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comme une apparition du monde romain. Leur pâleur les éloigne de la réalité et les idéalise en les reculant dans les perspectives lointaines de l’histoire. Toute l’antiquité romaine y est évoquée, et on la voit passer processionnellement avec une pompe qui, pour n’être pas emphatique, est tempérée par le naturel le plus charmant. Dans cette foule en marche, les uns sont triomphants et les autres traînés en triomphe. César, chauve et ridé, couronné par la Victoire, trône sur son char attelé de chevaux qui rappellent les antiques bas-reliefs. On y suit du regard des soldats qui portent sur des brancards des trophées d armes, des dépouilles opimes, des vases, des candélabres, les aigles du vainqueur mêlées aux drapeaux conquis ; on y voit les rois et les reines qu’on amène prisonniers, des éléphants couverts d’ornements et de riches draperies, des taureaux ornés pour le sacrifice, précédés par les joueurs de flûte et les trompettes et suivis des sacrificateurs et des prêtres. Puis viennent les licteurs portant les faisceaux couronnés ; enfin le cortège est fermé par les officiers de l’arméej de sorte que le peuple romain tout entier s’agite dans cette frise comme sur les marbres des arcs de triomphe de Titus, de Septime Sévère et de Constantin. On y remarque des matrones en larmes qui tiennent leurs enfants par la main, des adolescents pleins de grâces, et des vieillards replets qui conservent là dignité de la vieillesse jusque dans les disgrâces de l’obésité. Des spectateurs se pressent aux fenêtres de Rome pour voir passer le cortège. Parmi la foule, quelques détails pris sur nature arrêtent un moment l’attention et empêchent le style d’être tendu et surhumain, en introduisant les choses intimes de la vie dans la pompe brillante et bruyante d’un spectacle aussi solennel. Un enfant qui s’est mis une épine dans le pied se plaint à sa njère, de la façon la plus naïve, la plus gracieuse et ta plus naturelle... » M. Charles Blanc ajoute : « 11 nous souvient que lorsque nous vîmes pour la première fois ces peintures fameuses au palais de Hampton-Court, nous étions en compagnie d’un historien illustre (Louis Blanc î) étranger à l’étude spéciale des arts, mais auquel est familier le sentiment de la grandeur. Nous venions de regarder dans la galerie voisine les célèbres cartons de Raphaël... Quand nous eûmes contemplé cette longue et pâle frise du Triomphe, à la fois vivante et idéale, naturelle jusqu’à la naïveté et noble jusqu’à l’héroïque, notre compagnon se retourna vers nous et noua dit, en désignant du doigt les toiles de Mantegna : « Celui-ci me semble encore plus grand que l’autre.» Unteljugement méritait d’être mentionné ici, comme un hommage rendu sans prévention au génie de Mantegna par un esprit aussi mâle que délicat, aussi élevé que sincère, par un écrivain qui, lui aussi, est, k sa manière, un grand artiste. La vérité est que, sans placer Mantegna au-dessus de Raphaël, ni même à sa hauteur, nous ne le trouvons jamais plus beau que lorsqu’il est rapproché du maître par excellence. » Vasari regardait le Triomphe de César comme le chef-d’œuvre de Mantegna (la miglioracosa che lavorasse mai). Ce Triomphe est d’un style « si librement grandiose, dit M. Burger, que Rubens, qui n affectionnait que les formes splendides, a eu l’idée de le copier : sa copie, retrouvée à sa mort et cataloguée dans son inventaire, est aujourd’hui un des morceaux curieux de la National Gallery.» Mantegna considérait lui-même le Triomphe de César comme une des œuvres qui pouvaient lui faire le plus d’honneur ; il en avait commencé l’exécution avant son départ pour Rome, en 1488, et il écrivait de cette ville, au mois de janvier de l’année suivante, pour recommander au marquis de Gonzague de ne pas exposer • les Triomphes » aux injures de l’air, » parce que, disait-il, je n’ai vraiment pas honte de les avoir composés. » Mantegna acheva son œuvre à son retour de Rome. Pour le récompenser, le marquis lui fit donation entre vifs de deux cents mesures de terrain. L’acte de donation, qui nous est parvenu, est du 14 février 1492. L’artiste a gravé lui-même deux des fragments de sa longue frise : des Soldats portant des trophées et des Eléphants portant des torches. On a de lui aussi une estampe qui représente le Sénat de Home accompagnant un triomphe, pièce que 1 on croit avoir été exécutée d’après un dessin fait par l’artiste pour cette même frise, mais non employé. Les neuf fragments dont se compose le Triomphe de Jules César ont été gravés par Andréa Andreani et par Audenaerde en neuf pièces, se réunissant avec un frontispice. Deux de ces pièces, César sur son char et des Soldats faisant partie du cortège du triomphateur, ont été reproduites sur bois par M. J. Robert, dans l Histoire des peintres de toutes les écoles.

