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avait eu l’idée, et riui auraient été cadencés et mesurés à la manière dus vers grecs et latins. Pasquier attribue cotte invention à Jodello, et des critiques plus modernes en font donneur à Jean Mousset.

BAIGNADE s. f. (bè-gna-de ; gn mil. —rad. baigner). Action de se baigner. Syn. de bain :

Voici le mois d’août : en course, camarades ; La chasse le matin, et le soir les baignades.

Erizeux.

BAIGNANT (bè-gnan ; gn mil.) part. prés. du v. Baigner : .., ..., .. En ioif/nniiCson visage, Mes pleurs du sentiment lui rendirent l’usage.

Racine.

BAIGNÉ, ÉE (bè-gné ; gn mil.) part. pass. du v. Baigner. Plongé dans un bain : Enfant lavé et baigné tous les jours.

— Par exagér. Mouillé, trempé : Baigné de sang. Baigné de larmes. Baigné de sueur. Baigne de rosée. Le roi Charles IX se voyait tout baigné de son sang dans son lit. (Sully.) Tous les yeux étaient baignés de larmes. (Mme de Sév.)

Chimftne est au palais, de pleurs toute baignée.

Corneille.

Ces bras que dans le sang vous avez vus baignés

Racine.

— CoDtigu à une pièce d’eau ; arrosé, traversé par un cours d’eau : Les côtes baignées par l’Atlantique. Ce pays est baigné par la Loire. L’Égypte est baignée par les eaux du Nil. (Trév.)

— Poétiq. Baigné de lumière, Inondé de lumière, vivement éclairé : Un ciel, un tableau baigne de lumièke. À peine, de temps en temps, quelques peseurs de sucre ou quelques charrettes attardées traversent-ils lentement la rue baignée de soleil. (Ose Merlin.)

— Fig. Comblé, rempli : Il parait baignij dans l’excès de la joie à tous ceux qui ne le connaissent pas. (Mme de Sév.) Milady sentit son âme baignée d’une joie infernale. (Alex. Dirai.)

— Comm. Turquoise baignée, Turquoise osseuse, décolorée par le temps, <jui a été ou que l’on suppose avoir été trempée dans une préparation contenant de l’oxyde do cuivre, afin de lui restituer sa couleur primitive : Les turquoises baignées sont peu estimées, parce qu’elles n’offrent aucune garantie à l’acheteur. (Edm. Halphen.)

BAIGNEAU s. m. (bè-gno ; gn mil.). Tombereau, u Par plaisant. Estomac : Mets core ça din tin baigneau. (Mets encore cela dans ton estomac.) u Ce mot appartient au patois du centr.o de la France.

BAIGNER v. a. ou tr. (bè-gné ; gn mil.rad. bain, qu’on a écrit autref. baing, d’où baingner, puis baigner). Plonger et tenir dans un liquide : Baigner ses pieds dans l’eau. Baigner des étoffes dans une cuve de teinturier. Il Faire prendre un bain ou des bains à : Baigner un enfant, un malade. Baigner un chien, un cheval. Plusieurs peuples de l’antiquité baignaient dans l’eau froide les enfants nouveau-nés. (Encycl.)

Tressez les chevelures blondes Des femmes aux regards tremblants, Baigna dans le cristal des ondes Le marbre arrondi de leurs flancs.

Latour-Saint-Ybars.

— Par exagér. Mouiller, tremper : Baigner son visage de ses larmes. Baigner la terre de ses sueurs. Je t’écris à genoux ; je baigne mon papier de mes larmes. (J.-J. Rouss.)

Elle prend ses enfants, et les baigne de pleurs.

Racine.

Quand pourra mon amour baigner avec tendresse Ton front victorieux de larmes d’allégresse.

Corneille.

— Par anal. Plonger à plusieurs reprises : Il baignait avec délices ses mains rouges et sèches dans l’or. (H. Castille.)

— Particulièrem. Etro contigu ; arroser, couler sur ou auprès de en parlant d’une masse ou d’un cours d’eau : L’Océan et la Méditerranée baignent les côtes de la France. Le Nil daigne l’Ethiopie. L’onde molle et silencieuse daignait les pieds du temple. (Chateaub.) Le llhin ne baigne pas les murs de Strasbourg. (Gêr. de Nerv.) De toutes les villes que baigne la mer italienne, Gènes est la plus belle. (J. Janin.)

J’ai, malgré leurs efforts, soumis a votre règne Ce que le Tibre lave et que le Gange baigne.

