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fie les détails sans pouvoir être accusé de négligence. » La Mort de César n’a pas été gravée ; Julien a lithographié séparément cinq ou six des figures, et ses lithographies sont au nombre des modèles les plus répandus dans les écoles de dessin.

CÉSARS (les douze). On désigne sous ce nom Jules César et les onze princes qui ont régné après lui : Auguste, Tibère, Claude, Caligula, Néron, Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus et Domitien. Les six derniers étaient étrangers a la famille du vainqueur des Gaules. Suétone a écrit la vie des douze Césars.

Césars (les) ou le Banquet, satire de l’empereur Julien, composée sans doute à Antioche, en 363. Si l’on en croit quelques auteurs, cet ouvrage n’est pas le même que celui dont Julien semble faire mention dans le quatrième discours en l’honneur du Soleil roi. Suidas, en effet, cite un passage qui ne se trouve pas dans la satire des Césars telle que nous la possédons ; mais il est probable que le texte actuel présente des lacunes. Comment, s’il n’en était pas ainsi, Julien, qui cite tous les empereurs, même Vindex, Galba, Othon, Vitellius, aurait-il passé sous silence les huit princes qui ont régné avant Claude II ?

Voici le cadre choisi par l’écrivain : Pendant les saturnales, Romulus fait un festin auquel il invite les dieux et les Césars. Les lits des immortels sont placés dans l’Olympe, au plus haut des cieux ; ceux des empereurs, un peu au-dessous de la lune, dans la région supérieure de l’air. Les anciens maîtres du monde passent successivement devant l’assemblée des dieux, sous le feu des plaisanteries de Silène, qui joue ici le rôle de la critique indépendante et railleuse. Le joyeux précepteur de Bacchus met à nu, d’un seul trait vif et piquant, les travers, les vices et les crimes de chacun d’eux. L’ambition sans frein de Jules César, l’hypocrisie d’Auguste, les débauches de Tibère, les folies et la cruauté de Catigula, l’imbécile nullité de Claude, les ridicules parades et les forfaits de Néron, sont tour à tour stigmatisés. Silène flétrit l’avarice de Vespasien, les dérèglements de la jeunesse de Titus, les honteuses amours de Trajan et d’Adrien ; il blâme sans ménagement la funeste condescendance de Mare-Aurèle envers son fils et son épouse, et la faiblesse d’Alexandre Sévère pour une mère avide d’or et de pouvoir. Commode, Caracalla, Héliogabale, ces monstres couronnés qui regardaient le monde comme une proie à dévorer, sont livrés au fouet. Rien n’échappe à la censure ; à peine Julien fait-il grâce à Claude II, ce barbare dont il se glorifie d’être le descendant, et à Dioclétien, l’auteur de la fortune de sa famille. Philosophe et empereur, il juge surtout en philosophe les princes auxquels il a succédé, et presque toujours ses jugements sont équitables et conformes aux arrêts de l’histoire.

Dès que les Césars ont pris place au festin, Quirinus propose d’admettre au rang des dieux celui d’entre eux qui sera jugé le plus digne de cette faveur. Jupiter y consent ; mais, à la demande d’Hercule, il décide qu’Alexandre sera aussi admis à faire valoir ses droits. Chacun des concurrents plaide sa cause avec chaleur ; le roi de Macédoine dispute au premier des Césars la légitimité de ses titres à la renommée ; Auguste, Trajan, Marc-Aurèle et Constantin prétendent aussi aux honneurs de la divinité ; chacun d’eux fait valoir ses titres et s’efforce de rabaisser la gloire de ses rivaux. Le débat est admirablement conduit ; les caractères y sont dessinés avec une sûreté et une délicatesse qui décèlent un goût exquis et un esprit des plus cultivés ; les plus hautes réputations y sont posées et discutées avec une liberté d’esprit et une hauteur de vues qui étonnent chez un empereur. L’austère philosophe dissipe d’un souffle cette fumée des grandeurs humaines auxquelles tant d’ombres illustres ont attaché leur gloire ; la fastueuse renommée de Pompée s’évanouit comme un songe ; le vainqueur de Pharsale, maître du monde, n’est pas assez puissant pour conquérir l’affection des Romains ; le héros macédonien devient un homme ordinaire, qu’une blessure peut mettre hors de combat, qu’une coupe de vin rend insensé et furieux. Des faiblesses vulgaires, des crimes odieux, des débauches sans nom ternissent la gloire de ces puissants monarques que Rome avait déifiés. Après avoir entendu César, Alexandre et leurs concurrents réclamer une place dans l’Olympe, on se demande s’il y en a un seul parmi eux dont la vie justifie les prétentions. L’auteur a jugé en faveur de Marc-Aurèle. On ne peut nier que ce stoïcien n’ait des droits à la préférence ; mais Julien, dans son admiration exclusive, l’a fait plus grand que les dieux eux-mêmes. En revanche, Constantin n’y est pas flatté ; mais cet homme sanguinaire, hypocrite, efféminé, couvert de crimes, méritait peut-être moins de ménagements encore que ne lui en a accordé une de ses victimes, celui dont il avait fait massacrer toute la famille par ses soldats.

