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rer. Fermé par un barrage : Un passage barré. Une route barrée. Elle est timide ; elle traverse les chemins barrés. (MmB de Sév.)

— Biffé : Un mot barré. Une page barrée.

— Rayé, en parlant d’une étoffe, il V. en ce sens,

— Fig. Empêché par quelque obstacle : De toutes parts, l’action est barrée et la volonté brisée. (H. Taine.)

Frères barrés ou simplement Barrés, Nom donné aux carmes, à cause du bariolage de leur costume.

— Mar. Vergue barrée, Vergue sur laquelle on borde la voile de perroquet de fougue, ce dont on s’abstient le plus souvent, laissant ainsi à la vergue l’apparence d’une barre. On l’appelle, pour la même raison, vergue sèche.

— Palais. Divisé, comme par une barre, ou deux fractions égales, en deux avis différents : Juges, avis barrés, h V. en ce sens.

— Chir. Dent barrée, Dent dont les racines, écartées ou tortueuses, emportent, dans l’extraction, une portion de l’arcade alvéolaire.

|| Os ou Bassin barré, Bassin de femme chez lequel la symphyse du pubis a pris un développement excessif dans le sens transversal.

|| Femme barrée, Femme dont le bassin est barré.

— Blas. Se dit d’un écu couvert de barres alternant do couleur, de façon que, le nombre des barres égalant celui des interstices, les bandes ne peuvent être distinguées du fond : Famille de Fleyres : barré d’or et de gueules. || Se dit du battant d’une porte qui est chargé d’un sautoir d’une couleur différente : Famille de Port : coupé de gueules et d’argent, à deux portes ouvertes de l’une en l’autre, barrées en sautoir d’or, il se dit de toute pièce honorable couverte de barres. || Barrécontre-barré, Se dit d’un écu parti, coupé, taillé ou tranché, dont les barres se trouvent opposées les unes aux autres par rapport à la disposition de leurs couleurs. || Cheval barré, Cheval paré.

BARRÉ (Pierre-Yves), vaudevilliste et directeur de théâtre, né à Paris en 1749 ou 1750, mort en 1832, fut d’abord avocat au parlement de Paris, puis greffier à celui de Pau. Après 1789, il entreprit d’écrire pour le théâtre, et fit représenter, en société avec Piis : les Amours d’été, les Vendangeurs, les Veillées villageoises. De concert avec Piis, Radet, Desfontaines et plusieurs autres, il fonda, en 1792, le théâtre du Vaudeville, de la rue de Chartres. Il en conserva la direction jusqu’en 1815, et enrichit le répertoire de ce théâtre d’un grand nombre de vaudevilles fort spirituels et très-goùtés du public. Cet auteur est l’un des plus charmants successeurs des Panard, des Collé et des Favart. Parmi les pièces écloses de la collaboration Barré-Radet-Desfontaines, celles qui ont eu le plus de vogue sont les suivantes : Arlequin afficheur, folie qui, depuis 1792, a été jouée plus de sept cents fois ; Colombine mannequin ; le Mariage de Scarron ; Monsieur Guillaume ; René le sage ; Gaspard l’avisé ; le Fandango ; les Deux Edmond ; la Danse interrompue, etc. Il paraît que le plus habile des associés était Radet. Barré avait l’esprit vif et facile, une entente parfaite de la scène, mais peu de style. Neveu du chansonnier Laujon et nabitué des dîners du Vaudeville, il a composé aussi des chansons qui ont eu beaucoup de vogue dans les sociétés épicuriennes.

BARRÉ (Guillaume), publiciste, né vers 1760 en Allemagne, d’une famille de protestants français réfugiés, mort, par suicide, à Dublin en 1829. Il vint en France au commencement de la Révolution, dont il embrassa la cause avec ardeur, fit la première campagne d’Italie dans l’armée française et parvint au grade de capitaine. Il parlait et écrivait toutes les langues de l’Europe, et il devint interprète de Napoléon 1er . Mais ayant composé, contre le maître, des couplets satiriques, il s’enfuit dans une barque, en descendant le cours de la Seine jusqu’au Havre, bravant la police, qui sans doute le cherchait ailleurs, et passa en Angleterre sur un navire américain. Là, il donna cours à ses ressentiments, en publiant l’Histoire du consulat français sous Bonaparte (Londres, 1807), puis l’Origine, les progrès, la décadence et la chute de Bonaparte en France (1815), dont le premier volume a seul paru. Ces deux ouvrages, écrits en anglais, sont de véritables pamphlets.

