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naissent au mois de mai. Lorsque les montagnards de l’Asie réussissent à s’en emparer, ils les apprivoisent et s’en servent pour régénérer leurs troupeaux, de chèvres. Les métis provenant de ces croisements sont féconds et très-estimés.

Bouquetin du Caucase. Il a de grandes cornes triangulaires, obtuses et noueuses, comme celles du bouquetin des Alpes. On compte huit molaires de chaque côté a la mâchoire supérieure, et sept ’à l’inférieure. Le chanfrein est droit, large, de niveau avec le front, qui est aussi remarquablement large. Le pelage, d’un brun fauve en dessus, est blanchâtre en dessous, avec une ligne dorsale

brune et une bande blanche sur les canons ;

’ la tête est grise ; le nez, la poitrine et les pieds sont noirs. Les formes générales du corps sont plus trapues dans cette espèce que dans les précédentes. La femelle met bas en avril. Les petits sont très-farouches ; les habitants du Caucase prétendent qu’il est impossible de les apprivoiser. Le bouquetin du Caucase est un gibier très-estimé ; il habite, tomme l’indique son nom, dans la chaîne du Caucase, surtout près des sources du Tereck et du Kouban, dans le pays des Ossètes et dans la Kakhétie. On le trouve sur les points les plus élevés des montagnes de formation primitive, tandis que l’regagre, habitant des mêmes contrées, se tient sur les montagnes calcaires, qui sont moins élevées. On rapporte à l’espèce du bouquetin du Caucase le bouc sauvage de l’Ile de Crète, dont parle Belon.

Bouquetin des Pyrénées. Ses cornes ressemblent beaucoup à celles de notre bouc domestique. Son pelage est d’un brun cendré en dessus, d’un blanc sale en dessous. Il a une raie noire sur le dos, et une autre sur les flancs, de la même couleur. Les côtés de la tète sont bruns. La poitrine, les jambes, le dessus de la queue, la barbe des vieux maies sont d’un noir très-intense. Chez les femelles et les jeunes mâles, les teintes sont en général moins foncées. Ce bouquetin, encore peu connu, ne figure comme espèce distincte que dans les publications les plus récentes. Il paraît n’exister que dans les Pyrénées et sur quelques points de la péninsule espagnole.

Bouquetin d’Égypte ou du Sinaï. Cette espèce, désignée quelquefois sous le nom de bedden, présente cinq molaires de chaque cote aux deux mâchoires. Les cornes sont plus grêles quenelles du bouquetin des Alpes, mais elles sont encore plus longues. Le pelage est d’un fauve mêlé de brun, avec des taches blanches aux talons et aux poignets. Une raie noirâtre règne le long de lépine dorsale, depuis le dessous de la nuque jusqu’à la naissance de la queue. Cette bande un peu saillante forme une sorte de crinière dont les poils ont 0 m. 60 à 0 m. 65 de long, et même davantage vers le garrot. Les poils du dos et dos flancs ont à leur base un duvet cendré, et, vers le milieu, ils présentent un aplatissement marqué. Cet animal habite surtout les contrées voisines de la mer Rouge. En Afri 3ue, il s’avance vers le sud jusqu au 24<s degré o latitude.

Bouquetin Walie. Cetteespèceabeaucoup d’analogie avec le bouquetin des Alpes ; mais sonnez est plus busqué, et il porte à la partie moyenne du front une éminence elliptique toute particulière. Le pelage est d’un beau brun châtain en dessus, d’un blanc sale en dessous. Ces deux couleurs se fondent insensiblement l’une dans l’autre au bas des flancs, au lieu d’avoir une ligne de démarcation bien tranchée comme dans les autres espèces. Le nez, une tache en forme de virgule qui se trouve sur la joue, les côtés du cou, le devant de l’épaule et la partie moyenne des flancs, sont d’un brun terre d’ombre. Le bouquetin Walie habite les plus hauts sommets des montagnes de l’Abyssinie. On le trouve principalement sur les cimes neigeuses des provinces de Simen et de Godjam.

