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Bien que La Harpe ait déclaré que ses ouvrages étaient si mauvais qu’il n’y avait pas de raison pour les lui disputer, la paternité en fut attribuée à Dorat et à d’autres membres de sa société intime, Laus de Boissy, Cubières, Palmezeaux, etc. En 1767, elle fit jouer au Théâtre-Français une comédie intitulée la Fausse Inconstance. La pièce tomba sous les sifflets d’une cabale formidable, et sans avoir été écoutée. La comtesse produisit ensuite un drame, qu’elle n’osa faire représenter et qui fut traduit en anglais. Dégoûtée de Paris, elle se rendit en Italie, se fit recevoir, à Rome, membre de l’académie des Arcades, puis elle se retira dans son château en Poitou. Là fut représentée, en 1790, la Bonne Mère de Cubières, qui dit avoir calqué son héroïne sur la figure de Mme de Beauharnais. Celle-ci revint à Paris pour s’y cacher pendant la tourmente révolutionnaire ; mais, dénoncée bientôt après, elle fut emprisonnée à Sainte-Pélagie (1793). Il est à croire que la protection efficace de son ami Cubières ne contribua pas peu à la sauver de l’échafaud. On n’entendit plus parler d’elle avant le 18 brumaire, et, dans sa retraite, elle cultiva les lettres jusqu’à sa mort. La comtesse Fanny de Beauharnais était tante de l’impératrice Joséphine et marraine de la reine Hortense, mère de l’empereur Napoléon III. Elle fut en relation avec Mercier, Rétif de la Bretonne, Bailly, Buffon, Voltaire, Vigée, etc. Son portrait fut gravé en 1785 par Bartolozzi. On compte jusqu’à quatorze ouvrages de Mme de Beauharnais : nous n’en donnerons point la liste, composée de romans, de contes et de nouvelles qui, aujourd’hui, n’offrent plus d’intérêt. Les seuls que nous puissions citer sont : les Lettres de Stéphanie (1778, 3 vol. in-12), et les Mélanges de poésies fugitives et prose sans conséquence, (1773). La modestie de ce titre n’a pu désarmer la critique. On trouve d’elle des pensées et des espèces de madrigaux dans notre ancien Parnasse français, d’où nous extrayons le quatrain suivant :

Beauté, fatal présent des dieux,
Les peines sont votre partage ;
Vous armez un sexe envieux,
Fixez-vous un sexe volage ?


BEAUHARNAIS (François, marquis de), né à la Rochelle en 1756, mort en 1846, fut nommé député de la noblesse aux états généraux, et s’y signala par l’ardeur de ses sentiments royalistes. Il émigra en 92, servit dans l’armée de Condé, écrivit à la Convention une défense de Louis XVI, et demanda vainement aux puissances étrangères de le transporter en Vendée avec 500 gentilshommes, pour y combattre la République. Lorsque Bonaparte arriva au pouvoir, François de Beauharnais lui écrivit pour le sommer de rendre le trône aux Bourbons. Le général, qui avait épousé la veuve de son frère, se contenta, pour toute réponse, de marier la fille de François, alors émigré, avec M. de La Valette, qu’il appela à la direction générale des postes. Plus tard, François de Beauharnais reconnut Napoléon et fut nommé à diverses ambassades. Mais ayant refusé, en Espagne, de seconder les vues de l’empereur, celui-ci irrité donna l’ordre de l’exiler en Pologne. Le copiste, par inadvertance, écrivit en Sologne, et François de Beauharnais se rendit dans son château de la Ferté-Beauharnais. Napoléon, ayant appris cette erreur dans un moment où il était bien disposé, se contenta d’en rire, et ne voulut pas qu’on la rectifiât. Mais l’exilé ne put venir à Paris qu’après la Restauration. Il y mourut aveugle, sans que la cour se fût souvenue de ses anciens services.


