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sez d’imprécations, et toute sa pitié, toute sa tendresse sont réservées pour la malheureuse Berthe.

Ce poème est évidemment une allusion aux malheurs de Marie de Brabant, longtemps séparée de Philippe III le Hardi par les intrigues de Labrosse. Ce roman, publié de nos jours par M, Paulin Pâris, se distingue de ceux des Douze Pairs, tels que Huon de Bprdeaux, les Quatre fils Aymon, Fier-à-Bras, etc., en ce qu’il ne repose pas sur un fond historique. Ici, l’histoire a fourni tout au plus les noms et l’époque ; les événements sont fictifs. Absence complète de souvenirs de guerre, d’entrepises nationales. Cependant, cette légende n’est pas entièrement de pure invention : le poète Adenès n’a fait, probablement, que mettre en vers un récit populaire, remontant au xe siècle, au ixe siècle et peut-être au viiie siècle.

Le passage suivant, tiré d’une chronique provençale entièrement inédite, renferme le sujet complet du poëme d’Adenès ; nous laissons autant que possible à ce passage, en le traduisant, son cachet de naïveté : « Ensuite les hommes de Pépin lui conseillèrent qu’il prît femme et qu’il prît la fille à la reine Flor de Hongrie, Berte ; et il envoya ses messagers ; et son père la lui transmit avec beaucoup d’honneurs ; et quand elle fut à Paris, le roi pensa coucher avec elle, mais la femme qui l’avait nourrie y fit coucher sa fille par tricherie ; et elle dit à Berte qu’elle frappât un peu sa fille sur la cuisse avec un couteau, et ainsi elle fit. Celle-là qui fut frappée cria bien haut, et le roi se réveilla, et la vieille prit Berte et la jette hors de la chambre en la battant fortement. Après, elle commanda à des serfs qu’ils la tuassent, et leur promit grand avoir ; ils ne la voulurent occire, mais la laissèrent en la forêt du Maine, et Berte fut tout effrayée ; et elle entendit sonner une cloche, et elle y alla ; et le vacher de Pépin la trouva et la mena en son ostel à sa femme Constance, et la garda IIII ans pour chambrière. Le roi Pépin pensait de cette femme que ce fût Berte, et elle avait eu de lui II fils, Reimfré et André. Ce fut la pire femme qui fut oncques, et la mère de Berte eut nouvelles de sa méchanceté ; et au plus tôt qu’elle put, elle vint à Paris. Et quand elle fut à Paris, la vieille fit sa fille malade, et la reine demanda où était sa fille. Celle-ci dit qu’elle était enfermée. La reine dit ; « Je verrai ma fille ; » elle porte une pleine poignée de chandelles, et la vieille les éteignit en sa main ; et la reine là entra, et leva la couverture, et reconnut que ce n’était pas sa fille, et appela le roi et ses barons, et dit que ce n’était pas sa fille, et les barons jugèrent que la vieille fût brûlée. La reine s’en alla marrie et dolente. Un quart d’an après alla chasser le roi Pépin en la forêt du Maine, et égara soi et tous ses chevaliers, et alla en la maison de son vacher, et vit Berte, et quand il l’eut vue, ne put tenir les yeux ailleurs que sur elle, et demanda à la femme au vacher qui elle était, et au vacher également ; et eux lui dirent comment ils l’avaient trouvée. Et le roi les pria qu’ils la portassent la nuit coucher avec lui, et eux l’octroyèrent. Le roi lui demanda qui elle était. Et elle, qui bien le connaissait, lui dit comment avait été d’elle, et comment la vieille avait fait. Lors se découvrit Pépin. Lors s’en alla à Parts, et dit à ses gens qu’il avait trouvé Berte, lesquels en eurent grande joie. »

Ce récit peint admirablement les mœurs naïvement grossières de cette époque, et quels genres de services comprenait la servitude féodale. C’est une aventure semblable qui devait, deux siècles plus tard, donner naissance à Guillaume le Conquérant. Ce texte est le plus ancien qui parle de Berthe, femme de Pépin et mère de Charlemagne. Ce poëme, qui est le meilleur d’Adenès, n’a pas moins de trois mille cinq cents vers. Nous ne citerons que les suivants, qui contiennent une description de Paris à cette époque :

La dame est à Montmartre ; s’esgarda la valée ; Vît la cit de Paris, qui est et longue et lée ; Mainte tour, mainte dale et mainte cheminée ; Vit de Montleheri la grant tour guernelée, La rivière de Saine vit qui moult est loée. Vit Pontoise et Poissy et Meulant en l’entrée. Marly, Montmorency et Conflans en la prée Moult li plot li pals et toute la contrée.