César (le Triomphe de Jot.es}, carton de M. Chenavard. Cette composition est une des plus remarquables du long cycle historique et philosophique que M. Chenavard se proposait de dérouler sur les murailles du Panthéon. Elle donne bien l’idée de l’appareil pompeux déployé dans la Rome antique pour l’entrée des triomphateurs : quadrige attelé de chevaux blancs, Victoires aux ades d’or, esclaves nombreux portant sur des brancards le butin enlevé k l’ennemi, les vases d’or, les cratères d’argent, les tapis persiques, la pourpre, les masses d’ambre, d’encens et de nard... Dans le fond du tableau s’élèvent des monuments rnSguifiqués.

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Céaar (les FUNÉRAILLES de), tableau de Lanfranc ; musée de Madrid. Au milieu d’une

place que termine la façade du Panthéon S’Agrippa s’élève, en forme de pyramide, un grand bûcher de bois de cèdre sur lequel est couché le corps de César, couvert d’une armure et enveloppé d’un long voile d’amiante. Des cassolettes pleines de parfums furent k l’entrée, et plusieurs prêtres mettent le feu aux angles du bûcher. Sur le devant du tableau, au milieu d’une foule curieuse, des gladiateurs nus s’entre-tuent pour accompagner les mânes de César. Plusieurs combattants, sont déjà étendus morts. Deux couples sont aux prises : l’un des lutteurs est renversé et va recevoir le coup fatal. Ce tableau est un des plus vastes qu’ait peints Lanfranc. « La composition ne manque pas d’une certaine grandeur théâtrale, dit M. Viardot, et elle offre plusieurs détails dignes d’attention ; mais l’exécution sent trop la fresque. •

Céaar arrivé devant le Rubicon, tableau de

M. Gustave Boulanger ; salon de 1857. Suétone raconte qu’un prodige triompha des irrésolutions qui enchaînaient César sur la rive du Rubicon..Un homme d’une taille et d’une beauté extraordinaires (eximia magniludine et forma) se montra tout k coup aux regards du rival de Pompée ; il était assis et jouait de la flûte. Des bergers, des soldats, des musiciens de l’armée (œneatores), se rassemblent autour de lui. Il saisit la trompette d’un des légionnaires, l’embouche, en sonne de toute sa force, s’élance dans la rivière et la traverse. « Allons, s’écrie César, allons où nous poussent les présages des dieux et l’iniquité de nos ennemis. Le sort en est jeté. » M. Boulanger s’est sans doute rappelé le récit de Suétone, mais il n’a pas su en traduire la poésie fantastique. Au lieu de cette apparition figantesque qui décida César, il nous montre, travers les brumes matinales, un jeune et paisible Tityre, assis parmi les roseaux ; au lieu des légions dévouées à la fortune du vainqueur des Gaules, il a peint un soldat barbare suivant k distance le général ambitieux. La figure principale est médiocrement réussie. "Jules-César ne porte pas sur son cheval, a dit M. de la Bédollière ; les pensées qui doivent l’assiéger en ce moment solennel ne se reflètent pas sur sa physionomie. Ce n’est qu’une figure académique. » M. de Calonne, plus cruel dans son appréciation, ne voit dans cette composition «qu’un palefrenier sollicitant son cheval k se baigner dans la rivière. > Suivant M. Du Camp, » ce n’est pas un drame que ce tableau, ni même une tragédie ; c’est un monologue sans confident ; c’ost une grande maehine, #comrne il y en a tant, académique jusqu’au dernier grain de la toile ; c’est froid et honorable, suffisamment dessiné, peint suffisamment, sans qualités, sans défauts ; c’est une toile qui figurera honnêtement dans quelque musée de province. » Un classique, feu M. Delécluze, des Débats, prétend que M. Boulanger a mis dans cette toile « une poésie triste et sombre comme le sujet. ■ M. About s’est borné àconstater que, «malgré le3 proportions énormes de la toile, le Jules César arrivé au Rubicon n’est autre chose qu’un tableau de genre bien conçu, bien composé et tout à fait spirituel. » Entre ces jugements, lecteur, devine si tu peux, et choisis si tu l’oses.

