Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 3, part. 1, Ca-Cap.djvu/64

Cette page n’a pas encore été corrigée

60

CAFE

Dans son poème de la Gastronomie, Berchoux disait, quelques années plus tard : Le café vous présente une heureuse liqueur Qui d’un vin trop fumeux chassera la vapeur.»...

Le café donne lieu à une excitation nerveuse, qui, surtout chez les personnes non habituées a son usage, provoque l’insomnie, insomnie qui, du reste, comme l’a dit Brillât-Savarin, n’est point suivie de fatigue comme celle qui provient des substances stupéfiantes.

La stimulation que le café exerce sur le cerveau lui a. valu le nom de boisson intellectuelle. Tous les postes ont chanté ses vertus, et parmi eux nous nous bornerons a citer quelques vers que lui a dédiés Dclillo :

Il est une liqueur au poste plus chère. Qui manquait à Virgile et qu’adorait Voltaire. C’est toi, divin café, dont l’aimable liqueur. Sans altérer la tête, épanouit le cœur. À peine j’ai senti ta vapeur odorante, Soudain de ton climat la chaleur pénétrante Réveille tous mes sens sans trouble et sans’cahois. Mes pensera, plus nombreux, accourent & grands Ilots. Mon idée était triste, aride, dépouillée ; Elle rit, elle sort, richement habillée. Et je crois, du génie éprouvant le réveil, Boire dans chaque goutte un rayon du soleil.

Quelques auteurs ont prétendu que le café affaiblissait le sens génital ; une observation attentive a permis à MM. Trousseau, Michel Lévy et Rostan d’affirmer le contraire, et ce qui, du reste, prouve que cette opinion est erronée, c’est que dans les pays ou l’on boit le plus de café les habitants ont autant d’enfants, pour ne pas dire plus, que partout ailleurs.

Le café facilite la digestion, et il n’est personne qui n’ait, après un repas copieux, ressenti cet effet. Diurétique puissant, il diminue la transpiration cutanée et permet de supporter l’abstinence et lejeûne, en fortifiant le système nerveux et dissimulant ainsi, par l’énergie qu’il leur communique, l’affaiblissement des organes qu’il ne peut réparer. Aussi est-il con- „ sidéré par quelques auteurs comme un aliment. D’après M. Gasparin, il rend plus stables les éléments de notre organisme, et il ralentit le double mouvement de composition et de décomposition moléculaire. C’est à cette propriété que les mineurs de Charleroi, qui ne consomment que 1,500 grammes d’aliments quotidiens, mais qui prennent quatre à cinq fois par jour de la soupe au café, doivent de se bien porter et de pouvoir se livrer a un travail très-rude et très-pénible. Récemment, le docteur Thierry citait à ce sujet le fait suivant : ■ Dans un village de la Bohême, de pauvres campagnards, presque tous tisserands, n’ayant qu’une nourriture insuffisante, composée de pommes de terre, étaient tombés dans un état de dépérissement et d’étiolement qui les avait abâtardis. Les médecins conseillèrent l’usage du café ; depuis lorSj cette population s’est transformée, et elle jouit d’une vigueur peu commune. Le gouvernement autrichien a supprimé, en sa faveur, les droits qui pesaient sur l’importation. »

Aujourd’hui, tout le monde prend du café ; le riche comme le pauvre, le sage comme le fou, sacrifient à la nouvelle divinité : « C’est la boisson de Dieu, c’est la source de la vie, disent les Orientaux ; elle a été inventée par l’ange Gabriel pour rétablir la santé du Prophète, s i Uarthez disait : « Cette liqueur me débêtise, « ’ et Napoléon I^ déjà malade, répondait au docteur Arnotfc : « Le café fort, et beaucoup, me ressuscite ; il me cause une cuisson, un rangement singulier, une douleur qui n’est pas sans plaisir. J aime mieux souffrir que de ne pas sentir. ■

Voltaire, Fontenelle, Delilte, Frédéric II, Mirabeau, Harvey et une foule d’hommes célèbres en prenaient avec excès.’ De nos jours, il est d’un usage si répandu que beaucoup de personnes ne pourraient s’en passer.

