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l’armée tout entière s’ébranle et défile musique en tête.

Les maréchaux, les généraux, se pressent en cercle autour de lui : le général en chef dit tout bas un mot a l’oreille du plus proche :

Ce mot vole de bouche en bouche et résonne bientôt jusque dans les rangs les plus éloignés, le en de guerre est France ! le mot de ralliement est Sainte-Hélène !

C’est la grande revue que le César mort passe vers la douzième heure de la nuit dans les Champs élyséens. Zedlitz.

Trod. de M. N. Martin.

M. Alex. Dumas père a donné de cette ballade, composée dans un sentiment tout français, une poétique traduction.

Quand l’heure funèbre est venue, Que minuit tinte & l’unisson, Et que du bronze, dans la rue. S’est éteint le dernier frisson,

Soulevant de son front livide, La froide pierre du tombeau. S’éveille un tambour invalide Dans son uniforme en lambeau.

11 fait résonner sa baguette Sur la caisse au bruit sans pareil, Et de ses deux mains de squelette Avant le jour bat le réveil.

Soudain, aux roulements qui grondent Sur le fantastique tambour, Tous les vieux soldats lui répondent, Et se réveillent à leur tour.

Ceux qui, sur le sol italique. Dorment à l’ombre des lauriers ; Ceux que l’Espagne catholique Egorgea dans ses oliviers ;

Ceux que l’Égypte courroucée Sous BOn sable ardent calcina ; Ceux que dans son onde glacée Engloutit la Bérésina ;

Et tous, ainsi qu’aux jours d’alarmes Qui virent leurs combats géants, S’élancent, saisissant leurs armes. Hors de leurs sépulcres béants !

Alors les belliqueux squelettes Forment leurs sombres escadronB ; En téta marchent les trompettes Soufflant dans leurs muets clairons.

Voici, fourmillant don» les piques. Les lanciers aux habits pourprés ; "Voici les cuirassiers épiques Aux manteaux blancs, de sang marbrés ;

Voici les hussards qui menacent L’ennemi qu’ils vont disperser ; Voici les lourds dragons qui passent Sans qu’on les entende passer.

Puis ici les grenadiers mornes, Marchant toujours du même pas ; C’étaient ceux qui changeaient les bornes, Limites des anciens États ;

Ceux qui, dans les sanglantes fêtes, Traînant les rois par les cheveux. Changeaient les couronnes de tétés Quand le maître avait dit : Je veux.

Le maître, le voici, silence ! Du tombeau le dernier il sort ! Sur son cheval blanc il s’élance : Salut, César Imperator !

Redingote grise et râpée. Habit vert et petit chapeau, Au flanc gauche sa courte épée, Sur son front l’ombre d’un drapeau.

C’est lui, tel qu’à l’éclair des glaives Nos pères le virent passant. Et tel que nos fils dans leurs rêves Le verront toujours grandissant.

0 lune ! sors de ton nuage Et verse sur lui tes rayons ; L’Empereur au pâle visage Va manœuvrer ses bataillons.

« Halte, soldats ! présentez armes ! • 11 passe dans les rangs glacés, Et l’on voit se mouiller de larmes L’œil creux de tous ces trépassés.

Fuis, quand du centre à ses deux ailes César est las de galoper, Les rare» chefs restés fidèles Autour de lui vont se grouper.

Lors au plus proche capitaine Le mot d’ordre est par lui jeté, Et de rang en rang, dans la plaine A voix basse il est répété.

Mais qui peut sur l’avenir sombre Arrêter un regard certain ? — Austerlitz et "Wagraro, dit l’ombre, •— "Waterloo, répond le destin.

Parmi les ballades qu’a produites le génie poétique des Suédois et des Danois, nous citerons les trois suivantes :

LE CHATIMENT.

« Si toutes ces montagnes étaient de l’or, si toutes ces vagues étaient du vin, je donnerais tout cela pour toi, ma seule bien-aimée.

— Si ce que tu dis est vrai, si tu veux être mon bien-aimé, suis-moi dans la demeure de mon père, et demande-lui dignement ma main,

— J’ai été hier chez ton père : il m’a répondu non. Ma bien-aimée, ne prends conseil que de toi, et viens avec moi hors du pays.

— Si je ne prends conseil que de moi, et si ie te suis hors du pays, quand nous arriverons sur une terre étrangère, tu me tromperas certainement.

— Je ne tromperais pas le Christ attaché à la croix, et je te tromperai encore moins toimême. • Mais, quand ils furent dans un lieu étranger, l’infidèle choisit une autre fiancée.