Bouquetin Jharal. Tout en ayant les mœurs et les habitudes des chèvres, le bouquetin Jharal s’en distingue par diverses particularités, surtout par la forme de la tête, la hauteur des jambes et du garrot, l’exiguïté relative de la croupe et l’absence de la barbe dans les deux sexes. La partie caractéristique de cet animal est la tête, qui est épaisse à la base et fine vers le museau. Le chanfrein est droit ; les narines sont courtes, larges et séparées par un espace nu et humide. Les cornes, notablement plus courtes que la tête et comprimées latéralement, portent une crête saillante, qui règne tout le long de la convexité. Le cou est muni d’une crinière assez longue,

?ui retombe de chaque côté. Le ventre est

auve ; les membres sont de la même couleur, avec une bande noire qui descend des joues, en s’élargissant, jusque sur les sabots. Le devant et les côtés de la tête, ainsi que le dos, sont d’un brun noirâtre ; une tache longitudinale d’un fauve pâle s étend de chaque côté du chanfrein ; une autre de la même couleur, mais plus petite, se trouve placée au-devant de chaque œil. Les lèvres et le menton sont grisâtres ; le bout de la queue, les oreilles, une tache à la lèvre inférieure près de la commissure, et l’entre-deux des narines, sont noirs. On s’accorde généralement à circonscrire la patrie du ibaral dans la partie du "versant austral de l’Himalaya, qui forme la province de Kachar.

Il existe encore d’autres espèces de bouquetins, mais elles sont trop peu connues pour

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qu’il soit possible d’en donner une description exacte et détaillée. V, chèvre.

BOUQUETINE s. f. (bou-ke-ti-ne). Bot. Nom que l’on donne au boucage dans certaines contrées.

booquetouts. m. (bou-ke-tou-rad. bouquet, parce qu’il sert à la pêche delà crevette bouquet ; ou mieux de bouquer, pour boucher, et de tout, parce que le filet a des mailles très-étroites et ne laisse pas passer les plus petits poissons). Pêch. Sorte de filet en forme de poche, monté carrément sur un morceau de fer emmanché, il On dit aussi bouqueton

et BOUQUETORT.

bouquette s. f. (bou-kè-te). Agric. Nom vulgaire du sarrasin dans les départements du Nord.

BOUQCIEB (Gabriel), conventionnel, né dans le Périgord vers 1750, mort en 1811. Envoyé à la Convention par le département de la Dordogne, il s’y fit remarquer par l’exaltation de ses opinions révolutionnaires. Nommé membre du comité d’instruction publique, il demanda qu’on privât de leurs droits politiques les jeunes gens qui auraient atteint leur vingt-et-unième année sans avoir appris ou exercé un art ou une science utile, qu’on supprimât les écoles consacrées à l’enseignement des lois, et qu’on interdît sévèrement toute espèce de paraphrase, interprétation, glose ou commentaire sur les décrets de la Convention ; mais il proposa la restauration du musée, en excluant toutefois les tableaux qui pouvaient rappeler des souvenirs monarchiques. Il composa, en collaboration avec Mofine, une espèce d’opéra révolutionnaire, qui fut joué sur les principaux théâtres du temps, et qui avait pour titre : liéunion du 10 août, ou ' Inauguration de la République française, sans-culotlide en cinq actes. Bouquier ne figura dans aucune des assemblées politiques qui succédèrent a la Convention.


BOUQUIN s. m. (bou-kain.— Dans les mots que le français a empruntés aux idiomes germaniques, et en particulier à l’allemand, on remarque que le sens primitif a été modifié dans notre langue de manière à donner à ces termes une acception défavorable. Ainsi l’allemand ross, noble coursier, est devenu rosse ; land, campagne, lande, terre inculte, etc. Le mot bouquin a suivi la même loi ; il dérive d’un mot germanique qui signifie simplement livre, et qu’on retrouve dans l’ancien haut allemand buok, buach, buah ; dans le gothique boks et bokos ; dans l’allemand buch ; dans l’anglo-saxon boec, boc ; dans l’anglais book, forme qui se rapproche le plus du français bouquin ; dans l’islandais et le suédois bok ; dans le hollandais boeg, et dans le danois bog et boog. Pour lecomplément de cette étymologie, voir plus bas l’encyclopédie). Vieux livre : Les vieillards ressemblent aux bouquins, qui contiennent d’excellentes choses, quoique souvent poudreux, vermoulus et mal reliés, (Clément XIV.) Cette boutique est encombrée de bouquins à tranches rouges, qui doivent être d’excellentes éditions, d’honnêtes et bons livres à faire envie aux bibliophiles. (Th. Gaut.)

