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n’enterre jamais le Bourgmestre de Saardam. sans l’arrière-pensée de l’exhumer de temps à autre. Le comique de la pièce est fondé sur un quiproquo. Doux ouvriers du chantier de Saardam le font naître. Tous deux se nomment Pierre ; mais l’un est un déserteur russe, l’autre est le fumeux czar Pierre le Grand, méconnaissable sous son déguisement. Cependant les ambassadeurs français et anglais soupçonnent que le czar pourrait bien être l’un de ces deux Pierre ; et l’envoyé français, plus malin que son collègue, amène le prince à se trahir lui-même, et signe avec lui un traité d’alliance et de commerce. L’envoyé anglais, dont le but est d’obtenir un pareil traité, croit faire un coup de maître en s’adressant au bourgmestre de Saardam, qu’il suppose dans la confidence du tzar. Le bourgmestre (c’était le rôle de Potier) est un personnage très-ridicule, qui a la manie de vouloir passer pour très-pénétrant. Il ne manque pas de prendre le déserteur russe pour Pierre le Grand, et abouche avec lui l’ambassadeur anglais. En même temps, il se souvient qu’il a ordre de faire arrêter un soldat russe qui a déserté, et c’est du czar que le bonhomme songe à s’assurer. Il prodigue, au contraire, les nommages les plus respectueux au faux Pierre le Grand, qui n’a garde de le détromper, dans la crainte du châtiment qui lui est réservé comme déserteur. On conçoit toutes les situations, plus bouffonnes les unes que les autres, pouvant résulter d’une telle méprise. Qu’on ajoute à cela la verve inimitable de Potier, et on pourra se faire une idée des éclats de rire qui accueillaient le malheureux bourgmestre à chacun de ses gestes et à ses moindres paroles. Enfin l’empereur, averti par le célèbre Lefort, son ambassadeur, qu’une révolte vient d’éclater dans ses États, quitte l’incognito, pardonne au faux Pierre, le marie avec une jeune fille qu’il aime, part de Saardam sur un yacht, et laisse l’envoyé anglais et le bourgmestre fort mystifiés.


BOURGNE s. f. (bour-gne ; gn mil.), Pêch. Sorte de nasse que l’on place à l’entrée des parcs ouverts. || On dit aussi bourgnon, s. m.

— Agric. Sorte, de panier en paille, dans lequel les cultivateurs de l’Ouest conservent les fruits.


BOURGNEUF (LE), bourg et commune de France (Mayenne), cant. de Loiron, arrond. et à 19 kilom. N.-O. de Laval, sur la petite rivière du Vicoïn, qui y prend sa source ; pop. aggl. 474 hab. — pop. tot. 2,230 hab. Commerce de bestiaux.


BOURGNEUF (baie de), formée par l’océan Atlantique, sur les côtes des départements de la Loire-Inférieure et de la Vendée, au S. de l’embouchure de la Loire. Elle est limitée au N. par la pointe Saint-Gildas, et au S. par le détroit de Fromentine qui sépare l’Ile de Noirmoutiers du continent. Outre les bancs de sable qui rendent cette baie fort dangereuse, les vents N.-O., contre lesquels elle n’est pas abritée, font que les grands navires ne peuvent y mouiller en sûreté pendant la mauvaise saison.


BOURGNEUF-EN-RETZ, petite ville maritime de France (Loire-Inférieure), ch.-l. de cant., arrond. et à 23 kilom. S. de Paimboeuf ; pop. aggl. 839 hab. — pop. tot. 2,893 hab. Petit port presque comblé, au fond de la baie de son nom ; marais salants, pêche, commerce considérable d’eaux-de-vie et de sel. On y remarque une belle église avec porte ornée et inscription gothique ; au fond de la baie, les rochers appelés Cheminées ; enfin un beau cromlech de trente pierres, dans les environs.


BOURGNEUF (Jean-Léon), administrateur er écrivain français. Il était trésorier d’Orléans dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, et il a publié : Mémoires sur les privilèges et fonctions des trésoriers de France (Orléans, 1745) ; Table générale des ordonnances et édits concernant les privilèges et fonctions des trésoriers de France.


BOURGNON s. m. (bour-gnon ; gn mll.). Pêch. Syn. de bourgne.


