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c’est bien innocemment qu’il avait contribué par ses coups d’épingle à la révolution de Février, car il se tourna lestement contre elle, et offrit au grand parti de l’ordre le secours des brillantes fusées de son éloquence. Mais il arriva à M. de Boissy la chose la plus cruelle, c’est-à-dire qu’il lut condamnéau silence pendant toute la durée de la République, et n’eut aucune occasion de se faire rappeler à l’ordre et à la question, n’ayant pu se faire élire représentant ni à la Constituante ni à la Législative. En 1853, il fut appelé au Sénat. Dès que le décret du 24 novembre 1860 eut livré les débats de ce corps à la publicité, M. de Boissy ne perdit pas de temps pour se révéler de nouveau à la France et à l’Europe, qui l’avaient oublié, La première fois qu’il prit la parole, il exprima le regret que l’on n’eût pas décrété l’admission du public aux séances du Sénat. Voici le jugement qu’a porté de cet orateur M. Lavolée dans Annuaire des Deux-Mondes : n Dans cette assemblée, M. de Boissy est resté ce qu’il était à la Chambre des pairs. Il a parlé avec une facilité fort distincte de l’éloquence et une témérité d’expression qui provoquait tour à tour l’hilarité et les mouvements d’impatience. C’était l’ancien orateur terrible de la Chambredes pairs ressuscité au Sénat, où il semblait vouloir jouer le même rôle, interpellant les ministres, cherchant querelle au président, parlant à propos de tout, se jetant à la traverse des débats les plus graves sans les éclairer aucunement, et, de temps a autre, se faisant pardonner son intempérance oratoire

Ear quelque bonne malice ou quelque saillie eureuse, devant laquelle on était désarmé ; discoureur infatigable, jamais gêné, quelquefois gênant, presque toujours inopportun et importun, regrettant naturellement que le publie fût privé du spectacle plus ou moins divertissant qu’il donne au Sénat. Ses discours échappent complètement à l’analyse, cependant il est impossible de les passer sous silence, puisqu’on les lit et qu’on en rit. » Depuis 1860, M. de Boissy s’est amplement dédommagé de son long silence par des philippiques rétrospectives contre cet odieux régime de la République, qui lui avait coupé la parole, par des sorties contre l’Angleterre, la Cartilage de ce spirituel Caton, et par une foule de discours dont le succès a prouvé combien cette gaieté oratoire avait manqué à nos débats parlementaires. Mais, hélas 1 sa victime habituelle, M. Pasquier, n’était plus là pour dialoguer avec lui, provoquer ses répliques et exciter sa verve en cherchant à la modérer. Nous ne pouvons mieux fjiire connaître M. de Boissy qu’en citant quelques-unes de ses boutades. M. le duc Pasquier, quand il présidait la Chambre des pairs, étant fort âgé alors, était affligé d’une infirmité très-fâcheuse pour ses voisins, car cette infirmité consistait à laisser s’échapper, sans s’en apercevoir, certains bruits indiscrets. Or, un jour que M. de Boissy descendait de la tribune, il fit un faux pas et faillit tomber, o Allons 1 il faudra qu’on mette ici des garde-fous, fit le duc en souriant d’une façon narquoise. — On ferait bien mieux d’y mettre des parapets, » répliqua vivement le marquis. Et tous les pairs, malgré leur gravité, de partird’un éclat de rire homérique. Mm« de Bassanville ne dit pas, dans ses Salons d’autrefois, où elle parle du marquis de Boissy, s’il était l’auteur du quatrain suivant, qui courut sur le duc Pasquier le jour de sa réception à l’Académie :

Pasquier dans notre Académie

Avait juré d’être reçu ;

C’est le seul serment de sa vie

Qu’il ait fidèlement tenu.