Mais si le café a de nombreux partisans, les détracteurs ne lui ont pas manqué. Dans l’Orient, il a été souvent défendu, et maintes fois il a donné lieu à des discussions religieuses absurdes. En Europe, plusieurs médecins ont prétendu que cette boisson était contraire à la santé : « Il faut avouer, répondit Fontenelle à l’un d’eux, que le café est un poison bien lent, car j’en bois plusieurs tasses par jour depuis près de quatre-vingts ans, et ma santé n’en est pas sensiblement altérée. » Hahnemann, le chef des homœopathes, a accusé le café des plus grands maux. Les médecins Calvet, Hoffmann, Boerhaave, Simon Pauli, Tissot, etc., le défendaient à leurs clients sous prétexte qu’il ruinait les meilleurs tempérament et conduisait insensiblement au tombeau.

Ces médecins ont évidemment exagéré les inconvénients du café ; cependant, il est incontestable que, prise à dose exagérée, cette boisson peut, comme le dit Zimmermann, faire beaucoup de mal, même à ceux qui se portent bien. À la longue, il occasionne une grande susceptibilité nerveuse, des éruptions au visage, des congestions pulmonaires, utérines ou hémorroîdaJes, des céphalalgies très-douloureuses, et enfin une espèce de consomption accompagnée de palpitations et quelquefois de syncope très-grave. Il est, du reste, fort difficile de dire à quelle dose il y a abus ; cette dose varie selon le tempérament et l’idiosyncrasie des individus ; ainsi, il en est que quatre tasses par jour incommodent, tandis que les Turcs en prennent quotidiennement, sans en ressentir aucun mauvuis effet, jusqu’à vingt et même vingt-cinq tasses.

CAFE

Le café est un poison pour les perroquets et les poules, mais non pour les corbeaux et les moineaux.

Le café a été employé dans un très-grand nombre de maladies avec des succès différents, guérissant les unes, soulageant les autres. Il est d’un usage vulgaire dans les migraines, la céphalalgie, l’ivre3se, et d’un emploi classique dans les commencements d’empoisonnement par l’opium. La fièvre typhoïde adynamique, les fièvres intermittentes, l’asthme nerveux périodique, la coqueluche, l’albuminurie, sont encore au nombre des états pathologiques contre lesquels il a été conseillé. Orfilale recommande dans les empoisonnements par

l’opium, par le tabac, la jusquiame et la laitue vireuse, les champignons, la digitale et la strychnine.

Le docteur Penilleau, qui a publié sur le café une intéressante monographie à laquelle nous avons fait de nombreux emprunts, a constaté son utilité dans les convalescences accompagnées de débilité excessive, alors qu’il est nécessaire d’employer les toniques et de ranimer les fonctions digestives.

Le café doit être sévèrement interdit aux jeunes enfants, àcause de la surexcitation nerveuse qu’il détermine, tandis que dans la vieillesse il estd’un usage très-salutaire. Il convient mieux aux personnes d’un tempérament sanguin et surtout lymphatique qu’à celles dont le tempérament est nerveux. C’est la boisson par excellence des pays méridionaux maremmatiques ; aussi-donne-t-on tous les jours une ration de café à nos soldats d’Afrique. Il est également très - salutaire dans les régions froides, parce qu’il augmente la circulation et favorise l’hématose.

Les hommes de lettres, les soldats et les marins, tous les ouvriers qui séjournent dans une atmosphère à température très-élevée, se trouveront très-bien de prendre journellement du café. Enfin, les médecins devront le prescrire à tous les habitants des pays où règne le erétinisme.

Le café est souvent employé en pharmacie pour masquer le goût de certains médicaments, et notamment du sulfate de quinine, dont ildissimule parfaitement la saveur àmère.

Le café au lait est un aliment très-répandu aujourd hui dans les villes et dans les campagnes. Il a été introduit en Europe par Neuhofius, médecin allemand, à l’imitation des Chinois, qui prennent du thé au lait.

D’après M. Payen, un litre de café au lait, mélangé à parties égales et sucré, contient six fois plus de substances solubles et trois fois plus de substances azotées que le bouillon. Malgré cela, cet aliment a été accusé de produire de l’anémie, de la débilité et des llueurs blanches chez les femmes. Quoi qu’en aient dit les docteurs Lisfrauc, Thierry et Caron, ce fait est loin d’être prouvé. Le café au lait, quand ses principes constituants sont de bonne nature et qu’il est bien préparé, est, comme l’a dit M. Fonssagrives, un aliment très-sain et très-savoureux. II n’a d’inconvénient que lorsqu’il est exclusivement pris pour toute nourriture du matin, parce qu’alors il constitue une alimentation insuffisante.

