Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 2, part. 3, Bj-Bo.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nastère de Jouarre tomba au pouvoir des huguenots.

Charlotte quitta Jouarre au commencement de 1572. Après un court séjour auprès de sa sœur aînée, la duchesse de Bouillon, elle se rendit à Heidelberg, où régnait alors l’électeur Frédéric, qui l’accueillit et la traita comme sa propre fille. En apprenant cette fuite audacieuse, Louis de Bourbon entra en fureur. L’électeur Frédéric chercha à l’apaiser dans une lettre datée du 15 mars 1572. Il lui disait que sa fille était restée digne à tous égards de sa tendresse paternelle, et qu’elle ne s’était mise sous la protection de la cour Palatine que parce qu’elle avait craint d’offenser sa famille en manifestant des croyances qu’elle se serait fait un scrupule de dissimuler plus longtemps. Mais Louis de Bourbon détestait trop ces nouvelles croyances religieuses pour se calmer en apprenant que sa fille les professait. Il répondit à l’électeur qu’il ne pardonnerait jamais à sa fille, si elle ne commençait par revenir immédiatement, et il ajoutait, en s’adressant directement au vénérable électeur : « Vous serait-il donc bien honorable de recueillir dans votre maison des enfants qui quittent leur père ? N’est-il pas plus digne de vous de leur conseiller avec bonté de rentrer au plus tôt dans leur devoir ? » Charlotte, troublée par cette lettre si dure, hésita longtemps avant de prendre une résolution ; mais elle se décida à rester auprès de l’électeur, ayant tout à craindre de la colère de son père et peu à espérer de sa bonté. Frédéric en avertit Louis de Bourbon et même Charles IX, qui lui envoya deux ambassadeurs pour essayer de fléchir la jeune princesse ; mais ce fut inutilement. Ils rapportèrent de leur voyage la conviction que Charlotte obéissait à des motifs puissants, puisés dans sa conscience, et que la protection de l’électeur était celle d’un père rempli d’affection. Cet exil de Charlotte excita l’intérêt général à la cour de France, et des supplications furent adressées de toutes parts au duc de Montpensier et à Charles IX. Lorsque, en 1573, les ambassadeurs de Pologne vinrent offrir au duc d’Anjou le trône laissé vacant par la mort de Sigismond, quelques-uns d’entre eux prièrent le nouveau monarque de plaider auprès de Louis de Bourbon la cause de la jeune protégée de Frédéric ; mais le futur Henri III répondit que cela ne concernait nullement les affaires de Pologne, et il s’en tint là. Trois ans après, Charlotte se trouva en âge de prendre un époux. « C’était, dit de Thou, une princesse d’une grande beauté et de beaucoup d’esprit. » L’électeur cherchait un prince digne de son aimable fille adoptive ; il songea à Guillaume d’Orange, veuf d’Anne d’Egmont, et remarié depuis 1561, avec la fille de Maurice, électeur de Saxe, princesse dont l’inconduite troubla profondément sa vie, et dont il avait dû se séparer. On lui parla de Charlotte, on lui raconta son émouvante histoire, on lui fit le tableau de ses grâces, de sa vertu, de sa grandeur d’âme, et il la fit demander en mariage à la cour d’Heidelberg ; mais il fallait obtenir le consentement de Louis de Bourbon et peut-être du roi de France. Charlotte avait accepté avec joie la pensée de devenir l’épouse du vaillant héros des Provinces-Unies. Henri III donna son adhésion à ce mariage. Quant à Louis de Bourbon, pouvait-il refuser, quand le roi avait consenti ? Le protestantisme de Guillaume d’Orange l’effrayait bien encore ; mais sa puissance et sa célébrité le flattaient beaucoup ; il consentit donc à ce mariage, et il dota même richement sa fille.

Guillaume d’Orange apprit ces bonnes nouvelles avec des transports de joie ; il envoya aussitôt des ambassadeurs à Heidelberg, parmi lesquels était Marnix de Sainte-Aldegonde, chargé d’amener la jeune fiancée du prince d’Orange. Quelques difficultés s’élevèrent du côté de la maison de Saxe, humiliée de la répudiation d’Anne, dont nous avons rappelé l’inconduite ; mais le prince d’Orange déclara que son divorce était légal, et passa outre. Le mariage fut célébré le 12 juin 1572.

La calomnie osa s’attaquer à la nouvelle princesse d’Orange, mais Charlotte n’était pas femme à la redouter ; sa vie était un miroir sans tache. Aussi le bonheur entra-t-il avec elle dans la maison d’Orange.