Ses épigrammes contre son majestueux cousin ne tarissaient pas. La Chambre des pairs, elle aussi, avait sa part des boutades de ce misanthrope aristocratique. Quelque temps après avoir été nommé pair de France, il dit à ses illustres collègues, qui, à ce qu’il paraît, avaient accueilli sa nomination avec une certaine froideur : « Ne vous étonnez pas si je n’ai pas encore prêté autant de serments que vous ; je suis bien jeune et je ne désespère pas d’y arriver. » Il y arriva, en effet, puisqu’il disait un jour : « J’ai prête bien des serments dans ma vie, je n en ai jamais trahi aucun. > Mais ce n’est pas seulement au duc son cousin, aux pairs de France, ses collègues, et sous le régime timide du gouvernement de Juillet, que M. de Boissy savait tenir tête, c’est encore aux princes, et aux princes du second Empire, si ce qu’on raconte de lui est vrai. Il aurait assisté, dit-on, à un bal costumé de la cour, vêtu d’un habit de marquis ayant appartenu à son grand-père, car les de Boissy sont véritablement nobles de père en fils, depuis fort longtemps. Un prince du sang, fils du roi Joachim Murât, et, comme on sait, petit-fils d’un ancien aubergiste, s’avança vers lui, et lui dit assez peu courtoisement : « Vous avez là un drôle de costume, monsieur. — C’est un vêtement qui a appartenu a mon grand-père, monseigneur, » fit le marquis en s’inclinant. Puis il ajouta finement : à Mais si toutes les personnes qui sont ici avaient endossé comme moi l’habit de leur aïeul, je pense que mon costume n’est pas celui qui paraîtrait le plus drôle à Votre Altesse. ■

M. de Boissy ne fut pas compris parmi les premiers sénateurs nommés au rétablissement de l’Empire. Ayant été invité à un bal aux Tuileries, il y alla en pair de France. Quelques jours après, il était nommé sénateur.

BOIS

M. de Boissy avait épousé en 1851 la célèbre comtesse Guiccioli, qui tint une si grande place dans la dernière période de la vie de lord Byron.


BOISSY D’ANGLAS (François-Antoine, comte DE), conventionnel et publiciste, né le 8 décembre 1756 à Saint-Jean-la-Chambre, près d’Annonay (Ardèche), mort à Paris le 20 octobre 1826. Il appartenait à une famille protestante, fit ses premières études à Annonay, puis se fit recevoir avocat au parlement de Paris et acheta une charge de maître d’hôtel du comte de Provence ; mais il n’exerça aucune de ces fonctions et se livra exclusivement à la littérature. Il était membre correspondant de l’Académie des inscriptions lorsque, en 1789, la sénéchaussée d’Annonay l’envoya aux états généraux comme député du tiers état. Il y soutint avec modération les principes de la Révolution, écrivit plusieurs brochures politiques, demanda en 1790 des mesures vigoureuses contre la fédération réactionnaire du camp de Jalès, qui préparait la guerre civile dans le Midi ; fut élu secrétaire en 1791, et, dans l’affaire des colonies, se rangea parmi ceux qui voulaient assurer les droits des hommes de couleur. Ce fut à cette époque qu’il donna sa démission de maître d’hôtel de Monsieur. À plusieurs reprises, il entretint inutilement l’assemblée des honneurs à rendre à Jean-Jacques Rousseau. Les royalistes l’accusaient à cette époque de rêver l’établissement en France d’une sorte de république protestante ; mais il n’y a pas lieu de s’arrêter à discuter cette accusation. Qu’il fût partisan de l’égalité de tous les cultes, comme le veulent l’équité et la raison, cela est de toute évidence ; mais qu’il rêvât d’établir la prééminence du protestantisme, dans un pays où les protestants sont en infime minorité, cela est tout simplement absurde.

Après la session, Boissy d’Anglas fut élu procureur général syndic de l’Ardèche, et remplit ces fonctions avec intelligence et fermeté. On admira surtout l’énergie avec laquelle le magistrat protestant défendit de sa personne, contre des hommes égarés, des prêtres catholiques enfermés dans la prison d’Annonay. En septembre 1792, il fut élu par son département député à la Convention nationale, et remplit presque aussitôt une mission à Lyon, où la rareté des subsistances avait fait éclater quelques troubles. Dans le procès de Louis XVI, il vota pour la détention jusqu’à ce que le bannissement fût jugé convenable, se prononça pour l’appel au peuple, et enfin pour le sursis a l’exécution. Jusqu’après le 9 thermidor, il ne joua d’ailleurs aucun rôle dans la grande assemblée et se dissimula en quelque sorte dans les rangs des muets de la Plaine. Cependant, après la chute des Girondins (31 mai-2 juin 1793), il écrivit une lettre au vice-président de l’Ardèche, lettre qui fut imprimée et dans laquelle il provoquait en termes formels ses concitoyens à la résistance contre la Convention. Ce factum insurrectionnel, émané d’un représentant, eût sans doute entraîné sa perte ; plusieurs exemplaires furent envoyés au comité de Sûreté générale ; mais le montagnard Vouland, membre de ce comité, les fit successivement disparaître, par amitié pour Boissy d’Anglas. Celui-ci, suivant une assertion de Mercier, avait aussi donné son adhésion à la fameuse protestation des soixante-treize représentants de la Plaine contre le 31 mai, et s’était ensuite rétracté : « Il avait signé la protestation des soixante-treize. Tout étonné d’avoir fait un acte de courage, ou plutôt ayant peur, il supplia pour effacer sa signature. Cette grâce lui fut accordée par le mépris. » (Nouveau Paris.)