BARRÉ (Léonard), né à Bordeaux, mort vers 1825, perdit la raison à la suite de revers de fortune et composa plusieurs écrits qu’il adressa à Napoléon Ier, à Pie VII, à l’empereur d’Autriche et aux autres souverains de l’Europe. Comme dans toutes les élucubrations dos monomanes de ce genre, il s’agissait toujours de la révélation de quelque système infaillible pour sauver l’univers. Les principaux de ces écrits sont : le Véritable système de gouvernement du corps politique et d’économie générale (1804) ; Trait de lumière 1815) ; À Sa Sainteté le pape Pie VII et à tous les grands maîtres de la franc-maçonnerie, principaux membres de la diplomatie, etc. (1818). Ce malheureux signait quelquefois ses étranges productions : " Léonard, qui n’est plus Barre, parce qu’il a fondu la calotte d’airain qui tenait tous nos cerveaux enclavés. »

BARRÉ (Louis), littérateur et lexicographe, né à Lille en 1799, mort en 1857. Il enseigna les langues en Belgique, la philosophie au collège de Lille (de 1830 à 1836), et se fixa ensuite à Paris, où il exécuta beaucoup de travaux pour les libraires : des éditions ou compléments des dictionnaires de l’Académie, de Napoléon Landais, de Boiste, etc. (en collaboration avec Ch. Nodier, Landais, Chésurolles) ; des éditions de classiques français, des traductions des Œuvres de Walter Scott, de Clarisse Harlowe, de Dante ; le Texte des Antiquités d’Herculanum et de Pompéi (Didot, 1840) ; Petite Biographie classique (Didot, 1844), etc.

BARRÉ (Jean-Baptiste), statuaire contemporain, né à Nantes. Il a exposé, pour son début, au Salon de 1843, une statue représentant la Madeleine au désert, qui lui a valu une médaille de 3e classe. Nous citerons, parmi ses autres ouvrages : Jésus après la flagellation (Salon, 1846) ; la Vierge et l’Enfant (Salon, 1848) ; les bustes en bronze d’Evariste Boulay-Paty et d’Ed. Turquety (Salon, 1850), placés tous deux au musée de Rennes, Graziella (Salon, 1857).

BARRÉ (Léopold), acteur français, né à Paris le 14 avril 1819, est fils d’un libraire de la capitale. D’abord séminariste, il abandonna la soutane pour le théâtre et s’essaya, en 1839, à la banlieue, dans la troupe des frères Seveste. La même année, il entrait au théâtre du Panthéon et devenait l’idole des habitués de l’endroit, par la façon dont il jouait les comiques et les grimes. Après avoir créé un rôle important dans la Poudre de Perlimpinpin, il vint débuter, en 1841, à l’Odéon, et joua avec succès les paysans du vieux.répertoire, les comiques chargés. Alexandre Dumas le prit à l’Odéon, l’essaya, à Saint-Germain, dans quelques-uns des drames qu’il destinait au Théâtre-Historique et le fit débuter, sur cette dernière scène, lors de son ouverture. Le baron de Kalb dans Intrigue et amour, Polonius dans Hamlet, Agésilas dans le Chevalier de Maison-Rouge, Godard dans la Marâtre, Penelou dans Monte-Cristo, Planchet dans les Mousquetaires, Gorgo dans Catilina, etc., montrèrent, sous son véritable jour, son talent fin et communicatif. Après la fermeture du Théâtre-Historique, il passa aux Folies-Dramatiques, et alla, le il janvier 1851, créer, à la Porte-Saint-Martin, le rôle de Denis Ronciat dans Claudie. Appelé plus tard à l’Odéon, il y fit sa rentrée avec un grand succès, reprit le personnage de Jean Bonnin de François le Champi, et créa le rôle de Patience dans Mauprat, du Capitaliste dans L’Honneur et l’argent, de Daniel dans Que dira le monde ? de Chrétien dans la Conscience. En même temps qu’il abordait l’ancien répertoire dans les rôles de son emploi, tels que Jodelet des Précieuses ridicules, Agnelet de l’Avocat Patelin, Laflèehe de l’Avare, Basile du Barbier de Séville, Bridoison du Mariage de Figaro, Sylvestre des Fourberies de Scapin, Pourceaugnac de M. de Pourceaugnac, Lubin de Georges Dandin, il comptait de nombreuses créations dans le répertoire moderne. C’est ainsi qu’on l’a vu successivement dans André Gérard, les Gens de théâtre, le Rocher de Sisyphe, la Bourse, etc. Appelé enfin au Théâtre-Français, il a été admis comme pensionnaire. Rue de Richelieu, il a repassé toute l’ancienne comédie et a créé ou repris divers rôles dans le Village, la Comédie à Ferney, On ne badine pas avec l’amour, Jean Baudry, la Maison de Pénarvan, le Gendre de M. Poirier, le Duc Job, etc. M. Barré est un comique dont les principales qualités sont la franchise et la rondeur. Il rend supérieurement la bêtise naïve et la narquoiserie paysanne de certains types. Malheureusement, les rôles qu’on lui permet d’aborder aux Français semblent moins favorables à son talent que ceux qui lui revenaient à l’Odéon. Il est à craindre que le séjour de notre scène ne soit funeste à son talent :