Il prit son mouchoir, et, frappant la jeune fille au visage : ■ Pourquoi, lui dit-il, as-tu quitté ton pays avec un chevalier, avant qu’il fût uni a toiï

— Si je vis assez longtemps pour pouvoir surmonter ma douleur, je verrai le jour où tu viendras à moi pauvre et misérable.

Si j’arrive au temps où je surmonterai ma douleur, je te verrai venir, paralysé et aveugle, dans la demeure de mon père.

— Tu vivras assez longtemps pour surmonter ta douleur, mais pas assez pour me voir pauvre et misérable.

« Comment pourrais-je arriver paralysé et aveugle, dans la demeure de ton père ? J’ai une selle d’or pur et une bride d’argent brillant, i

Et, après sept jours et sept ans, Dieu écouta la prière de la jeune fille. À sa porte arrive un mendiant qui demande un morceau de pain.

«Levez-vous, mes fils, levez-vous ; soutenez votre père. Je me souviens bien encore des jours où il était mon bien-aimé.

■ Levez-vous, mes deux fils, levez-vous ; donnez du pain à votre père. Je me souviens bien encore des jours où il galopait sur une selle d’or rouge. •

Et la jeune femme prenant un mouchoir, et, le frappant doucement au visage : — Pourquoi as-tu quitté ton pays avec un chevalier, avant qu’il fût uni à toi ? dit-elle.

Trad. de Mahmier.

LA PUISSANCE DE LA DOULEUR.

La petite Christine et sa mère ont mis de l’or dans le cercueil. La petite Christine pleure son fiancé, qui est dans la* tombe.

Il frappe à la porte avec ses doigts légers. Lève-toi, petite Christine, et tire le verrou. »

La jeune fille se lève à la hâte et tire le verrou.

Elle le fait asseoir sur un coffre d’or ; elle lave ses pieds avec du vin pur.

Us se mettent au lit et causenMieaucoup, et ne dorment pas.

Les coqs commencent à chanter : les morts ne peuvent rester plus longtemps absents.

La jeune fille se lève, prend ses souliers et suit son ami à travers la longue forêt ;

Et quand ils arrivent au cimetière, les cheveux blonds du fiancé commencent à disparaître.

« Vois, jeune fille, comme la lune a rougi tout à coup : ainsi tout à coup disparaît ton bien-aimé. »

Elle s’assoit sur son tombeau, et dit : « Je resterai ici jusqu’à ce que le Seigneur m’appelle.

Alors elle entendit la voix de son fiancé, qui lui disait : à Petite Christine, retourne dans ta demeure.

Chaque fois que tu laisses tomber une larme, mon cercueil est plein de sang.

Chaque fois que ton cœur est gai, mon cercueil est plein de feuilles de roses. • Trad. Marmiek. »

LE RÉVEIL D’UNE MERE.

Dyring s’en va dans une île lointaine, et épouse une jeune fille. Ils vécurent sept tins ensemble, et sa femme lui donna sept enfants. Alors la mort passe par la contrée, et enlève la femme, si belle et si rose.

Dyring s’en va dans une île lointaine, épouse une autre jeune fille, et la ramène chez lui. Mais celle-ci était dure et méchante.

Quand elle entra dans la maison de son mari, les sept petits enfants pleuraient ; ils pleuraient, ils étaient inquiets.

Elle les repoussa du pied ; elle ne leur donna ni bière ni pain, et leur dit : a "Vous aurez faim et vous aurez soif. » Elle leur retira les coussins bleus, et leur dit : ■ Vous coucherez sur la paille toute nue. « Elle éteignit les grands flambeaux, et leur dit : « Vous resterez dans l’obscurité. »

Les enfants pleuraient le soir très-tard ; leur mère les entendit sous la terre où elle était couchée. ■ Oh 1 que ne puis-je, s’écriat-elle, m’en aller voir mes petits enfants ! »

Elle se présenta devant Dieu, et lui demanda la permission d’aller voir ses petits enfants. Elle pria tant, que Dieu se rendit à sa demande, « Mais quand le coq chantera, lui dit-il, tu ne resteras pas plus longtemps.»

Alors la pauvre mère se lève sur ses jambes fatiguées et franchit le mur du cimetière. Elle traverse le village, et les chiens hurlent en l’entendant passer.

Elle arrive à la porte de sa demeure ; sa fille aînée était là debout sur le seuil : • Que fais-tu là, mon enfant ? dit-elle. Comment vont tes frères et tes sœurs ?

— Vous êtes une belle grande dame, mais vous n’êtes pas ma mère chérie. Ma mère avait les joues blanches et roses, et vous êtes pâle comme une morte.