— Divination. La croyance à l’astrologie, à la magie, à la sorcellerie, à tous les arts en un mot qui ont pour but la connaissance anticipée de l’avenir, est une des superstitions les plus profondément ancrées dans le cœur de l’homme. Elle a pu changer d’objet, mais elle est restée toujours vivace et populaire. On sait le succès que M’10 Lenorînand obtint sous l’Empire ; l’accueil fait dans nos salons aux tables tournantes, aux esprits frappeurs, est assez significatif ; et, pour descendre plus bas dans l’échelle sociale, on serait étonné si l’on savait combien de gens, de femmes surtout, vont chaque jour consulter les somnambules, ou se faire dira la bonne aventure par les cartes ou le marc de café. En qualité de dernier venu, -l’art de lire l’avenir dans le marc de café jouit d’une grande vogue : nous allons en retracer les principales règles, et initier nos lecteurs à ces secrets, qui n’ont rien de diabolique. Pour exercer cet art, il n’est pas besoin d’être sorcier ni de prononcer des paroles magiques ; voici tout ce qu’il y a à faire. Il faut conserver dans la cafetière le marc queleca/ëy a déposé, et le laisser reposer pendant une heure. Sur ce marc ainsi reposé, on jette un verre d’eau s’il n’y a qu’une once de café, deux verres s’il y a deux onces, et ainsi de suite, suivant la quantité. On met ensuite la cafetière au feu, et l’on fait chauffer le marc jusqu’à ce qu’il se délaye dans l’eau. On prend un assiette de terre de pipe, blanche, sans tache, bien essuyée et séchee ; on remue le marc dans la cafetière avec une cuiller, puis on le verse sur l’assiette, mais en petite quantité, et de façon qu’il n’emplisse l’assiette qu’à moitié. On agite alors l’assiette dans tous les sens, avec autant de légèreté qu’on le peut, pendant l’espace d’une minute, et l’on réuand doucement tout ce qui se trouve sur l’assiette dans une autre récipient. De cette façon il ne reste plus d’eau dans l’assiette, nu.is seulement des particules de marc de café, disposées de la manière la plus fantastique, et formant mille dessins hiéroglyphiques. Si les dessins sont trop brouillés, si le marc est trop épais, si le fond de l’assiette ne ressemble pas à une mosaïque irrégulière, mais très-nette, il faut recommencer l’opération, car on ne peut lire les secrets de la destinée q^uo dans des dessins d’une précision très-arrêtée

CAFE

Les figures tracées par le marc sont toutes significatives ; la seule difficulté est de les bien démêler, car il y a des courbes, des ondulations, des ronds, des ovales, des carrés, des triangles, qui ont un sens précis et déterminé. Si le nombre des ronds ou des cercles prédomine sur toutes les autres figures, cest un signe de richesse ; l’absence de ronds, au contraire, présage la gêne et la détresse. Les figures carrées annoncent des désagréments, les figures ovales promettent joie et succès. Les lignes grandes et petites, quand elles sont en grand nombre, présagent une vieillesse longue et heureuse ; si leur nombre est plus restreint, elles signifient bonheur paisible et médiocrité de fortune. Les ondulations annoncent des revers et des succès entremêlés. Une croix au milieu de l’assiette promet une mort douce ; quatre croix qui set touchent présagent la mort pour quarante ou quarante-cinq ans ; trois croix signifient des honneurs, et un grand nombre de croix qu’on deviendra dévot et aseète dans la vieillesse. Le triangle est la figure la plus heureuse : un seul promet un emploi honorable ; mais, quand il y en a trois rapprochés, c’est l’indice des plus grandes faveurs de la fortune. Un angle composé d’une petite ligne appuyée sur une ligne plus grande est le signe d’une mort malheureuse. La figure qui a la forme d’un H pronostique l’emprisonnement. Un cercle à plusieurs faces,

c’est un heureux mariage ; un carré long et bien distinct, c’est la discorde dans le ménage, et, si quelques croix l’avoisinent, la certitude d’une infidélité. Une ligne moins chargée que le reste annonce un voyage ; si la ligne s’étend, le voyage sera long ; si elle est nettement tracée, il sera facile ; plein de périls, au contraire, si elle est embarrassée et coupée par d’autres figures. Un rond dans lequel on trouve quatre points bien marqués promet un enfant ; deux ronds en promettent deux, et ainsi de suite. Si le rond forme un cercle à peu près parfait, l’enfant sera un garçon ; dans le cas contraire, ce sera une fille. Si le rond est accompagné d’une ligne.courbe et onduleuse, l’enfant aura de l’esprit ; et si cette courbe formait un second cercle autour du rond, infailliblement l’enfant serait un génie. La