Ce livre suffirait à prouver, ce qu’on sait d’ailleurs, que Julien fut un des esprits de son temps les plus brillants, les plus élevés et les plus éminemment philosophiques. Ce prince avait fait de solides études à Athènes, en compagnie de saint Basile et de saint Grégoire. de Nazianze. Voici le jugement qu’en porte M. Ph. Chasles : « Julien, dit-il, doué d’une âme haute, d’un esprit noble et du talent le plus brillant, combine dans son style, sur lequel se joue un reflet oriental, la manière de Lucien et de Xénophon. Sa lutte contre un siècle entraîné vers le christianisme a nui à son talent, que l’on a trop oublié, et qui s’est comme englouti dans le torrent de la civilisation nouvelle qui triomphait. »

Les Césars de l’empereur Julien ont été publiés pour la première fois par Cantoclarus, en grec et en latin (Paris, 1577). Les éditions les plus recherchées sont celles de Heusinger (Gotha, 1736), et deHarless (Erlangen, 1785).

Césars (les), Tableau du monde romain, par Frantz de Champagny. Ce livre, publié en 1841-1843 (1 vol. in-8°), est une belle étude du monde romain sous l’empire des Césars. Il est écrit avec une conscience remarquable, et il obtint beaucoup de succès, dès sa première publication dans la Revue des Deux-Mondes. Au point de vue historique, cet ouvrage a une valeur incontestable. Dans les deux premiers volumes, M. de Champagny expose à grands traits l’histoire des Césars, depuis Jules, qui a fondé la dynastie, jusqu’au dernier de la branche, Néron, dont le nom, dans son genre, est resté tout aussi célèbre que celui du dictateur. Le premier volume est plein d’intérêt et de chaleur ; il est écrit d’un style rapide, élevé, vigoureux, plus oratoire cependant qu’historique, où l’on remarque, comme des taches légères, des familiarités d’expression déplacées, telles que celle-ci : « Néron n’était qu’un gamin couronné, dont les affranchis étaient les cornacs. »

Le tableau moral et politique du monde romain sous les Césars remplit le troisième et le quatrième volume. L’histoire s’y transforme souvent en plaidoyer, et l’auteur cherche plutôt des arguments que des faits. Il ne cite cette époque déplorable de l’antiquité à son tribunal que pour la condamner à faire amende honorable aux pieds du christianisme, vainqueur du stoïcisme, ce dernier refuge des âmes fortes. D’après lui, le vice radical du polythéisme, c’est que le bien y prenait-sa source dans le mal, d’où il suit que le monde ancien ne pouvait sortir de la barbarie qu’en se corrompant. La décadence est une conséquence du polythéisme, une peine, une fatalité attachée à l’ignorance du vrai Dieu : les nations chrétiennes ne connaîtront jamais la décadence. C’est cette pensée qui est le fond même du livre et qui en fait l’originalité, l’intérêt, et un peu aussi la faiblesse. C’est une idée, ce qui suffit à vivifier le livre ; mais l’idée est fausse ou exagérée, et le livre pèche précisément par le côté philosophique que l’auteur s’est efforcé d’y introduire,

M. de Champagny a beau jeu contre l’antiquité, qui ne peut répondre en lui citant nos guerres de la féodalité, nos guerres de religion et de sectes, notre Saint-Barthélémy, les massacres des Indiens par les Espagnols, et nos Borgia. M. de Champagny n’avait pas à parler de tout cela, ce qui facilite singulièrement sa thèse. L’auteur est tout aussi injuste envers la philosophie, qui, pendant la longue agonie du polythéisme, a fait la consolation et la force de toutes les âmes élevées, cette philosophie dans laquelle les anciens sont encore nos maîtres, puisqu’elle les avait si complètement affranchis des préjugés de leur temps.