Mercier, qui avait signé cette protestation et qui fut emprisonné avec ses collègues, considère d’ailleurs Boissy comme un royaliste déguisé, et le traite fort rudement, comme on en peut juger par la citation ci-dessus. Quoi qu’il en soit, Boissy d’Anglas retrouva la parole après la chute de Robespierre et de son parti (9 thermidor an II, 27 juillet 1794) ; la Plaine et le Marais allaient régner à leur tour ; il fut élu secrétaire de la Convention le 16 vendémiaire an III (7 octobre 1794), provoqua la suppression des commissions exécutives et entra au comité de Salut public le 15 frimaire suivant (5 décembre). Chargé de la partie difficile des subsistances et de l’approvisionnement de Paris dans un temps de disette, il encourut le reproche d’imprévoyance, et, dans ses nombreux rapports, il affirma si souvent que les subsistances étaient assurées, tandis qu’en réalité le pain manquait partout, qu’il se vit en butte à la haine publique et qu’on lui appliqua le sobriquet de Boissy-Famine. Mercier va plus loin : il l’accuse positivement d’avoir été un des organisateurs de cette disette, au moyen de laquelle la faction royaliste espérait pousser le peuple au désespoir et à la révolte ; mais on sait avec quelle facilité les partis se renvoyaient alors les accusations. Ce qu’il y a de vrai, c’est que Boissy était un homme d’une capacité médiocre, au-dessous de la mission dont il était chargé, et beaucoup moins préoccupé du soin de nourrir Paris que d’accuser à tout propos les jacobins de tous les malheurs. Le 12 germinal an III (1er avril 1795), le peuple des faubourgs envahit l’assemblée en proférant les cris : Du pain et la Constitution de 1793 ! À ce moment, Boissy lisait précisément un rapport, et son impopularité pouvait lui faire courir quelque danger ; mais aucune violence ne fut commise. Le tumulte dura plusieurs heures. Quand l’émeute fut apaisée et que la foule se fut entièrement écoulée, Boissy d’Anglas remonta à la tribune et termina la lecture de son rapport.

En réalité, un seul acte de sa vie a donné à son nom une impérissable illustration. À la suite de l’échauffourée du 12 germinal, la Convention, de plus en plus dominée par l’esprit de réaction, avait décrété la déportation de Collot d’Herbois, de Billaud et de Barère, et, en outre, l’arrestation de plusieurs députés montagnards et le désarmement des patriotes les plus ardents. Mais ces mesures ne remédiaient guère à la disette, amenée par une mauvaise récolte, de fausses mesures, des accaparements ; ni à la dépréciation des assignats, ni au renchérissement des denrées, conséquence de la subite abrogation du maximum, ni au débordement de l’agiotage, etc. Le peuple, irrité par la souffrance et par les excès de la réaction s’agita de nouveau, et le 1er prairial suivant (20 mai 1795) envahit encore une fois la Convention, portant sur ses bannières le même mot d’ordre que six semaines auparavant : Du pain et la Constitution de 1793 ! auquel on ajoutait : La liberté des patriotes ! Ce jour-là, la colère était plus grande et l’émeute plus terrible. Un jeune député, Féraud, fut tué, et sa tête mise au bout d’une pique.

Appelé, au milieu de ces scènes terribles, à suppléer le président de la Convention, que la fatigue avait forcé de descendre momentanément de son siège, Boissy d’Anglas demeura impassible et calme au milieu des périls qui l’environnaient, salua, dit-on, la tête de Féraud, opposa une résistance d’inertie et de mutisme aux injonctions de la foule, qui réclamait la mise aux voix du rétablissement des lois révolutionnaires, resta obstinément sur son siège, malgré les menaces, et sauva peut-être ainsi l’assemblée d’une dissolution totale.

