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cause, l’augmentation de liberté et de bienêtre qu’il doit y trouver, Rousseau n’en a compris et respecté aucune ? »

Il convient d’ajouter qu’à la négation de l’Ktat ou de l’autorité politique, Proudhon joignait, non seulement la négation du capital ou pour mieux dire des droits du capital, mais encore la négation de Dieu. An-archie, anticapitalisme, antithéisme, étaient choses liées dans son système. Il pensait que les idées de Dieu, d’État et de productivité du capital étaient inséparablement associées et se soutenaient mutuellement, pour réaliser Vûn-archie, pour faire du contrat social une vérité, il importait, dans l’ordre intellectuel et théorique, de débarrasser les esprits du concept de la divinité, sur lequel avait toujours reposé l’autorité politique, non moins que d’organiser, dans l’ordre temporel et pratique, la garantie de la circulation et la mutualité du crédit. Cette trilogie do négations caractérise la secte anarchiste, qui l’a empruntée à Proudhon, et qui par la se rattache au socialisme mutuelliste.

II. L’anarchisme de Buknunine. L’école ou secte anarchiste doit ses principales formules à Proudhon, qui en peut être considéré comme le premier père. Mais les formules de Proudhon se présentaient avec un caractère scientifique et, peut-on dire, pacifique. Les moyens par lesquels il prétendait marcher au but anarchiste n’avaient rien de contraire à la morale universelle. Ce n’était pas, on l’a vu, dans l’État que Proudhon plaçait la première source du mal social ; c’était dans la productivité du capital. Ce n’était pas dans l’abolition de l’État qu’il voyait le remède ; c’était dans l’organisation du crédit gratuit ; l’abolition de l’État devait être lit conséquence naturelle et heureuse d’un ordre économique nouveau ; mais il n’était, à ses

f’eux, nullement besoin de violence pour réaiser cet ordre économique.

Tout autres sont les idées qui ont prévalu dans l’école anarchiste, tout autres les voies et moyens qu’elle préconise. On peut dire qu’elle a poussé le principe immoral de la souveraineté du but à toutes ses conséquences, qu’elle en a étendu les applications sans le moindre scrupule, au point de détruire non seulement toute morale politique, mais même toute morale privée. Pour la première fois dans l’histoire, on a vu le crime, non le crime politique, mais le crime de droit commun, conseillé et employé systématiquement comme moyen de rénovation

sociale. Pour la première fois, une secte révolutionnaire a paru ressembler entièrement,

non par les intentions sans doute, mais par les actes et extérieurement, k une société de malfaiteurs. Celte conception de l’anarchisme n’est pus française ; elle nous est venue de Russie. Elle est le produit de ce pessimisme mystique qui a pris en Russie le nom de nihilisme. Rien de plus opposé à l’optimisme progressiste de Proudhon.

Le Russe Bakounine (v. ce nom, aux tomes II et XVI de Grand Dictionnaire) doit être regardé comme le second père de l’école anarchiste. C’est lui qui lui a inspiré l’esprit de violence dont elle est animée, qui l’a organisée en une secte, en un parti de guerre sociale et de destruction universelle. Grâce à lui, le mot anarchie, sur lequel jouait Proudhon, a été pris au sens propre de « désordre » et accepté avec ce sens comme le dernier mot du socialisme révolutionnaire. Faisons connaître la vie, l’action révolutionnaire et les idées de Bakounine.