— Par ext. et en mauvaise part ? Livre sans valeur, ou même livre en général : Laissez-moi là tous vos bouquins et songez à des affaires sérieuses. Le ciel fera plus que les bouquins exclusivement scientifiques, pour la vulgarisation de la science. (E. Texier.).

Quand j’ai huit jourB cuvé mon ambroisie, Laa de bouquins et de poudre moisie, Je reprends goût au nectar généreux.

Sainte-Beuve.

— Encycl. Au début de cet article, nous avons cherché à établir l’étymologie.du mot bouquin. Dans ses Récréations philologiques, M, Génin, savant très-fantaisiste, donne une origine qui lui paraît plus vraisemblable. «La demi-reliure, dit-il, est une invention de notre. siècle économe ; au temps jadis, on ne faisait que de belles et bonnes reliures pleines, en veau, basane, maroquin ; c’est qu’alors le.s livres en valaient la peine et étaient estimés. Aujourd’hui, les relieurs font cent cartonnages contre une seule reliure pleine, et par là seulement on pourrait juger de la situation dos lettres dans l’opinion publique. Or, quand un de ces anciens volumes, faisant partie d’une bibliothèque séculaire^ était resté de longues années immobile et privé d’air sur son rayon, où la poussière combinée avec l’humidité avait fini par l’encrasser, le pénétrer, le ronger (sans compter les mites et autres malignes bêtes), il contractait une odeur forte analogue a celle d’un bouc ou bouquin (cornet à bouquin et non cornet à bouc) ; et de là. est venu qu’un volume moisi, qui sentait le bouquin, s’est appelé par abréviation un bouquin ; car notez que ce vieux livre rhabillé de neuf ne s’appelle plus un bouquin, non plus qu’un volume d’impression récente, mais qui serait gâté, déchiré, dépenaillé ; il y faut la vieillesse, la décomposition de la peau et l’odeur qui s’ensuit.» Telle serait, suivant M. Génin,

1 origine vraie et première de bouquin ; mais bientôt ce mot a vu, comme tant d’autres, son sens primitif altéré, on l’a donné aux livres de rebut, qui, sales et déchirés, remplissent sur les quais la boite des étalagistes : tandis que le vrai bouquin, adopté par une classe de collectionneurs riches et éclairés, est monté en grade, et prend place aujourd’hui parmi les livres rares et précieux. Les livres qui

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subissent le pilori de l’étalage sont de deux natures, les jeunes et les vieux ; les uns viennent là chassés de toutes les bibliothèques, classiques usés, poésies erotiques, histoires philosophiques et almanachs des Muses ; les autres, versés en masse dans ces boîtes carrées par la faillite ou le rabais, malheureux naufragés qui cherchent un port et ne trouvent qu’une mort plus ignominieuse. Quelquefois pourtant ils ont un meilleur sort et trouvent des collectionneurs enragés dont ils font ’ le bonheur.

Tel bijou, qui n’était chezBoulard qu’un bouquin, Aujourd’hui, par mes soins vêtu de maroquin, Triomphe au premier rang de ma modeste église, Pauci sed electi, telle est notre devise ; Mais ces amis de choix, pendant plus de vingt ans, Ont flotté sur les quais, battus des quatre vents !

G. H. J.

Ce ne sont pas seulement les vieux livres qu’on désigne sous le nom de bouquins ; on flétrit de la même épithète tous les ouvrages qu’on ne lit pas, ouvrages en prose et en vers, surtout en vers, qui, après avoir été imprimés aux frais de leurs auteurs, n’ont peut-être pas trouvé un seul acheteur chez le libraire qui avait consenti à prêter son nom comme éditeur. Les bouquins ne sont pas tous dans les boîtes des étalagistes et sur les rayons des libraires, nombre de bibliothèques publiques et particulières en possèdent une grande quantité ; mais c’est souvent avec les bouquins que l’on commence à former un noyau de collection, et d’ailleurs il en est des livres comme des couleurs, il en faut pour tous les goûts, et tel bouquin qui fera bâiller un homme dont le goût littéraire est épuré sera considéré comme un chef-d’œuvre par un maniaque. Ajoutons aussi qu’il y a quelquefois de vieux bouquins qui sont réellement plus utiles, qui renferment plus de renseignements précieux que tel livre richement habillé de maroquin et ; doré sur tranche. Mais ce n’est là qu’une exception, et bien que certains collectionneurs aient pu quelquefois trouver une rareté bibliographique dans le fouillis des librairies de rebut, il est certain qu’en général on n’y voit que des bouquins sans valeur, et le bouquiniste sait lui-même à quoi s’en tenir sur le mérite de ses bouquins, dont le prix varie de 0 fr. 10 à 2 fr., rarement au delà. Les Aide ou les Elzévirs ne pullulent pas dans ses ooltes ; mais en revanche les essais poétiques, les œuvres dépareillées des classiques, les vieux annuaires du bureau des longitudes, les romans passés de mode, y sont entassés pêlemêle, et tout cela se vend à la longue, parce que le bon marché finit quelquefois par tenter quelques-uns de ces oisifs qui se promènent sans but et qui bouquinent pour passer le temps.