BEAUHARNAIS (Alexandre, vicomte de), frère puîné du précédent, né à la Martinique en 1760, mort en 1794. Il servit avec distinction sous les ordres de Rochambeau, pendant la guerre de l’Indépendance américaine, puis se rendit en France avec sa jeune femme Joséphine Tascher de la Pagerie, qu’il avait épousée à la Martinique en 1779, et fut parfaitement accueilli à la cour, grâce à son esprit et à sa réputation. Dès le début de la Révolution, il embrassa avec ardeur les idées de liberté, fut nommé en 1789, par la noblesse de la sénéchaussée de Blois, député aux états généraux, et se prononça énergiquement, dans la nuit du 4 août, pour la suppression des privilèges, l’égalité des peines et l’admissibilité de tous les citoyens à tous les emplois. Secrétaire de l’assemblée, puis membre du comité militaire, il rédigea plusieurs rapports remarquables et travailla comme un simple ouvrier aux préparatifs qu’on fit au Champ de Mars pour la première fédération. On l’y vit, dit Mercier, attelé à la même charrette que l’abbé Sieyès. L’éloge qu’il fit de la conduite de Bouillé, lors des troubles de Nancy, fut vivement blâmé par les patriotes. Lors de la fuite de Louis XVI à Varennes, Beauharnais, qui présidait l’assemblée, montra un calme admirable : « Messieurs, dit-il en ouvrant la séance, le roi est parti cette nuit ; passons à l’ordre du jour. » Sa dignité et sa présence d’esprit dans des circonstances aussi critiques, la rapidité avec laquelle les ordres furent expédiés, lui firent le plus grand honneur. Après avoir occupé une seconde fois le fauteuil, il fut envoyé, avec le grade d’adjudant général, à l’armée du Nord, se distingua lors de la déroute de Mons (1792), commanda le camp de Soissons sous les ordres de Custine, fut nommé, en 1793, général en chef de l’armée du Rhin, refusa de prendre le portefeuille de la guerre, et donna sa démission lorsque parut le décret qui écartait les nobles de tout emploi militaire. Il vivait retiré dans sa terre près de la Ferté-Imbault, lorsque, dénoncé à plusieurs reprises comme suspect, il fut arrêté, conduit à Paris et condamné à mort par le tribunal révolutionnaire (23 juin 1794), sous l’accusation d’avoir contribué a la reddition de Mayence en restant quinze jours dans l’inaction à la tête de ses troupes. Sa veuve, dont il était séparé, épousa le général Bonaparte et devint l’impératrice Joséphine. Il en avait eu deux enfants, Eugène et Hortense Beauharnais.


BEAUHARNAIS (Eugène de), duc de Leuchtenberg, prince d’Eichstadt, vice-roi d’Italie, né à Paris en 1781, mort en 1824, était fils du précédent et de Joséphine Tascher de la Pagerie. Les biens de son père, mort sur l’échafaud, avaient été confisqués, et il faut croire que Joséphine se trouvait alors dans un grand dénûment, car l’enfant appelé à de si hautes destinées fut placé comme apprenti chez un menuisier. Mais bientôt la fortune changea, et le général Hoche employa dans son état-major le jeune Beauharnais, qui, peu de jours après, le 13 vendémiaire, se présenta, dit-on, devant Bonaparte pour réclamer l’épée de son père, saisie lors du désarmement qui venait d’avoir lieu, et amena par cette démarche la première entrevue entre sa mère et le futur empereur des Français. Cette anecdote, très-populaire, n’est pas d’une authenticité incontestable. Quoi qu’il en soit, Eugène de Beauharnais entra dans les guides de Bonaparte, devenu son beau-père en 1796, passa en Italie, fut chargé d’une mission à Corfou après le traité de Campo-Formio, et, à son retour, faillit périr à Rome dans l’émeute populaire où le général Duphot perdit la vie. En 1798, il suivit comme aide de camp Bonaparte en Égypte, montra autant d’intelligence que de bravoure, fut blessé sous les murs de Saint-Jean-d’Acre, et revint à Paris avec son père adoptif en 1799. Nommé bientôt après capitaine des chasseurs de la garde, chef d’escadron à Marengo, général de brigade en 1804, il fut, après l’établissement du gouvernement impérial, élevé à la dignité de prince français et à celle d’archichancelier d’État (1805). Quelques mois après, Napoléon, qui avait pour lui une tendresse toute paternelle, le nomma vice-roi d’Italie. À peine âgé de vingt-quatre ans, Eugène avait à gouverner un royaume formé de lambeaux ayant appartenu à l’Autriche, au Piémont, à la république de Venise, au pape, au duché de Modène, etc., et juxtaposés par la conquête, mais où tout était à créer, l’administration, l’unité politique, l’armée, les finances. Pour qu’il ne succombât pas à cette tâche, où il ne pouvait encore apporter que la justesse de son esprit et le désir de bien faire, Napoléon mit près de lui M. Méjan, secrétaire de la préfecture de là Seine, dont il fit le principal organisateur et administrateur du nouveau royaume, sous sa direction suprême ; en même temps, il chargeait Masséna de le seconder par ses talents et son expérience militaire. La guerre de 1805 avec l’Autriche, terminée par la bataille d’Austerlitz, eut pour résultat d’augmenter le royaume d’Italie des États possédés par l’Autriche dans la Péninsule. Le 16 janvier 1806, Napoléon fit marier le prince Eugène avec Augusta-Amélie, fille de l’électeur de Bavière, élevé au rang de roi, et, deux jours après, l’adopta solennellement devant le Sénat, en déclarant qu’à