Bakounine, dont la famille appartient à l’aristocratie russe, rit ses études k l’école d’artillerie de Saint-Pétersbourg et entra au service comme officier. Séjournant dans les provinces polonaises avec sa batterie, la vue ilu régime de compression à outrance auquel elles étaient soumises fit pénétrer dans son cœur la haine du despotisme. Il donna sa démission et vint se fixer k Moscou, où il étudia la philosophie avec Belinsky. Vers 1846, il se rendit en Allemagne. Les idées hégéliennes le séduisirent ; il se jeta dans l’extrême gauche de cette école où fermentait alors un puissant levain révolutionnaire. En 1847, il vint à Paris où il rencontra George Sand et Proudhon, Mais il futexpulsé, probablement k cause de la violence de ses discours. Revenu en Allemagne, il prit une part active aux insurrections qui éclatèrent alors de divers côtés, et, au printemps de 1849, il fut l’un des chefs de celle de Dresde lui occupa la ville pendant trois jours. Il fut ait prisonnier et condamné à mort. Cette peine ayant été commuée en celle de la détention perpétuelle, il la subit d’abord dans une forteresse autrichienne. Réclamé par la Russie, il fut enfermé dans le fort de Pétropanlowsk, k Saint-Pétersbourg. Il y resta huit ans. Alexandre II commua la détention perpétuelle en un exil en Sibérie, où Bakounine arriva en 1857. Il y trouva comme gouverneur un de ses parents, et jouit ainsi, fiaralt-il, de faveurs exceptionnelles et d’une iberté complète. Il en profita pour s’échapper de Sibérie et venir en Europe. Il avait obtenu l’autorisation de visiter toute la Sibérie pour en faire connaître les ressources. Arrivé au port de Nikolaiefak, il parvint a s’embarquer, et par le Japon et l’Amérique arriva en Angleterre en 1861. Il écrivit dans le fameux journal « le Kolokol », que rédigeaient Herzen et Ogaref. Lors de l’insurrection de Pologne, en 1863, il voulut se

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rendre en Lithuanie pour y soulever les paysans, mais il ne put aller plus loin que Malinœ, en Suède. Bientôt après, vers 1865, nous le voyons, en Italie, fomenter et organiser le Socialisme. Vers 1867, il se fit élire membre du comité permanent de la Ligue de la paix et de la liberté. En 1869, il proposa au congrès de cette ligue, réuni à Berne sous la présidence de Victor Hugo, d’adhérer à un programme communiste qui reposait sur l’égalisation économique et sociale des classes. Quatre-vingts voix se prononcèrent contre cette proposition. Les trente membres de la minorité, a la tête de laquelle se trouvait Bakounine, se réunirent ensuite k Genève. Les principaux étaient MM. Gambuzzi, Fanelli, Jaclard, Elisée Reclus, Joukowski. M. Jaclard, un des disciples deBlanqui, proposa de fonder une nouvelle association. On décida de se grouper sous la dénomination d’Alliance de la démocratie socialiste.

Un extrait du programme de cette société fera apprécier ses tendances. L’ ■ Alliance ■ se déclare athée. Elle veut l’abolition entière et définitive des classes, et l’égalisation politique, économique et sociale des deux sexes. Elle veut que la terre, les instruments du travail, comme tout autre capital, devenant la propriété de la société collective tout entière, ne puissent être utilisés que par les travailleurs, c’est-à-dire par les associations agricoles et industrielles. Elle reconnaît que tous les États politiques et autoritaires, actuellement existants, devront disparaître

dans l’union universelle des associations libres. » •

L’< Alliance de la démocratie socialiste » était une société à moitié publique et k moitié secrète. Elle avait trois degrés d’adhérents ; au degré le plus élevé les Frères internationaux ; au second degré les Frères nationaux, enfin les membres de l’Alliance publique. Les Frères internationaux, au nombre de cent, formaient le Sacré-Collège. Ils étaient dirigés par un comité central. Voici quelques extraies des statuts : « Les Frères internationaux n’ont d’autre patrie que la Révolution universelle, d’autre pays étranger ni d’autre ennemi que la réaction. Tousles Frères internationaux se connaissent. Il ne doit jamais exister de secret politique entre eux. Aucun ne pourra faire partie d’une société secrète quelconquemsans le consentement positif de son comité.etau besoin, quand celui-ci l’exige, sans celui du comité central. Et il ne pourra en faire partie que sous la condition de leur découvrir tous les secrets qui pourraient les intéresser soit directement, soit indirectement. Chacun doit être sacré pour tous les autres, plus sacré qu’un frère de naissance. • Les Frères nationaux étaient désignés par les Frères internationaux pour préparer la révolution dans chaque pays d’une façon indépendante. Ils ne devaient pas soupçonner l’existence d’une organisation internationale. Les statuts réglaient avec précision le mécanisme secret de cette organisation.