Roi-Rot ;.

Dans la riche Hesperie, où, de ses belles o.ndes, Le Tibre baigne en paix les campagnes fécondes.

Delille. J’atteignis le sommet d’une rude colline Qu’un lac baigne à sa base et qu’un glacier domine.

Lamartine.

— Poétiq. Imprégner :

De parfums enivrants baignez ces chastes voiles.

M"* DE GlRARDIN.

Il Remplir, inonder do lumière ou d’un certain éclat particulier : Un soleil ardent baigne la rue et les maisons.

Un Bi touchant regard baigne votre prunelle !

V. Hugo.

Il Entourer de toutes parts : Les nuages baignent les créneaux, et l’épervier, en passant, se déchire la plume au fer de la lance des sentinelles. (Th. Gaut.)

— v. n, ou intr. Rester plongé dans : Un regoAt qui baigne dans sa sauce. Il faut que ces herbes baignent dans l’esprit-de-vin.

(Acad.) L’algue marine baigne dans l’eau. (Boiste.)

— Par exagér. Être mouillé : Baigner dans le sang ou dans son sang.

— Poétiq. Être entouré, enveloppé ; Les figures baignent comme dans une atmosphère de clair de lune. (Th. Gaut.)

Se baigner, v. pr. Prendre un bain, " se mettre et rester dans l’eau’ : Se baigner dans la rivière, dans un étang. Il lui prit envie de se baigner, tout échauffé qu’il était. (Vaugel.) Les Lapons se baignent tous ensemble, filles et garçons, mères et fils. (Volt.) Les oiseaux vont souvent aux abreuvoirs, autant pour se baigner que pour se désaltérer. (Baudrillart.) I ! Se mouiller, se plonger dans un liquide :

Je me fais du bonheur avec la moindre chose : D’une goutte d’eau claire où, sous un rayon pur, Se baigne un scarabée au corselet d’azur.

Théophile Gautier.

— Poétiq. Se plonger dans : Comme les esprits de l’air doivent se réjouir à poursuivre ces parfums subtils et à s’y baigner ! (G. Sand.) Je me glissais dehors, afin de me baigner un peu dans l’air libre. (P. Fôval.)

— Fig. Savourer, se plonger à plaisir, se complaire dans : Les autres sont au moins persuadés de leurs égarements ; pour lui, il se nAiGNE dans la confiance. (Mmc de Sév.) Je me baignais dans sa rage, et je me délectais à le lui faire sentir. (St-Sim.)

Se baigner dans le sang, Le verser, le répandre en abondance ou avec plaisir :

Songe au fleuve de sang où mon bras s’est baigné.

Corneille, Songez-vous dans quel sang vous aller vous baigner ?

Racine. Dans l’infidèle sang baignez-vous sans horreur.

Racine. Dans le sang innocent ta main va se baigner.

Voltaire.

., Une impie étrangère

Se baigne impunément dans le sang de nos rois.

Racine.

— Fauconn. So dit do l’action de l’oiseau do proie qui se plonge dans l’eau, ou qui se mouille à la pluie.

— Avec suppression du pronom personnel : Mener baigner un cheval. Il faut mener l’éléphant à l’eau, et le laisser baigner deux ou trois fois par jour. (Bufl’.)

BAIGNES-S.UNTE-BADEGONDE, village et comm. de France, ch.-l. de cant., arrond. et U 13 kil. S.-O. de Barbezieux (Charente) ; pop. aggl. 737 hab. — pop. tôt. 2,631 hab. Commerce considérable de bœufs et de porcs gras destinés à l’approvisionnement de Bordeaux.

BAIGNEUR, EU SE s. (bè-gn’eur, eu-ze ; gn mil. — rad. baigner). Personne qui se baigne : Dieppe a été fréquenté cette année par une foule de baigneurs et de baigneuses. On voit dans le Gange vingt ou trente mille baigneurs en même temps, par un principe superstitieux de dévotion. (Trév.) Ce tableau représente une baigneuse. (Acad.) Il Dans un établissement de bain, Garçon ou fille de service, il Aux bains de mer. Homme quiaccompagne, pour les aider, les soutenir, les secourir au Desoin, les personnes qui se baignent.

baigneuse s. f. (bè-gneu-ze ; gn mil.rad. baigner). Cost. Sorte de vêtement, de peignoir pour le bain, il Sorte d’ancien bonnet cle femme à petits plis.

