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terminé de représentations données h un objet. Un objet est ce dont le concept réunit les éléments divers d’une intuition donnée. Or, toute réunion de représentations exige l’unité de la conscience dans la synthèse de ces représentations... la première connaissance de l’entendement pur, celle sur laquelle se fonde à son tour tout l’usage de cette faculté, et qui en même temps est entièrement indépendante de toutes les conditions de l’intuition, est donc le principe de l’unité synthétique et originaire de l’aperception. L’espace n’est que la forme de 1 intuition sensible extérieure, il n’est pas encore une connaissance ; il ne fait que donner pour une expérience possible les éléments divers de l’intuition à priori. Mais pour connaître quelque chose dans l’espace, par exemple, une ligne, il faut que je la tire, et qu’ainsi j’opère synthétiquement une liaison déterminée d’éléments divers donnés, de telle sorte que l’unité de cet acte soit en même temps l’unité de la conscience (dans le concept d’une ligne) et qu« je connaisse par là un certain objet (un espace déterminé). L’unité synthétique de la conscience est donc une condition objective de touie connaissance : non seulement j’en ai besoin pour connaître un objet, mais toute intuition ne peut devenir un objet pour moi

Su’au moyen de cette condition ; autrement, ans cette sjn thèse, le divers ne s’unirait pas en une même conscience. «

Entre Leibniz et Kant, il y a, au sujet de l’aperception, cette différence que Leibniz y voit simplement un degré supérieur de la perception, une perception éclairée et réfléchie, tandis que Kant la considère comme un fait complètement distinct de ceux de la sensibilité, comme le caractère propre et distinctif d’une faculté spéciale, l’entendement.

Sou.s le nom à’aperception pure, Vietur Cousin oppose la vue spontanée des choses k la connaissance réfléchie. Il croyait que, dans cette dernière, les principes rationnels n’étant et ne pouvant être considérés que par rapport au moi, ont par là même un caractère subjectif d’où résulte nécessairement le scepticisme en ontologie ; que, dans l’aperception pure, au contraire, la vérité se présente intimement unie à la raison et sous la forme d’une affirmation pure, spontanée, irréfléchie, où l’esprit peut se reposer avec une entière et absolue sécurité. L’aperception pure de Kant ne dépasse pas la sphère des phénomènes ; elle ne nous apprend rien de la substance du moi et de la substance des objets extérieurs. L'aperception pure de Cousin prétend passer du subjectif k l’objectif, et pénétrer dans le domaine de la substance et de l’absolu.

Maine de Biran appelait aperception interne immédiate la conscience que nous avons du moi comme force, comme pouvoir actif. Il tenait que l’aperception immédiate de cette force qui est moi sert de type exemplaire à toutes les notions générales et universelles de ciiuses, de forces, dont nous admettons l’existence réelle dans la nature. • Il n’y a point, dit-il, A’aperception interne d’une substance passive avec laquelle le moi ne fasse qu’un ; tout au contraire, la notion d’une substance ou d’un sujet d’attribution, d’un tout objectif constitué par un certain nombre de propriétés ou qualités inhérentes à ce sujet, et unies entre elles et k lui par ce lien substantiel que l’entendement conçoit, une telle notion, dis-je (quelque nécessaire et universelle qu’elle soit k l’esprit humain pour concevoir les choses et en parler), ne saurait être regardée comme immédiate, à moins qu’on ne mette l’objet avant le sujet ou qu’on ne cherche dans celui-là les conditions ou ie type exemplaire de l’existence ou de l’aperception interne de celui-ci. » L’aperception de Maine de Biran ne saisit pas directement, imrrédiatement l’âme telle qu’elle est en soi et comme substance, elle ne la saisit que comme cause, comme force, comme activité libre. Encore moins saisit-elle la substance des objets extérieurs ; l’esprit ne conçoit cette substance qu’en transportant en ces objets la notion de force que lui a donnée l’aperception immédiate de la force qui est le moi.

Aperception du corp* humain par In conscience (l’), par Alexis Bertrand (Paris, 1881. in-8°). L’auteur nous apprend qu’en cet ouvrage il a entrepris moins peut-être une étude de psychologie qu’une préface a la psychologie. Tandis que les physiologistes cherchant, dans le corps, l’âme et ses facultés, il cherche, lui, dans l’âute, le corps et ses fonctions. Ceux de nos savants qui étudient les systèmes nerveux et musculaire pensent faire occuper, pour ainsi dire, par le corps tout le domaine de l’âme ; et M. Bertrand prétend montrer que le corps est de la maison, que c’est dans l’âme seule qu’il est vraiment chez lui, vraiment lui-même.