Telle est du moins la version consacrée, officielle, popularisée par la peinture, par l’éloquence et la poésie.

Quelques contemporains ont prétendu que ce tableau avait été un peu arrangé pour l’effet ; que l’attitude de Boissy d’Anglas, plus naturelle et plus simple, n’avait pas eu cette grandeur romaine et un peu théâtrale qui nous apparaît dans les récits comme un sujet de bas-relief antique ; et qu’enfin son impassibilité provenait surtout de ce qu’il lui eût été matériellement impossible de bouger de sa place, tant la foule était nombreuse et pressée autour de lui.

D’autres sont allés plus loin encore : partant de cette donnée que le royalisme avait joué un rôle secret dans l’envahissement de l’assemblée, qu’il excitait le peuple sous le masque du jacobinisme afin de noyer la République dans le sang et l’anarchie, ils ont voulu rattacher Boissy à ces ténébreux complots. C’est à ce point de vue que se place Mercier lorsqu’il dit : « On ne sait pas encore si ce Boissy d’Anglas n’était pas d’accord avec les assassins de Féraud, quand il parut impassible en saluant la tête sanglante qu’on lui offrait. » (Nouveau Paris.)

Il est à peine nécessaire d’ajouter qu’en rappelant cette opinion, nous sommes loin de la considérer comme l’expression de la vérité, bien que les tendances royalistes de Boissy ne soient pas douteuses.

D’un autre côté, voici ce que rapportait un témoin oculaire dont le nom est cher à la France et dont le témoignage est d’un grand poids : « On présente cette tête (celle de Féraud) à Boissy d’Anglas, qui présidait : il demeura impassible, beau comme nous nous figurons les sénateurs romains attendant la mort sur leurs chaises curules. On a dit depuis que Boissy d’Anglas n’était resté si tranquille que parce que, entouré comme il l’était en ce moment, il y avait pour lui impossibilité physique de bouger. Je n’en sais rien et n’en veux rien savoir ; je déteste les gens qui se plaisent à diminuer toute belle action par des suppositions misérables. Quant à moi, je n’ai jamais revu la noble figure de Boissy d’Anglas sans me rappeler avec émotion la scène du 1er prairial, où sa contenance imposa aux furieux et les empêcha de se porter aux plus grands excès. » (Mémoires sur Carnot, par son fils.)

Si les souvenirs que M. Carnot a conservés de ses conversations avec son illustre père sont bien fidèles, les récits officiels sont ici confirmés. Pourtant ces mots, que nous avons soulignés : Je n’en sais rien, je n’en veux rien savoir, laissent bien quelques doutes dans l’esprit et peuvent donner lieu à quelques restrictions. On aime assez, au contraire, un historien qui ne se détermine point par des raisons de sentiment et qui veut tout savoir. Sans doute, il ne faut pas chercher systématiquement à diminuer l’éclat des belles actions ; mais il ne saurait être interdit de rechercher la vérité, qui doit passer avant toute autre considération. Amicus Plato, sed magis amica veritas.

Nous ne nous étendrons pas davantage sur cet épisode mémorable, parce qu’il nous faudrait entrer dans des détails étrangers à la biographie de notre personnage, et qui seront mieux à leur place à l’article Prairial an III (journées de). Nous nous bornerons à résumer ici l’impression qui nous est restée de la lecture des documents.

Il nous paraît hors de doute que Boissy d’Anglas a montré beaucoup d’énergie et de sang-froid dans cette terrible séance, surtout beaucoup d’habileté pour temporiser et gagner du temps. Le président Vernier, qui reprit le fauteuil après lui, n’a pu se dispenser de faire délibérer la Convention sous la pression menaçante de la foule ; lui, l’avait évité.

Mais, d’un autre côté, nous croyons aussi que cette scène a été dramatisée, embellie, arrangée à la romaine par la réaction, qui puisa de nouvelles forces dans cette apothéose de l’un de ses chefs. Boissy fut représenté à la France comme un Jupiter sauveur, comme l’homme qui avait préservé l’assemblée de la destruction et le pays d’un nouveau terrorisme. En réalité, comme nous le démontrerons à l’article Prairial, la Convention dut bien plutôt son salut aux montagnards, qui proposèrent des mesures donnant satisfaction au peuple, et qui, le danger passé, en furent récompensés par l’échafaud.

