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cément occupé par chacun de ces éements. Or. se sert dans ce but de courants de sens différents : les appareils sont munis de deux Styles marquant sur une même bande de pafiier des traits et des points disposés sur deux ignés parallèles suivant le type donné plus haut (fig. 3).

Et, afin de faciliter la distinction des lignes, on imprègne les molettes d’encres de couleurs différentes, on bien on donne à l’une plus d’épaisseur qu’à l’autre.

On a fait aussi des appareils Morse donnant pour les deux émissions de courant correspondant aux points et aux traits quatre signaux élémentaires, savoir : point sur la ligne supérieure, point sur la ligne inférieure ; trait sur la ligne supérieure et trait sur la ligne inférieure. En combinant ces signaux on forme un alphabet, dont les lettres exigent en moyenne moins d’émissions de courant que l’alphabet Morse ordinaire, et dont nous donnons un spécimen (fig. 4). On peut employer un certain nombre de combinaisons pour former des roots complets ou des phrases conventionnelles. Comme l’usage de cet appareil ne s’est pas répandu, il est inutile de donner l’alphabet complet.

Dans le létéyrap/te automatique Wàeatstone, les signaux qui s’impriment sur la bande de la station de réception sont identiques à ceux du télégraphe Morse ; mais au départ les lettres formées par le perforateur en diffèrent beaucoup à première vue, comme le montre le spécimen (fig. S). Le mode de formation n’en est pas moins assez simple, car il consiste à percer deux points l’un au-dessous de l’autre quand on veut obtenir un point a, l’arrivée, et deux points en diagonale quand on veut produire une barre.

L’alphabet du télégraphe Estietme (fig. 6), ne diffère de l’alphabet Morse qu’en ce que les points sont remplacés par des traits ayant la moitié de la longueur de ceux qui représentent les barre*. Ces deux sortes de traits sont perpendiculaires à l’axe longitudinal de la bande.

Le télégraphe Hughes imprime en lettres ordinaires. Il en est de même du télégraphe Baudot. La figure 7, empruntée à la notice explicative publiée par l’inventeur, indique par quelles combinaisons de touches du manipulateur on obùent chacune des lettres et chacun des chiffres. La touche V, abaissée seule, sert à séparer les mots entre eux par un espace blanc, et à revenir des chiffres aux lettres. La touche IV, abaissée seule, sert à passer des lettres aux chiffres. Le signal . qui se trouve dans la série des vj y lettres et aussi dans la série des . chiffres et signes de ponctuation, sert

^a l’employé manipulant pour indiquer qu’il a fait erreur.

Dans la série des lettres se trouve le signe ’ qui sert pour certaines abréviations telles que : IMMED*. TKLKGRAPHtQt.

Dans la série des chiffres se trouvent quelques signes spéciaux, tels que : g, F, fj, oj'0> Ne, qui sont employés comme le montre l’exemple suivant :

PARIS 5/3 4 S 25’ S = VENDEZ IMMÉDt : 10 LE 3 o/o A 83 E ; ïo LE No 6 A 1 F 15 =

Enfin, le Code commercial des signaux sert d’alphabet pour les télégrammes sémaphoriques.

, ALPHA.ND (Jean-Charles-Adolphe), ingénieur français, né à Grenoble le 26 octobre 1817. — En 1818, après la mort de M. Belgrand, M. Alphand fut nommé directeur des eaux et égouts. Cette même année, il prit une très grande part aux travaux de l’Exposition universelle, comme membre de la commission supérieure des expositions ; c’est lui qui créa le parc du Trocadéro tel qu’il était au moment de ce.* grandes assises internationales et qui l’a ensuiie disposé comme on le voit actuellement. Il est appelé à jouer un rôle plus considérable encore dans l’organisation de l’Exposition universelle de 1889, car il a été nommé, en 1886, directeur général des travaux. Chevalier de la Lésion d’honneur le 7 octobre 1852, officier le 7 décembre 1862, il a reçu les insignes de commandeur le 30 juin 1867, et enfin ceux de grand-officier le 13 juillet 1882. Aux ouvrages que nous avons déjà cités de lui, il y a lieu d’ajouter l’Art des jardins, écrit en collaboration avec le baron Ernouf (1868, 1 vol.).

, ALPHONSE SU (François-d’Assise-Ferdiriaud-Pie-Jean-Marie-Grégoire-Pélage), roi

d’Espagne, né à Madrid le 28 novembre 1857, mort dans cette ville le 24 novembre 1885.-Après une longue période d’agitations stériles et de luttes sanglantes, dont nous avons Farlé au tome XVI du Grand Dictionnaire, Espagne, en 1876, aspirait au repos : Alphonse XII le comprit, et, voulant prouver <ju’il tenait à connaître par lui-même les besoins du pays, il résolut d’entreprendre un lor.g voyage à travers l’Espagne, pour inspecter les troupes, visiter les principales villes, et se rendre ainsi populaire par le souci de tout ce qui pouvait intéresser la prospérité du royaume. En 1877, accompagné de son premier ministre et du ministre des finances, il partît de Madrid pour Albacète, Murcie, Carthagèue. À une adresse qui lui fut présentée par l’alcade de cette dernière ville, il répondit en quelques mots pour exposer sa po.itio.ue future : « Aujourd’hui que la guerre