Descartes et Leibniz avaient, selon M. Bertrand, creusé un abîme entre l’âme et le corps. Cet abîme, ils le comblaient, le premier ou plutôt ses disciples, par l’hypothèse des causes occasionnelles, le second par celle de l’harmonie préétablie. Le sens commun protestait, mais, entre les droits du sens commun et les hypothèses exigées par leurs systèmes, les philosophes n’hésitent guère. Avec Cabanis, Je sens commun reprit ses droits : bien que sa manière de concevoir les rapports du physique et du moral consi-tût à absorber le moral dans le physique, et k supprimer un

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des termes du rapport, il attira les recherches des philosophes sur un sujet neuf et fécond, et des théories plus profondes que la sienne ne tardèrent pas à se faire jour. C’est à Louis Peisse que revient l’honneur d’avoir posé nettement le problème. Jouffroy plaçait la vie hcirs de la conscience : il s’appliquait à séparer les deux sciences de l’homme. Peisse soutint, au contraire, que notre vie ne nous est pas étrangère et n’échappe pas entièrement à la conscience. Il distingua deux manières de conniiître le corps, l’une par le dehors ou objective, l’autre par le dedans ou subjective : c’était dire que la conscience nous renseigne sur la vie corporelle. Cette conscience de la vie, il l’appelle sens vital. Le sens vital de Peisse a été admis par Adolphe Gnrnier, par A. Lemoine et par Francisque Bouillier.

Tel est le court historique que présente M. Bertrand du sujet qu’il se propose de traiter. Il convient d’y relever une grave erreur en ce qui concerne Leibniz. Le reproche fait à ce philosophe de séparer l’âme du corps est absolument injuste. On peut s’étonner que l’auteur de l’A perception du corps humain s’en soit tenu à l’opinion vulgaire sur l’harmonie préétablie. Il aurait dû considérer que Leibniz, qui compose le corps de monades, n’avait nul besoin de combler l’abîme existant entre deux substances de nature différente, mais qu’il voulait simplement opposer le rapport d’harmonie de ses monades ions fenêtres à la conception ordinaire de la causalité transitive.

L’ouvrage de M.Alexis Bertrand est divisé en cinq parties, subdivisées elles-mêmes en chapitres. Dans la première partie, l’auteur re.-herche s’il peut y avoir une physiologie subjective, une connaissance du corps humain par le dedans. Il prend pour idée directrice en cette recherche la théorie biranienne de l’effort. « Que l’effort soit senti et conscient, dit-il, ou bien obscur et inconscient, il est certain qu’il y a une sorte de tonicité non seulement de certains muscles, mais du corps entier, tonicité constante qui le révèle à la conscience la moins attentive et la moins perspicace, et l’impose, pour ainsi parler, k l’homme le plus distrait et au philosophe le plus dégagé de la matière. Supprimez le pouvoir moteur, l’effort k la fois immanent et transitif, vous anéantissez cette tonicité organique, image dans le corps de l’activité indéfectible de l’âme, et, du même coup, vous supprimez tout retentissement de la vie dans l’âme, toute aperception du corps par la conscience. Une âme sans activité transitive et une âme dont l’activité serait indifférente à telle ou telle direction qu’on lui imprimerait seraient également impuissantes k sentir et à percevoir les corps auxquels elles seraient unies. Tout effort suppose une résistance, et, comme dit Maine de Biran, un terme de déploiement ; c’est, sans doute, le vague sentiment de cette importante vérité qui inclinait Leibniz à croire qu’il n’y a pas, pour l’âme, d’existence entièrement séparée de toute matérialité et affranchie de tout organisme. » Dans la physiologie subjective ou connaissance du corps par le dedans, M. Bertrand distingue trois sortes d’aperceptions ou de sens : le sens de la vie, le sens de l’activité des organes sensoriels, le sens de l’effort musculaire. Il désigne par les mots de statique, de dynamique et de cinématique subjectives ces trois parties de la physiologie subjective. La deuxième, la troisième et la quatrième partie du livre sont consacrées à cette statique, à celte dynamique et à cette cinématique subjectives. La cinquième a pour objet la connaissance du moi réel.