Plis en baigneuse, Plis façonnés comme ceux des bonnets appelés baigneuses.

Ru : giicii«en (les), tableau du Bolognèse ; musée du Louvre (n° 215). Trois femmes qui viennent de sortir du bain sont groupées au bord d’une rivière, qu’ombragent de beaux arbres j l’une d’elles est assise sur une espèce de coussin ; les deux autres, debout à ses côtés, semblent être ses suivantes. À l’empressement que ces femmes mettent à reprendre leurs vêtements, on peut présumer qu’elles craignent d’être surprises par quelque indiscret. Ces figures sont médiocrement peintes, mais le paysage est traité d’une façon remarquable : les eaux sont limpides, transparentes ; les arbres sont bien choisis ; le feuille est touché avec esprit et fermeté. On pense que ce tableau a été peint par le Bolognèse, à Paris, vers 1653. Il a été gravé par Haldenwang, dans le Musée français.

Baigneuses (les), tableau de C. Poelenburg, au Louvre (no 386). Cette charmante composition, que l’on intitule encore Femmes sortant du bain, ou la Sortie du bain, est l’un des meilleurs ouvrages de l’-auteur. Au premier plan d’un riant et frais paysage, qu une rivière traverse, cinq baigneuses sont occupées & reprendre leurs vêtements : l’une d’elles, debout et de face, a une attitude fort

fracieuse ; trois de ses compagnes sont assises ses côtés, près d’un bouquet de grands arbres ; une cinquième, qui est sans doute restée plus longtemps au bain que les autres, accourt effrayée et tient devant elle sa tunique comme pour se couvrir. On aperçoit, sur la rive opposée, des pâtres conduisant leurs troupeaux. Ce tableau, qui n’a pas plus de 0 m. 15 de haut sur o m. 25 de large, est peint avec une grande légèreté de touche, dans des tons tins et séduisants. Il a été gravé dans le Musée Filhol, Poelenburg a représenté souvent le même sujet, notamment dans un autre tableau du Louvre (no 385), où l’on voit trois baigneuses sur les bords élevés d’une rivière, que traverse un pont de bois jeté sur des restes

de constructions antiques ; cette eeniposilion, inférieure à la précédente sous le rapport de l’exécution, a été aussi gravée dans te Musée Filhol.

Baigneuses (les), tableau de L. de la Hire ; musée du Louvre (n» 292). Une rivière paisible serpente entre des collines ombragées par de grands arbres. De nombreux groupes de femmes, nues pour la plupart, animent et égayent ce paysage. Les unes s’apprêtent à so baigner, tandis que les autres se jouent dans les eaux ou forment des danses sur la rive. « Ce tableau, dit Emeric David, suffirait pour assurer à La Hire un rang distingué dans l’école française. La composition est riche et agréable ; le site riant et mystérieux ; la verdure a de la vérité ; le coloris est frais et suave ; les lumières sont bien ménagées ; les devants sont clairs ; les grands arbres qui remplissent la gauche n’offrent pas de très-belles formes, mais la masse en est ferme et savamment opposée aux inflexions élégantes, aux tons légers et tins du bouquet de bois qui orne la droite sur un plan plus éloigné ; les montagnes, le ciel qu’on aperçoit dans le fond, sont riches de coloris ; les teintes en sont brillantes et se lient parfaitement à l’harmonie générale. Quant aux figures, elles sont posées avec esprit, et les groupes fort habilement variés. » Les Baigneuses se voyaient autrefois dans le cabinet du prince de Conti ; achetées 3,400 fr. par M. Tolozan en 1777, elles ont été acquises par l’État à la vente de ce dernier, en 1801, et payées 3,103 fr. Elles ont été gravées par Suhroeder dans le Musée français.