M. de Champagny a mis en regard de la décrépitude de l’antiquité la sève de la jeunesse du christianisme. Tout en rendant justice à la générosité de ses sentiments, et malgré notre respect pour une conviction si forte, nous craignons que son hypothèse de l’éternelle adolescence du christianisme ne soit qu’une hypothèse mal justifiée par l’histoire, et il nous semble, à nous, qui reconnaissons au christianisme bien d’autres mérites, qu’on ne peut, sans s’aveugler volontairement, lui faire compliment aujourd’hui sur sa jeunesse éternelle. « Son livre, écrit un peu légèrement M. de Sacy, fait penser plus que tout autre ; n’est-ce pas tout dire ? » Non, car il reste à rendre justice au rare talent de l’écrivain, à l’élévation de sa pensée, à son style rapide, vigoureux, élégant, mais, nous le répétons, plus oratoire qu’historique, ce qui ne messied pas dans un ouvrage qu’on doit considérer plutôt comme un plaidoyer en faveur du christianisme que comme une histoire ; non encore, car il ne suffit pas qu’un livre fasse penser, même plus que tout autre, il faut se préoccuper de la nature des pensées qu’il suggère, et se demander si ces pensées concluent contre l’auteur ou en faveur de sa thèse. Nous avons dit le mot qui condamne, selon nous, le livre de M. de Champagny : l’histoire n’est pas, ne devrait pas être une thèse, mais un exposé impartial dont les conclusions doivent être laissées au jugement équitable de la postérité.

Césars et les Napoléons (les), parallèle historique, publié par M. Amédée de Cesena en 1861. Les Napoléons sont le vivant commentaire des Césars, de même que les Césars sont l’histoire anticipée des Napoléons ; telle est l’idée fondamentale du livre de M. Amédée de Cesena. Il compare Napoléon Ier à César, en donnant parfois la préférence à ce dernier, et Auguste à Napoléon III, qu’il place bien au-dessus de l’empereur romain. À travers tout l’ouvrage circule une idée dominante ; c’est l’influence du christianisme, dont les Napoléons ne sont que les instruments. M. de Cesena soutient la thèse des hommes providentiels. Il conclut en disant que Napoléon III doit conquérir, par le progrès, le monde à l’égalité et à la démocratie, dont il est le représentant, et que l’empire est dans la sphère temporelle ce qu’est l’Église dans la sphère spirituelle. Selon M. de Cesena, l’autocratie ne gouverne en haut que pour que l’égalité règne en bas.

Telles sont les idées principales de ce parallèle, que nous ne suivrons pas dans ses développements. Dans ce dithyrambe en l’honneur de l’empire actuel, quelques pensées se font jour, empreintes d’un levain de libéralisme. On aperçoit, sous le travestissement impérialiste, l’auteur de la fameuse lettre adressée, en 1848, à Proudhon, pour faire acte d’adhésion a la banque d’échange. M. de Cesena élève courageusement la voix contre les exils de 1852, qu’il met en contradiction avec la politique conciliatrice du pouvoir ; il réclame de plus pour la France les frontières du Rhin. Quant à son libéralisme, il ne va pas au delà de certaines mesures bien restreintes : on sent que l’auteur est encore sous le coup d’une vague terreur inspirée par le spectre rouge ; il rêve révolutions tout éveillé, et sacrifie sans peine à ses terreurs puériles la liberté absolue dont il n’a que faire.

Ce parallèle à la Plutarque, bien qu’il affecte trop le ton élogieux et ressemble plutôt à une contrefaçon du Panégyrique de Trajan, se recommande par une véritable vigueur. Les idées ne manquent parfois ni de justesse ni d’élévation. Le style en est clair, élégant, quoique emphatique. M. de Cesena a visé à l’alinéa comme M. de Girardin ; il affecte la forme brève des sentences et a trop souvent l’air de donner une leçon ; mais il faut lui tenir compte de ses timides aspirations vers le progrès, et l’on est aise de surprendre, dans quelques passages, un rédacteur du Constitutionnel en flagrant délit de démocratie.

CÉSAR (Caïus), fils de Vipsanius Agrippa et de Julie, fille d’Auguste, qui le destinait à l’empire, ainsi que son frère Lucius César. Les deux jeunes princes moururent prématurément, Lucius l’an iie de l’ère chrétienne, à l’âge de dix-neuf ans ; Caïus l’an ive, des suites d’une blessure reçue en Arménie. Il avait à peine vingt-quatre ans.