Maine de Biran avait montré que la conscience perçoit l’être en soi, non pas l’être abstrait dépouillé de ses phénomènes et séparé de son activité, mais le moi réel et agissant : il avait commencé une révolution. Disciple de Maine de Biran, M. Bertrand continue cette révolution. Mettant à profit toutes les observations des physiologistes et des médecins, il aborde les problèmes des localisations sensorielles e.t cérébrales, de la détermination subjective, de la topographie intérieure du corps humain, de l’origine et de l’élaboration de la notion d’étendue, des hallucinations, du dédoublement apparent de la personnalité et

du libre-arbitre. Il admet non l’animisme de Stahl, mais un animisme polyzoïste. Raisonnant par analogie, il montre que tous les éléments du corps humain doivent être considérés comme pénétrés de sensation et de conscience, qu’ils participent de la force vitale, qu’ils sont eux-mêmes des forces vitales. Traitant de la localisation des sensations, il établit que l’étendue physiologique n’est circonscrite et dirigée par aucun de nos cinq sens, mais bien par le sens du corps, ûjiii dresse, en combinant la sensation et 1 effort, la carte topographique du corps humain, et, de cette manière, extériorise et se rend sensible le type que l’âme porte en elle-même. Après avoir parlé du pouvoir moteur et des actions réflexes, des centres encéphaliques des organes des sens, et des centres moteurs cérébraux, après avoir discuté et comparé les diverses théories proposées, il conclut k la nécessité d’une faculté synthétique pour mettre de l’unité et de l’harmonie dans l’activité cérébrale. Ce n’est pas une vaine entité, puisqu’elle prouve sa réalité par son action ; ce n’est pas une cause inconnue de phénomènes connus, puisqu’elle a

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conscience de son action. Le cerveau centralise, mais c’est un principe supérieur au cerveau, l’âme, qui synthétise et unifie.

Résumons la doctrine de M. Bertrand. L’âme, en connaissant son corps, n’a pas conscience du non-moi, mais de sa propre activité ; elle connaît son corps, parce qu’elle le produit ; le corps est une habitude de l’âme, il est sa manière dans le temps et l’espace. L’âme n’est jamais passive, elle agit ou réagit ; ce que nous appelons passivité n’est qu’une moindre action ; connaître, c’est agir, c’est vouloir. L’âme ne bâtit pas son corps avec des matériaux inertes, mais avec des matériaux vivants et qui concourent d’eux-mêmes à l’œuvre. ■ Ce serait, dit l’auteur, un étrange spectacle et bien propre k déconcerter toutes nos idées, que de voir une chaumière se transformer d’elle-même, par une série de changements successifs, et devenir un magnifique palais : telle est pourtant l’histoire de notre propre corps. «

Deux difficultés surgissent : comment l’âme rnétendue peut-elle agir sur le corps étendu ? Et quelle est la nature de cette action ? M. Bertrand résout la première difficulté, en réduisant l’étendue physiologique k un simple phénomène, k une apparence, à une illusion. L’étendue intérieure n’est, pour lui, que la forme subjective du sens de l’effort immanent. Ainsi le problème : comment l’âme inétendue agit-elle sur le corps étendu ? se trouve transformé en celui-ci : comment l’âme agit-elle sur d’autres âmes ? La réalité du mouvement consiste uniquement dans le changement d’orientation des activités internes. Quand l’âme agit sur le corps, soit pour le mouvoir, soit pour régler la vie organique, elle ne fait qu’orienter des activités déjà existantes. Elle agit sur les éléments vitaux du corps comme cause finale, par une espèce d’attraction semblable à celle qu’exerce une intelligence supérieure sur une intelligence inférieure, semblable k celle que le Dieu d’Aristote exerce sur la nature. L’animisme polyzoïste substitue tout naturellement cette action attractive de l’âme k l’action mécanique et impulsive que supposait l’ancien animisme. . • L’ancien animisme, dit M. Bertrand, concentrait exclusivement la vie dans l’âme, revenait au mécanisme par une voie détournée et consentait k peine, par une sorte d’inconséquence, à reconnaître que l’âme s’incorpore dans les organes. Expliquer l’action de 1 âme sur le corps par la puissance du supérieur sur l’inférieur eût été pour lui une manifeste inconséquence ou une solution purement verbale. Nous connaissons, par expérience, l’action d’une âme sur d’autres âmes, mais nulle expérience ne nous montre l’action d’une âme sur la matière inanimée : les pierres ne se rangent plus en murailles, dociles à la pensée, et transportées par les accents de la lyre. Mais si les moi partiels sont analogues au moi véritable et constituent de véritables animaux doués de sensibilité et de conscience, l’hétérogénéité disparaît et l’explication devient non seulement acceptable, mais vraisemblable. »