Baigneuses (les), par Van "Van Huysum ; musée du Louvre (n° 233). Il serait plus juste d’intituler ce tableau : Baigneurs et baigneuses ; ici, en effet, les loups sont mêlés aux brebis ; les satyres se baignent avec les nymphes. Quatre femmes demi-nues sont groupées sur la rive au premier plan ; d’autres prennent leurs ébats dans la rivière ; des nageurs entourent une barque pleine de baigneuses. De grands arbres couvrent cette scène de leur ombre discrète ; dans le lointain, des fabriques pittoresques s’élèvent au pied des montagnes ; à droite, un pont conduit h un château. Emeric David blâme vivement Van Huysum de n’avoir pas assez scrupuleusement observé dans cette composition toutes les convenances morales. «Un est pas vraisemblable, dit-il, que des femmes et des hommes se rassemblent, pour se baigner, dans un lieu vaste et entièrement découvert, où se rencontrent en même temps des pécheurs et des bergers. L’art doit s’interdire, sinon tout ce que réprouvent des mœurs très-sévères, du moins tout ce qui est contraire à la vraisemblance. » Cette réserve faite, le savant critique déclare que ce tableau présente le charme le plus séduisant : « Le site est riant et varié ; le fond est gai, riche et brillant ; les eaux sont limpides. Dans toutes les parties de cet ouvrage précieux, vVan Huysum a déployé le talent vraiment magique dont la nature l’avait doué : le pinceau de cet aimable artiste y est aussi frais et aussi suave que dans ses plus beaux tableaux de fleurs. » Les Baigneuses ont été gravées par Godefroy dans le Musée français, par Desault et Lenard dans le Musée Filhol.

Baigneuses (les), tableau de Nicolas Poussin, gravé parEdme Jeaurat (1708). Deux nymphes sont assises au bord d’une eau limpide qui couvre le premier plan : l’une essuie ses membres délicats ; la seconde, par un mouvement des plus gracieux, ramène sur sa jolie tête, vue de face, une draperie blanche qui descend sur ses épaules. Plus loin, trois autres baigneuses, entièrement nues, saisissent à la hâte leurs vêtements : l’une d’elles semble vouloir se cacher derrière l’un des grands arbres du fond ; mais, comme la Galatéo de Virgile, elle veut être vue auparavant : Et se cupit ante videri.

Baigneuses (les), tableau de M. Diaz, gravé dans Y Artiste par M. Esbens. Cinq femmes, à demi couvertes de draperies aux vives couleurs, sont groupées au bord d’une pièce d’eau : deux d’entre elles ont les pieds dans l’onde limpide. Un petit chien jappe sur la rive. De grands arbres garnissent le fond du tableau ; mais, par une éclaircie du feuillage, glissent de vifs rayons de soleil, qui font chatoyer les étoffes, resplendir les carnations, miroiter la surface du bassin. Ce tableau est une des oauvre3 les plus fines, les plus lumiT neuses de M. Diaz.

Baigneuses (les), tableau de M. Courbet, Salon de 1853. Dans un vallon solitaire, où la lumière se glisse discrètement à travers le feuillage de quelques gros arbres et fait miroiter une flaque d’eau, au premier plan, deux femmes viennent de sortir du bain, ou plutôt s’apprêtent à y entrer. L’une d’elles est assise à terre ; elle a pour tous vêtements une jupe de couleur, une chemise de toile, une coiffe blanche, un bas à demi ôté ; elle se penche en riant pour regarder sa compagne. Celle-ci est debout, a peu près entièrement nue, car un linge, qu’elle retient avec la main, dissimule a peine une partie de ses cuisses ; elle tourne le dos au spectateur et lève son autre main par un mouvement qui semble exprimer la surprise. Quel est le motif de cette surprise ? On ne le devine guère, mais il ne doit pas échapper à la baigneuse assise, dont U provoque sans doute l’hilarité. Le spectateur est bien obligé de se contenter de ce qu’il voit. Cette femme debout étale des formes plantureuses, une nuque large et épaisse, des épaules arrondies, un dos que sillonne profondément une raie serpentine, indice de santé et de force ; une taille souple et ferme à la fois, que n’a jamais maté un corset, des hanches puissantes, des mollets que pourrait envier le vieux diplomate attendu à une soirée officielle. Nous voilà, fort loin de la beauté idéale des nymphes du peintre normand, de la grâce voluptueuse des Bacchantes du Titien ; mais il s’agit bien d’idéal avec M. Courbet : c’est la nature même que cet inflexible réaliste a voulu reproduire, non pas, bien entendu, une nature maladive, amincie par les raffinements de la coquetterie, étiolée par les progrès de la civilisation... féminine, mais la robuste et saine nature que l’on rencontre encore au village. Ce tableau, comme presque tous ceux de M. Courbet, a soulevé beaucoup de tempêtes : on a reproché très-vivement a l’artiste d’avoir choisi des modèles peu faits pour charmer les yeux ; mais les critiques les plus hostiles ont été forcés de reconnaître les qualités vraiment extraordinaires de l’exécution. M. Paul RIantz à écrit à ce propos les lignes suivantes dans la Ileoue de Paris, en 1853 : ■> M. Courbet a cherché la laideur, et tout le monde s’accorde à dire qu’il l’a trouvée, bien qu’en se plaçant à son point de vue, le mouvement du bras élevé puisse paraître entaché de noblesse. Cette concession, si c’en est une, est la seule que M. Courbet ait faite au bon style. Le dos de femme qu’il a peint appartient à une réalité des plus grossières ; mais dans ces chairs pesantes et grasses, on sent le tressaillement de la vie. lïy a là des détails de modèle qui dépassent en science tout ce que font les plus habiles. Il est seulement fâcheux, que le type étant admis, M. Courbet ait coloré sa baigneuse de ce ton boueux qui — perplexité douloureuse — laisse obscure la question de savoir si elle entre dans l’eau ou si elle en sort. » Edmond About a dit de son côté : " Cette Baigneuse est moins « un corps de femme qu’un tronc de chair, un corps en grume, un solide. L’artiste- a traité la nature numaine en nature morte. Il a bîtti 1 cette masse charnue avec une puissance digne