CÉSAR (Jules), jurisconsulte anglais, né près de Tottenham en 1557, mort à Londres en 1636. Il était fils d’un Génois, César Adelmar, qui était devenu médecin des reines Marie et Elisabeth d’Angleterre. Il étudia le droit à Oxford et à Paris, fut nommé, sous Elisabeth, maître des requêtes et juge à la cour de l’Amirauté, puis il devint, sous Jacques Ier, vice-chancelier de l’Echiquier et conseiller privé de la couronne. César fut l’ami du célèbre chancelier Bacon, qu’il assista pendant son procès, et fit preuve pendant toute sa carrière d’autant de droiture que d’habileté. Il a laissé des manuscrits que possède aujourd’hui le British Muséum.

CÉSAR BORGIA (duc de Valentinois), second fils naturel de Roderic Borgia (depuis Alexandre VI) et d’une dame romaine nommée Vanozza, né vers 1457, mort le 12 mars 1507, ou suivant d’autres en 1513. La première partie de sa vie s’écoula dans l’obscurité. Son père, peu de temps après son avènement, le nomma archevêque de Valence, puis cardinal (1493), et, dans une négociation avec le roi de Naples, lui fit assigner un revenu considérable, avec la promesse d’un des grands offices de la couronne. Lors de l’expédition de Charles VIII en Italie, le pape, contraint de signer un traité d’alliance, consentit à ce que le cardinal César accompagnât le roi de France en qualité d’otage. On sait aussi qu’il lui livra Zizim, frère de Bajazet, dont Charles voulait se servir dans ses projets contre l’Orient, et qui mourut peu de jours après. On crut généralement alors que le prince turc, avant d’être remis aux mains des Français, avait été empoisonné, et que ce crime, payé par Bajazet, avait été conseillé par César. Ce qui donne un certain poids à ces assertions, adoptées par beaucoup d’historiens, c’est qu’à peine à Velletri, César s’enfuit du camp français et retourna à Rome. On lui attribua aussi le meurtre de son frère aîné, François, duc de Candie, dont il convoitait les richesses et les titres, et qui, à la suite d’un souper, fut assassiné et jeté dans le Tibre (1497). Des historiens italiens ajoutent ce détail caractéristique, qu’outre les motifs d’ambition, César avait pour mobile une violente jalousie contre son frère relativement à leur sœur Lucrèce, dont tous deux se partageaient les faveurs incestueuses.

Ce qui est certain, c’est que l’assassin présumé hérita des fiefs que possédait la victime dans le royaume de Naples, et qu’il reçut de son père l’autorisation de quitter la pourpre pour l’épée, ce qui lui permit d’aspirer à la main d’une fille du roi de Naples. Mais un bref donné l’année précédente par le pape, et qui avait mécontenté la maison d’Aragon, entravait cette négociation : César affirma hardiment que cet acte avait été falsifié par le secrétaire des brefs, l’archevêque Floride ; puis il engagea ce dignitaire à s’avouer coupable, pour couvrir le souverain pontife, et le décida par les plus magnifiques promesses ; et quand le malheureux Floride eut confessé sa prétendue faute, il le fit périr dans un cachot et mit la main sur tous ses biens. Néanmoins, son projet de mariage échoua.