BOURGOGNE s. m. (bour-go-gne ; gn mll. — de Bourgogne, nom d’une province). Comm. Vin de Bourgogne ; Du bourgogne. Boire d’excellent bourgogne. Va pour le vieux bourgogne ; je ne le déteste pas. (Alex. Dum.) Demande un lièvre piqué, un chapon gras, un gigot à l’ail et quatre bouteilles de vieux Bourgogne. (Alex. Dum.)

— Agric. Nom vulgaire du sainfoin.

— Encycl. Les vins de Bourgogne sont dits de la haute ou de la basse Bourgogne, suivant qu’ils proviennent du département de la Côte-d’Or et des environs de Chalon-sur-Saône, ou de celui de l’Yonne. On admet aussi sous le nom de bourgogne simplement ceux du Maconnais et du Beaujolais, qui sont fournis, les premiers par le département de Saône-et-Loire, et les seconds par une partie du département du Rhône.

Haute Bourgogne. C’est cette partie de la Bourgogne qui fournit les vins les plus distingués, ou tout au moins les plus fins et les plus connus. Ils se récoltent sur la droite de la grand’route qui mène de Dijon à Chalon-sur-Saône, tandis que tous ceux qui viennent sur la gauche sont plus ou moins communs. Le voyageur qui parcourt cette route a donc la certitude, s’il se fait nommer les villages qu’il aperçoit à droite, d’entendre prononcer les noms les plus chers aux gourmets. Toutefois, ici encore il y a de notables différences dans la qualité des vins, suivant la hauteur du sol. Les meilleurs se rencontrent vers le centre de la montagne dont la route forme la base, et la qualité va ensuite en diminuant à mesure qu’on s’éloigne, soit pour monter, soit pour descendre. Ainsi, en gravissant la montagne, on rencontre d’abord les vins relativement inférieurs ; à moitié chemin, on est dans les crus les plus distingués ; enfin, en continuant l’ascension, on retrouve les variétés de moindre valeur. En d’autres termes, parmi tant d’excellents vins, les premiers sont ceux qui se récoltent à mi-côte : in medio stat virtus.

Les grands vins rouges de la haute Bourgogne forment deux catégories bien distinctes, celle des vins de la côte de Nuits et celle des vins de la côte de Beaune. Dans chaque catégorie, ainsi que cela se produit dans tous les pays viticoles, les noms des vins varient comme les noms des communes, et chaque commune subdivise son territoire de telle sorte, que chaque parcelle de terre a son nom et son classement.

Les vins principaux de la côte de Nuits sont ceux de Chambertin, dans la commune de Gevrey ; de Clos-Vougeot, dans les communes de Vougeot et de Flagey-lez-Gilly ; de Saint-Georges et de Prémeau, dans la commune de Nuits ; de Romanée, de la Tache et de Richebourg, dans la commune de Vosne ; de Chambolle, de Nuits, de Morey et de Vosne, dans les communes de même nom. Autour de chacun d’eux s’en groupent un très-grand nombre d’autres qui en approchent plus ou moins, mais sans pouvoir les atteindre.

On met généralement en première ligne les vins de Romanée, de Chambertin, de la Tache et du Clos-Vougeot, dont le prix est à peu près le même ; en seconde ligne, ceux de Richebourg, de Saint-Georges et de Vosne, qui valent environ 5 pour 100 de moins que les précédents ; et, en troisième ligne, ceux de Nuits, de Prémeau, de Chambolle et de Morey, dont le prix est également de 5 pour 100 au-dessous de celui des vins de la seconde ligne.

Ces onze vins peuvent être considérés comme les espèces types de la côte de Nuits. Ils ont un goût particulier, commun à tous, qui les distingue des autres grands vins de Bourgogne, et qui présente une certaine ressemblance avec celui des bordeaux. Comme ces derniers, en effet, ils laissent un peu de sécheresse au palais, et un bouquet un peu enveloppé, qui ne se saisit au premier abord que sous un aspect liquoreux. Ce sont des vins corsés, forts, pleins de feu. Quand ils sont jeunes, ils offrent une saveur alumineuse qui produit une sensation désagréable, mais qui disparaît entièrement avec l’âge. Aussi demandent-ils, en général, à être bus vieux. Il est rare qu’ils soient bons avant la fin de la septième ou de la huitième année. Ils gagnent jusqu’à la dixième ou à la douzième. Arrivés à cet âge, ils ont atteint l’apogée de leur qualité et ne peuvent plus que perdre. On en cite, il est vrai, qui ont atteint vingt et trente ans avec toutes leurs qualités ; mais ils provenaient d’années tout à fait exceptionnelles, et, de plus, la conservation avait eu lieu dans des conditions d’encavage qui se rencontrent rarement.