Céaar pansant le Rubicon, carton de M. Chenavard. Cette composition est une des plus remarquables parmi celles que M. Chenavard destinait à la décoration du Panthéon. Le torrent occupe le devant du tableau. César, à cheval, assez séparé du gros de sa troupe pour la dominer comme une imposante statue équestre, hésite sur la rive, pesant la destinée du monde à cette minute suprême. Le cheval a déjà le pied dans l’eau et retourne la tête du côté de son maître d’un air interrogatif. Allons ! c’est résolu. César passera ; il rend la bride au noble animal. Le sort en est jeté. M. Théophile Gautier, auquel nous empruntons la description qui précède, ajoute : à Cette composition nous a vivement frappé par une

grandeur de style et une expression morale dont peu de peintures offrent l’équivalent... C’est simple, noble et beau, d’une beauté qui se sent mieux encore qu’elle ne peut se rendre. » Gustave Planche a cité aussi ce morceau comme un des meilleurs qu’ait composés M. Chenavard.

Céaar (la Mort de), tableau de M. Charles Piloty ; Exposition universelle de 1867. César, une couronne d’or sur la tête et un sceptre a la main, repousse le placet que lui présente Metellus Cimber, agenouillé devant lui avec deux autres sénateurs. C’est l’instant prévu par les conjurés. Les autres complices attendent avec une impassibilité farouche que le premier coup soit porté, pour consommer l’oeuvre de sang. Les sénateurs étrangers au complot sont glacés de crainte et d’horreur. « M. Piloty a choisi le moment le plus pathétique du terrible drame, dit M. Marins Chaumelin (yArt contemporain), et il l’a rendu d’une façon vraiment saisissante. Peut-être serait-il à désirer qu’il eût donné k ses personnages plus de noblesse dans la physionomie et la tournure, pour que la scène ressemblât moins à un vulgaire assassinat. L’exécution n’est pas dépourvue de charmes ; il y a trop de recherches dans les lumières frisantes qui glissent sur les pavés et les colonnes de marbre, mais le clair-obscur a de la tr&nspafônéèv le coloris est clair et harmonieux, •

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Céaar (la Mûrt db), tableau de M. Clément ; salon de 1867. César, renversé au pied de la statue de Pompée, au milieu de ses meurtriers, ramène sur son visage un par de son laticlave et lance un regard plein de tristesse à Brutus, qui s’avance pour le frapper. Celui-ci, enveloppé de sa toge, le bras gauche élevé vers le haut de la poitrine, la main droite tenant un poignard, se présente de profit au milieu de la composition. Près de lui, Cassiusse penehe d’un air menaçant vers César, à qui il semble adresser la parole. D’autres conjurés entourent le dictateur, dans des attitudes de forcenés. L’un d’eux, le saisissant à la gorge, lève sur lui son poignard. Un autre, ressemblant k l’un des bourreaux du Couronnement d’épines, du Titien, se rue sur César, lui met le pied sur la hanche et écarte violemment la draperie sous laquelle il cherche à cacher son visage. César, insensible en apparence à. ces attaques féroces, semble absorbé dans la douleur que lui cause la vue de Brutus, Derrière celui-ci, à droite, un sénateur s’enfuit en se voilant la face ; d’autres, saisis de crainte, sont restés à leurs bancs. Dans le fond, près de la Louve de bronze, s’ouvre une porte que paraissent garder deux conspirateurs. Par cette porte, on aperçoit un portique. Cette composition, dont les personnages sont de grandeur naturelle, révèle de sérieuses études de dessin ; mais on y sent beaucoup trop la préoccupation du style académique. Son plus grand défaut, du reste, est son exagération mélodramatique. Elle n’en a pas moins valu une

médaille à son auteur, et elle a été placée à l’Exposition universelle, avec les autres ouvrages récompensés au Salon de 1867.

Céaar (la Mort de), tableau de M. Gérôrae ; Exposition universelle de 1867. Le crime est consommé. Le corps inanimé de César, enveloppé dans les plis de la toge qui ne laissent voir que le haut du visage et le bras droit, est étendu au pied de la statue de bronze du grand Pompée, dont le piédestal est souillé de sang. Ce corps se présente en raccourci, k gauche, au premier plan, la tête en avant. Les conjurés se dirigent pêle-mêle vers le fond de la salle, où s’ouvre une arcade par laquelle on aperçoit le péristyle d’un temple ; ils brandissent presque tous leurs poignards au-dessus de leurs têtes, et, comme ceux d’entre eux qui sont tournés vers le spectateur ont la bouche ouverte, on croirait avoir affaire à des choristes simulant une sortie et disposés,

! d’ailleurs, k revenir sur le devant de la scène.