Le roi d’Espagne Philippe II saisit l’occasion de ce mariage pour donner cours à sa haine contre Guillaume d’Orange, dont il mit la tête à prix. Il promettait 25, 000 couronnes à quiconque le lui présenterait mort ou vif, et il traitait ce prince d’hypocrite, de Caïn, de Judas, etc., dénominations, comme on le sait, familières aux inquisiteurs. Il l’accusait enfin de vivre criminellement avec une nonne infidèle à ses vœux. Guillaume ne dédaigna pas de répondre à ce diffamateur royal et repoussa victorieusement ses attaques ; mais déjà Philippe Il avait trouvé un assassin pour se défaire de son ennemi, comme il s’était défait de sa femme et de son fils.

Ce fut un jeune homme de Biscaye, nommé Jean Jauregui, qui se chargera d’immoler le prince d’Orange à la haine du sanguinaire monarque espagnol. Suffisamment exhorté, absous et lavé de son crime prochain par les dominicains et les jésuites, Jauregui réussit à s’approcher de Guillaume et déchargea sur lui un pistolet à bout portant. La balle, entrée dans l’oreille droite, traversa le palais, brisa plusieurs dents et sortit par la joue gauche ; les gardes et les seigneurs présents firent aussitôt justice du misérable. Toutefois, les sauvages espérances de Philippe furent trompées : la mort ne s’ensuivit point. Guillaume resta dix jours dans un état désespéré, une hémorragie effrayante s’étant déclarée ; on parvint néanmoins à l’arrêter, mais le sang se répandit à l’intérieur et causa les plus graves désordres. Charlotte ne quitta pas un instant le chevet de son noble époux ; elle demandait constamment à Dieu de le sauver, de le conserver à sa famille et à son peuple. Enfin, lorsque Guillaume entra en convalescence, elle laissa déborder sa joie. « Dieu, écrit-elle à son père, l’a miraculeusement sauvé, quand nos cœurs n’avaient plus d’espérance. Le sang n’a pas coulé depuis quinze jours, la blessure se cicatrise d’heure en heure… L’aspect de la blessure est si rassurant que nous comptons maintenant sur la guérison, avec l’aide de Dieu, que je prie du fond de mon cœur pour le prince… »

Un service solennel d’actions de grâces eut lieu le 2 mai suivant dans l’église d’Anvers. Guillaume assistait à la cérémonie à côté de Charlotte. En rentrant de l’église, la princesse se mit au lit ; les larmes, les angoisses, les alternatives d’espoir et d’abattement avaient brisé son faible corps. Trois jours après, elle rendait son dernier soupir, que recueillit la femme de Duplessis-Mornay.


BOURBON (Catherine de), princesse de Navarre, née à Paris en 1558, morte à Nancy en 1604. Fille d’Antoine, roi de Navarre, et de Jeanne d’Albret, et sœur de Henri IV, elle avait, comme ce dernier, l’esprit enjoué et prompt aux vives saillies. Elle vivait encore dans le célibat, à l’âge de quarante et un ans, quand Henri IV lui donna pour époux le duc de Bar, Henri de Lorraine. Cette union n’avait rien qui l’attirât, car depuis longtemps elle s’était attachée au comte de Soissons. Comme son frère lui représentait que son rang ne lui permettait d’épouser qu’un prince, la spirituelle princesse lui répondit en jouant sur les mots : « C’est vrai pour la sœur du roi, mais Catherine n’y trouve pas son compte (comte). » Un jour, où on lui parlait d’un certain Fouquet de la Varenne, qui, de ses cuisines, était passé dans la maison du roi, avait obtenu le contrôle général des postes et s’était rapidement enrichi : « Il a plus gagné à porter les poulets de mon frère qu’à piquer les miens, » répondit-elle. Catherine de Bourbon, après l’abjuration de Henri IV, n’en continua pas moins à rester dans la religion réformée et à être en relation avec les sommités du parti protestant, notamment avec Théodore de Bèze, qui correspondait avec elle. Elle s’adonna, surtout dans les dernières années de sa vie, à la poésie religieuse, y cherchant une consolation contre ses tristesses et ses ennuis. Elle mourut sans laisser d’enfants.