Ainsi que nous venons de le dire, les vins de la côte de Nuits ont un goût particulier qui les fait distinguer de ceux du reste de la haute Bourgogne ; mais on éprouve la plus grande difficulté à les distinguer entre eux. « Il est à peu près impossible, dit à ce sujet un des premiers commerçants de Beaune, de déterminer par la dégustation si un vin appartient au cru de Romanée ou à celui du Chambertin, à moins qu’on ne les ait l’un à côté de l’autre. Si les connaisseurs, ajoute-t-il, ou du moins ceux qui se donnent ce nom, savaient combien les nuances de qualités sont difficiles à saisir, ils se hasarderaient rarement à désigner les crus. Il n’y a que les gens du sol qui puissent s’y reconnaître, et encore est-il très-facile de les induire en erreur, surtout depuis l’introduction du procédé de la chaptalisation, qui donne à tous les vins indifféremment une saveur commune. »

Les vins de la côte de Beaune ont pour caractères une extrême finesse et un parfum, que les uns comparent à celui de la framboise, et les autres à celui de la violette. On met en première ligne ceux de Corton, dans la commune d’Aloxe, de Volnay, de Pomard, de Beaune et de Chassagne, qui sont de grands vins ; en seconde ligne, ceux de Savigny, Monthélie, Aunay et Santeney, qui sont des grands ordinaires ; et, en troisième ligne, ceux de Mercurey et de Givry, qui sont des vins simplement ordinaires. Autour de chacun de ces vins, comme autour des précédents, s’en groupent une multitude d’autres qui s’en rapprochent plus ou moins. Le corton est le plus fort et le plus vigoureux de cette côte. Il fait une concurrence très-légitime au romanée et au chambertin, qu’il prime même dans certaines années. Ce vin remarquable marche de pair avec le santenot, le plus prisé de la commune de Volnay.

Outre ses vins rouges, la haute Bourgogne produit encore des vins blancs qui jouent un rôle assez important dans le commerce. Deux espèces de ces vins méritent une mention particulière : ce sont le montrachet, dans la commune de Puligny, près de Beaune, et le meursault, dans la commune de ce nom, également près de Beaune. Les autres sont très-ordinaires.

Le montrachet est le premier vin blanc de la haute Bourgogne. Il a la saveur des vins du Rhin à un point si prononcé qu’on peut, au premier abord, le confondre avec ces derniers. Enfin, il est d’une qualité tellement supérieure qu’il dépasse, sous le rapport du prix, les meilleurs vins rouges du pays, même le romanée, le chambertin et le clos-vougeot. Le sol qui le produit est très-peu étendu ; mais les vignes qui l’entourent fournissent un vin appelé chevalier-montrachet ou bâtard-montrachet, qui possède une grande partie de ses qualités.

Quoique plus modeste que le montrachet, le meursault tient cependant une place distinguée parmi les vins blancs. Il doit à un goût de noisette assez prononcé une originalité qui affriande le buveur, et, en vieillissant, il acquiert une finesse que les meilleurs vins rouges ont de la peine à atteindre. On estime surtout celui qui provient des crus de la Combette, de Santenot et de la Goutte-d’Or.

Presque tous les autres vins blancs de la haute Bourgogne sont de qualité très-ordinaire : on les emploie généralement pour faire des vins mousseux, que l’on vend le plus souvent comme vins de Champagne.