Tel brille au second rang qui s’éclipse au premier.

D’ailleurs, le théâtre contemporain est bien plus son fait que celui qui repose sur des traditions souvent redoutables pour un artiste qui puise ses inspirations dans son temps, et dans le milieu où il vit.

BARRÉ DE JALLAIS, administrateur, né à Chartres en 1772. Il était commissaire des guerres à Angers lorsque le premier consul, voulant pacifier la Vendée, remploya utilement à cet objet. Chargé par le général Hédouville de négocier avec le fameux abbé Bernier, il s’acquitta de cette mission délicate avec un plein succès, et contribua ainsi à ramener la paix dans ces malheureuses contrées. Il fut nommé ensuite sous-préfet, puis secrétaire général d’Eure-et-Loir. Il a publié, en 1815 : Essai sur l’industrie, les mœurs, l’administration et les besoins de la Vendée.

BARRÉ DE SAINT-LEU (Jean-Baptiste-Henri), brave officier de marine, né à Paris en 1768, fils d’un militaire que la maison d’Orléans avait fait gouverneur de Saint-Leu. Il entra jeune dans le service de mer, alla combattre pour l’indépendance des États-Unis, fut fait prisonnier par les Anglais, exerça divers commandements pendant la Révolution, fit partie de la campagne d’Égypte et de l’expédition de Saint-Domingue, et fut pris, en 1812, par les Anglais, avec le vaisseau le Rivoli, après un combat qui rendit sa défaite aussi glorieuse qu’une victoire. Il prit sa retraite en 1814, avec le grade de contre-amiral.

BARRÉ DE SAINT-VENANT (Jean), agronome, né à Niort en 1737, mort en 1810. Officier dans un régiment de cavalerie en garnison à Saint-Domingue, il fonda dans cette colonie un grand établissement agricole, fut nommé membre de la Société d’agriculture et du commerce, contribua à la fondation, au Cap, du cercle agricole et scientifique les Philadelphes, et revint se fixer, en 17S8, en France, où il continua à s’occuper d’agriculture. Saint-Domingue lui doit des améliorations utiles dans les méthodes de culture. Il a communiqué à la Société d’agriculture du département de la Seine des mémoires Sur le code rural et sur la possibilité de naturaliser, dans le midi de l’Europe, le coton, le café, la canne a sucre. Il se disposait à aller dans le royaume de Naples pour commencer des essais, lorsqu’il mourut. Il a laissé un ouvrage d’un grand intérêt : Des Colonies modernes sous la zone torride, et particulièrement de celle de Saint-Domingue (1802).

BARREAU s. m. (ba-ro— rad. ba’rre). Petite barre : Des barreaux de fer. Un gros barreau. Un barreau solide. Les barreaux d’une chaise, tl So dit particulièrement d’une petite barre de fer ou de bois qui. réunie à d’autres, forme avec elles une grille ou une clôture : Les barreaux d’un gril. Les barreaux d’une prison. Mais silence ! silence ! il me faut le temps de scier vos barreaux. (Alex. Dum.)

Il caressait son fils à travers les barreaux.

Lamartine.

Un noir cachot peut illustrer mes vers :
À ses barreaux je suspendrai ma lyre.

BÉRANGER.

Je veux, de haut en bas, faire attacher des grilles,
Et que de bons barreaux, larges comme la main,
Puissent servir d’obstacle & tout effort humain.

Regnard.