BOUQUIN s. m. (bou-kain — rad. bouc). "Vieux bouc : Un bouquin puant,

— Fam. Satyre, monstre de la mythologie grecque dont le bas du corps ressemblait a un bouc :

Gageons que son brodequin

Nous cache un pied de bouquin.

BÉRANOER.

Il Vieux libertin, à cause de la lubricité des satyres et des boucs :

Allez, bouquin puant, faire l’amour aux chèvres.

Racan.

— Bout que l’on adapte au tuyau d’une pipe, et qui est le plus souvent de corne ou d’ambre : Pendant le Ramadan, on ne vent pas même fumer, privation la plus pénible de toutes, pour un peuple dont les lèvres ne quittent guère le bouquin d’ambre. (Th. Gaut.) Des chibouques aux tuyaux de jasmin et aux bouquins d’ambre étaient à la portée de la main. (Alex. Dum.) À Constaniinople, les bouquins d’ambre sont l’objet d’un commerce spécial et qui se rapproche de la joaillerie peur la valeur de la matière et dit travail. (Th. Gaut.)

Cornet à bouquin, Trompe recourbée qui était primitivement et est encore quelquefois une corne de bouc.

Sentir le bouquin, Exhaler l’odeur des boucs.

— Chass. Vieux lièvre ; lièvre mâle ou lapin mâle.

— Art vétér. Syn. de bouquet. BOUQUIN, théologien protestant. V. Bo QUIN.


BOUQUINAGE s. m. (bou-ki-na-je — rad. bouquin, dans le sens de vieux lièvre).Chass. Saison des amours du lièvre et du lapin : On nomme bouquinagb le temps où les lièvres et les lapins sont en amour. (E. Chapus.) L’époque du bouquinagb est très-favorable pour l’affût. (E. Chapus.)

BOUQUINBARBE s. f. (bou-kain-bar-bede bouquin et de barbe). Bot. Nom vulgaire d’un champignon comestible, la clavairecorallci’de. il On donne aussi ce nom, dans le Midi, au salsifis sauvage.

bouquiner v. n. ou intr. (bou-ki-nôrad. bouquin). Fouiller dans les vieux, livres ; chercher de vieux livres : Vous aimez les livres et vos amis ; ainsi je compte vous servir à votre goût, en vous faisant exercer votre double métier d’obliger et de bouquiner. (Volt.) Je me trouvai à mon aise, et je pus bouquiner commodément. (Boissonade.)

— Chass. Couvrir sa femelle, en parlant du lièvre ou du lapin.

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BOUQUINERIE s. f. (bou-ki-ne-ri — rad. bouquiner). Amas de bouquins : Au lieu de cette bouquinbeib, j’emplissais ma chambre de fleurs. (J.-J. Rouss.) Il Ramas de citations, de passages de vieux livres, il Commerce de vieux livres.

BOUQUINEUR s. m, (bou-ki-neur — rad. bouquiner). Amateur de vieux livres ; celui qui aime à bouquiner : On aurait tort de confondre les bibliomanes avec les bibliophiles et les bouquineurs, (P. Lacroix.) Nous dé~. daignons trop nos devanciers pour nous abaisser au modeste rôle de bouquineurs de cartulaires. (Cbateaub.)

Ainsi le bouquineur poursuit une trouvaille Du pont de la Concorde au quai de la Ferraille. Barthélémy.


BOUQUINISTE, m. (bou-ki-ni-ste — rad. bouquin). Individu qui fait le commerce des bouquins : Le maître de langue fouille tes boutiques de bouquinistes pour y découvrir de belles œuvres classiques. (Champfleury.) Les bouquinistes des quais sont les plus fins matois des négociants de Paris. (Rigault.) Les bouquinistes à la mode sont en quelque sorte patentés par les bibliomanes. (P. Lacroix.)