Le but poursuivi par 1’» Alliance > était ce que Bakounine appelait * l’amorphisme, la pandestruction ». Le voici, tel qu’il est formulé dans le programme : « L’association des Frères internationaux veut la révolution universelle, sociale, philosophique, économique et politique k la fois, afin que de l’ordre des choses actuel, fondé sur la propriété, sur l’exploitation, sur les principes de l’autorité, soit religieuse, soit métaphysique, bourgeoisement doctrinaire ou même jacobinement révolutionnaire, il ne reste pas pierre sur pierre, dans toute l’Europe d’abord, et ensuite dans le reste du monde. Au cri de : « Paix aux travailleurs ! liberté à tous les opprimés 1 » et, de « Mort aux dominateurs, exploiteurs et tuteurs de toute sorte [ » nous voulons détruire tous les États et toutes les Églises, avec toutes leurs institutions et leurs lois religieuses, politiques, juridiques, financières, policières, universitaires, économiques et sociales, afin que tous ces millions de pauvres êtres humains, trompés, asservis, tourmentés, exploités, enfin délivrés de tous leurs directeurs et bienfaiteurs officiels et officieux, associations ou individus, respirent désormais avec une complète liberté. »

Selon Bakounine, l’homme, le travailleur surtout, est écrasé par l’immense superstructure de l’édifice social qu’ont élevée des siècles : comment le délivrer ? Il n’y a qu’un moyen : il faut jeter tout kbas et tout raser a niveau du sol. Il faut tout détruire a pour produire l’amorphisme parfait» ; car si une seule forme ancienne était conservée, • elle deviendrait l’embryon d’où renaîtraient toutes les anciennes iniquités sociales ». Mais, l’amorphisme produit, la pandestruction opérée, quel sera le lien social ? Comment sera organisée la production ? Comment sera réglée la répartition des produits ? Quelles institutions remplaceront les institutions détruites ? Proudhon ne répondait pas d’une manière bien précise à ces questions ; mais enfin il s’efforçait d’y répondre. « Ce que nous mettons, disait-il, à la place du gouvernement, c’est l’organisation industrielle. Ce que nous mettons k la place des lois, ce sont les contrats. Ce que nous mettons k la place des anciennes classes de citoyens, noblesse et roture, bourgeoisie et prolétariat, ce sont les catégories et spécialités de fonctions, agriculture, industrie, commerce, etc. » Quant k

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Bakounine, il ne se préoccupe nullement de la société de l’avenir. Il fait même un crime de chercher k prévoir quelle en sera l’organisation. « Tous les raisonnements sur l’avenir sont criminels, dit-il, parce qu’ils empêchent la destruction pure et entravent la marche de la révolution. •

Dans ses Paroles adressées aux étudiants russes, Bakounine s’élève contre la science et l’instruction, et vante « la sainte et salutaire ignorance ». Il veut que les étudiants quittent les écoles et les universités et qu’ils vivent avec le peuple afin de favoriser sa délivrance. ■ Ne vous souciez pas, leur dit-il, de cette vaine science au nom de laquelle on veut vous lier les mains >, et il ajoute : Le brigand est le vrai héros, le vengeur populaire, l’ennemi irréconciliable de l’État, le véritable révolutionnaire en action, sans phrase et sans rhétorique puisée dans les livres. »

Dans une autre feuille volante, imprimée k Genève, en russe, pour la Russie, et intitulée : les Principes de la révolution, Bakounine indique les moyens à employer pour tout abattre et fonder l’amorphisme. • N’admettant, dit-il, aucune autre activité que celle de la destruction, nous déclarons que les formes dans lesquelles doit s’exprimer cette activité peuvent être extrêmement variées : poison, poignard, nœud coulant. La révolution sanctifie tout sans distinction ■. Pour arriver k la pandestruction, il prescrit « une série d’attentats et d’entreprises audacieuses, insensées, épouvantant les puissants et réveillant le peuple, jusqu’à ce qu’il ait foi dans le triomphe de la révolution ■. C’est ce programme infernal que l’on a vu appliquer en Russie par la secte nihiliste. L’organisation de cette secte est due k Bakounine : il l’a formulée dans le Catéchisme révolutionnaire, écrit en chiffres, mais dont l’accusateur public a donné lecture dans la séance du procès Netchaïef, 8 juillet 1871. En voici quelques extraits :