M. Saint-Marc-Girardin est d’avis que le , roman de Berthe est un des moins remarquables entre ceux qu’il connaît du moyen-âge. « Il a quelques belles scènes... ; mais la narration manque, en général, de vivacité et de force. Les descriptions sont longues et diffuses ; la naïveté dégénère parfois en bavardage et en puérilité... » À propos de la forme ou du mètre donnés à ce roman, le même critique dit : « Adenès en a fait un poëme en couplets plus ou moins longs sur une même rime. Un couplet à rime masculine est ordinairement suivi d’un couplet à rime féminine. L’entrelacement des rimes existe donc dès cette époque pour les couplets, sinon pour les vers. »

La préface placée en tête de ce roman par M. Paulin Pâris nous apprend des particularités curieuses sur le poète et sur les jongleurs, dont les chansons, récitées de ville en ville, ou de château en château, ont fourni les éléments du roman de Berthe au grand pied.

Ce roman offre cette singularité, que présentent aussi d’autres chroniques ou légendes rimées du moyen âge, qu’on y trouve sur les mêmes choses des variantes successives. M. Demogeot en a compté neuf de suite dans Berthe au grand pied. « Elles ont toutes pour objet de peindre l’isolement et les plaintes de la reine perdue dans la forêt ; toutes commencent par des mots qui annoncent, non pas une description nouvelle, mais la redite de la description ; toutes contiennent une prière renfermant les mêmes idées et conçue presque dans les mêmes termes. »


Berthe et Pépin, opéra-comique en trois actes, musique de Deshayes, représenté sur le théâtre de l’Opéra-Comique en 1807. Le sujet de la pièce est le même que celui de la tragédie d’Adélaïde de Hongrie, du poète Dorat.


BERTHE, marquise de Toscane, morte en 925, était fille du roi de Lorraine, Lothaire II. Après avoir épousé Thibault, comte d’Arles, dont elle eut un fils, Hugues, qui devait être roi d’Arles, puis d’Italie (928), elle se maria en secondes noces avec le marquis de Toscane, Adalbert. Cette princesse exerçait un empire absolu sur son mari. Belle, spirituelle, ambitieuse, menant de.front les intrigues politiques et la galanterie, elle eut un grand ascendant en Italie, et fit de sa cour la cour la plus brillante de l’époque.

BERTHE DE BOURGOGNE, première femme de Robert, roi de France, vivait a la fin du Xe siècle. Elle était fille de Conrad le Pacifique, roi de Bourgogne, et veuve d’Eudes, comte de Chartres. L Église s’opposa à son union avec Robert, parce que Berthe était cousine de celui-ci au quatrième degré et que Robert avait servi de parrain à l’un des enfants d’Eudes et de Berthe. Robert, qui aimait beaucoup cette princesse, se vit contraint de céder devant les menaces de Grégoire V, et épousa, trois ans après, Constance, fille du comte de Toulouse, dont l’humeur irritable était peu faite pour lui faire oublier sa première femme.

On raconte, à propos de cette Constance, une anecdote caractéristique : Le roi Robert, comme on sait, aimait a chanter au lutrin et a composer des hymnes d’église ; la reine le tracassait souvent pour qu’il la célébrât dans ses vers ; Robert feignit de se rendre enfin à ses désirs et composa l’hymne : O constanlia martyruml que Constance, dans son ignorance de la langue latine, prit pour une ode en son honneur, à cause de la répétition, au commencement de chaque strophe, du mot Constantia. Ce quiproquo fut l’hioffeusive vengeance d’un époux débonnaire, sans cesse en butte aux jalousies rétrospectives d’une femme acariâtre.

BERTHÉLEMY (Jean-Simon), peintre d’histoire, né à Laon en 1743, mort en 1811. Élève de Halle, il remporta le grand prix de peinture et fut reçu membre de l’Académie en-1780. Son Siège de Calais a été gravé avec succès. Il a réussi surtout dans les plafonds, genre dans lequel son talent pour la perspective lui donnait, une grande supériorité. Il en a exécuté plusieurs à Fontainebleau, au Musée et au Luxembourg.

