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camalis, charnel). Nature de la chair ; caractère, état charnel.

CARNALLITE s. f. (kar-nal-li-te). Miner. Nom donné par H.’Rose à un chlorure double de potassium et de magnésium hydraté, qui a été découvert, il y a peu d’années, à Stassfurt, eu Prusse, où il forme de3 veines très-ridheS dans des argiles rouges superposées à des gîtes de sel gemme. On l’exploite industriellement depuis’ 1858, pour les besoins de l’agriculture.

CARNARVON ou CAERNÀRVON, ville d’Angleterre, dons le pays de Galles, capitale du comté de son nom, sur la rive orientale du détroit de Menai, à 380 kilom. N, -0, de Londres, à 12 kilom. S.-O. de Bangor ; 9,200 hab. Siège des assises du comté ; manufactures peu importantes ; port d’un accès assez difficile, mais néanmoins fréquenté et faisant un commerce considérable avec Londres, Liverpool, Bristol et l’Irlande ; exportation d’ardoises ; importation de vin, porter, charbon.

Carnarvon possède de beaux remparts et un château fort qu’Édouard Ier fit construire vers 1283, avec des matériaux provenant, dit-on, des ruines de la station romaine de Seguntium, qui était située dans le voisinage. Par suite d agrandissements successifs, la ville s’est étendue hors de cette enceinte fortifiée, dont une partie, celle du nord, a été transformée en une promenade très-agréable. Le château, dont l’architecte fut un Anglais nommé Henri Êtreton, s’élève dans une position très-forte, a l’extrémité occidentale de Carnarvon ; c’est sans contredit l’un des plus beaux types de l’architecture militaire du moyen âge qui existent dans la Grande-Bretagne. Sur la façade est la statue, malheureusement mutilée, d’Édouard I«r, tenant la main sur son épée à moitié tirée du fourreau. La porte d’entrée, pratiquée sous une grosse tour carrée, est garnie de rainures pour quatre herses. Les murailles, dont l’épaisseur atteint jusqu’à trois mètres dans certaines parties, embrassent un espace de trois arpents et sont flanquées de treize tours angulaires, qui i s’élèvent du parapet crénelé. Édouard If, pre- ! mier prince saxon du pays de Galles, est né, I dit-on, dans la plus belle de ces tours, dite j Tour de l’Aigle (Eaglés Tower). Dans une j autre tour fut enfermé l’avocat William Prynne, persécuté sous Charles Ier pour ses opinions religieuses, et qui devint plus tard membre du parlement. Du haut de la tour de l’Aigle, on jouit d’une vue admirable sur les contrées environnantes, et l’on peut embrasser tout l’ensemble du château et apprécier son architecture, dont les caractères princi- ’ paux sont la grandeur, la solidité, la simplicité et l’harmonie des proportions, qui n’excluent pas l’élégance dans certaines parties. Cette forteresse fut inutilement assiégée, en HQ2, par Owen Glyndir. Prise par CromwçU. en 1644, elle fut reprise bientôt après par les troupes royales sous les ordres de lord Byron, et retomba, en 1646, au pouvoir des troupes du parlement.

Les autres édifices et établissements remarquables de Carnarvon sont : l’église paroissiale, qui renferme quelques beaux tombeaux ; la chapelle Sainte-Marie, reconstruite dans ces derniers temps ; l’hôtel de ville, bâti au-dessus de l’une des anciennes portes de la ville, e, t dont une des tours sert de prison ; la maison des pauvres ; l’établissement des bains de mer, construit avec un grand luxe par le marquis d’Anglesea, etc.

Dans les environs de Carnarvon existent des sources d’eaux minérales et thermales, des enceintes et des dolmens druidiques, et, non loin du château, sur les bords de la rivière Seiont, les ruines d’une forteresse romaine qui servait a la défense de Seguntium. Quelques-unes des antiquités trouvées sur

— l’emplacement de cette dernière ville, ont été recueillies au musée de la Société d’histoire naturelle de Carnarvon.