■ Le révolutionnaire est un homme voué. Il ne doit avoir ni intérêts personnels, ni affaires, ni sentiments, ni propriété. Il doit s’absorber tout entier dans un senfintéiêt exclusif, dans une seule pensée et une seule passion : la révolution... Il n’a qu’un but, qu’une science, la destruction. Pour cela, et rien que pour cela, il étudie la mécanique, la physique, la chimie et parfois la médecine. Il observe, dans le même dessein, les hommes, les caractères, les positions et toutes les conditions de l’ordre social. Il méprise et hait la morale actuelle. Pour lui, tout est moral qui favorise le triomphe de la révolution, tout est immoral et criminel qui l’entrave... Entre lui et la société il y a lutte, et lutte k mort, incessante, irréconciliable. Il doit se préparer k mourir, k supporter la torture et à faire périr, de ses propres mains, tous ceux qui font obstacle k la révolution. Tant pis pour lui s’il a dans ce monde des liens de parenté, d’amitié ou d’amour I II n’est pas un vrai révolutionnaire si ces attachements arrêtent son bras. Cependant il doit vivre au milieu de la société, feignant d’être ce qu’il n’est pas. Il doit pénétrer partout, dans la haute classe comme dans la moyenne, dans la boutique du marchand, dans 1 église, dans les bureaux, dans l’armée, dans le monde littéraire, dans la police secrète et même dans le palais impérial. Il faut dresser la liste de ceux qui sont condamnés k mort et les expédier d après l’ordre de leur malfaisance relative. Un nouveau membre ne peut être reçu dans l’association qu’à l’unanimité et après avoir fait ses preuves, non en paroles, mais en action. Chaque compagnon doit avoir sous la main plusieurs révolutionnaires du second ou du troisième degré, non entièrement initiés. Il doit les considérer comme une partie du capital révolutionnaire mis k sa disposition et il doit les dépenser économiquement et de façon à en tirer tout le profit possible. L’élément le plus précieux, ce sont les femmes complètement initiées et qui acceptent notre programme tout entier. Sans leur concours, nous ne pouvons rien faire ».

Les citations qui précèdent montrent clairement la but anarchiste poursuivi par Bakounine. Revenons maintenant kl’» Alliance de la démocratie socialiste ». L’ambition de Bakounine était d’entrer dans l’Internationale dont Karl Marx était le chef, de dominer cette société, d’y faire prévaloir son influence et ses vues anarchistes sur l’influence et les idées de dictature et décentralisation du socialiste allemand. C’est dans ce dessein qu’il avait fondé l’Alliance.

Les premiers adhérents de l’Alliance furent quelques Italiens et les Russes de Genève. Peu k peu, quelques jeunes Suisses. MM. lames Guillaume et Schwitzguebeï, qui subirent complètement l’ascendant de Bakounine, en firent partie. Bakounine avait une arme pour engager la lutte contre Marx. Il chercha a faire admettre l’Alliance dans l’Internationale comme branche de cette association. Cette prétention fut repoussée par les conseils fédéraux belge et parisien. Le conseil général, saisi de la question, déclara, dans sa séance du 22 décembre 1868, que l’Alliance ne pouvait, en raison du caractère international qu’elle se donnait k elle-même, entrer durs les cadres de l’Internationale. Le 9 mars 13ti3, lu ; Conseil général revenait pourtant sur son refus, et l’Alliance obtenait le droit de se faire représenter au congrès de Bâle.

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Mais le Conseil était bientôt obligé de désavouer l’Alliance et une scission éclatait au sein des groupes internationaux suisses.

Ce fut, dès ce moment, le schisme au sein de l’Internationale. Une campagne fut menée contre les autoritaires Marxistes. Bakounine se servit au commencement de sections suisses, plus tard de sections italiennes et espagnoles, pour entrer en guerre contre Karl Marx. Le centre de la propagande fut au début Genève, où Bakounine avait établi avec Netchaïef un comité révolutionnaire secret. Presque tous les Russes, à l’exception d’Outine, qui fut son adversaire acharné, avaient accepté la prépotence du fondateur de l’Alliance. Le conflit éclata d’abord entre le comité fédéral romand de l’Internationale et l’Alliance. Des polémiques assez vives de journaux s’ensuivirent ; les alliancistes eurent, pendant quelque temps pour eux « l’Egalité », de Genève, qui paraissait avec la collaboration de MM. Elisée Reclus, de Paepe, Vurîin et Malon. Bientôt le concours du journal genevois leur fit défaut ; les alliancistes durent se rabattre sur lc«Jura neuebâtelois et bernois», où ils trouvèrent d’ardents auxiliaires. M. James Guillaume, de Neuchâtel, qui s’était fait remarquer aux congrès de Genève et de Lausanne, défendit, dans i le Progrès » du Locle, les idées de l’Alliance. Bakounine quitta Genève à la fin de 1868, pour fonder, à Neuchâtel, avec le concours de M.Guillaume, la Solidarité, qui devint l’organe des autonomistes. Les internationalistes suisses se divisèrent, les uns prenant parti avec d’Égalité» d’Outine, pour le conseil général, les autres adhérunt k la révolte prêchée par la Solidarité.