défaut de descendant direct, il entendait placer sur sa tête la couronne d’Italie. Après la paix de Presbourg, l’Italie jouit de trois années de tranquillité. Le vice-roi en profita pour développer la prospérité du nord de la Péninsule, au moyen d’un grand nombre de mesures, de travaux et d’institutions utiles. Il fit compléter le système de défense de Mantoue, Peschiera, la Rocca d’Anfo, Palma-Nova, Osopo, tracer des routes, creuser des canaux, dessécher des marais. En même temps, il établissait une administration des ponts et chaussées, réorganisait là justice à l’instar de la France, mettait en vigueur le code Napoléon ainsi que nos codes de procédure et de commerce, reconstituait l’instruction publique sur de nouvelles bases, établissait de nombreux collèges dans les grandes villes, un conservatoire de musique à Milan. Le prince donnait aux beaux-arts une protection spéciale, créait le muséum de Brescia, faisait revivre l’art de la mosaïque, augmentait les établissements de bienfaisance, améliorait le régime des prisons, mettait une armée sur pied, organisait une flottille, et, malgré les dépenses qu’entraînèrent tant d’améliorations successives, grâce à la sévère économie de son administration, lorsqu’il quitta le pouvoir, en 1813, il laissait dans les coffres de l’État quatre-vingt-douze millions d’économies.

Lorsque, en 1809, les hostilités recommencèrent entre l’Autriche et la France, une armée de 100,000 hommes, sous les ordres de l’archiduc Jean, s’avança vers l’Italie. Le vice-roi, qui pouvait à peine lui en opposer 60,000 et à qui Napoléon avait ordonné de garder la défensive, se mit à la tête de son armée, qu’il concentra derrière le Tagliamento, rencontra les Autrichiens à Sacile, fut complètement battu ; mais, sans se laisser abattre par cet échec, il prit bientôt l’offensive, remporta plusieurs avantages successifs, à la Piave, à Saint-Daniel, à Tarvis, etc., marcha sur Vienne pour opérer sa jonction avec la grande armée, remporta, le 4 juin 1809, la victoire de Raab, que Napoléon baptisa du glorieux surnom de petite-fille de Marengo, et, après avoir rejoint l’armée de Napoléon, il prit une part glorieuse à la bataille de Wagram, le 6 juillet suivant. C’est alors que l’empereur résolut de rompre son mariage avec Joséphine, pour s’allier à la maison d’Autriche et asseoir plus fortement sa dynastie s’il lui naissait un fils. Appelé à Paris pour préparer sa mère à la dissolution de son mariage et en exposer le motif devant le Sénat, le prince Eugène obéit avec une docilité muette, qui fut généralement blâmée. Il voulut, dit-on, renoncer alors aux affaires publiques ; mais il céda aux sollicitations de sa mère et de l’empereur, refusant toutefois d’accepter toute faveur nouvelle, parce qu’on la regarderait comme le prix du divorce de sa mère. Pendant la campagne de Russie, il reçut le commandement d’un corps de la grande armée, contribua aux succès d’Ostrowno, de Mohilow, et prit une part glorieuse à la bataille de la Moskowa. Après le départ de Napoléon, il prit, à Posen, le commandement des débris de l’armée, qu’il ramena jusqu’à Magdebourg, commanda l’aile gauche à Lutzen, et remporta encore divers avantages vers la fin de cette campagne. La façon dont il se conduisit dans cette désastreuse guerre de Russie fit dire à Napoléon ces paroles, qu’on ne saurait omettre ici : « Dans cette guerre, nous avons tous commis des fautes ; Eugène est le seul qui n’en ait pas fait. » L’empereur le chargea alors d’organiser la défense en Italie et de se mettre à la tête d’une armée entre l’Adige et la Piave, point sur lequel Napoléon, qui prévoyait la défection de l’Autriche, pensait que cette puissance allait porter ses forces. Ces prévisions ne tardèrent pas à se réaliser. Au mois d’août 1813, l’Autriche se déclara contre la France. Le prince Eugène, à la tête de 35,000 hommes, arrêta pendant deux mois une armée de 60,000 Autrichiens dans les vallées de la Dave et de la Save. Mais la défection de la Bavière, qui, en ouvrant à l’ennemi les routes du Tyrol, forçait Eugène à abandonner la ligne de ï’Isonzo, ayant été suivie bientôt après de la défection de Murat, qui envoya une armée contre le vice-roi, celui-ci dut quitter sa position sur l’Adige et se replier derrière le Mincio. Ce fut dans cette position, et avec les forces les plus inégales, que le prince Eugène remporta sur les Autrichiens, le 10 février, une dernière victoire, qui devait couronner sa carrière militaire. On a accusé Eugène d’avoir, à cette époque, entretenu des intelligences secrètes avec les alliés et consenti à faire cause commune avec eux sous la condition qu’on lui assurerait la royauté de l’Italie. La marche rapide des événements aurait été, disent ses accusateurs, le seul obstacle à sa défection. D’autres, au contraire, affirment qu’il repoussa avec indignation les propositions qui lui furent faites à ce sujet. Quoi qu’il en soit d’une question qui ne sera peut-être jamais clairement résolue, le prince Eugène vit s’évanouir avec l’empire son royaume d’Italie, et sa vie politique fut terminée. Il se retira alors à la cour du roi de Bavière, son beau-père, qui le créa duc de Leuchtenberg et prince d’Eichstadt. Il mourut à Munich d’une attaque d’apoplexie, à l’âge de quarante-quatre ans.