CARNABVON OU CAERNARVON (comté de), division administrative de l’Angleterre, dans le pays de Galles, entre le canal de Saint-George et le détroit de Menai a l’O., la baie de Cardigan au S., les comtés de Merioneth et de Denbigh à l’B, et la mer d’Irlande au N. Superficie, 140,900 hect. ; 81,093 hab. Le sol est extrêmement montagneux, attendu que c’est dans ce comté que se rencontre la masse principale de la chaîne du pays de Galles. Le Snowdon, montagne à trois pics et composée presque entièrement de porphyre et de granit, en forme le point central. La nature du sol, le grand nombre de petits lacs qui arrosent les vallées, donnent au comté de Carnarvon le caractère des contrées alpestres, caractère qui se retrouve encore dans le genre d’occupation le plus général des habitante, l’élève du bétail et la fabrication du beurre. La pêche des huîtres et des harengs est pour les riverains une occupation très-lucrative. Dans quelques vallées, principalement dans celle qu’arrose la Conway, on cultive l’avoine et les pommes de terre ; mais la principale richesse du comté consiste dans l’exploitation de ses immenses mines d’ardoises, de cuivre et de plomb.

Le comté est divisé en 10 circonscriptions et 69 paroises ; ses villes principales sont : Carnarvon, cap. ; Bangor et Conway.

CARNARVON (Henry Howard Molyneux Herbert, quatrième comte de), pair d’Angleterre, né en 1831, représentant d’une branche

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cadette de la maison delFembrêke, qui hérita des titres de son père dUraht sa minorité. Élève distingué d’Oxford, il s’attira, par son premier discours à la Chambre des lords, les compliments de lord Derby, qui le nomma, en 1859, haut commissaire de cette imême université. Outre une ou deux dissertations archéologiques de lord Carnarvon, dont le père cultivait la poésie et la littérature, classiques, on a de lui un petit ouvrage écrit d’une manière remarquable : les Druses du mont Liban (1860), résultat d’une excursion en Orient. En politique, il appartient au parti conservateur.

CARNASSE s. f. (kar-na-se — du lat. caro, carnis, chair). Techn. Nom donné, dans les fabriques de colle-forte, aux colles-matières qui s’ont a la fois tendineuses et membraneuses.

CARNASSIER, 1ÈRE adj, (kar-na-siê, iè-re

— du lat. caro, carnis, chair). Qui se nourrit de chair  : Dans la classe des animaux carnassiers, le lion est le premier, le tigre le second. (Bufï.) À peine un quinzième des oiseaux est carnassier, le tiers des quadrupèdes. (Buff.) L’homme et les animaux carnassiers ne vivent que d’individus tout formés. (Buff.) Le renard ’■ est aussi vorace que carnassier. (Buff.) La belette est naturellement sauvage et carnassier». (Lacép.) Les animaux carnassiers sont plus industrieux que les frugivores. (Dider.) La tyrannie de la faim peut ramener l’homme aux appétits des bêtes carnassières. (Barbaste.) La canine est l’attribut distinetif du mammifère carnassier. (J. Macé.)

•— Par ext. Se dit des personnes qui aiment beaucoup la viande, qui en mangent beaucoup,-Les Anglais sont frés-CARNASSiERS. Il importe de ne pas rendre les enfants carnassiers. (J.-J. Rouss.)

Toujours boire et manger ! carnassier animal ! C’est bien fait ; suis toujours ton appétit brutal.

Reuhab.1).

— Anat. Dent carnassière, ou substantiv. . carnassière, Dent molaire particulière aux animaux carnassiers : Chez le lion, la carnas- j sière est énorme, et sa couronne se termine par i trois lobes tous comprimés et tranchants, (lsid. Geoffr. St-Hil.)

— s. m. pi. Mamm. Classe de mammifères qui se nourrissent de la chair d’autres animaux, mais dont les limites et les caractères n’ont pas été entendus de la même manière par les divers auteurs ; elle a pour types principaux le lion, le chien, l’ours, le putois, etc. : Les carnassiers ont l’estomac simple et l’intestin court. (Is. Geoff. St-Hil.) Les carnassiers amphibies ont les pieds très-courts. (P. Gervais.) Le chien sauvage est le plus habile et le plus amusant de tous les carnassiers coureurs. (Toussenel.)

— Entom. Première famille de l’ordre des coléoptères pentamères, renfermant des genres qui se nourrissent de proie, comme les genres carabe, cieindèle, ditisque, etc. : Les carnassiers se divisent eu deux familles. (Duponchel.) Les carnassiers se divisent en terrestres et aquatiques. (A. Percheron.)