— Et comment pourrais-je être blanche et rose ? J’ai reposé dans le cercueil si longtemps ! »

Elle entre dans la chambre ; ses petits enfants étaient là avec des larmes sur les joues.

Elle en prend un et le peigne, puis tresse les cheveux à un autre, et en caresse un troisième et un quatrième ; le cinquième, elle le prend sur ses bras, et lui ouvre son sein.

Puis appelant sa fille aînée : « Va-t’en dire

à Dyring de venir ici. » Et quand Dyring parut, elle lui cria avec colère :

« Je t’ai laissé de la bière et du pain, et mes enfants ont faim et soif : ie t’ai laissé des coussins bleuSj et mes enfants couchent sur la paille nue ; je t’ai laissé de grands flambeaux, et mes enfants sont dans l’obscurité. S’il faut que je revienne ainsi souvent le soir, il t’en arrivera malheur. Maintenant, voilà que le coq rouge chante ; tous les morts doivent rentrer en terre. Maintenant, voilà que le coq noir chante ; les portes du ciel s’ouvrent. Maintenant, voilà que le coq blanc chante ; je ne peux rester plus longtemps, p , Alors la belle-mère s’écria : » Je veux désormais être bonne pour tes enfants. »

Et depuis ce jour, dès que le mari et la femme entendaient gronder le chien, ils donnaient de la bière et du pain aux enfants ; et dès qu’ils l’entendaient aboyer, ils se sauraient, de peur de voir apparaître la morte. Trad. de Marmier.

Un poète français û mis en vers cette charmante ballade :

Bans une lie lointaine. Voyageant vers le soir, Au bord d’une fontaine Dyring alla s’asseoir.

Près de l’eau qui ruisselle Christel vint reposer ; Dyring la trouva belle, Il voulut l’épouseV.

Ensemble, en un village, Ils vécurent sept ans, Et de leur mariage Ils eurent sept enfants.

Mais las ! la mort jalouse Entra dans la maison, Et moissonna l’épouse En sa jeune saison.

Dans une île lointaine, Voyageant vers le soir, Au bord d’une fontaine Dyring alla s’asseoir.

Près de l’eau qui ruisselle Brunhil vint reposer ; Dyring la trouva belle. Il voulut l’épouser.

Elle devint sa femme ; Mais Brunhil, par malheur, ■ Était bien grande dame. Avait bien mauvais cœur.

Quand elle entra, hautaine, Sous le toit de l’époux. Les sept enfants en peine Priaient h. deux genoux.

Ils priaient devant l’âtre, Pleurant, c’était pitié ! La méchante marâtre Les repoussa du pied,

Et d’une voix cruelle Leur refusait du pain :

— Plus d’une fois, dit-elle, Vous aurez soif et faim.

Puis elle leur retire

Les coussins bleus du lit :

— La paille peut suffire ; L’édredon amollit.

Et de leur réduit sombre Eteignant le flambeau :

— Vous Testerez dans l’ombre Comme dans un tombeau.

Et les enfants en larmes Priaient bien tard, la nuit, Pleins de vagues alarmes, Tremblant au moindre bruit.

Ils appelaient leur mère. Elle se réveilla. Et de leurs pleurs, sous terre, Tout son corps se mouilla !

— Dieu ! quand leur voix m’appelle Au séjour des vivants.

Que ne puis-je, dit-elle, Aller voir mes enfants !

Ce cri perçant de mère Dans le ciel s’entendit, Et le bon Dieu le Père À ses vœux répondit :

— Pars à la nuit tombante, Va, mais sois de retour Avant que le coq chante Pour le lever du jour.

Alors la bonne mère. Ne perdant pas de temps, Franchit le cimetière, Chemine à travers champs.

Elle arrive au village, S’en va le long des murs ; Elle a bien du courage, Mais ses pas sont peu sûrs ;

Ses jambes sont peu fortes ; « Elle craint d’avancer :

Les chiens hurlent aux portes En l’entendant passer.

Au seuil de sa demeure, Grâce à Dieu, la voilà. Son aînée, à cette heure, Triste et seule était la.

— Que fais-tu là, ma fille, Les yeux rougis de pleurs ? Comment va ma famille, Tes frères et tes sœurs ?

— Vous êtes grande et belle ; Ma mère avait vos traits : Mais vous n’êtes pas elle,

3e voua reconnaîtrais.

Elle était rose et blanche. On l’aimait tout d’abord, Et vous, votre front penche, Pâle comme la mort.

— Et comment, ma colombe, Aurais-je un teint rosé ?

Si longtemps d’ans la tombe. Hélas ! j’ai reposé.

Elle entre dans la chambre Où pleuraient les enfants. Sur la paille, en décembre, L’un sur l’autre gisants.