figure d’une maison à côté d’un cercle est le signe certain qu’on en possédera une : elle sera à la ville s’il y a un X ou un H dans le voisinage, et a la campagne s’il se trouve auprès un arbre ou une plante. Si cette maison est accompagnée de»quelques triangles, elle sera donnée ou arrivera par héritage j on y mourra si elle est surmontée d’une croix ; on y sera parfaitement heureux si elle est dans le voisinage d’un demi-cercle. Une couronne annonce des succès à la cour, et un losange promet le bonheur en amour. La figure d’un ou de plusieurs petits poissons présage une invitation à dîner ; celle d’un serpent est un signe de trahison. Une rose veut dire santé ; un saule pleureur, mélancolie ; un buisson, retard ; une roue est une menace d’accident, et une voiture attelée un présage certain de mort violente. Des figures jointes ensemble de manière à former une espèce de croisée avertissent de prendre garde aux voleurs. Quand un chiffre est très-distinctement tracé sur le fond de l’assiette, on peut le hasarder h la loterie, il doit sortir dans un des trois premiers tirages. Une figure humaine est presque toujours dessinée dans l’assiette ; si cest une tête sur un jupon, c’est une femme ; si c’est un corps appuyé sur des jambes séparées, c’est un homme. La personne est brune si les dessins que forme le marc autour d’elle sont très-prononcés ; elle est blonde lorsque les traits sont marqués faiblement ; si elle n’a qu’un œil, il est sur qu’elle trompera par de fausses promesses. Si une forme de chien apparaît à côté d’une figure humaine, c’est la promesse d’un ami dévoué ; et si le chien se trouve auprès d’un cercle à plusieurs facettes, c’est un signe d’inviolable fidélité conjugale. Si à un jeune homme consultant le marc de café apparaît une figure de femme tenant un bâton, c est signe qu’il succombera aux séductions d’une femme galante et qu’il aura à s’en repentir. Si, au contraire, c’est une demoiselle qui interroge le mare de café, la figure d’un homme tenant un bâton ou une épée pronostique un séducteur dangereux. Une fleur qui se trouve près d’une figure de femme jndique une amie estimable ; si la fleur est une rose, c’est une amante ; si c’est une tulipe, c’est une amie d’un commerce peu sûr. Un homme monté sur un cheval ou sur un quadrupède promet un protecteur puissant et plein de bienveillance. Si c’est une femme qui est à cheval, elle fera pour vous bien des extravagances. Trois figures d’hommes signifient emploi honorable ; trois figures de femmes, emploi lucratif. Une couronne de croix annonce la mort d’un parent, une couronne de triangles celle d’une parente. Enfin, un bouquet cornposé de quatre fleurs, ou d’un plus grand nombre, est le plus heureux de tous les présages ; et si un triangle se trouve dans le voisinage du bouquet, c’est une promesse infaillible du bonheur le plus parfait et le plus continu.

Telles sont les principales régies pour deviner l’avenir par 1 inspection du marc de café, règles posées par les maîtres en cet art. Il est bien entendu que nous ne les donnons ici qu’à titre de curiosité, et que nous nous serions abstenu de les faire connaître, si nous n’avions la ferme conviction que pas un seul de ceux qui uous lisent ne sera tenté de les prendre au tjérieux.

CAFE

CAFÉ s. m. (ka-fé — v. l’étym. au root précédent). Lieu public où l’on va prendre le café, des liqueurs, des rafraîchissements : Beau café. Grand café. Passer sa vie dans les cafés. Il y avait à Surate un café beaucoup d’étrangers s’assemblaient l’après-midi. (B. de St-P.) J’avais d’abord fréquenté ce café (Procope), le rendez’vous des habitués et des arbitres du parterre, et j’y étais assez bien voulu. (Marmôntel.) Nous avons emprunté nos cafés aux Orientaux, qui ne nous ont pas encore pris nos cabarets. (Chamfort.) il Personnes réunies dans un établissement de ce genre-t Aux acclamations de tout le café, les deux adversaires sortirent pour aller se battre. (Scribe.)

Café chantant. Etablissement différan des cafés ordinaires, en ce qu’il possède des chanteurs qui se font entendre de temps à autre. Il Café-concert, Autre établissement du même genre, qui possède, outre les chanteurs, une troupe de musiciens instrumentistes : À chaque bout de la terrasse se trouve un café-concert, c’est-à-dire joignant aux délices de la consommation l’agrément d’un orchestre en plein vent de musiciens boliémes, qui exécutent des valses allemandes et des ouvertures d’opéras italiens. (Th. Gaut.)