— Encycl. Mamm. Le nom de carnassiers désigne un ordre bien déterminé de la classe des mammifères, auquel Linné avait donné le nom de ferai (bêtes féroces). Cet ordre n’a pas été, dans ses limites, envisagé de la même manière par les divers auteurs. Ainsi Cuvier divisait d’abord les carnassiers en quatre familles, savoir : les chéiroptères (chauve-souris) ; les insectivores (taupe) ; les carnivores (chat, ours), et les marsupiaux (sarigue). Plus tard, il a élevé cette dernière famille au rang d’ordre distinct, et les auteurs modernes en ont fait autant pour la première. Ainsi circonscrit, l’ordre des carnassiers se caractérise nettement par le système dentaire et par la structure des pieds. Les dents sont en même nombre que chez l’homme et les singes ; mais elles présentent des modifications en rapport avec la nature des aliments : ainsi les canines sont plus longues, plus fortes, plus aiguës ; les molaires offrent des tubercules ou des lames d’autant plus tranchantes que les espèces vivent plus exclusivement de matières animales ; les arcades zygomatiques sont fortement saillantes, et donnent attache aux muscles puissants qui servent à mouvoir les mâchoires ; celles-ci sont articulées de manière à ne permettre aucuns mouvements latéraux ; elles agissent seulement dans le sens vertical et comme des branches de ciseaux. Le sens de l’odorat est très-développé chez ces animaux ; c’est souvent à des distances considérables qu’ils découvrent leur proie ; les fosses nasales sont très-grandes et donnent aux carnassiers ce museau allongé et proéminent qui caractérise la plupart des espèces. L’estomac est simple, membraneux, et les intestins relativement courts, vu la nature substantielle des matières dont ils se nourrissent. Enfin les doigts, réunis entre eux par une membrane serrée et terminés par des griffes, ne peuvent plus servir à la préhension, du moins comme chez l’homme et les singes, mais constituent des armes puissantes, à l’aide desquelles les carnassiers attaquent et retiennent les animaux dont ils font leur proie.

Les carnassiers se divisent en deux familles ou plutôt en deux sous-ordres, carnivores et insectivores, qu’Isidore Geoffroy-Saint-Hi faire caractérise comme il suit : l« les CE.rnivores ont les màchelières non hérissées de

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pointes, . et de grandes cà*nines saillantes » entre lesquelles sont comprises des incisives beaucoup plus petites, presque toujours au nombre de six à chaque mâchoire ; 2* les insectivores ont, au contraire, des molaires hérissées de pointes, au-devant desquelles sont de fausses molaires disposées comme chez les carnivores ; puis des dents antérieures dont la disposition est très-variable. Nous devons nous en tenir ici à ces considérations gériez rules, et nous renverrons, pour plus amples détails, aux mots Carnivore et insectivore.

— Syn. Carnaaaler, Carnivore. Rigoureusement parlant, il y a cette différence entre l’animal carnassier et le Carnivore, que le premier est constitué de manière a vivre uniquement de chair et qu’il a reçu de la nature des armes qui lui permettent de faire continuellement la chasse à d’autres aniroau* ; tandis que le Carnivore, bien que mangeant ordinairement de la chair, use quelquefois d’une autre nourriture. Mais on emploie souvent carnassier pour désigner l’animal qui, bien que simple Carnivore, préfère la chair à tous les aliments, et semble se complaire dans le carnage. Les zoologistes ont établi entre ces deux termes une distinction plus nette : pour eux, le mot carnassier est un terme général désignant un ordre de mammifères qui se nourrit de substances animales, quadrupèdes, poissons, insectes, et les carnivores constituent un sousordre de carnassiers qui se nourrissent do la chair des animaux vertébrés.

— Antonymes. Herbivore, frugivore et granivore.

CARNASSIÈRE s. f. (kar-na-siè-re — du, lat. caro, carnis, chair). Sorte de gibecière dans laquelle les chasseurs portent le gibier : Pécopin était grand chasseur et Bauldour était belle fileuse ; or il n’y a pas de haine entre le fuseau et la carnassière. (V. Hugo.) Ma carnassière me sangle horriblement ta poitrine. (CL Robert.)

— Anat. Dent carnassière, V, carnassier.

CARN AT ARA s. m. (kar-na-ta-ra). Linguist. Idiome particulier de l’Inde, il On l’appelle aussi cannada et kournata.