BOURBON (Charles, cardinal de), également connu sous le nom de cardinal de Bourbon-Condé et de cardinal de Vendôme, né vers 1560, mort en 1594, était fils de Louis Ier de Bourbon, premier prince de Condé, et petit-neveu du cardinal du même nom, nommé roi par les ligueurs sous le nom de Charles X. Promu fort jeune à l’archevêché de Rouen, il se mit, après la mort de Henri III, à la tête du tiers-parti se signala par son activité, son éloquence, son amour des lettres, mais en même temps par sa sordide avarice, et n’hésita point à se présenter comme compétiteur de Henri IV au trône de France. Son ambitieuse tentative avorta, et il fut attaqué d’une maladie de langueur, qui le conduisit au tombeau, à peine âgé de trente-quatre ans. Henri IV, étant venu le voir pendant sa maladie, lui dit avec ce ton de bonhomie gouailleuse qui lui était familier : « Prenez courage, mon cousin ; il est vrai que vous n’êtes pas encore roi, mais le serez possible après moi. »


BOURBON-CONDÉ (Louis, duc de), né en 1668, mort en 1710, était fils de Henri-Jules, prince de Condé, et d’Anne de Bavière, et petit-fils du grand Condé. « C’était, dit Saint-Simon, un homme plus petit que les plus petits hommes, qui, sans être gras, était gros de partout ; la tête grosse à surprendre, et un visage qui faisait peur. On disait qu’un nain de Mme la Princesse en était cause. Il était d’un jaune livide, l’air presque toujours furieux ; mais en tout temps si fier, si audacieux, qu’on avait peine à s’accoutumer à lui. Il avait de l’esprit, de la lecture, des restes d’une excellente éducation, des grâces même et de la politesse, quand il voulait ; mais il voulait très-rarement… Ses mœurs perverses lui parurent une vertu, et d’étranges vengeances qu’il exerça plus d’une fois, un apanage de sa grandeur. Sa férocité était extrême et se montrait en tout. » Violent, plein d’audace et de ruse, il mena une vie des plus désordonnées, fut grand maître de France, gouverneur de Bourgogne et de Bresse, et il se signala par une rare valeur aux sièges de Philipsbourg, de Mons (1669) et de Namur (1692), ainsi qu’aux batailles de Steinkerque et de Nerwinde. Il mourut subitement à Paris, à l’âge de quarante-deux ans.


BOURBON (Louis-Henri, duc de), prince de Condé après la mort de son père, mais surtout connu sous le titre de M. le Duc, né à Versailles en 1692, mort en 1740, était fils aîné du précédent. Nommé par le régent chef du conseil de régence et surintendant de l’éducation du roi, il profita de sa haute position pour puiser à pleines mains dans le trésor public et pour réaliser des bénéfices énormes dans les opérations de Law. Premier ministre en 1723, il continua ses dilapidations, rendit un édit de persécution contre les protestants, accorda des privilèges exorbitants à la compagnie des Indes, dans laquelle il avait des intérêts, et montra enfin en toutes circonstances cette avidité d’argent qui était un des traits caractéristiques des Condé. Après avoir fait rompre le mariage projeté entre l’infante d’Espagne et Louis XV, il fit épouser à ce prince Marie Leckzinska, mariage qui devait, dix ans plus tard, apporter la Lorraine à la France, en vertu du traité de Vienne, mais ce que rien alors ne faisait pressentir. Ce prince fut d’ailleurs le ministre le plus inepte de ce règne déplorable, et la France eut à souffrir de son administration dans sa dignité comme dans ses intérêts. Il subit complètement l’ascendant de la marquise de Prie, sa maîtresse, qui n’était elle-même, sans s’en douter, que l’instrument des frères Pâris. L’administration de ces financiers rapaces et à courtes vues, uniquement préoccupés d’inventer de nouveaux impôts et d’accroître leur énorme fortune, provoqua de la part du parlement des remontrances, dont on ne voulut pas tenir compte, et finit par exciter un mécontentement général. Le cardinal de Fleury, appelé au ministère, fit exiler le duc de Bourbon dans sa terre de Chantilly (1726), où il s’occupa de chimie et de sciences naturelles. Il reparut à la cour en 1729, mais ne rentra jamais aux affaires.


BOURBON (Louis-Antoine-Jacques de), infant d’Espagne, né en 1727, mort en 1785. Fils de Philippe V, il reçut de Clément XII, à l’âge de huit ans, le chapeau de cardinal, et fut nommé archevêque de Tolède. N’ayant aucun goût pour l’état ecclésiastique, il s’empressa, dès que son père fut mort, de se démettre de son siège archiépiscopal et de renvoyer le chapeau. Comme s’il eût voulu protester contre le petit collet des clercs, qu’on lui avait fait porter malgré lui, on ne le vit plus qu’avec des collets énormes, lui descendant jusqu’au milieu de la poitrine. Fort laid, mais aimable, d’une humeur enjouée, simple et généreux, l’infant cultiva avec passion les sciences naturelles et la musique, et se maria, en 1776, avec la fille d’un capitaine de cavalerie, Marie-Thérèse de Valabriga Bosas. Son frère, Charles III, autorisa ce mariage ; mais à la condition que la femme de l’ancien archevêque porterait le nom de princesse de Chinchon, ne serait pas reçue à la cour, et que les enfants issus de ce mariage n’auraient d’autre titre que celui de leur mère. Don Louis ne put en outre résider à Madrid et à Saint-Ildephonse en même temps que la cour. Il mourut laissant un fils et deux filles, dont l’une, Marie-Thérèse, devint la femme du célèbre Manuel Godoy, prince de la Paix.


