguste, le faible Louis VIII ; Simon de Montfort, l’aventurier de haut étage, le fléau des hérétiques ; Innocent III, saint personnage, circonvenu par ses prélats ; Folquet, le maudit évêque de Toulouse ; le comte de Foix, noble et brillant chevalier ; les prélats tenant le concile de Latran. Ces traits, ces pages peignent à la fois les événements et les temps. Quelques défauts, des obscurités, des redondances, des lacunes, sont amplement rachetés par de grandes beautés. La narration prend parfois une allure si vive, si franche, si pittoresque, si naïve, si énergique, qu’elle perdrait infiniment à être plus conforme aux idées et aux règles vulgaires de l’art. Il y a telle scène, tel tableau, admirablement rendus. Le sujet est traité avec le sentiment des formes dramatiques ; l’auteur caractérise plus volontiers ses personnages en les faisant agir qu’en les faisant parler. Il paraît n’avoir rien inventé, ni pour tromper ni pour plaire ; il dit franchement les choses comme il les a vues et senties ; il a voulu être historien, et l’a été de tout son pouvoir. Pris en masse et sur les points capitaux, ces récits s’accordent avec les autres récits accrédités des mêmes événements, et, sur les points secondaires, où ils s’en écartent, ils ont leur vraisemblance et leur part d’autorité. Paré des ornements des poèmes chevaleresques dont le souvenir y est quelquefois rappelé, ils n’en sont pas moins des mémoires contemporains, mémoires d’autant plus précieux, d’autant plus dignes de foi, que le poëte y relève les fautes et les crimes de ceux de son parti.
Chanson de La Palisse. V. LA PALISSE.
Chanson de la pelle (la), chanson populaire
encore aujourd’hui très-souvent chantée
dans quelques provinces et dans les chambrées
de soldats ; l’origine en est peu connue,
mais, sans trop de témérité, on pourrait en
attribuer l’air et peut-être les paroles à l’ancien
marmiton de Mademoiselle, devenu le
célèbre Lulli, et l’auteur fameux de cette autre
chanson si connue :
Au clair de la lune,
Mon ami Pierrot, etc.
Un petit volume intitulé : la Musique du diable ou le Mercure galant dévalisé (Paris, Robert le Turc, 1711), nous montre en effet Lulli, à son entrée aux enfers, composant ce morceau à trois parties ; pour le faire chanter par les trois gosiers de Cerbère, qui le répète plusieurs fois, et s’en montre si enchanté, qu’il donne au musicien licence de passer. Quel qu’en soit d’ailleurs l’auteur, il est certain que la Chanson de la pelle était connue sous Louis XIV. La Champagne est la province où elle parait être encore aujourd’hui le plus répandue, mais sous une autre dénomination. Dans son Romancero de Champagne, M. Tarbé donne, en effet (t. II, p. 227), sous le titre de Chanson du pressoir à Ludes, le fragment suivant :
Pelle en haut.
Pelle en bas,
Pelle avec son joli petit manche,
Et pelle qui n’en a pas.
Ce pourrait bien être là, remarquons-le en passant, ce qui a inspiré le trop fameux couplet ;
J’ai un pied qui r’mue.
Et l’autre qui ne va guère,
J’ai un pied qui r’mue.
Et l’autre qui ne va plus.
On trouve, au sujet de la Chanson de la pelle, un curieux passage dans une pièce représentée pour la première fois à Paris, sur le théâtre de la Gaîté, le 4 novembre 1826, et publiée la même année (Paris, Bezou, in-8o), sous ce titre : la Salle de police, tableau militaire en un acte, mêlé de vaudevilles, par MM. Carmouche et Vander-Burch. Bouffé, alors à la Gaîté, jouait le rôle de Chollet, conscrit, et faisait comme il suit, scène X, les honneurs du lieu dont la pièce porte le titre :
Chollet. Dites donc, mes officiers, je pense au règlement, voyez-vous. Je suis le plus ancien ici ; je suis habitant ; il est d’usage de payer la bienvenue et de chanter la romance de la Salle de police.
D’Hërmilly. Ah ! Pelle noire, pelle blanche… Je m’en souviens encore…
César. En avant la romance !…
Chollet. Savez-vous bien la musique ?
Tous. Oui ! oui !…
César, Parbleu ! Qui est-ce qui ne la sait pas ?
Tous. En canon (air connu) :
Pelle noire, pelle blanche.
Pelle avec son petit manche,
Pelle en haut, pelle en bas,
Et pelle qui n’en a guère.
Pelle en haut, pelle en bas,
Et pelle qui n’en a pas.
Chollet. (Il est monté sur un tabouret et suit la musique de ce canon, qui est charbonné sur le mur : chaque note est figurée par une pelle de boulanger placée comme les paroles l’indiquent.) Ma foi ! nos officiers, à vous le pompon ! Aussi c’t’air-là est fièrement bien faite, et c’lui qui l’a inventée, c’était encore un fameux génie. »
Chanson de la messe (La). Après le nom
du pape, celui qui revient le plus souvent
dans les pamphlets des réformés, c’est celui
de la messe. De nombreuses parodies transformèrent
aisément en scène burlesque la cérémonie catholique. Parmi tant d’ouvrages inspirés
par ce sujet, nous citerons une chanson,
la plus vive et la plus gaie peut-être que nous
ait laissée la Réforme, la Chanson de la messe.
Elle se distingue entre toutes par la vivacité
du rhythme.
L’on sonne la cloche
Dix ou douze coups ;
Le peuple s’approche.
Se met à genoux ;
Le prêtre se vêt ;
Hari, hari l’âne ! Le prêtre se vêt,
Hari, bourriquet !
Du pain sur la nappe,
Un calice d’or,
Il met, prend sa chape ;
Dit confiteor ;
Le peuple se tait.
Hari, hari l’âne ! Le prêtre se vêt,
Hari, bourriquet !