— Encycl. Cet idiome se parle depuis les premières Gates, qui séparent le Mysore ou Maîssous du Carnatic et du Madoura, jusqu’à la cote du Malabar, et, du N. au S., depuis la province de Coimbetour ou Kolmbatour jusqu’aux confins septentrionaux de celle de Visapour, Dans ces limites, le carnatara est parlé dans la province anglaise du Mysore, où se trouve Seringapatam, jadis capitale du royaume de Mysore sous les célèbres Hyder-Ali et Tippo ; dans le royaume actuel de Mysore, dont le roi, vassal des Anglais, réside à Mysore, etleNizam. Cette langue, dérivée du sanscrit, a un alphabet particulier qui diffère peu du télinga, mois qui est plus complet que celui du tamoul. La grammaire et la syntaxe ressemblent à celles du tainoul et du télinga.

CARNATIC, contrée de l’Inde. V. Karnatic.

CARNATION s. f. (kar-na-si-on — du lat. caro, carnis, chair). Peint. Représentation du nu par le coloris : De belles carnations. Des carnations vives, chaudes, froides. Des carnations roses. Qui est-ce qui a su tempérer et mélanger ces couleurs, pour faire une si bette

CARNATION ? (Fén.)

— Par ext. Couleur des chairs d’une personne : Le hâle n’avait pu flétrir une si belle carnation, (G. Sand.) Leur carnation est d’une blancheur et d’une finesse éclatantes, (Gér. de Nerv.) On eût dit un homme enfermé depuis longtemps dans un tombeau, et qui n’eût pas pu reprendre les carnations des vi~ vanls. (Alex. Dum.)

— Blas. Se dit des parties du corps humain qui sont représentées au naturel, c est-à-dire avec les couleurs qui leur sont propres : Grammont ; D’azur, à trois bustes de reine de carnation, habillés d’argent et couronnés d’or d l’antique. Jioquefeuil des deux Vierges : D’azur, à deux filles ou nymphes de carnation, habillées d’argent, écheveléesd’or, supportant une fleur de lis du même.Le Trouvé : De sinople à la fasce d’or, accompagnée de trois enfants de carnation, couchés et cmmaillottés d’argent, bandés de gueules.

— Encycl. Une des plus grandes difficultés de la peinture est l’imitation exacte de la couleur des carnations. Cette couleur ne varie pas seulement suivant les sexes, les tempéraments, les races, les climats ; elle se modifie aussi chez chaque individu avec l’âge, l’état de santé, l’action des membres, les passions, et elle présente des nuances très-notables dans les diverses parties du même corps, quelle que soit d’ailleurs la condition où se trouve ce corps. Il est bien certain, en effet, comme Lévèsque l’a rappelé, que « des teintes différentes doivent colorer les parties exposées au soleil, aux hâles, aux froissements, aux effets d’une transpiration plus abondante. Certaines parties sont revêtues d’une peau plus épaisse ; la graisse n’est pas partout répandue avec la même abondance ; le sang ne se porte pas partout avec la même force. Toutes ces variétés doivent être observées par l’artiste. » D’un autre côté, les carnations k la fois simples et fermes, satinées et poreuses, ne renvoient pas la lumière comme les substances dures,

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polies ou raboteuses, et sont^usceptibles d, ’une, infinité de dégradations, et de iinesses„de, ton, ’ suivant le degré d’intensité des rayons lu, mï- ! neux qu’elles réfléchissent. « La chair, douce et élastique, dît encore Lévésque, laisse pénétrer ses pores.imperceptibles par une partie do lumière jusque dans la première couche de la

fieau ; de là, reflétée et renvoyée avec moiesse, elle porte à l’âme, par les regards qui se fixent sur elle, l’idée de la vie et les sensations de la volupté. Observez encore que les courbures insensibles de la chair et sa transparence, qui laisse apercevoir des veines, répandent sur.les demi-teintes ou demi-lumières des nuances légèrement bleuâtres et qui conduisent, par une douce gradation, jusqu’aux tons les plus éclatants de la peau. Les tons varias des chairs sont innombrables. Il faut les yeux les plus fins et les plus attentifs pour les démêler ; il faut, pour les rendre, un talent en quelque sorte particulier, dans lequel entre, plus souvent peut-être qu’an ne penserait, un penchant délicat a admirer ces sortes de perfections de la nature, qui ne semble donné ni à tous les hommes, ni même à tous les artistes. » Il est à remarquer, en effet, que des maîtres, doués d’ailleurs d’une grande habileté dans les autres parties de l’art, ont médiocrement réussi dans la peinture des carnations ; nous pourrions même citer des dessinateurs éminents qui ont complètement échoué. La’ chair. Janimée, vivante, a des tressaillements qui ne veulent pas être emprisonnés dans des contours trop arrêtés et que la couleur seulo peut rendre. On enseigne dans les écoles une foule de procédés pour la coloration des chairs ; nous n’en reproduirons aucun ici, persuadé que tout peintre né avec un tempérament de coloriste en apprendra plus en consultant attentivement la nature, ce modèle incomparable, qu’en employant les ficelles usitées dans les ateliers.