BERTHELET (Grégoire), théologien français, né à Berain en 1680, mort en 1754. Il entra dans la congrégation des bénédictins do Saint-Vanne, et devint bibliothécaire de l’abbaye de Nancy ; mais, d’après l’ordre du roi Stanislas, il dut quitter ce couvent par suite d’une affaire dans laquelle il fut compromis (1744). On a de lui un ouvrage estimé, intitulé : Traité historique et moral de t’abstinence des viandes et des révolutions qu’elle a eues, etc. (Rouen, 1731, in-4<>).

BERTHELIER (Philibert), magistrat genevois, né à Genève vers 1470, mort en 1519, fit conclure une alliance entre Genève et Fribourg pour assurer l’indépendance de sa patrie contre Charles III, duc de Savoie. Mais l’évêque de Genève, cousin du duc, étant entré dans la ville, qui avait été déclarée en état de rébellion ? ordonna l’arrestation de Berthelier, qui fut condamné à mort et décapité. Berthelier disait un jour aBonnivard (le prisonnier de Chillon) : « Genève sera libre, mais j’y perdrai ma tête, et vous votre abbaye ; » prédictions qui se vérifièrent toutes les deux, dit ce dernier dans sa chronique.

BERTHELIER (Jean-François-Philibert), acteur et chanteur français, né en 1830àPanissière (Loire), où son père était notaire. Il obtint dès l’âge de onze ans des succès dramatiques, en figurant dans une représentation donnée, à l’occasion de la distribution des prix, par les élèves de l’École normale de son département. Placé plus tard chez un libraire de Lyon, nous le retrouvons ensuite à Poitiers, chantant au théâtre le rôle de Fernand dans la Favorite. En 1850, il est attaché à Paris au café-concert de la rue Contrescarpe ; en même temps, il obtient quelques succès encourafeants dans divers salons et prend les leçons e Clapisson. Après une campagne au casino de Lyon, M. Berthelier vint enfin débuter à Paris au théâtre des Bouffes-Parisiens, le 5 juillet 1855 (jour de l’ouverture), par le rôle de Girafficr dans les Deux Aveugles, rôle qui commença sa réputation. Ba-ta-clan, le Violoneux, le Duel de Benjamin, furent pour lui d’heureuses créations, et le Rêve d’une nuit d’été le fit engager à 1 Opéra-Comique, sur la recommandation de M. Auber. Sa première

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apparition sur cette dernière scène eut lieu dans Maître Pathelin, par un. rôle charmant, naïf, mais difficile, qui le plaça à côté de Sainte-Foy dans l’emploi de trial. Maître Claude et un certain nombre de créations mirent en relief son talent vif et sincère, plein de gaieté et de naturel. Quittant l’Opéra-Comique, il passa au Palais-Royal, où il débuta le 7 février 1863’avec beaucoup de bonheur dans le rôle de Jean Torgnole, de la pièce de ce nom. Depuis, il a créé, avec un succès toujours croissant, Clovis Ducroquet, dans Y Oiseau fait son nid, pièce à travestissements qui lui permettait de figurer un commis aux Villes.de France, une vieille femme et un Anglais ; Antonio, dans le Pifferar.o ; Tropasol, dans VHistoire d’une patrouille, etc. ; mais c’est surtout par ses chansonnettes que M. Berthelier s’est acquis la vogue dont il jouit ; ses créations en ce genre, illustré par Achard et Levassor, et dont il est aujourd’hui le maître, sont nombreuses ; nous citerons entre autres : le Docteur Puff, la Cinquantaine, i« Vieux braconnier, Ça m’agace ! C’est ma fillel l’Humour britannique, Y Amoureux de la lune, la Chanson de Fortunia (un de ses grands succès), l’île ou face, le Proverbe de ma fille, Mon Idalia, Coqu’licot ci, coqu’licot là ! On vieux farceur, l’Amour dans tous les pays, la Chanson des gestes, le Baptême du p’tit Ebéniste, XEnfant de la Cannebière, Speech, [’Editeur de musique, Nos danseuses, Deratatatchine ! Miss Sensitive. Recherché avec empressement dans les hauts salons et les concerts, M. Berthelier possède en outre un répertoire d’environ deux c^nts chansonnettes, pour ainsi dire à l’usage particulier des maisons où il va porter sa gaieté de bon goût, sa jolie voix et son originalité. Plusieurs fois appelé à la cour, il a fait les délices des soirées de Vichy. Cet acteur, justement applaudi, rappelle aux amateurs du théâtre l’excellent Achard qui’ n’avait pu encore être remplacé ; talent franc, crâne et plein de verve, il est un brûleur de planches sans pareil. Chanteur comique de la bonne école, il a de la distinction, qualité rare qui l’empêche de dépasser le but et de tomber dans la charge, comme cela arrive trop souvent aux interprètes des rôles burlesques. Il y a en outre, dans son jeu, une sincérité, un naturel et une naïveté qui ont un grand attrait.