— Typogr. Levier au moyen duquel, dans une presse à bras, on met en mouvement la partie de la machine qui produit le foulage : Le barreau est fixé à la vis dans la presse en bois, et à la colonne dans la presse en fer. (***) Le barreau se compose d’une barre de fer recourbée à l’une de ses extrémités, celle par laquelle il est fixé à la.presse, et porte à l’autre un long manche de bois, par lequel l’ouvrier le fait mouvoir. (***)

— Techn. Outil du fabricant de pipes. Il Barreau de côtière, Barreau d’une grille qui porte les gonds de la porte, il Barreau de battement, Barreau de grille sur lequel la porte bat et où la serrure est fixée. Il Barreaux dormants, Nom donné, dans diverses industries, aux traverses do fer qui soutiennent la grille d’un fourneau. Il Barreaux à pique, Barreaux de grille qui dépassent la travée supérieure et se terminent par un fer de lance.

— Phys. Barreau aimanté, Barre d’acier dont on a fait un aimant artificiel : Un "barreau aimanté possède cette singulière propriété, qu’étant brisé en deux, chacune des deux parties séparées est elle-même un aimant possédant la polarité. (Becquerel.)

— Mar. Nom que l’on donne à deux petites barres d’acie : trempé, dur, poli et aimanté, chacune longue d’un pied, large d’un pouce et épaisse de six lignes, servant, en mer, à ranimer les aiguilles des compas, sans quo l’on soit obligé de les détacher de la rose.

BARREAU s. m. (ba-ro — rad. barre). Espace garni de bancs, réservé aux avocats dans les salles d’audience, et qui était autrefois fermé par une barre de bois ou do fer : L’avocat arriva chargé de dossiers et prit place au barreau. (***) Les avoués, lorsqu’ils ont à plaider, se placent au barreau comme les avocats. (Dalloz.)

…Si quelque exploit nouveau,
Chaque jour, comme moi, vous traînait au barreau.

Boileau.

— Par ext. Ordre entier des avocats, ensemble des personnes qui exercent cette profession : Le barreau occupe une grande place dans les pays libres. (***) On semble s’être fait, au barreau, un système de probabilités tout à fait commode pour les mauvais plaideurs. (Marmontel.) Par un rare privilège, le barreau avait eu les avantages des corporations, sans en avoir les inconvénients. (O. Pinard.) La cour d’assises, avec ses déchirements et son imprévu, avec ses angoisses et ses larmes, voilà ce qui a manqué à l’ancien barreau et ce qui a rapproché le barreau moderne des audiences tumultueuses de l’antiquité. (**") On sait, à quelques francs près, le tarif des aigles du barreau pour la même affaire ; c’est mille francs chez l’un, deux mille, trois mille chez l’autre. (L. Reybaud.)

Nous autres du barreau, nous sommes des gaillards.

Kequard.

|| Ordre des avocats d’un pays, d’une ville ou d’une juridiction : Le barreau romain. Le barreau français. Le barreau anglais. Le barreau de Paris. Le barreau de Rennes. L, e barreau du parlement de Bretagne. Le barreau français est à son apogée au xvie siècle. (Lherminier.) Grâce à moi, le jeune barreau de Caen donne de grandes espérances. (Fr. Soulié.) C’est l’avis de presque tous les journaux et barreaux de France. (T. Delord.)

|| Profession d’avocat ; exercice de cette profession ; pratiques, habitudes, langage propres au gens de cette profession : La carrière du barreau. L’éloquence du barreau. Le style du barreau. Le barreau était, à Rome, la grande candidature aux suffrages politiques de la multitude. (Lamart.) À peine sorti du collège, vous vouliez sur-le-champ embrasser la carrière du barreau. (Scribe.) Christophe faisait en ce moment ses études pour débuter au barreau, ce premier degré de la magistrature. (Balz.) Le barreau n’a jamais fait défaut à qui s’y consacre, avec le sentiment des devoirs, l’amour du travail, un vrai talent, du savoir. (Berryer.) Le barreau, de tous côtés, échappe aux avocats… Hélas ! hélas ! les dieux, les rois et les procès s’en vont. (Cormen.) Rien n’existe plus de cette éloquence du barreau qui avait jadis une forme, un caractère, une physionomie à soi. (Cormen.) On a dit que le barreau était sur la pente d’une décadence prochaine : nous n’en croyons rien. (J. Leberquier.)