Les aïiciens n’ont pas ignoré l’art de donner aux carnations l’apparence de la vie. Lucien vante l’habileté de Polygnote pour colorer les j’oues, et cite, comme un morceau où cette habileté était poussée très-loin, une Cassandre, qui se voyait à Delphes, dans la Lesehé. Le même écrivain, parlant de la figure nue de Pacati, peinte par Apelie, dit que la blancheur éclatante en était relevée par une teinte chaude et vivante. Au moyen âge et pendant les premiers temps do la Renaissance, les artistes n’apportèrent aucune vérité dans les carnations ; ils se contentèrent le plus souvent d’un ton rouge brique diversifié par des demiteintes. L’inventeur de la peinture à l’huile aida beaucoup au perfectionnement de cettfi partie de l’art. Dans les carnations de Jean van Eyck, les couleurs sont ordinairement fondues avec une extrême douceur ; les clairs approchent du blanc pur, et les parties ombrées offrent des tons bruns brisés de jaune. Chez Albert Durer, les carnations, trop souvent blafardes dans les clairs et d’un rouge brique dans les ombres, prennent un aspect métallitue ; mais, parfois aussi, la gamme s’élève es tons les plus froids à des reflets chauds et dorés d’une rare transparence. Holbein est incomparable pour la vérité des détails ; les carnations de ses portraits sont exécutées en trompe-l’œil, dans des tons clairs et légers, nuancés avec une habileté prodigieuse ; les demi-teintes surtout sont d’une finesse extrême. En Italie, Masaccio fut un des peintres du xve siècle qui contribuèrent le plus aux progrès de l’art de colorier les chairs ; on a de lui de superbes portraits, pleins d’expression, de vérité, de vie. Antonello de Messine, qui étudia à l’école des Van Eyck et qui introduisit leurs procédés en Italie, sut par de vigoureux contrastes de lumière donner un relief puissant et une animation extraordinaire aux carnations ; on peut en juger parle magnifique portrait d’homme qui delà galerie Pourtalès est passé au Louvre.

Les grands maîtres florentins, romains, milanais du xvio siècle, si admirables sous tant de rapports, manquent généralement de vigueur dans les carnations : celles de Léonard de Vinci ont des demi-teintes roussâtres qui donnent du relief au modelé, mais qui manquent complètement de vérité ; celles de Michel-Ange, préparées ordinairement par un frottis verdâtre, n’ont ni la chaleur ni l’éclat de la viej celles de Raphaël valent mieux dans les têtes, mais elles sont froides et plombées dans les figures de femmes nues. Le coloris de Fra Bartolommeo n’est pas dépourvu de finesse dans les chairs ; mais, quoique préférable à celui de Raphaël, il est loin encore de la vérité. Lanzi reproche au Bronïino d’avoir des carnations trop plombées, ou trop blafardes, ou d’un rosé qui n’est pas naturel ; en revanche, il loue Santi Titi, élève du Bronzino, d’avoir su donner à ses têtes ■ une vigueur de coloris et, pour ainsi dire, une fraîcheur de santé qui rivalise avec la plus belle nature. ■ Il serait difficile aussi, suivant le même écrivain, de voir des tons de chair plus rosés que ceux des portraits de Sébastien ciel Piombo. Ce dernier, malgré toute son admiration pour Mîchel-Ange et l’amitié qui l’unit à ce grand homme, conserva le souvenir des premières leçons qu’il avait reçues à Venise, sa ville natale. Pour la couleur des chairs, les peintres vénitiens ont surpassé tous ceux des autres écoles italiennes. Les carnations du Giorgione sont admirables de fraîcheur, dit Lanzi, et quoique ce maître emploie le plus souvent dés teintes un peu vives et un peu montées de ton, ■ il les ac-