M. Berthelier, d’ailleurs excellent musicien, a composé la musique de la ronde de Jean Torgnole, l’air anglais de YOiseau fait son nid, la chanson de Tropasol dans Y Histoire d’une patrouille. On lui doit encore la musique de la chansonnette YEnfant de la Cannebière. Il signe ses compositions musicales de Berthel.

M. Berthelier avait épousé, en 1865, Mlle Estelle Frasey, qui, à sa sortie du Conservatoire, débuta à la Gaîté dans Peau d’âne, en 1863, par le rôle de lajiruicesse Lélia. Engagée au théâtre des Bouffes-Parisiens peu après son mariage, elle y parut à côté de son mari, sous le nom de" Mme Frasey-Berthelier, dans Fleur-de-soufre do Croquefer ou le Dernier des paladins. Fort troublée par un accident arrivé pendant une des répétitions des Bergers, elle tomba malade et mourut, à peine âgée de vingt-trois ans, le 28 décembre 1865, laissant d’unanimes regrets. Elle s’était fait remarquer surtout par son charme décent, les grâces de son visage, une voix fraîche et bien timbrée.

BERTHEL1N (Pierre-Charles), lexicographe et littérateur, né à Paris vers 1720, mort en 1780. Après être entré dans les ordres et avoir été nommé chanoine de Toué, il devint avocat au parlement ; puis, embrassant la carrière de l’enseignement, il professa le latin à l’École militaire, de 1761 a 1776. Outre une nouvelle édition du Dictionnaire des rimes, de Richelet, un Supplément au Dictionnaire de Trévoux (1752). et un bon Abrégé de ce dictionnaire (1763), il a publié un Recueil d’énigmes et de logogriphes (1749) ; un Recueil de pensées ingénieuses (1752), etc.

BERTHELIN (Max), architecte et dessinateur français, né à Troyes en 1811. Il fréquenta pendant plusieurs années l’atelier de M. Henri Labrouste. Il a surveillé, comme sous-inspecteur, la construction de l’église Sainte-Clotilde, et enfin il a été nommé architecte au chemin de fer de l’Est. Membre de la commission des monuments historiques, il a exposé de nombreux dessins exécutés pour elle, ainsi que des Vues pittoresques de Saint- Vincent-de-Paul et de Saint-Eustache. Il a aussi publié, avec M. Viguet, le Projet d’un théâtre impérial pour l’opéra, avec une salle de concerts (1855, in-fol.)

berthelot s. m. (bèr-te-lô). Mar. Eperon formé d’un bout-dehors et de deux lisses, propre aux tartanes et à quelques autres bâtiments du Levant : Le bertuklot se redresse à la proue, comme l’éperon des galères du moyen âge. (A. Jal.)

BERTHELOT, poëte satirique français du xvne siècle. Emule et ami de Régnier, comme lui adversaire de Malherbe, avec lequel il eut souvent maille à partir, il s’adonna au genre satirique et composa des pièces, surtout des épigrammes, remarquables par la verve, le naturel, l’inspiration facile, mais qui ne brillent ni par le goût, ni par la décence. Pour donner une idée de son talent, nous citerons les vers suivants, qu’il composa au sujet de Malherbe, qui venait d’envoyer à Mma de

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Bellegarde des vers dans lesquels il l’appelait merveille des merveilles :

Être six ans a faire une ode.

Et faire des lois à sa mode.

Cela se peut facilement ;

Mais de noua charmer les oreilles . Par la merveille des merveilles, Cela ne se peut nullement.

Malherbe, pour se venger de cette pièce épigrammatique, fit bâtonner Berthelot par un certain La Boulardière, gentilhomme de Caen. Les vers de ce poëte ont été recueillis dans le Cabinet satyrique. On a aussi de lui un recueil de Soupirs amoureux.