BOURBON (Louis-Marie de), prélat et homme politique, fils du précédent, né à Cadahalso en 1777, mort en 1823. Comte de Chinchon du chef de sa mère, il entra dans les ordres, fut nommé archevêque de Séville en 1799, archevêque de Tolède l’année suivante, sans abandonner son premier siège, et fait presque aussitôt cardinal par Pie VII. Lorsque son cousin, Charles IV, eut abdiqué en faveur de Napoléon, Louis-Marie de Bourbon écrivit à Napoléon (1808) que : « le plus fidèle de ses sujets, il mettait à ses pieds l’hommage de son amour, de son respect et de sa fidélité, » et, bientôt après, il prêtait serment au roi Joseph. Lors de l’insurrection de 1809, il fut nommé président de la régence de Cadix. Il promulgua tous les décrets des cortès, approuva la constitution de 1812, abolit l’inquisition et expulsa (1813) le nonce Gravina, qui s’était montré contraire à cette dernière mesure. Lorsque, en 1814, Ferdinand VII revint en Espagne, le cardinal de Bourbon fut chargé de l’attendre à la frontière et de recevoir son serment à la constitution ; mais Ferdinand, pour qui le mot de constitution était des plus malsonnants, évita de le rencontrer, et ne fut rejoint par lui qu’à Valence. À peine arrivé à Madrid, le roi renvoya le cardinal à Tolède et lui ôta les revenus ainsi que l’administration du diocèse de Séville. Don Louis vivait depuis six ans dans la retraite, lorsque éclata la révolution de 1820. Comme il était connu pour un partisan du gouvernement constitutionnel, il fut nommé président de la junte de gouvernement. Il publia alors une lettre pastorale dans laquelle il préconisait le régime de la monarchie parlementaire et tempérée, et mourut peu de jours avant le rétablissement de l’absolutisme royal.


BOURBON-CONTI (Amélie-Gabrielle-Stéphanie-Louise de). C’est sous ce nom que se fit connaître une aventurière qui se prétendait fille du prince de Conti et de la duchesse de Mazarin, et dont le véritable nom était Anne-Louise-Françoise Delorme, femme Billet. Née à Paris en 1756, elle fut mariée, à Lons-le-Saunier, à un procureur nommé Billet, dont elle se sépara plus tard. Ce fut vers 1780 qu’elle commença à ébruiter dans le monde le secret de sa prétendue naissance. Elle fatigua la famille royale de ses réclamations, en appela même sans succès aux tribunaux, et obtint quelques secours du comte de Provence (depuis Louis XVIII), En 1795, elle sollicita une pension sur les biens de la maison de Conti. La Convention, abusée, la mit en possession d’une maison d’émigré, rue Cassette, à Paris. Plus tard, elle obtint un débit de tabac, qu’elle ouvrit à Orléans sous le nom de Bourbon-Conti. Elle mourut oubliée en 1825, sans avoir pu faire reconnaître ses droits par la Restauration. Elle avait publié (1798) des Mémoires écrits sous sa dictée par Corentin-Royou, et réfutés par Barruel-Beauvert dans son Histoire tragi-comique de la soi-disant princesse Stéphanie de Bourbon-Conti. Il faut dire qu’à différentes époques un certain nombre de personnes ont cru que ce personnage était réellement un enfant naturel du prince de Conti.


BOURBON (Louise-Marie-Thérèse-Bathilde d’Orléans, princesse de Condé), femme du dernier prince de Condé. V. ce nom.


BOURBON (Pierre II, huitième duc de). V. Beaujeu (sire de).


BOURBON (Antoine de), roi de Navarre. V. Antoine.


BOURBON (Louis-Henri-Joseph, duc de). V. CONDÉ.