de Giorgion ou du Tintoret. Le plus surprenant,

c’est que cette grosse femme de bronze, articulée par plaques comme un rhinocéros, a le jarret, les malléoles, et généralement toutes , les attaches d’une finesse irréprochables. Elle 1 n’est pas dessinée comme un Holbein, car , M. Courbet garde un reste de brutalité jusque

dans ses délicatesses ; mais on sent qu’il est
entré avec rage dans la vérité des articulations.

Cette étude de dos est le morceau le plus résistant et le plus complet que M. Courbet ait jamais exposé. Tous les hommes de goût ont cru devoir s’inscrire à la file contre un tel scandale de nudité ; mais les hommes de goût viendront au Louvre dans cent ans rendre justice à la Baigneuse de M. Courbet. »

Baigneuse (la), tableau de M. Ingres, Salon de 1855. C’est une femme de l’Orient, assise sur un lit de repos blanc, dans une salle aux murailles blanches, qu’éclaire une douce lumière tombant de haut. Elle tourne le dos au spectateur et jette de côté, par-dessus son épaule, un regard furtif et inquiet. Elle est complètement nue ; une gaze blanche et rouge se tortille fort spirituellement autour de sa tête. Cette figure est modelée avec uno fermeté et une science peu communes, dans une gamme claire, puissante et tranquille, sans autre repoussoir qu’un rideau de couleur sombre tendu a gauche de la toile. « Ceci est de l’art tout à fait élevé, a dit M. Max. Ducamp, et nous ne croyons pas nous tromper en supposant que M. Ingres a exécuté cette baigneuse après avoir été à, Florence et après s’être commeimprégné des magnificences des Vénus couchées du Titien, qui sont au palais des Offices. »

Baignenses (les), tableau de M. Mulready, salon de 1855. Une jeune femme est assise, un pied replié sur l’autre, au bord d’un ruisseau dont l’eau caresse une rive de sable fin semée de jolis cailloux et bordée de rochers tapissés de mousse. Elle est entièrement nue. Sa chevelure blonde est dénouée et couvre en partie la poitrine de ses flots d’or : son beau corps, encore humide, joint à la blancheur du satin des nuances fraîches et nacrées, des teintes roses d’une délicatesse exquise. Au second plan, une jeune fille sort de l’eau et remonte sur la berge avec un mouvement de frayeur spirituellement rendu : on devine que la charmante enfant craint d’être surprise dans sa nudité par des regards profanes. Une troisième baigneuse reprend ses habits, gardés par une femme qui tient un enfant dans ses bras. Au fond, des ânes broutent paisiblement sur le penchant de la colline. « Chaque détail, dans ce charmant tableau, dit M. Th. Gautier, a été l’objet du ’soin le plus patient et caressé avec un fini moelleux. La mousse se couche et miroite a l’œil comme un velours de soie ; les linges font voir leurs fils, les jupes sont à prendre avec la main ; l’eau mouille les bords du cadre : on y boirait. • À la vérité, cette exécution précieuse conviendrait mieux à une miniature qu’à un tableau peint à. l’huile : le paysage est sec et froid, et il n’y a pas de vie sous ces carnations si minutieusement modelées. Ajoutons que le coloris de ce tableau manque de vént, é et même d’harmonie : les tons bleus, roses, lilas, verts et blancs s y heurtent d’une façon très-désagréable. Les