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Voici le résultat du procès-verbal :

Le vin de Bourgogne est délicieux, le vin de Bordeaux est excellent ; le bordeaux nous ravit, le bourgogne nous enchante ; le vin de Bourgogne fait nos délices, le vin de Bordeaux fait notre félicité ; pour boire du bordeaux, on commettrait des bassesses ; pour savourer du bourgogne, on ferait des infamies. Or, jusqu’à présent, l’Académie, et, à sa suite, l’abbé Girard, Beauzée, Roubaud, Lafaye, Guizot, etc, ne sont pas parvenus à marquer une différence, à établir des frontières entre délicieux et excellent, ravir et enchanter, délices et félicité, bassesses et infamies. La question est pendante, les avocats ne sont pas d’accord : Adhuc sub judice lis est, et la seule chose qu’on puisse affirmer hardiment, c’est que le meilleur, du bourgogne ou du bordeaux, c’est… tous les deux. Cette question viticole rentre dans la nature des problèmes insolubles, et doit prendre place à côté de la quadrature du cercle, du mouvement perpétuel, de la trisection de l’angle et de la duplication du cube. Pareille chose arriva à un poète qui, sommé par deux sœurs, l’une brune et l’autre blonde, d’adjuger la pomme, répondit par le quatrain suivant :

Vous êtes belle, et votre sœur est belle ;
Entre vous deux, tout choix serait bien doux ;
On dit qu’Amour était blond comme vous.
Et qu’il aimait une brune comme elle.

Cependant, car il est bon que le lecteur n’oublie pas que cet article est commis par un Bourguignon, ajoutons que si la blonde est plus sentimentale, la brune est plus piquante ; que Fontenelle disait qu’un beau jour n’est pas aussi beau qu’une belle nuit ; qu’une belle brune et une belle nuit font plus rêver qu’une belle blonde et qu’un beau jour. Disons encore que le mari infidèle a trop souvent donné la préférence à la maîtresse sur la femme légitime ; que les gourmets préfèrent les glaces, les soufflés, les entremets sucrés, au bouilli et au rosbif, et que si le bordeaux représente la blonde, le beau jour, la femme légitime, le bouilli et le rosbif, le bourgogne a pour lui la brune, la belle nuit, la maîtresse et… les confitures. N’est-ce pas ici le cas de dire, après Corneille :

Devine si tu peux, et choisis si tu l’oses ?

« Mais, répliquera un Bordelais justement blessé de cette préférence, ma liqueur est cosmopolite ; elle voyage et ne craint pas le mal de mer ; tandis que toi, jus de Bourgogne… — Halte là ! répondra le Bourguignon, le bourgogne est sédentaire ; c’est le type du paysan (pagus, pays) ; le bordeaux a l’humeur voyageuse, mais n’y a-t-il pas quelque ingratitude dans ce cosmopolitisme ? Le bourgogne est français jusque dans la moelle des os ; comme Danton, un Bourguignon de lisière, il pense qu’on n’emporte pas son pays à la semelle de ses souliers. Il rougirait, lui déjà si rouge, s’il se voyait débarquer à Douvres. Aux Anglais il dit fièrement : « Si vous voulez faire ma connaissance, venez chez moi. Après nous, messieurs les Anglais… s’il en reste. »


BOURGOGNE (Burgundia). On a désigné par ce nom divers royaumes, un duché de la France féodale, un comté, fief de l’empire pendant le moyen âge, plus tard un cercle de l’empire d’Allemagne, enfin une province de l’ancienne monarchie française.

Le territoire de cette riche contrée, coupé de plaines et de montagnes, présente de vastes forêts et de beaux pâturages ; il est d’une grande fertilité et produit en abondance toutes les choses nécessaires à l’alimentation ; on y exploite des mines de fer et de sel très-productives, quelques sources d’eaux minérales renommées ; mais la véritable richesse du pays consiste dans son vin, connu dans le monde entier.