Nous terminerons par cette remarque, que M. Bertrand, qui s’est proposé, en son ouvrage, de continuer de développer la révolution commencée par Maine de Biran dans la science des rapports du physique et du moral, s’est, en réalité, engagé dans la voie philosophique tracée par Leibniz. II est, sans paraître le savoir, bien plus disciple de Leibniz que de Maine de Biran. Qu’est-ce que sa puissance attractive du supérieur sur 1 inférieur, son action de l’âme comme cause finale sur les éléments vitaux, sinon l’harmonie qu’établit Leibniz entre l’âme, monade supérieure et centrale, et les monades inférieures constitutives du corps ? Parti du sens vital de Peisse et de la théorie de l’effurt de Maine de Biran, M. Bertrand a été conduit par ses méditations sur les travaux physiologiques contemporains, à l’animisme polyzoïste, qui n’est qu’un autre nom du monadisme. APÉRITIF s. m.—Méd. Médicament, et par extension, boisson alcoolique dont l’absorption, avant le repas, doit provoquer l’appétit.

— Encycl. L’inappétence est, en général, la conséquence d’un état morbide, ou bien elle coïncide avec une période d’accroissement d’une maladie : dans ces cas, l’estomac, conservant les matières qui y ont été introduites, ne saurait avant leur évacuation en recevoir d’autres. Ce n’est certes pas l’absorption, un quart d’heure ou une demi-heure avant le repas, d’une liqueur quelconque qui précipitera cette évacuation. Souvent encore l’inappétence est due k des sécrétions qui obturent les papilles de la langue, et enlèvent ainsi aux aliments toute saveur. Il y a lieu alors de procéder simplement k une opération mécanique, à un lavage des organes pour les débarrasser de cet enduit. Les seuls apéritifs réellement efficaces sont les procédés hygiéniques qui activent le fonctionnement de l’appareil digestif, et augmentent le chiffre des pertes de l’économie par combustion, pertes que doit réparer l’alimentation ; tels sont l’hydrothérapie, la sudation, la promenade, l’exercice, etc., mais alors le facteur temps joue un grand rôle. Quelquefois cependant, a la suite d’une longue maladie, une diète persistante ou le mauvais état des voies digestives ont amené une inappétence réelle, une sorte de désassuétude des aliments, et

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l’on peut alors avoir recours k certaines matières d’origine végétale, dont l’amertume réveillera le fonctionnement de l’organisme ; par exemple, le quinquina, la gentiane, la centaurée, la quassia amara, le columbo, le simarouba, le houblon, la camomille, l’aulnée, la germandrée, etc. Mais pour être réellement apéritives, ces substances doivent être employées sans association d’alcool ; on mêlera, par exemple, au vin de ses repas une décoction froide de houblon ; on fera macérer dans une carafe d’eau un nouet de mousseline contenant de la rhubarbe concassée, ou encore on délayera 4 grammes de rhubarbe et 4 grammes d’écorces d’oranges amères dans 250 grammes d’eau, dont on boira en mangeant. La noix vomique et la fève de Saint-Ignace sont également des apéritifs médicamenteux ; on peut prendre chaque jour,

avant le repas, pour stimuler l’appétit, une ou deux pilules composées de 0 gr. 01 d’extrait alcoolique de noix vomique et o gr. l d’extrait de gentiane. Mais on devra éviter la forme sirupeuse, le sucre émoussant l’appétence pour les aliments réparateurs.