À dater de ce moment, l’importance de Boissy d’Anglas augmente de plus en plus avec les progrès de la contre-révolution. Coryphée d’un parti qui a dépassé les thermidoriens, il descend rapidement la pente qui mène à la monarchie. Peu de députés, d’ailleurs, ont montré à cette époque une activité comparable à la sienne. Il présenta une foule de rapports et prononça de nombreux discours dans le sens de la réaction. Il fut même compromis dans la correspondance d’un intrigant royaliste nommé Lemaître. Membre du comité de constitution, il fut accusé d’avoir proposé, avec une arrière-pensée monarchique, un président perpétuel comme chef du pouvoir exécutif, au lieu d’une commission de plusieurs membres. Il prit d’ailleurs une part assez importante à la rédaction de la constitution de l’an III, qui fut surnommée par les railleurs Constitution ba be bi bo bu, par allusion au bégayement dont Boissy était affecté. Lors des élections au conseil des Cinq-Cents, il fut désigné par les assemblées électorales du soixante-douze départements. Dans cette assemblée, malgré ses serments réitérés de haine à la royauté, il vota ordinairement avec le parti clichyen, parla en faveur des émigrés et des prêtres, combattit le projet d’amnistie en faveur des délits révolutionnaires, et enfin trempa dans la conspiration royaliste qui s’organisait au sein des conseils et que le coup d’État du 18 fructidor fit échouer. Désigné pour la déportation, il parvint à s’y soustraire par la fuite, et reparut après le 18 brumaire. Bonaparte, qui rassemblait avec soin tous les naufragés de la contre-révolution, lui donna un siège au tribunat et le nomma successivement sénateur (1805), comte de l’Empire et grand officier de la Légion d’honneur. En 1814, comme la plupart des hauts dignitaires, il suivit le flot des événements et adhéra à la déchéance de Napoléon. Appelé par Louis XVIII à la Chambre des pairs, il servit de nouveau l’Empire pendant les Cent-Jours et fut compris dans la promotion des pairs impériaux ; mais, après Waterloo, il fit encore une fois volte-face, s’opposa à la proposition de proclamer Napoléon II, et fut un des commissaires désignés par le gouvernement provisoire pour aller négocier avec les alliés. Éliminé de la Chambre des pairs par ordonnance royale, pour avoir servi Napoléon pendant les Cent-Jours, il y fut rappelé presque aussitôt. Depuis 1803, il était membre du consistoire de l’Église réformée. La dernière partie de sa carrière ne manqua point d’éclat. Il revint, dans une certaine mesure, aux principes libéraux qu’il avait défendus à la Constituante, et fit tous ses efforts à la Chambre des pairs pour maintenir le gouvernement dans la voie constitutionnelle. Ainsi, il combattit la proposition pour le changement de la loi électorale, défendit le jury, la liberté de la presse, et sollicita généreusement auprès du gouvernement pour faire rappeler quelques conventionnels exilés. Membre de l’Institut depuis sa création, il fut compris dans la nouvelle organisation de ce corps en 1816, et fit partie de l’Académie des inscriptions. Il mourut à Paris âgé de soixante-dix ans. Suivant ses dernières volontés, ses dépouilles furent transportées à Annonay, où une statue lui a été érigée en 1864. Comme orateur et comme écrivain, Boissy d’Anglas ne s’est pas élevé au-dessus d’une honnête médiocrité. Outre ses brochures politiques, ses rapports et ses discours, on a de lui : Essai sur la vie, les écrits et les opinions de M. de Malesherbes (Paris, 1819-1821, 2 vol. in-8°) ; Études littéraires et poétiques d’un vieillard (Paris, 1825, 5 vol. in-12).

Boissy d’Anglas présidant la Convention le 1er prairial an III, esquisse d’Eugène Delacroix, tableaux de Court et de M. Vinchon. En 1831, un concours fut ouvert pour l’exécution d’une peinture destinée à la décoration de la Chambre des députés et représentant la terrible scène du 1er prairial. Parmi les esquisses présentées à ce concours, les suffrages du public désignèrent celle d’Eugène Delacroix et celle de Court, comme remplissant le mieux les conditions voulues, au double point de vue de l’art et du drame historique. L’Académie des beaux-arts, qui avait mission de juger le concours et qui était complètement assujettie, à cette époque, aux doctrines de l’école de David, donna la préférence à la froide composition de M. Vinchon. Elle repoussa à l’unanimité celle d’Eugène Delacroix. « Les académiciens, dit M. Champfleury, ad-