1 Deux premiers rôles, restés un peu en arrière, cherchent à attirer l’attention : le plus âgé, qui ouvre la bouche toute grande, se retourne vers le second, dont nous ne voyons que le dos et le profil perdu, et lui montre la statue de Rome, devant laquelle monte une fumée d’encens qui s’élève d’un trépied. Ces deux personnages sont apparemment Cassius et Brutus. Quelques sénateurs quittent en toute hâte le lieu du crime ; un vieillard, tout courbé par l’âge et appuyé sur un bâton, se retire pénétré d’horreur. Seul, un père conscrit est resté, assis sur son banc, enchaîné à la fois par son émotion et par son obésité. Les chaises curules des sénateurs, simples bancs de bois k dossier arrondi, sont rangées à droite sur des gradins formant hémicycle ; en face, entre les statues de Rome.et de Pompée, s’élève le tribunal réservé au dictateur et aux consuls : le siège doré qu’occupait César est renversé sur les degrés de l’estrade, où il se maintient par un miracle d’équilibre. Dans l’espace qui sépare l’hémicycle des sénateurs du tribunal, il y a deux sièges isolés, une chaise curule destinée au préteur urbain et un banc sans dossier pour les tribuns du peuple. Des trophées, formés d’étendards et de pièces d’armures enlevés k l’ennemi, sont suspendus aux murailles et aux fûts des colonnes ioniques du temple ; le pavé est orné de marbres précieux et d une mosaïque représentant le Soleil. « M. Gérôme a fait preuve, dans tous ces détails, de son érudition accoutumée, a dit M. Chaumelin (l’Art contemporain) ; mais, au point de vue de l’art, son tableau nous paraît manquer d’animation ; l’action est décolorée, le drame amoindri ; lès figures, qui sont de petite dimension, n’ont pas de caractère et ne vivent pas ; la plupart d’entre elles, d’ailleurs, ne sont vues que par derrière, ce qui n’est pas précisément de na- ; ture k faire ressortir le talent de l’artiste pour exprimer les passions. On ne peut nier, après cela, que la composition ne soit originale, que l’exécution n’ait une certaine largeur, et que la couleur ne soit harmonieuse et juste ; la lumière qui vient d’en haut est bien distribuée, et, si elle ne produit pas de ces effets et de ces contrastes vigoureux qu’on admire chez les anciens maîtres hollandais, elle ne pèche du moins ni par crudité ni par insuffisance. > Le tableau de M. Gérôme fait partie de la collection d’un amateur parisien, M. J. Allard.

Céaar (la Mort de), tableau de Court ; musée du Luxembourg. Ce tableau pourrait s’intituler plus exactement : Antoine excitant le peuple romain contre les meurtriers de César. Tel est, en effet, le sujet de la composition. Du haut de la tribune aux harangues, sur laquelle des licteurs viennent de déposer le corps inanimé de César, Marc-Antoine harangue la foule, à laquelle il montre là tunique ensanglantée du dictateur. Des gens du peuple se pressent au pied des rostres* dans les

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attitudes diverses de la douleur, de la colère, du mépris et de l’horreur. Parmi eux, a droite, un vieillard demi-nu, dont la tête rappelle celle du buste antique de Démosthène, montre du doigt et signale à la vindicte publique Cassius et Brutus, qui, entraînés par un de leurs partisans, s’éloignent vers la gauche. L’espace qui sépare ces derniers de la tribune est rempli par le groupe de deux citoyens, dont lun, prêt k se jeter sur Cassius, est retenu par son compagnon, Cassius a tiré son glaive et se retourne avec fierté ; il est arrêté par Brutus qui, les mains sur un poignard caché sous sa toge, semble encore préoccupé du grand coup qu’il vient de frapper. Ce groupe, placé au premier plan, à gauche, est étudié avec soin et vigoureusement accusé : la foule lance aux conjurés des regards menaçants ; un homme ramasse des pierres pour les frapper ; le vieillard qui les montre du doigt, assis au bas de la tribune, est soutenu par un adolescent à genoux ; près d’eux, une belle jeune femme, dont la chevelure est retenue par une résille, et qui est vu© de profil, tient dans ses bras un jeune garçon qui regarde avec une attention particulière Brutus et Cassius. Un autre adolescent escalade la tribune aux harangues pour baiser la main de César. On aperçoit au fond, dans le lointain, l’édifice où le meurtre a été commis ; des sénateurs en descendent les degrés ; le peuple les entoure, les interroge ; une foule immense s’agite et soulève un nuage dépoussière.