La Bourgogne fournit aussi une race de moutons très-estimée. Cette contrée est peut-être plus propre qu’aucune autre partie de la France à la production des laines superfines. Les moutons, pourvu qu’ils ne soient pas de trop forte taille, trouvent sur ses vastes plateaux calcaires, sans sources ni ruisseaux, une herbe tout à fait convenable à leur constitution. Les éleveurs de Bourgogne entretiennent des mérinos et des métis. Les premiers ont été introduits pour la première fois par Daubenton, de 1766 à 1776. Dans le courant du XIXe siècle, on a importé, en outre, des mérinos beaucerons, ou même, des mérinos à laine superfine de Naz, de la Saxe, de la Silésie. Ces croisements multipliés ont eu, en général, d’assez bons résultats, tant sous le rapport de la graisse que sous celui de la laine. Chacun, en effet, a pu admirer à nos grandes exhibitions les beaux béliers et les magnifiques toisons de la Côte-d’Or. Depuis quelque temps, cependant, la production des laines extrafines diminue sensiblement ; on recherche, au contraire, les mèches longues, les toisons lourdes et les fortes quantités de viande. Cette substitution, qui favorise les intérêts du cultivateur, n’est pas moins utile à l’industrie ; car, il est reconnu maintenant que les laines fines, malgré la beauté des tissus qu’elles servent à confectionner, manquent presque toujours de force et de nerf. Les métis sont peu homogènes. Leur laine est bien moins fine que celle des précédents, mais ils ont plus de taille. Ils ressemblent assez généralement aux beaucerons par leur forte toison et leur taille élevée. Leurs qualités, comme animaux de boucherie, les font rechercher par les fermiers des environs de Paris. Ces métis, autrefois peu nombreux, sont aujourd’hui répandus sur toutes les parties de la Bourgogne ; les éleveurs les soignent avec intelligence. Ils donnent de la taille et du corps en améliorant le régime ; ils cherchent à diminuer les fanons, la tête et l’encolure, en choisissant convenablement les reproducteurs. Quelques-uns ont ainsi obtenu des produits beaucoup mieux conformés que le type.

— Hist. Avant la conquête romaine, le territoire de cette province était habité par les Éduens, l’un des peuples les plus anciens et les plus puissants de la Gaule. Ce fut comme allié des Éduens, et sous prétexte de les défendre contre les Helvétiens, que César commença la guerre des Gaules. On connaît l’héroïque et malheureuse résistance de Vercingétorix, le siège et la prise d’Alise, et la soumission complète de tout le pays. La civilisation romaine fit de rapides progrès sur les bords de la Saône, et Bibracte, devenu Augustodunum (aujourd’hui Autun), vit accourir à ses écoles toute la jeunesse des Gaules. Sous Honorius, le pays des Éduens fut compris dans la Première Lyonnaise ; au commencement du Ve siècle, il reçut le nom de Burgundia (Bourgogne) des Burgundi ou Burgundiones, qui vinrent alors s’y établir. Ce peuple formait, selon Pline, une des tribus de-la nation des Vandales, et habitait les bords de la Baltique, aux embouchures de la Vistule. Chassés de ce pays par les Gépides, et poussés vers l’Occident par la grande migration des peuples, les Burgondes passèrent le Rhin, et, en 407, sous la conduite de leur roi Gondicaire, se fixèrent entre l’Aar et le Rhône. Chaque Bourguignon, homme libre, reçut pour demeure la moitié de la ferme romaine, les deux tiers de la terre mise en culture et un tiers des esclaves qui s’y trouvaient. Les Romains ne s’opposèrent point à cette spoliation, qui les garantissait contre toute invasion nouvelle. De tous les barbares, c’étaient assurément ceux dont le joug était le plus doux, et, en raison de la douceur de leurs mœurs, ils se confondirent promptement avec le peuple vaincu. Ajoutons qu’ils s’étaient rapidement convertis au christianisme, et qu’ils suivaient les dogmes d’Arius.

La merveilleuse légende des Niebelungen nous décrit le grand désastre et la mort de Gondicaire, qui voulut arrêter Attila dans sa marche victorieuse, en 451. Chilpéric, dont la fille Clotilde épousa Clovis, roi des Francs, succéda à Gondicaire, son père, et fut tué avec ses fils par son frère Gondebaud (491). Ce dernier fit rédiger et publia dans ses États le code de lois des Bourguignons, appelé loi Gombette, et laissa la monarchie à son fils Sigismond, en 516. Celui-ci, pendant tout son règne (516 à 523), et son frère Gondemar (523-534) luttèrent contre les tentatives des fils de Clovis, qui voulaient soumettre la Burgondie ;. enfin, après plusieurs combats, Childebertt et Clotaire, vainqueurs de Gondemar, se partagèrent ses États et mirent fin au premier royaume de Bourgogne (534). Clotaire Ier, roi des Francs, seul possesseur de l’héritage de Clovis (558 à 561) réunit la Bourgogne à ses États ; mais, à la mort de ce prince, elle échut à Gontran, son fils, qui régna trente-trois ans. Childebert II, fils de Sigebert et de Brunehaut, roi d’Austrasie, succéda à son oncle Gontran (503) comme roi de Bourgogne, et réunit ainsi deux grands royaumes. Dès lors, la Bourgogne suivit la destinée du royaume d’Austrasie ; les guerres entre les Austrasiens et les Neustriens l’épargnèrent, il est vrai ; mais les rois francs ne surent pas la protéger contre les incursions des Sarrasins, qui, en 732, pillèrent et incendièrent Autun et Sens. Pendant cette longue période, sous le règne de Charlemagne, et plus tard jusqu’au traité de Verdun, en 843, ce pays fut divisé en comitatus ou comtés administrés par des comtes que nommaient les rois de France.