A leurs cris son cœur saigne,

Elle s’approche d’eux ; q

Elle en prend un, le peigne.

Lui tresse les cheveux ;

De l’autre avec tendresse Slle sèche les pleurs ; Parle & tous, les caresse. Apaise leurs douleurs.

Et puis, appelant Claire :

— Claire, ma chère enfant, Va-t’en dire à ton père

De venir a l’instant.

Quand il parut, la mère :

— Je t’ai laissé du pain. Dit-elle avec colère,

Et mes enfants ont faim.

On les bat, on les raille, Ils ne peuvent dormir, Et sur des lits de paille Ils ne font-que gémir.

Ah ! lorsque la nuit tombe, S’il me faut, chaque soir, Dyring, quitter ma tombe. Pour remplir ton devoir,

Et si Brunhil, ta femme, Pour mes fils sans pitié, Des 6oins que je réclame Ne prend pas la moitié ;

Eh bien ! quand viendra l’heure De me séparer d’eux, Dans ma sombre demeure Vous me suivre* tous deux.

La marâtre frissonne À ces mots menaçants, Et dit : — Je serai bonne, Christel, pour tes enfants.

Et depuis ce jour-la, quand Dyring et sa femme Entendaient vers le soir les aboiements du chien ; Au foyer des enfante ils ranimaient la flamme, Cherchant avec effroi s’il ne leur manquait rien ; Et quand le chien hurlait plus fort devant la porte. Ils se sauvaient de peur de voir entrer la morte.

PÉCONTAL.


La Grèce moderne, la Valachie, l’Illyrie et la Russie elle-même ont aussi payé leur tribut au genre de la ballade. Voici plusieurs pièces qui ne sont pas indignes de figurer après toutes celles que nous avons déjà fait connaître :

CHANT DE TRÉBIZONDE.

La grande ville que l’empereur Constantin a fondée a eu des portiers traîtres, des gouverneurs peureux et un chien b.une qui a livré ses clefs.

Alors un oiseau, un bel oiseau s’échappa de la ville.

Et il avait une aile tachée de sang ; sous l’autre il portait un papier.écrit.

Et il ne s’arrêta ni dans la vigne, ni dans le jardin ; mais il alla se poser au pied d’un cyprès.

Mille patriarches et dix mille évêques sont venus ; aucun d’eux ne peut lire le papier, aucun ne peut le lire.

C’est Jannikas, le fils de la veuve, qui l’a lu : dès qu’il l’a lu, il a pleuré, et il a frappé sa poitrine.

Malheur à nous ! malheur à nous I II n’y a plus de Romanie 1 il n’y a plus de remparts ; il n’y a plus de trône ; il ny a plus d’église, ni de couvents.

Ils ont pris Sainte-Sophie et son grand monastère, qui avait quarante caloyers et soixante-cinq diacres servants, douze crécelles et dix-huit cloches.

11 y avait aussi mon amour caché derrière ses jalousies. J’ai parcouru le monde, j’ai fait le tour de la terre, et je n’ai pu trouver une fille qui valût celle-là, Ses yeuï tuaient ie pacha, ses sourcils le vizir, et ses regarda m’avaient assassiné, moi comme bien d’autres. Trad. de Marcellus.

LE KLEPHTE.

La nuit est noire sur les montagnes ; la neige tombe dans les ravins. Au milieu de la solitude et de l’obscurité, dans les défilés et dans les roches escarpées, le Klephte brandit son sabre. 11 porte la foudre nue dans sa main droite ; il a pour palais la montagne, pour abri le ciel, pour espérance sa carabine.

Les tyrans, pâles de crainte, fuient sa terrible èpée. Son pain est trempé de sa sueur. Il sait vivre avec honneur ; il sait mourir aussi.

La fourberie et l’injustice régnent dans l’univers. Les méchants ont la fortune. C’est ici, sur ces rochers qu’habite la vertu ignorée.

De grands marchands trafiquent des peuples, comme de troupeaux de brebis. Ils trahissent le monde et en rient. Ici les armes parlent seules dans nos vallées inaccessibles.

Allez, baisez les pieds devant lesquels les esclaves s’inclinent. Ici, sous ces rameaux verts, les Klephtes ne baisent que leur épée et la croix. *

Tu pleures, ma mère ; je pars. Si tu pries pour moi, je reviendrai. Je te prive d’un fils ; mais je ne puis pas vivre de la vie de l’esclavage.

■ Ne pleure pas, ô mes beaux yeux que j’aime 1 vos larmes me désespèrent. Je vis libre dans les montagnes, je veux mourir libre aussi. ■