Il était dans la nature des choses que l’internationale romande se partageât entre ces

deux tendances opposées. Le choc eut lieu au congrès de la Chaux-de-Fonds, au mois d’avril 1870. Les délégués genevois, fidèles k l’autorité du conseil général, se refusèrent k prononcer l’admission de deux membres de la section de l’Alliance, les délégués jurassiens se prononcèrent pour l’Alliance. Les deux groupes se séparèrent, se disputant la qualité de fédération romande, le groupe officiel installé à Genève, l’autre à la Chaux-de-Fonds. Le conseil général, appelé à arbitrer entre les deux fédérations rivales, donna raison au comité fédéral de Genève. Il s’ensuivit une rupture de relations officielles entre le conseil général et le comité fédéral dissident de la Chaux-de-Fonds.

Pendant ce9 démêlés et ces querelles, la guerre franco-allemande avait éclaté. Le 28 septembre 1870, Bakounine organisa une insurrection à Lyon. Mais cette tentative échoua piteusement avant qu’il pût mettre k exécution le décret préparé où il prononçait l’abolition de l’État. Dans une brochure intitulée Lettres à un Français (septembre 1870), il expose le programmé d’action qu’il aurait voulu voir adopter par les révolutionnaires en France et que la révolution du 18 mars devait en effet suivre k la lettre. Voici les points principaux de ce programme. La capitale insurgée se constitue en commune. La fédération des barricades se maintient en permanence. Le conseil communal est formé de délégués, un par barricade ou par quartier, députés responsables et toujours révocables. Le conseil choisit dans son sein des comités exécutifs séparés pour chaque branche de ■ l’administration révolutionnaire de la commune ». — • La capitale déclare que, tout gouvernement central étant aboli, elle renonce k gouverner les provinces. Elle invitera les autres communes urbaines et rurales k se réorganiser révolutionnairement et k envoyer, dans un endroit désigné, des délégués avec mandat impératif et révocable, pour constituer la fédération des communes autonomes et organiser la force révolutionnaire nécessaire pour triompher de la réaction. Cette organisation n’est pas limitée au pays insurgé. D’autres provinces ou d’autres pays peuvent en faire partie. Les communes qui se prononceront pour la réaction en seront exclues. *

Cependant le différend qui s’était produit dans l’Internationale romande était loin d’être apaisé. Après la Commune, la querelle fut avivée par les réfugiés français. Quelquesuns d’entre eux fondaient, avec M. Joukowsky, l’un des plus actifs lieutenants do Bakounine, la section de propagande et d’action révolutionnaire socialiste, qui eut pour organe la "Révolution sociale ». Quelques mois plus tard, la révolte contre Marx trouvait deux auxiliaires influents dans MM. M ; ilon et Lefrançais, anciens membres de la Commune.

Au mois de septembre 1871 une conférence privée de l’Internationale, tenue k Londres, confirma la précédente décision relative aux dissidents jurassiens. Les sections jurassiennes, frappées d’interdit, se réunirent au congrès le 12 novembre suivant, k Sonvillier, et déclarèrent dissoute la fédération romande. Celle-ci, de son côté, prononçait la radiation des autonomistes. La fédérution jurassienne eut dès lors son existence distincte : elle représentait à la fois les doctrines d’anarchie et l’hostilité contre le conseil général. Bakouniste et anarchiste, elle fit une guerre bruyante k Karl Marx.

Les autoritaires et les autonomistes ou anarchistes se trouvèrent en f ace au congrès de la Haye (2-7 septembre 1872). M. James Guil-