Le prince Eugène est resté, dans la légende populaire de l’Empire, le type de la fidélité qui survit au malheur. L’impartiale histoire, jugeant les choses de plus haut, est loin d’être aussi affirmative. Habitué, dès la première heure, à plier sous la volonté de Bonaparte, il subit le sort commun à tous les hommes qui prirent part aux affaires de l’Empire. Il ne fut plus qu’un instrument entre les mains de celui qui s’imagina que la France c’était lui, et qu’en abaissant les caractères, qu’en substituant aux individualités fortes des agents dociles de toutes ses volontés, il enchaînerait par la reconnaissance et par l’intérêt des serviteurs toujours courbés, mais frémissants. Le prince Eugène, par sa position même, trouva dans Napoléon une affection qui tempérait ce qu’il y avait d’excessif dans les exigences du maître. Sans facultés brillantes, condamné au rôle d’une sorte de préfet impérial, il ne joua et ne pouvait jouer qu’un rôle secondaire. L’appréciant comme homme de guerre, Napoléon a dit de lui dans son Mémorial : « Il est rare et difficile de réunir toutes les qualités nécessaires à un général. Ce qui est le plus désirable, c’est que chez lui l’esprit soit en équilibre avec le caractère ou le courage. Si le courage est de beaucoup supérieur, le général entreprend vicieusement au delà de ses conceptions ; et, au contraire, il n’ose pas les accomplir, si son caractère ou son courage demeure au-dessous de son esprit. Cet équilibre était le seul mérite du vice-roi, et suffisait néanmoins pour en faire un homme très-distingué. » Dans son administration comme vice-roi, Eugène montra une grande modération de caractère et un sincère désir d’améliorer le sort des populations qu’il était chargé de gouverner. Sa correspondance avec Napoléon, en dehors de ses actes, en fournit la preuve évidente. Doué d’un grand bon sens naturel, il entrevit de bonne heure ce que Napoléon, aveuglé par la fortune et par l’excès de pouvoir, ne voyait pas. Dans une lettre remarquable à tous égards, dont nous allons citer un passage, il ne craignit point, un jour, de signaler à l’empereur avec une grande fermeté tous les périls de son ambition : « L’empereur se trompe sur l’état de l’Europe. Peut-être les souverains qui doivent à son appui un accroissement apparent de puissance se trompent-ils eux-mêmes sur les dispositions de leurs sujets ; mais les nations ne se trompent pas sur la domination nouvelle qu’exerce sur eux une seule nation, ou plutôt un seul homme. Ils ne seront jamais nos alliés de bonne foi, ces peuples dont la défaite a fondé notre gloire et dont nos succès ont fait le malheur. Déjà humiliés comme vaincus, comme tributaires, ils ont vu leurs souverains recevoir dans leur propre capitale les ordres d’un souverain plus grand ; ils les voient aujourd’hui appelés dans la sienne pour orner son char. Les humiliations qui pèsent sur des nations entières portent tôt ou tard des moissons de vengeance. Je n’en redoute rien encore, sans doute, pour la France ; mais, si j’aime la guerre, c’est pour qu’elle donne la paix, et je ne vois plus de paix durable dans le monde. » Assurément, ce langage n’est pas celui d’un homme médiocre et à courte vue. Bien qu’il ne se soit pas joint aux ennemis de son père adoptif, il est hors de doute que le prince Eugène négocia avec eux, après la déchéance de l’empereur, pour se faire donner la couronne d’Italie, et il adressa alors aux Italiens une proclamation dans laquelle, après avoir fait appel à leur affection et à leur reconnaissance, il leur déclarait qu’il ne se séparerait jamais d’eux. Ce désir est fort compréhensible ; mais ce qui, dans sa situation, donne lieu à un véritable étonnement, c’est la visite qu’il fit à Louis XVIII, lorsque sa mère mourut à Paris. Comme il s’était fait annoncer sous le nom de marquis de Beauharnais, le roi, très-flatté de sa démarche, répondit à l’introducteur : « Faites entrer le prince Eugène, » et il lui offrit de rester en France avec le titre de maréchal. L’ancien vice-roi eut toutes les vertus du père de famille. Les 30 millions d’économie qu’il avait faits en Italie, joints à ses revenus de la principauté d’Eischtadt, lui permirent de mener un train princier, sans qu’il cessât toutefois de maintenir dans sa maison une économie sévère, qui l’a fait accuser d’avarice. On lui a reproché, non sans raison, d’avoir oublié, lorsqu’il devint prince allemand, que la France était sa vraie patrie, et d’avoir presque constamment refusé de voir et d’accueillir ses anciens compagnons d’armes.