Il Café-théâtre, Café ordinaire dont l’une des salles possède un théâtre où des acteursjouént pour 1 agrément des consommateurs. 1 ! Caféestaminet, Etablissement qui, outre les salles ordinaires de consommation, possède une ou plusieurs salles pour les joueurs et les fumeurs : Au rez-ae-chaussée et à côté de l’allée se trouvait un café-estaminet. (F. Soulié.) il Café-restaurant, Etablissement ou se trouvent à la fois un café et un restaurant, il Caféjardin, Café ordinaire auquel est attenant un jardin où les consommateurs peuvent se placer dans la saison d’été, il Café littéraire, S’est dit, surtout au dernier siècle, d’établissements tels que le café Procope, où se réunissaient à certaines heures des littérateurs, des écrivains, dont la conversation roulait sur les choses de l’esprit. V, plus loin.

— Encycl. Les premières maisons de café paraissent avoir été établies à La Mecque, vers le commencement du ixe siècle de l’hégire ; on s’y réunissait, non-seulement pour prendre cette boisson, mais aussi pour causer, chanter, danser même et jouer aux échecs, toutes choses que les mahoinétans n’approuvent pas dans leur religion. Aussi les dévots essayèrent-ils de faire fermer ces lieux publics, où, disaient-ils, on prenait le café en compagnie de la même manière que l’on buvait le vin ; mais on leur ferma la bouche en leur faisant voir, par les traditions mahométanes, que Mahomet avait bu du lait en compagnie, en la même forme que l’on prenait le café, et, cela étant, qu’il était permis d’en prendre à l’imitation du Prophète.

Le café a fait un pas de plus ; mais que d’obstacles il va rencontrer encore sur son passage avant d’arriver jusqu’à nous i 11 so répand dans les autres villes de l’Arabie, à Médine, de là en Égypte et jusqu’au Caire. Puis il passe en Syrie, où il est accueilli sans objection, comme il venait de l’être à Damas et à Alep. Enfin, il est porté à Constanttnople, et un poète du temps salue sa venue par un sonnet qui commence ainsi : « Il (le café) s’est promené au Caire, à Damas et à Alep, avant que de venir au pays do Roum (Constantinople), et le séditieux qui jette le troubledans tout le monde y a supplanté le vin. ■

Donc, en 1554 de Jésus-Christ, les nommés Hekum et Sehems ouvrirent chacun à Constantinople une de ces maisons qui devinrent

!e rendez-vous des poètes, des cadis et des

principaux seigneurs de l’empire. La tasse n’y coûtait qu’un aspre (environ 2 centimes et demi}, et l’on y jouait au trictrac. Mais pendant ce temps on oubliait l’heure de la prière ; les muftis se plaignirent, des prédicateurs fanatiques déclarèrent que par ce nouvel usage on contrevenait aux préceptes de la religion et de la loi mahométune. Les cafés furent fermés, et les contrevenants punis de quatre-vingts coups de bâton. Un musulman ayant été surpris à boire du café chez lui fut châtié, et, pour servir d’exemple, promené sur un âne dans toute la ville ; mais bientôt cette défense fut levée, et les grands vizirs établirent un très-grand nombre de cafés, en soumettunt.les propriétaires à un impôt qui fournit un revenu considérable. En 1665, pendant la guerre de Candie, le pacha Kupruli fit fermer les cafés, parce que, s’étant.un jour, sous un déguisement, rendu dans une de ces maisons, il y avait trouvé des gens qui discutaient sur les affaires de son administration. On y causait de toutes choses, étendu sur des sofas, et quand la conversation tombait, on lisait quelque livre, ou bien, comme les poètes s’y trouvaient aussi en grand nombre, on y critiquait les poésies les plus nouvelles. Ceci nous est rapporté par l’historien turc Pitchevili, dans sa Vie de Soliman, et se passait l’an 962 de l’hégire, c’est-à-dire vers ie miiieu du xvi^ siècle, au moment où tenait ses séances l’Acudémie au petit pied que présidait Ronsard, et à laquelle, de temps à autre, Charles IX voulait bien faire l’honneur de sa présence.

Mais puisque nous sommes en Orient, notons en passant ce qu’un voyageur en Perse rapporte des cafés à Ispahan. J^achoseen vaut la peine. « Ce sont, dit-il, des salons grands, spacieux ; on y boit du café, et des mollahs OU des derviches y font des leçons de morale ou