Cette vaste composition se déroule sur une toile de 4 m. 30 de hauteur et de 5 m. îî de largeur. Exécutée à Rome et exposée d’abord à l’École des beaux-arts à Paris, elle reparut avec éclat au Salon de 1827, et valut les plus brillants éloges k M. Court, dont elle est restée l’œuvre capitale. Le Journal des Artistes l’apprécie dans les termes suivants : « Avant de voir le tableau, nous tremblions qu’un pareil sujet ne fit taxer de témérité et même échouer la noble entreprise du jeune artiste. Il ne s’agit pas seulement ici d’agencer un groupe de quelques figures ; c’est une masse entière en mouvement qu’il faut disposer sur la toile, et cette tâche présente toutes les difficultés qui font le désespoir même des maîtres les plus habiles. M. Court s’en est tiré avec succès. On voit qu’il a pensé avant de prendre ses pinceaux, chose fort rare de nos jours où tant de peintres ont le tort d’exécuter une idée aussitôt qu’ils la conçoivent. » Le critique passe ensuite k une analyse raisonnée de la composition ; puis il résume ainsi ses observations sur les qualités et les.défauts de l’ouvrage : » Les beautés sont : une composition grande et savante ; un dessin généralement ferme et correct ; enfin une grande pensée rendue par de grands traits, dont quelques-uns ont tous les mérites qu’on cherche dans le véritable peintre d’histoire. Les défauts sont : une disposition trop resserrée ; des plans qui manquent d’air et de profondeur ; une lumière moins bien entendue qu’elle ne pourrait l’être ; un dessin qui n’a pas toute la noblesse de style désirable ; quelques exagérations de forme et de couleur ; un manque de proportion dans la hauteur de certaines figures, et quelques actions de détail qui ne sont pas aussi bien pensées que l’action’principale. M. Court, docile à la critique,

a corrigé, autant qu’il a pu le faire, la tête ignoble de l’homme au manteau brun assis au pied de la tribune ; il a donné un peu d’air à ses premiers plans ; c’étaient là les seules corrections qui pouvaient être exécutées. Ce

jeune peintre nous parait destiné à devenir l’un des soutiens de l’école ; mais pour cela, il ne doit faire aucune concession aux idées nouvelles qu’on cherche à faire prévaloir en peinture ; il doit s’attacher k dessiner, à ac 3uérir de l’élévation de style, et surtout se éfendre de cette idée pernicieuse, qu’une exécution soignée refroidit le génie. » Les idées nouvelles dont il est ici question, ce sont les théories du romantisme, que le Journal des Artistes, dévoué à l’Académie, combattait à. outrance. Sans être resté complètement fidèle aux doctrines classiques, Court n’eut pas l’énergie suffisante pour devenir un des chefs de Ta nouvelle école : il s’endormit sur ses premiers lauriers, et si l’on excepte son Boissy d’An g las, il ne produisit par la suite aucun ouvrage digne d’être comparé k la Mort de César. Ce dernier ouvrage, qui figure depuis près de quarante ans au musée du Luxembourg, et qui est destiné sans doute k prendre place au Louvre, restera comme une des bonnes productions de l’école française au xixe siècle. • Au point de vue de l’exécution, a dit M. de Pesquidoux, la Mort de César laisse sans doute k désirer, et la couleur pourrait être plus brillante ; mais ce tableau a un mérite d’un ordre supérieur : il est très-dramatique et transporte réellement au milieu de la scène et de l’époque que l’artiste a voulu représenter. C’est bien ainsi qu’a pu se passer et qu’on se figure ce grand événement qui bouleversa le monde. » Nous ajouterons, avec M. H. Acquier (Bévue française) : « Pour peindre ces grands sujets d’histoire ancienne, moins intéressants pour nous par le sujet que par la manière dont ce sujet est traité, il faut des qualités précieuses que M.. Court possédait k un haut degré : d’abord un véritable talent de composition, un arrangement heureux des lignes et des groupes, que "étude et le travail peuvent seuls donner, une Goalenr sobre, enfin un dessin large qui sacri-