BERTHELOT (Claude-François), ingénieur mécanicien, né en 1718, mort en 1800. Fils d’un ouvrier, il consacrait à s’instruire les heures que lui laissait son travail manuel, et finit par acquérir de remarquables connaissances en mécanique et en mathématiques. Après avoir fait plusieurs voyages en Angleterre pour examiner les machines employées dans les principales industries, il "fut nommé professeur de mathématiques à l’École militaire. Berthelot inventa, peu de temps après (1763), un affût, dont on fit usage pour la défense des côtes, et pour les moulins à bras. Lors de la Révolution, il perdit sa place, ainsi qu’une pension quilui avait été accordée, et mourut dans la misère. Il a laissé un Cours de mathématiques pour J’École militaire (Paris, 1762), et un important ouvrage intitulé : la Mécanique appliquée aux arts, aux manufactures, à l’agriculture et à la guerre (Paris, 1782, 2 vol.)

BERTHELOT (Pierre - Eugène-Marcelin), chimiste français, né à Paris le 25 octobre 1827, est le fils dun médecin distingué. Il a fait ses études dans un des principaux lycées de sa ville natale et montré de bonne heure une aptitude des plus remarquables pour les études philosophiques et les recherches chimiques. Depuis 1851, il était attaché au Collège de France comme préparateur des cours de chimie, lorsque, s’étant fait recevoir docteur es sciences, en avril 1854, il fut, en décembre 1859, nommé professeur à l’École supérieure de pharmacie. Le 8 août 1S65, il a été appelé à une chaire semblable, créée en quelque sorte pour lui au Collège de France. En 1861, l’Académie des sciences lui a décerné le prix Joecker pour ses travaux relatifs à la reproduction artificielle des substances chimiques par voie de synthèse. — On doit à M. Berthelot des travaux d’une infinie variété ; mais son grand titre de gloire, c’est d’avoir fait entrer la chimie organique dans la voie synthétique, ce qui l’a conduit à créer les méthodes générales qui permettent de former directement les composés organiques au moyen des corps élémentaires. On sait que, jusqu’à ces dernières années, la marche analytique était exclusivement suivie dans les recherches de chimie organique, et, par conséquent, dans l’enseignement. Aussi Gerhardt écrivait-il dans son traité que « le chimiste faisait tout l’opposé de la nature vivante ; qu’il brûle, détruit, opère par analyse, tandis que la force vitale seule opère par synthèse, qu’elle reconstruit l’édifice abattu par les forces chimiques. » Le chimiste était avant tout un destructeur. Il pouvait bien isoler une essence d’une fleur, détruire même cette essence et en déterminer rigoureusement la composition, mais il était impuissant a refaire le parfum détruit ; il ne prévoyait même pas que cela fût possible. < Quand même, disait Berzélius, nous parviendrions à produire, avec des corps inorganiques, plusieurs substances d’une composition analogue à celle des corps organiques, cette imitation incomplète est trop restreinte pour que nous puissions espérer produire des corps organiques, comme nous réussissons, dans la plupart des cas, à confirmer l’analyse des corps inorganiques, en faisant leur synthèse. » Cependant, quand l’illustre chimiste suédois s’exprimait ainsi, M. Wœhler avait déjà donné un exemple remarquable de synthèse, en reproduisant artificiellement l’urée. Quelques autres exemples de synthèse avaient également été signalés, mais ils étaient si rares, tellement isolés et si peu féconds, que la plupart des esprits étaient portés à regarder comme chimérique toute espérance de refaire, d’une manière générale, les substances organiques au moyen des corps simples qui les constituent. Quelles que fussent les opinions spéculatives sur ce sujet, aucun alcool n’avait été produit expérimentalement au moyen d’un carbure d’hydrogène, aucun carbure n’avait été formé avec les éléments. En envisageant l’extrême mobilité des composés organiques, leur physionomie particulière, la facilité avec laquelle les forces les plus faibles opèrent leur destruction, plusieurs chimistes continuaient même à penser que leur formation, au sein des organismes vivants, dépendait de l’action nrystériense de la force vitale, action opposée, en lutte continuelle avec celle que nous sommes habitués à regarder comme la cause des phénomèneschimiques ordinaires. » Le problème, de constituer de toutes pièces les produits qui existent dans l’organisme, avec les éléments dont ils sont composés, avait donc un immense m- ■ térêt au point de vue de la philosophie générale. Ce fut la solution de ce problème qu’aborda M. Berthelot, presque au début de sa carrière scientifique, c’est-à-dire vers 1854. Comme chacun sait, les substances organiques