Au partage de Verdun, la Bourgogne échut à Lothaire Ier, qui, en 855, laissa à son troisième fils, Charles, le Lyonnais, la Savoie, la Provence et le Dauphiné, avec le titre de roi de Provence. Mais, en 875, à l’extinction de la race de Lothaire Ier, la Bourgogne fut replacée momentanément sous la domination des Francs occidentaux. Cependant, à la mort de Louis le Bègue, les prélats de Bourgogne se réunirent à Mentaille, en Dauphiné, et, avec l’assentiment des comtes et des seigneurs bourguignons, forcèrent Boson à prendre le titre de roi (879).

Royaume de Bourgogne Cisjurane. Boson, le fondateur du royaume de Bourgogne Cisjurane, était beau-frère de Charles le Chauve, et avait épousé Hermangarde, fille de l’empereur Louis II ; il eut d’abord à lutter contre les deux rois de France Louis et Carloman, qui voulaient le réduire au rang de vassal. En 882, pour régner en paix, il reconnut tenir son royaume à titre de fief de Charles le Gros. Son fils Louis lui succéda en 887, et, à titre de petit-fils de l’empereur Louis II, il voulut faire valoir ses droits sur l’Italie ; mais après quelques succès sur son compétiteur Bérenger, après avoir reçu du pape la couronne impériale, il fut surpris dans Vérone par son rival, qui lui fit crever les yeux. En mourant (928), il laissa la tutelle de son jeune fils à Hugues, l’ambitieux comte d’Arles et de Provence, qui dépouilla son pupille et céda à Rodolphe II, roi de la Bourgogne Transjurane, ce qu’il possédait sur les bords du Rhône, afin de s’assurer la possession de la couronne d’Italie, dont il s’était emparé.

Royaume de Bourgogne Transjurane. Après la déposition de Charles le Gros, Rodolphe, fils du comte Conrad, et neveu du roi de France Hugues Capet, jusqu’alors gouverneur de la Lorraine et de l’Helvétie, prit le titre de roi de la haute Bourgogne ou Bourgogne Transjurane (888). À la mort de Boson, Rodolphe recula les frontières de ses États aux dépens de ses voisins, et, après avoir repoussé les agressions d’Arnuf, roi de Germanie (912), il mourut, laissant la couronne à son fils Rodolphe II. Celui-ci soutint une guerre malheureuse contre Burkhard, duc de Souabe ; essaya vainement, malgré quelques succès, de s’emparer de l’Italie, mais agrandit ses États de la Provence ou Bourgogne Cisjurane, que lui céda Hugues, devenu roi d’Italie. La réunion des deux royaumes de Bourgogne, sous le nom de royaume d’Arles, formait un État puissant qui couvrait l’est de la France ; jamais le nom bourguignon n’avait été environné de tant d’éclat. Mais sous le monarque suivant, Conrad le Pacifique (937-993), les Hongrois, sortis de la Rhétie, les Sarrasins, venus ùu Midi, des famines consécutives et la peste, désolèrent le royaume. Conrad cependant sortit victorieux de toutes ces luttes et légua sa couronne à son fils Rodolphe III, qui fut proclamé par les grands réunis à Lausanne, en 993. Ce prince, timide et efféminé, redoutant les grands et cherchant à plaire aux évêques, enrichit les couvents et légua ses États à l’empereur d’Allemagne Henri II, fils de sa sœur Gisèle.

L’empereur d’Allemagne, après de nombreux combats livrés aux puissants comtes bourguignons, finit par faire triompher ses prétentions ; à partir de ce temps (1033), la Bourgogne fit partie intégrante de l’empire et eut ses gouverneurs héréditaires. Mais, en même temps, il se forma dans le royaume une noblesse puissante qui, sous la suzeraineté nominale des empereurs allemands, conserva son indépendance jusqu’au moment où la France, la Savoie et la Suisse se partagèrent les dépouilles du royaume d’Arles.