Vous-êtes au barreau venu dans le bon temps.

Étienne.

Quoi ! vous avez souffert qu’on vous interloquât !

— Pourquoi donc de ce terme être si fort piquée 7 C’est un mot du barreau

Reonard.

Vous quittez le barreau pour le métier des armes ; C’est bien. Suivez, monsieur, votre nouvel état Un hussard aujourd’hui vaut bien un avocat.

Al. Duval.

— Encycl. Hist. polit. Le Grand Dictionnaire a déjà parlé du barreau, de son histoire comme institution judiciaire, et des règlements auxquels il est soumis (v. Avocat). Il lui reste a l’envisager comme institution sociale, à apprécier l’influence qu’à toutes les époques il a exercée sur la société civile et politique et & caractériser ce qu’il.est de nos jours. Ces notions seront complétées par uno courte excursion à l’étranger, et quelques lignes sur les phases que l’art oratoire, au barreau, a parcourues en France depuis trois siècles.

Il n’y a pas de barreau là où il n’existe pas de justice organisée et libre : pour qu’un certain nombre d’hommes se vouent à la défense des intérêts privés, H faut qu’ils trouvent dans les lois, ou tout au moins dans les mœurs, des garanties suffisantes d’indépendance et do liberté. De tout temps, il y a eu des avocats, en ce sens que, dans les sociétés les plus anciennes et les moins civilisées, l’orphelin dépouillé ou le malheureux déféré à la justice populaire ont pu, sans doute, appeler pour les défendre un parent ou un ami ; mais le barreau n’a pris naissance qu’à côté d’une magistrature régulière, parce qu’il emporte l’idée, non plus dun patronage accidentel, mais de l’exercice habituel d’une profession, parce qu’il n’y a pas de véritable magistrature sans reconnaissance expresse du droit de défense dont le barreau est le gardien-né. On peut donc dire que si le droit de défense est de toute époque et de tout pays, que s’il est, comme la justice elle-même, de droit naturel, il ne peut s’exercer sûrement et efficacement tant qu’il n’est pas proclamé par le droit posi sitif et conserve par des hommes qui se consacrent, par état, à l’invoquer devant les tribunaux.

Ce n’est pas assez, pour une société, de proclamer la liberté de la défense. Il peut sembler, au premier abord, que tous les intérêts sont saufs lorsque les justiciables ont le droit d’amener avec eux, à la barre, un défenseur éloquent, et que leur choix n’est limité par aucune loi ni aucun règlement ; toute restriction n’est-elle pas, en cette matière, en contradiction avec la proclamation du droit de défense ? L’expérience a montré que ce droit sacré, loin d’être compromis, était, au contraire, affermi, lorsqu’il était confié a la garde d’hommes liés entre eux par des obligations réciproques, investis d’ut) monopole à peu près exclusif, assujettis à fournir la preuve d’études sérieuses, soumis à une discipline sévère, et intéressés, dès lors, à lutter de probité et de savoir. C’est ainsi que le barreau est devenu une institution sociale, considérable par les garanties qu’elle offre aux citoyens appelés à se défendre devant les tribunaux, plus considérable encore, peut-être, par l’influence qu’elle exerce sur la société politique et civile. Les avocats apportent, en général, dans les relations de chaque jour et dans la part qu’ils prennent aux affairés publiques, un esprit do tolérance, un libéralisme intelligent, une rapidité de conception, une haine de l’arbitraire, une culture intellectuelle, une connaissance des hommes, qu’aucune autre profession ne donne à un tel degré. Qu’on joigne à ces qualités l’habitude de la discussion et de l’improvisation, une élocution facile, un débit chaleureux, et l’on comprendra que le barreau doit toujours tenir une grande place dans les pays où les citoyens ont, par eux-mêmes ou par des mandataires, le libre maniement, des intérêts publics. L’homme se livre volontiers à ceux dont la parole entraînante fait naître chez lui des impressions vives ; il aime l’éloquence, même quand elle s’égare, et ses plus belles fêtes sont aussi bien celles de la parole que celle de l’art ; et, si cette parole est au service d’idées généreuses, si eile proclame la nécessité de réformes libérales, elle trouve de l’écho dans tous les cœurs. On peut donc dire que celui qui arrive aux affaire publiques sans avoir passé par1 le barbeau fait forcément un plus rude et plus chanceux apprentissage. À moins d’être exceptionnellement doué, il se sentira, même avec d’heureuses