Quant au véritable vin blanc de Montrachet, il est d’une vinosité si énergique que beaucoup de personnes, surprises de cette exubérance, sont tentées de l’attribuer à une alcoolisation artificielle, et cette accusation s’étend à la généralité des meilleurs vins de Bourgogne. Ainsi, la trop généreuse liqueur est victime de sa générosité ! Cette absurde accusation nous remet en mémoire la mésaventure arrivée à un brave vigneron de Coulange-la-Vineuse, qui n’avait jamais quitté son village ; et cependant une ambition avait germé dans sa tête : il s’était promis de ne pas se laisser porter pour toujours dans le cimetière de Coulange sans avoir visité celui du Père-Lachaise. Un beau jour, il prend le coche d’Auxerre, et, après cent quarante-huit heures d’heureuse navigation, le long de ces bords fleuris qu’arrose la Seine, il débarque au quai de la Râpée. Mais, avant de partir pour la grande ville, l’économe Bourguignon avait pris ses précautions, et il s’était promis toutes les douceurs de la capitale sans bourse délier. Il comptait donc sur quelque bon placement, et, à cet effet, il s’était muni de quatre fioles de son meilleur cru de 1834 : « Les Parisiens, se disait-il dans son langage bourguignon, vont s’en lécher les babines. » 11 s’installe rue Saint-Paul, à l’hôtel du Cheval-Blanc, admire toutes les merveilles de la capitale, depuis les Invalides jusqu’aux abattoirs, et songe enfin, l’avant-veille de son départ, à opérer la vente de sa cuvée. Il s’en va dans quelques maisons que le percepteur de sa commune lui avait recommandées ; le premier client qu’il voit, ancien bonnetier retiré des affaires, déguste le vin, fait une horrible grimace, tousse, crache et s’écrie : « Ce n’est pas là du vin pur, c’est trop fort. » Notre vigneron eut beau protester : « Je l’ai planté, je l’ai vu naître, je l’ai porté au pressoir, je l’ai versé dans les tonneaux, je l’ai soigné, soutiré, et personne autre que moi n’a mis le pied dans mon cellier. » Tout fut inutile ; le bonnetier était à cheval sur ses opinions vinicoles et politiques. Chez un autre bourgeois, même réponse : « Il est impossible qu’un vin de cette force soit un vin naturel. » Notre vigneron rentra le soir dans son hôtel, énormément désappointé ; il rêva toute la nuit à sa mésaventure, mais cette insomnie avait porté ses fruits. Tout à coup il se frappe le front ; il se lève, s’habille, saisit une carafe d’eau de Seine placée sur la cheminée, et, de ses quatre fioles, en fait six, en se disant : « Ah ! ah ! messieurs les Parisiens, j’ai mis de l’alcool dans mon vin ; il est robuste, il est vigoureux… Donc il est falsifié. » Il se paye un cabriolet ; la richesse de son idée lui permettait cet extra de dépense, et il se fait conduire chez ses clients manqués de la veille. « À la bonne heure ! s’écria le bonnetier, voilà qui s’appelle du vin. Envoyez-m’en deux muids. » Partout même accueil, et le soir toute la cuvée avait trouvé son placement. Notre Bourguignon s’en retourna ravi, et conta son aventure à sa femme. Il est aujourd’hui un des plus riches vignerons de Coulange-la-Vineuse. Jamais il ne raconte son histoire ; mais chaque fois qu’il entend dire par un voisin : « Les Parisiens, c’est des malins ! » il ne manque pas d’ajouter : « Oh oui ! ce sont surtout de fameux connaisseurs en vin. »

Pareille chose s’est produite dernièrement au bois de Boulogne. Une dame, la tête ornée d’une chevelure aussi naturelle que celle de Bérénice, se trouva un moment au milieu d’un essaim de ces cocottes fardées, maquillées, rizolées et faux teint qui envahissent, chaque soir, la célèbre promenade. Et toutes ces rivales, toutes ces jalouses de murmurer entre elles : « Quel est donc le financier qui a payé le chignon de madame ? ».

Basse Bourgogne. Les vins de cette région ont une grande importance pour la consommation parisienne. En tête des plus estimés, de ceux que l’on appelle de première classe, se placent les vins de Dannemoine, à quelques kilomètres de Tonnerre, qui se récoltent sur la côte dite des Olivotes, dans les crus de Mont-Savoye, de Painsot et de la Chapelle, comme aussi ceux d’Épineuil et de Bouzy. Avec eux rivalisent les vins fournis par les vignobles de la Chaînette, de Migraine et de Boivin, sur les coteaux, qui environnent Auxerre. Tous ces vins sont colorés, corsés, spiritueux, fins, délicats et fort agréables. Les arrondissements d’Auxerre et de Tonnerre produisent aussi des vins qui jouissent d’une très-légitime réputation, et parmi lesquels nous citerons seulement ceux des communes d’Irancy et de Coulange-la-Vineuse. Sauf quelques exceptions, les coteaux de Joigny, d’Avallon et de Vézelay ne donnent que des vins plus ou moins ordinaires que le commerce range dans la troisième classe, et au-dessous desquels s’en trouvent encore une multitude d’autres, fournis par tous les points du département de l’Yonne, et qui, malgré l’infériorité relative de leur qualité, n’en sont pas moins très-précieux comme vins quotidiens. Ici, donnons une mention particulière à la côte Saint-Jacques (Joigny), vin si connu par son bouquet.