Duché de Bourgogne. À l’époque où se constituaient les deux royaumes de Bourgogne dont nous venons de résumer l’histoire, il se forma à l’ouest de la Saône et du Rhône un troisième État bourguignon, qui resta attaché à la France sous le titre de duché de Bourgogne. Richard, comte d’Autun, fut nommé au duché de Bourgogne par Charles le Chauve en 877. À la mort de Richard, son duché passa à son fils Raoul, couronné plus tard roi de France à Soissons, et qui mourut en 936, sans laisser de descendance. Après plusieurs querelles entre les compétiteurs, le duché échut à Hugues le Grand, comte de Paris, qui le laissa successivement à ses deux fils, Othon (956) et Henri (965). Après ce dernier, le duché fut pendant trente ans réuni à la couronne de France, de 1002 à 1032.

La seconde dynastie des ducs de Bourgogne commence à Robert le Vieux, frère du roi de France Henri Ier, qui le lui donna (1032) non en apanage, mais en toute propriété. Robert, prince violent et farouche, eut pour successeur (1075) son petit-fils Hugues Ier, qui, en 1078, embrassa la vie monastique, laissant le duché à son frère Eudes Ier, surnommé Borel ; celui-ci, après avoir guerroyé contre les Maures, en Espagne, alla mourir en Palestine (1108). Hugues II le Pacifique succéda à son père et fut un fidèle allié de Louis le Gros, contre les Anglais et les impériaux, qui avaient envahi la Champagne. Eudes II, fils du précédent, ceignit la couronne en 1142, et, après quelques démêlés avec le roi de France Louis VIII, laissa le duché en 1162 à Hugues III, son fils, qui fit partie de la croisade dont Philippe-Auguste et Richard d’Angleterre furent les chefs ; il mourut en Asie (1193), laissant deux fils, Eudes et Alexandre. Le premier succéda à son père, se croisa contre les Albigeois et commanda l’aile droite à la bataille de Bouvines ; il allait passer en Égypte, à la tête d’un corps de croisés, lorsqu’il fut surpris par la mort en 1218. Hugues IV, son fils et son successeur, se rendit en Palestine avec saint Louis, tomba entre les mains des infidèles, et, après avoir recouvré sa liberté, devint roi titulaire de Thessalonique. En 1272, Robert II, son troisième fils, lui succéda et régna heureux et puissant jusqu’à sa mort (1305). Hugues V régna jusqu’en 1315 ; Eudes IV, son frère, lui succéda, hérita des comtés d’Artois et de Bourgogne, fit la guerre de Flandre, contre les Anglais et les Flamands, et mourut en 1350 à Sens, après un règne long et brillant, laissant la couronne ducale à son petit-fils Philippe de Rouvre, douzième et dernier duc de la race capétienne (1350-1361). À la mort de celui-ci, le roi de France Jean se mit en possession du duché, et, à son retour d’Angleterre (1360), il le concéda à titre de fief à Philippe le Hardi, le quatrième de ses fils, pour le récompenser de sa bravoure à la bataille de Poitiers.

Les ducs de Bourgogne de cette nouvelle et célèbre famille de Valois sont au nombre de quatre : Philippe (1360-1404) ; Jean sans Peur (1404-1419) ; Philippe le Bon (1419-1467) ; et Charles le Téméraire (1467-1477). Comme l’histoire de ces derniers ducs de Bourgogne se trouve constamment mêlée à l’histoire de France et présente un grand intérêt, nous renvoyons le lecteur à la biographie de ces princes.

À la mort de Charles le Téméraire, Louis XI se saisit de la plus grande partie de l’héritage de son ancien ennemi et réunit la Bourgogne à la couronne de France.