— Adjectiv.- J’ai marchandé un elzêvir chez un libraire bouquiniste. (Picard.)

> — Encycl. On distingue deux sortes de bouquinistes : ceux qui ont une boutique, à laquelle ils donnent souvent le nom de Librairie ancienne et moderne, et ceux qui exÏiosent leurs bouquins dans des boîtes, sur es parapets de nos quais, ou, en général, sur la voie publique. Quelques bouquinistes de la première espèce ont eu une véritable célébrité ; le fameux Verbeyst, par exemple, a été dans son temps le bouquiniste le plus connu de l’Europe, et probablement des cinq parties du monde ; il mourut à Bruxelles en 1S19. Il avait fondé dans cette ville un établissement très-curieux dans son genre. C’était une maison à plusieurs étages, aussi grande et aussi haute qu’une église, disposée pour contenir 300,000 volumes rangés par ordre de matières dans des enfilades do chambres, qui recevaient le jour d’un seul côté, le côté du soleil et du jardin de la maison. Il était en relations d’affaires avec Paris, Rome, Milan, Hambourg, Londres et Berlin. Il correspondait avec Walter Scott, Charles Nodier, Chateaubriand et les plus célèbres bibliophiles, qui savaient que des trésors sans prix étaient renfermés dans sa maison. lamais un livre moderne n’était entré chez lui ; mais il s’était porté acquéreur de tous les vieux livres que les bouleversements des châteaux, des couvents, des palais avaient rendus à la circulation ; et tandis que les productions de la librairie moderne baissaient beaucoup de valeur par suite de la concurrence, ces vieux ouvrages, au contraire, en acquéraient une énorme. Verbeyst, qui savait le prix de sa collection, n’était pas pf essé de s’en défaire, et n’était marchand qu’à ses heures ; souvent il refusa de se déranger pour un pair d’Angleterre, Quelquefois, après avoir refusé d’échanger un ouvrage contre son pesant d’or, il l’envoyait en cadeau à l’amateur qui le lui avait marchandé, quand celui-ci lui convenait. C’est ainsi qu’il en usa avec Charles Nodier. Le meilleur moyen de se faire bien venir de lui était de vider en sa compagnie un flacon d’excellent vin, et de lui tenir tête bravement. En vrai Flamand, il aimait les francs buveurs, et le prix du vin, quand il était vieux et bon, diminuait le prix du volume loin de l’augmenter. Ce bouquiniste fantasque et original laissa en mourant une fortune considérable.

En général, les bouquinistes ne sont m riches ni lettrés ; cependant il arrive que, sous le paletot usé|, fripé du pauvre industriel, se cache parfois un savant bibliophile, et M. Henry Bruneel a publié, il y a vingt-cinq ans, quelques pages charmantes sur un bouquiniste qui occupait une place au coin du pont des Arts, tout en face de l’Institut. Un étudiant vint lui marchander un livre, c’était un Schrevelius (Leyde, 1671), et il lui offrit trente sous du bouquin :

« Un bouquinl murmura le vieillard, et une sainte indignation se peignit sur ses traits. Un bouquin ! Cette édition des Variorum, pour être moins recherchée que celle d’Amsterdam de 1684, ne mérite pas le dédain que vous affectez pour elle, sans cependant qu’elle soit comparable aux éditions aldines données à Venise en 150t... •

Etonné d’entendre le bouquiniste parler de la sorte, l’étudiant lui adressa quelques questions bibliographiques auxquelles le vieillard répondit victorieusement, et, heureux de rencontrer un amateur chez le marchand, il lui demanda son opinion sur la nouvelle édition de Juvénal, que venait de donner M. Achaintre, le premier latiniste de l’époque ; et comme le vieillard paraissait confus et embarrassé, le jeune homme le pressa de s’expliquer :

■ C’est que je suis Achaintre, » répondit-il enfin.

Oui, Achaintre, l’excellent latiniste, vendait en 1811 de vieux livres sur le quai et en face de l’Institut ! M. de Fontanes. alors {rrand maître de l’Université, avait Lien manifesté l’intention de placer le pauvre homme quelque part, mais il était sourd, et cette infirmité, qui aurait dû redoubler l’intérêt que le ministre avait d’abord paru éprouver pour lui, fut cause qu’on l’oublia. Achaintre, au