L’année suivante (1498), il fut chargé de porter en France la bulle de divorce et les dispenses de mariage que sollicitait Louis XII, qui d’ailleurs ne les avait pas attendues pour répudier Jeanne de France et épouser Aime de Bretagne. Dans cette mission, Borgia déploya une magnificence qui fit pâlir le luxe de la cour de France. Il fit dans Chinon une entrée qui ressemblait à un triomphe et dont Brantôme nous a laissé une description. On rapporte même des détails qui paraissent un peu hyperboliques. Ainsi, les chevaux des personnes de sa suite étaient ferrés d’argent, et ses mules avaient aux pieds des fers d’or attachés avec un seul clou, afin qu’il s’en perdît sur la route. Louis XII se montra reconnaissant des faveurs peu coûteuses avec lesquelles Rome achetait son appui. Il donna au fils d’Alexandre VI le duché de Valentinois, avec une rente de 20,000 livres, la solde d’une compagnie de 100 hommes d’armes, et lui promit en outre des terres dans le Milanais, quand la conquête en serait achevée. Cette alliance, dont l’Italie était destinée à payer les frais, devint plus intime encore par le mariage de César avec Charlotte, fille de Jean d’Albret, roi de Navarre, proche parent du roi (12 mai 1499). Bientôt le duc de Valentinois entra en Italie avec Louis XII, qui plaça sous ses ordres un corps de troupes assez considérable ; et pendant que son allié mettait la main sur le Milanais, il commença de son côté la conquête des places de la Romagne. Ces villes étaient possédées par des feudataires de l’Eglise, qui les tenaient, les uns depuis plusieurs siècles par droit héréditaire, les autres par l’investiture des pontifes prédécesseurs d’Alexandre, Celui-ci n’avait aucun motif légitime pour les attaquer et les dépouiller, et il est hors de doute que le but secret de ces usurpations n’était point d’augmenter le patrimoine de l’Eglise, mais bien plutôt de fonder une souveraineté pour les Borgia. César, après avoir été revêtu du titre de gonfalonier du saint-siége, marcha contre Imola et s’en rendit maître, ainsi que de Forli, défendu avec courage par Catherine Sforce ; de Pesaro, qui appartenait à Jean Sforce, et de Rimini, qui avait pour prince Pandolphe Malatesta (1500). La conquête de Faenza fut plus difficile ; l’affection que les habitants portaient à leur jeune souverain, Astorre Maufredi, leur fit défendre la place pendant un an, et il fallut leur accorder une capitulation où il était stipulé qu’Astorre aurait un rang distingué au service de César Borgia. Celui-ci signa tout ce qu’on voulut, au nom de l’Evangile et des saints ; et dès que le jeune prince se fut, avec son frère, remis entre ses mains, il les envoya à Rome, où ils furent mis à mort. Il attaqua ensuite Bologne, dont il voulait faire sa capitale, car le pape lui avait déjà accordé l’investiture des États conquis, avec le titre de duc de Romagne ; mais ses armes, comme ses intrigues et ses perfidies, échouèrent devant cette ville, défendue par l’énergique Jeun Bentivoglio. Il fut plus heureux devant Piombino, qui se rendit à lui (1501). Le duché d’Urbin, qui se composait de quatre villes et de trente châteaux forts, excitait sa convoitise. Guidubald, qui en était souverain, loin d’avoir fourni aucun prétexte pour l’attaquer, était un allié fidèle du saint-siége, et il avait fréquemment combattu en faveur de l’Eglise romaine. César, désespérant de réussir par la force ouverte, feint de vouloir attaquer Camerino, et demande des secours à Guidubald, qui lui envoie avec confiance son artillerie et ses troupes ; la conquête de cet Etat, entièrement désarmé, ne fut plus alors qu’une simple marche. Le duc d’Urbin, averti par les supplices qui couronnaient toutes les entreprises du Borgia, s’enfuit et parvint à gagner Mantoue, quoique vivement poursuivi. Pour Camerino, César employa un autre genre de trahison : il attira a des conférences le seigneur de ce petit Etat, Jules de Varano, et le fit étrangler ainsi que ses deux fils. Telle était sa méthode constante ; comme Lysandre, il savait coudre la peau du renard à celle du lion, si cette comparaison n’est pas encore trop noble pour un tel homme. Absolument étranger à tout principe de morale, à toute notion de cette loyauté militaire qui, en d’autres pays, n’était pas toujours absente des mœurs féodales, il employait indifféremment et tour à tour l’astuce, la force ouverte, l’assassinat, les embûches, les trahisons, les parjures, les violations de traités et de capitulations, le fer, la flamme, la corde ou le poison, suscitant des rivalités, immolant ceux qu’il avait entraînés dans son alliance pour les dépouiller à leur tour, étendant même ses meurtres et ses spoliations sur les chefs qui l’avaient secondé dans ses entreprises, sur les petits seigneurs qui avaient embrassé son parti. « Il érigea le crime en système et porta l’impudence et la mauvaise foi à un degré inconnu jusqu’à lui… Les autres monstres ont été entraînés par leur passions, Borgia a tout calculé, jusqu’à la férocité, rapportant tout à lui, sacrifiant tout à son seul intérêt, ne connaissant la morale, la religion, le sentiment, que comme autant d’instruments qui pouvaient le servir, et qu’il brisait dès qu’il s’en trouvait gêné. » (Sismondi.)

Il agissait d’ailleurs avec la plus royale indifférence de l’opinion des hommes et de l’histoire, et l’on ne voit pas qu’il ait jamais cherché à voiler d’un prétexte ses violences et ses crimes.

Après la conquête de Camerino, César Bor-