Les distillateurs, perdant de vue ces données exactes, ont combiné les herbes avec des liqueurs sucrées et alcooliques, dont le premier effet était de masquer l’amertume du mélange, mais en annihilant les vertus apéritives. Les apéritifs les plus répandus, Yabsinthe, les vermouts, tes amers, le bitter ou amer hollandais sont une combinaison de mixtures alcooliques d’absinthe ou de curaçao, écorce d’une espèce d’orange. Les alcools dans lesquels on fait infuser ces matières sont tous de qualité inférieure et renferment des alcools homologues, dont la toxicité est plus grande que celle de l’alcool ordinaire (v. alcool). Tous ces alcools, nous le répétons, entrent dans les essences qui donnent aux apéritifs leur saveur particulière.

Dans tous ces pseudo-apéritifs, ce n’est pas l’alcool seul qui est funeste, mais encore l’absinthe. Ce fait a été parfaitement démontré par les travaux des docteurs Magnan, Challand et Macé. Étant données, en effet, deux coupes d’eau contenant chacune des poissons vivants, six gouttes d’essence d’absinthe, versées dans Une de Ces coupes, tueront plus vite les poissons que la même quantité d’acide prussique versée dans l’autre. La liqueur dite absinthe commune renferme de l’alcool k 40 pour 100 ; l’absinthe suisse, de l’alcool k 70 pour 100 : celle-ci est donc plus funeste ; mais le rapport entre la consommation des deux produits est de 4 litres d’absinthe suisse pour 1 litre d’absinthe commune. L’absinthe de Pontailier et celle de Alontpelliercontiennentîkilogr. 5 de feuilles d’absinthe

pour 1 hectolitre de liquide ; celle de Kougerolles, 2 kilogr. 10 ; celle de Lyon, 3 kilogr. ; celle de Besançon, 4 kilogr. L’absinthe de Fougerolles renferme, en outre, pour 600 litres de liqueur, de 45 kilogr, d’unis vert et 25 kilogr. de fenouil de Florence. L’anis doit faire blanchir le liquide, le fenouil corriger la saveur de l’anis et donner du montant ; la couleur verte est obtenue par une addition d’hysope et de mélisse. Mais, seuls, les fabricants honnêtes colorent l’absinthe avec du jus de mélisse, d’hysope ou d’ortie ; les autres ont recours au curcuma, à l’indigo, au t bleu éteint », terme qui déguise le sulfate de cuivre ou le vert-de-gris ; ces substances diverses doivent donner, sous l’action de l’eau, le précipité opalescent qui caractérise l’absinthe.

Pour éviter les droits qui frappent l’absint he, on a débité, sous des noms divers, des apéritifs dont cette plante constitue la partie active. Tel est le vulnéraire suisse, qui a joui d’une grande vogue vers 1876 ; il se compose de 60 litres d^tlcool k 80°, dans lequel on a fait infuser, avant distillation, 1 kilogr. de feuilles d’absinthe, de l’angélique, du basilic, du mélilot, de la mélisse, de la menthe, de la marjolaine, du calamus aromaticus, du fenouil, de l’hysope, de la lavaode, de. l’origan, du romarin, de la rue, de la sarriette, de la sauge, du serpolet et du thym. Le vermout lui-même, dont le goût est cependant tout différent de celui de l’absinthe, est k base d’absinthe ; il se compose pour 100 litres, da 95 litres de vin blanc doux et 5 litres d’alcool k 85<>, mélange dans lequel on fuit infuser : 125 grammes de grande absinthe, 60 grammes de gentiane, 60 grammes de racine d’angélique, 125 grammes de chardon bénit,

125 grammes de calamus aromaticus, 125 grammes d’année, 125 grammes de petite centaurée, 125grammes de germandrée, 15 grammes de muscade et 6 oranges découpées en tranches. La teneur en alcool absolu des vermouts français varie de 17 k 18 pour 100 ; celui deBreslauen contientde39k40pounoo. Les vins qui servent & les préparer sont presque toujours piqués ou plâtrés, et les herbes qui les aromatisent sont aussi et forcément toujours avariées, par suite du temps qui s’écoule entre leur récolte et leur emploi. Il faut souvent avoir recours k l’acide sulfurique ou k l’acide chlorhydrique pour masquer leur mauvais goût. Le vermout amène donc en peu de temps des désordres dans les fonctions digestives, moins vite toutefois que l’absinthe. Les observations les plus minutieuses faites sur ce sujet ont prouvé que des individus absorbant de 1/8 de litre a l litre de vermout chaque jour, pendant un laps de temps variant de trois ans a un an, étaient tous atteints de gastralgie.