BOURBON (musée), fameux musée de Naples, appelé aussi musée Bourbon, ou Gli Studj, et qui occupe le premier rang parmi les collections de chefs-d’œuvre antiques. L’édifice qui renferme ces collections fut bâti par le duc d’Ossuna, qui y établit ses écuries ; depuis, il subit diverses destinations. Le nombre des richesses artistiques qu’il renferme est incalculable, et, chaque jour, les fouilles exécutées à Herculanum et à Pompéi viennent l’accroître. Sa collection de marbres antiques est remarquable, même auprès de celles du Capitole et du Vatican. Parmi les morceaux les plus rares, il faut citer : la Flore Farnese, l’Apollon citharède, le beau vase de Scalpion représentant la Naissance de Bacchus, chef-d’œuvre qui servit longtemps aux mariniers de Gaëte à attacher leurs barques ; la fameuse Vénus Callipyge; le groupe si renommé du Taureau Farnèse ; puis l’Hercule Farnèse, que Michel-Ange ne voulut jamais restaurer, trouvant que ce serait un sacrilège de toucher à un pareil chef-d’œuvre. Quant aux bustes d’empereurs et d’autres personnages, ils abondent et apportent de précieux documents à l’iconographie. La galerie des bronzes du musée de Naples est sans rivale dans le monde entier, et presque tous ceux qu’elle renferme sont des chefs-d’œuvre inimitables. Parmi les plus remarquables, il faut citer : les Danseuses, qui décoraient le proscenium du théâtre d’Herculanum ; une Femme dansant, regardée comme la perle de la galerie ; une Femme ivre, d’une perfection désespérante, et un buste de Sénèque, où revit tout entier le précepteur de Néron. Les peintures antiques, au nombre du 1,600 environ, n’ont pas seulement excité la curiosité des antiquaires, mais aussi l’admiration des artistes, qui sont venus souvent s’inspirer à leur aspect, et y chercher le secret du la beauté du dessin et du style, du goût exquis dans la composition. La plupart de ces fresques ont été reconnues pour être des copies des grands maîtres de l’antiquité. Parmi les plus célèbres, il faut citer les Danseuses de Pompéi ; Briséis enlevée à Achille ; Thésée tuant le Centaure, peinture monochrome, qui a servi de modèle à Canova pour composer son groupe, et enfin le Sacrifice d’Iphigénie, si connu par l’ingénieuse idée du peintre, qui, ne sachant de quelle expression animer la figure d’Agamemnon, le représenta la tête voilée. Une des collections les plus curieuses que renferme le musée Bourbon est sans contredit celle des verres antiques ; c’est la plus importante que l’on connaisse, et elle ne renferme pas moins de 4,000 pièces. L’habileté des anciens dans cette industrie était bien plus grande qu’on ne l’avait cru jusqu’ici : ils savaient assouplir le verre, le colorer et même l’unir à l’argent. Les bijoux faux ne datent pas d’aujourd’hui, et, chez les anciens comme chez nous, on savait imiter les pierres précieuses avec du verre ; l’anecdote arrivée à l’empereur Gallien montre bien que l’usage en était assez fréquent. On sait qu’un marchand de verroteries, ayant vendu des pierres fausses à l’impératrice, Gallien le condamna à être mangé par les bêtes. Quand le malheureux marchand fut au milieu de l’amphithéâtre, au lieu de voir s’avancer contre lui un lion ou un tigre, il vit un chapon, ce qui fit éclater de rire toute l’assemblée : « Il a trompé, on le trompe, dit l’empereur, qui s’était contenté de se venger par une plaisanterie. Des verres de fenêtres, trouvés dans la villa de Diomède, à Pompéi, prouvent que les anciens l’employaient aux mêmes usages que nous. La pièce la plus remarquable de cette collection est une amphore de verre bleu, couverte d’émail blanc, sur le fond duquel se détachent de charmants bas-reliefs. La collection des vases italo-grecs est aussi unique dans son genre ; elle comprend 3,300 pièces, parmi lesquelles trois magnifiques vases do Nole se recommandent à la curiosité et à l’admiration ; le vase dit de Cassandre, et celui de l’Incendie de Troie, sont surtout remarquables par la beauté de leurs peintures. À côté des vases grecs s’étend la salle des papyrus, qui contient 3,000 petits rouleaux noirs, de 2 à 4 pouces de long sur 24 à 30 lignes de diamètre. Ils sont tellement carbonisés qu’on les prit d’abord pour des morceaux de charbon et qu’on les dédaigna ; ce ne fut que plus tard qu’on s’aperçut qu’ils renfermaient des manuscrits. À force de soins et de patience, on est parvenu à en dérouler un certain nombre sans qu’ils tombassent en poussière. Les gemmes, les bijoux antiques abondent aussi, et, dans cette collection des camées, la pièce la plus curieuse est la célèbre tazza