— Étym. et ethnogr. Au mot Burgondes, nous passerons en revue les différents noms sous lesquels les écrivains anciens désignaient ce peuple, sans nous arrêter à en rechercher l’étymologie. Nous allons essayer de le faire ici de la façon la plus complète, en prenant pour guide l’excellente dissertation de M. Roger de Belloguet, publiée sous le titre de Questions bourguignonnes. À côté des noms conservés par les auteurs grecs et romains, nous en avons une autre série, tout aussi intéressante, dans les plus anciennes traditions allemandes et Scandinaves, dans les Niebelungen, l’Edda Sœmundar, le Périple de Wulfstan, etc. ; ce sont : Bourgounde, Burnonde, Burigonnde, Borgundar, Burgende et Burgenoere. Il est même parlé, dans les traditions relatives aux Lombards recueillies par Paul Diacre, d’une contrée située dans la Germanie et appelée Vurgonhaib, probablement analogue à Vurgondheim, ce qui signifierait le pays des Burgondes. Quelques auteurs ont même cherché à ce nom une forme Wurgondar, qui donnerait le sens très-précis, mais assez invraisemblable et d’ailleurs nullement justifié, d’étrangleurs. « Dans toutes ces variantes latines ou germaniques, dit M. Roger de Belloguet, se présentait une racine si évidente, commune aux deux langues, le bourk tudesque et le burgus romain, que la plupart des historiens, depuis Orose jusqu’à Luitprand, quel que fût leur point de départ, ont fait dériver le nom de Burgonde de cette racine, qui signifiait, pensait le plus grand nombre, bourg ou village. » M. Roger de Belloguet fait observer à ce propos que le sens propre de bourk ou burg est plutôt celui de château, de fort, de palais. On obtenait ainsi l’identification de la première partie du mot ; quant à la seconde, on imaginait pour l’expliquer des formes de mots composés germaniques, tels que : Bourgkound, Bourg-wohner, Bourg-hoade, Bourggound et Bottrg-hound, avec les significations variées de enfant, habitant, gardien, fille ou chien des bourgs ou des forts. Citons encore pour mémoire l’étymologie, tirée par les cheveux encore plus que les autres, de Bourghoundert, les cent bourgs, les centum pagi des Suèves ; Celle de Walther, très-ingénieuse : bauer-gunther, soldats laboureurs, ou plus exactement laboureurs soldats ; celle mi-partie slave et mi-partie germanique de Pfuter : Bor-kund, les hommes des forêts. Rappelons enfin celle d’Augustin Thierry, beaucoup plus vraisemblable que les précédentes et répondant bien aux mœurs guerrières de la race : Buhr-gunden, hommes de guerre confédérés.

M. Roger de Belloguet rejette toutes ces interprétations et en propose une autre toute différente. Il s’adresse pour cela, non pas aux langues germaniques, comme l’ont fait ses devanciers, mais aux langues scandinaves, leurs proches parentes, Burgonde se décomposerait, suivant lui, en Bor-kundur ou Byr-kundur, fils de Bor, ou enfants du vent. Il fait très-judicieusement remarquer que cette dénomination métaphorique est tout à fait dans le goût de la Skalda. Il en rapproche l’appellation si populaire, même chez nous, de Niebelungen ou Niblungar, qui ne veut pas dire autre chose que les enfants du brouillard.

Enfin M. de Belloguet rappelle que les Burgondes prirent plus tard un autre nom, celui de Guntbadingi, ou Gunebsdigni, descendants de Guntbad ou Gundebod, le roi Gondebaud.

Bourgogne (HISTOIRE DES DUCS DU LA MAISON DE), par M. de Barante (Paris, 1824, 13 vol.). Cet ouvrage, qui, par sa méthode, diffère si complètement des écrits d’Augustin Thierry et de ceux de M. Thiers, représente une école historique dont l’autorité est maintenant battue en brèche. Il convient et il importe d’en discuter les principes et les procédés. M. Demogeot, tout en rendant hommage au livre de M. de Barante, qui n’avait pris la plume qu’après avoir consulté un grand nombre de mémoires, de chroniques et de manuscrits, condamne la méthode suivie et professée par l’historien ; ses raisons nous paraissent victorieuses. Qu’on en juge par les principales. L’école de M. de Barante est l’école descriptive. « Elle raconte, mais sans conclure ; elle peint, mais sans instruire ; elle fait de l’histoire un roman plein d’intérêt d’abord, mais qui fatigue bientôt la curiosité, parce qu’il n’occupe pas assez l’intelligence… Voici revenir les hauts gestes et faits, les belles apertises d’armes : rien ici d’abstrait et d’idéal, tout est réel, individuel, tout est récit, ou plutôt tout est peinture. » C’est le chroniqueur Froissart qu’imite l’historien moderne ; il lui prend son ton et sa manière. Les événements ne semblent se tenir que par leur succession ; l’enchaînement des causes et des effets s’évanouit. L’auteur s’abstient de réfléchir, et, de plus, il rend toute réflexion impossible. On ne voit que le fait accompli, le spectacle extérieur, la mise en scène ; on ignore si, derrière le théâtre, il y a des moteurs, des ressorts secrets. Le hasard détermine les circonstances et les résultats. Que devient la responsabilité humaine ? que devient la moralité de l’action ? Dans ce système, l’histoire n’est plus qu’une affaire de