BEAUHARNAIS (Eugénie-Hortense de), reine de Hollande, connue sous le nom de la reine Hortense, née à Paris en 1783, morte à Arenenberg, en 1837. Fille d’Alexandre de Beauharnais et de Joséphine Tascher de la Pagerie, que devait épouser Napoléon, elle fut emmenée, à l’âge de quatre ans, à la Martinique, d’où elle revint en 1790. La jeune Hortense avait onze ans lorsque son père monta sur l’échafaud. Sa mère fut jetée en prison, et elle-même gardée à vue dans l’hôtel de Salm avec son frère Eugène. Lorsque l’horizon se fut éclairci et que Joséphine, sans prévoir sa future grandeur, eut, malgré les conseils de ses amis, épousé en secondes noces (1796) le général Bonaparte, connu seulement par le siège de Toulon et la journée du 13 vendémiaire, Hortense fut mise en pension chez Mme Campan. Elle en sortit à dix-sept ans, et, deux ans plus tard, le 13 janvier 1802, le premier consul lui fit épouser son frère Louis. Ni l’un ni l’autre des deux époux n’avait désiré cette union ; mais elle servait la politique de Napoléon : il fallut obéir. Cette union fut néanmoins promptement féconde, car Hortense de Beauharnais mit au monde, le 10 octobre 1802, un fils, Napoléon-Charles, et le 10 octobre 1804, un second fils, Napoléon-Louis. En 1806, elle partit pour aller rejoindre son mari placé sur le trône de Hollande, et, l’année suivante, elle perdit son fils aîné, enlevé par le croup. Frappée au cœur, elle alla passer quelque temps au village d’Arrens, dans la vallée d’Azan, au milieu des Pyrénées, puis retourna à Paris, à son hôtel de la rue Cérutti. Là, entourée d’artistes et de littérateurs, elle demandait des distractions à la peinture et à la musique. Tantôt elle dessinait des fleurs et des paysages, tantôt elle chantait des romances, dont elle se plaisait à composer l’accompagnement. Une de ces romances est devenue un chant national de nos jours, c’est le fameux air : Partant pour la Syrie, dont M. Laborde avait versifié les paroles. C’est à la reine Hortense qu’est due l’idée ingénieuse de faire placer avant chaque romance un dessin qui se rapporte au sujet Elle aimait encore à cultiver des fleurs de ses propres mains. Le 20 avril 1808, elle mit au monde, à Paris, un troisième fils, Charles-Louis-Napoléon, qui devait être un jour Napoléon III.

Lors du divorce de Napoléon avec Joséphine, qui n’aurait peut-être pas eu lieu si la mort du fils aîné d’Hortense n’eût pas déconcerté les projets de l’empereur, qui voulait l’adopter, cette princesse plaida, mais inutilement, la cause de sa mère avec l’éloquence du cœur. Elle dut se faire violence, dévorer ses larmes, et, comme les autres reines de sa famille, soutenir, aux cérémonies du mariage, le manteau de la nouvelle impératrice. S’autorisant de l’exemple de l’empereur, elle lui demanda la permission de divorcer, ce qui lui fut refusé. La simple séparation de corps lui fut même interdite. Obligée d’aller partager avec son mari le poids de la couronne de Hollande, la reine Hortense ne dissimula pas sa préférence pour les Français et ne fut pas étrangère, dit-on, à l’acceptation,