Deux vins blancs de la basse Bourgogne méritent surtout d’être cités : l’un est le vaumorillon et l’autre le chablis. Le vaumorillon est fourni par un vignoble des environs de Tonnerre. Il est spiritueux sans être trop fumeux, et a presque autant de corps et de finesse que le meursault. Le chablis possède les mêmes qualités, mais à un degré plus élevé. Il est produit par la commune de Chablis, dans l’arrondissement d’Auxerre. Le plus recherché est celui qui se récolte dans les crus du Clos, de valmur, des Grenouilles, de Vaudésir, de Bouguereau et de Mont-de-Milieu. Comme dans la haute Bourgogne, tous les vins blancs communs servent à la fabrication des vins champanisés.

Maconnais et Beaujolais. Quoique admis parmi les vins de Bourgogne, les vins de ces deux pays sont loin de prétendre à la même perfection. Quelques-uns cependant méritent d’être cités. Les vins rouges de première classe sont exclusivement fournis par les communes des environs de Màcon, plus particulièrement par celle de Romanèche, où les crus les plus estimés sont ceux de Thorins, du Moulin-à-Vent, du Hameau, des Carquelins et des Labories. Ce sont des liquides riches en couleur, plus corsés et plus spiritueux que les bourgognes proprement dits, mais ayant moins de sève et un parfum moins agréable. À Paris, où l’on en fait un grand usage comme vins ordinaires, on les désigne d’une manière générale sous le nom de vins de Mâcon. Le Beaujolais ne donne que des vins de moindre qualité, qui forment une partie de la seconde classe. Les communes qui entourent Màcon produisent également les meilleurs vins blancs. C’est dans celle de Solutré que se trouve le cru de Pouilly, dont les vins, moelleux, fins et corsés, contiennent de 10 à 14 degrés d’alcool.

On évalue la production vinicole moyenne des trois départements de l’Yonne, de la Côte-d’Or et de Saône-et-Loire, à 1,900,000 hectolitres, valant à peu près 50 millions de francs.

Il nous reste maintenant à établir le parallèle que nous avons annoncé à l’article Bordeaux, et dont la seule mention a fait venir, nous en sommes certain… l’eau à la bouche de nos fins gourmets. Et d’abord, parlons du cadre avant d’exposer le tableau ; trois juges, que nous appellerons membres du Caveau, et qui ont écrit au-dessus de la porte de leur cave : l’un, Bibliothèque ; l’autre, Chapelle ; le troisième, Sanctum sanctorum, sont assis autour de notre table de rédaction. Sous leurs yeux charmés s’étalent quatre fioles, qui doivent leur naissance aux années les plus renommées : une fiole de château-la-rose flanquée d’un flacon de chambertin ; une bouteille de chablis, placée côte à côte d’une bouteille de sauterne… Nous dégustons : la langue se porte vers le palais et fait entendre ce claquement voluptueux qui est la propriété particulière des dégustateurs de profession ; chacun soutient son opinion, et, quand un avocat voit que la cause de son client faiblit, il puise de nouveaux arguments au fond de son verre. La discussion est animée, l’affaire est chaude, l’esprit pétille, les cerveaux s’allument ; toutefois l’intervention de la maréchaussée n’est point nécessaire, et tout se calme, comme par enchantement, à l’audition de la fronde suivante, qu’entonne d’une voix de tonnerre l’avocat bourguignon :

Le vin, je le confesse,
Ranime un cœur éteint ;
Ce n’est que dans l’ivresse
Qu’on nargue le destin.
     Vive le vin,
Vive la fronde !
Vive tout le monde
     À la ronde !
Lorsque le vin est frais et bon.
  Ton ron ton ton ton ton. (bis)
Moi, je suis indulgent et j’aime
  Jusqu’à Mazarin lui-même,
  Lorsque mon verre est plein
     De bon vin,
  Tin de rin fin tin fin tin.
  Lorsque mon verre est plein
     De vieux vin.

Pourquoi toutes ces guerres ?
Pourquoi politiquer ?
Entre amis, entre frères.
Il vaut bien mieux trinquer.
     Vive le vin, etc.

Dans ces luttes indignes,
Ce qui me fait frémir,
On foule aux pieds les vignes.
Et rien n’y peut venir.
     Vive le vin, etc.