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est finie, grâce au courage de l’armée et grâce aux sacrifices de tous, il faut développer, protéger, encourager l’industrie et le commerce ; c’est à cette œuvre utile à mon pays que je désire me vouer, et j’accepte avec joie le titre de fondateur de cette politique vraiment nationale. » Malheureusement il y avait encore dans les provinces basques bien des ferments de discordes civiles. La loi supprimant les fueros, que les Cortès avaient votée le 21 juillet 1876, n’était ni acceptée ni appliquée, les jantes ayant formellementrefusé leur concours. AlphonseXII

résolut alors de s’en passer, malgré l’opposition des libéraux eux-mêmes, qui, durant la guerre carliste, avaient si vaillamment soutenu sa cause. Don Carlos saisit cette occasion de protester contre les actes du roi d’Espagne, et rappela, dans une lettre écrite de France à l’un de ses partisans, que ■ lui, avait juré da garder les fueros, bons usages et coutumes de ses fidèles provinces basques. » Alphonse XII parvint a empêcher l’union des libéraux avec les carlistes pour la défense des fueros, et la loi votée par les Cortès fut enfin exécutée. Le roi rendit ensuite un décret proclamant la liberté de conscience et contenant an blâme contre le maire d’Ignardaf, qui avait abusé de son autorité pour faire baptiser par un prêtre catholique des enfants protestants.

Le 6 décembre 1877, Alphonse XII annonça au conseil des ministres Son prochain mariage avec sa cousine la princesse Mercedes, fille du duc de Mwitpensier. Le jeune prince, guidé dans son choix non par des raisons d’État, mais par une affection sincère, donnait sans y penser un démenti au mot de Talleyrand : « L’amour, chez les souverains, c’est encore de la politique ; > aussi la nouvelle fut-elle accueillie avec faveur par le peuple espagnol. Il n’en fut pas de même au Congrès. Lorsque la discussion s’ouvrit sur ce sujet, le H janvier, le général Pavia déclara qu’il était opposé à ce mariage, désavantageux pour 1 Espagne, et M, Cl. Moyano prononça un long discours dans le même sens, décidé à voter contre, parce que, disait-il, les droits de l’affection ne doivent point passer avant les droits de l’État, et aussi parce que le père de la future reine, le duc de Montpensier, n’avait fait preuve que d’ingratitude à l’égard de la reine Isabelle. M. Canovas de] Castillo sut répondre dignement à ces abjections, et le congrès finit par approuver le projet d’Alphonse XII par 309 voix contre 4. Le mariage fut célébré le 23 janvier 1878 ; mais la reine Isabelle ne vint point a Madrid, car elle désapprouvait le choix de son fils. Le roi Alphonse avait vingt ans, et la princesse Mercedes en avait dix-sept. Le 15 février, le roi ouvrit les Cortès, présenta aux députés et aux sénateurs la reine d’Espagne et affirma sa volonté de consacrer toute son énergie et toute son intelligence à la tranquillité de l’Espagne. En même temps, il annonça la pacification de Cuba, et accorda à cette occasion amnistie pleine et entière pour les délits de presse. Il semblait donc que la joie fût entrée avec la jeune reine dans ce sombre palais de Madrid, quand cette princesse mourut le 24 juin, Alphonse XII, dont la douleur fut vive, déeida qu’une somme d’un million de réaux serait distraite chaque année de la liste civile jusqu’au complet achèvement du mausolée qu’il voulait faire élever en l’honneur de la chère défunte.

Peu de temps après, il faillit être victime d’un attentat. Le 29 octobre, il faisait sa rentrée à Madrid, après un voyage àSnragosse et dans les provinces du nord de l’Espagne, lorsque, au moment où il passait duns la calle Mayor, un coup de pistolet fut tiré sur lui ; la balle, mal dirigée, se perdit sans atteindre personne. L’assassin, immédiatement arrêté, déclara se nommer Juan Oliva Moncasi, faire partie de l’Internationale et être arrivé depuis une semaine de Tarragone, sa ville natale, avec l’intention arrêtée de tuer le roi. Moncasi fut condamné à mort ; Alphonse XII voulait user de son droit de grâce, mais le conseil des ministres s’y opposa, et l’exécution eut lieu le 2 janvier 1879.

Au point de vue de la politique intérieure, Alphonse XII s’était engagé à rester un roi constitutionnel, respectueux du régime parlementaire et résolu a doter l’Espagne de

lois libérales. Aussi quand le cabinetCanovas del Castillo, se heurtant aux nombreuses exigences des fractions très divisées qui formaient la majorité des Cortès, dut donner sa démission, le roi s’adressa, pour présider le nouveau ministère, au maréchal Martinez Campos (7 janvier 1879). C’était l’auteur du pronnuciamiento qui avait mis Alphonse XII sur le trône ; brave soldat, d’un caractère sympathique à tous, il avait par sa franchise inspiré confiance aux insurgés cubains qu’il venait de vaincre, et leur avait promis des droits politiques et municipaux, lalibertêdes esclaves, des réformes douanières etadministratives, etc. Il rencontra une très vive résistance au sein des Cortès, qui s’ouvrirent le 1" juin, et l’opposition commença une lutte acharnée contre le ministère.

Tandis que les partis se disputaient le pouvoir, le roi envoyait à Vienne le duc de Baylen, chargé d’offrir la couronne d’Espagne à l’archiduchesse Marie-Christine. Le 82 octobre, l’empereurd’Autriche.dans uneaudience solennelle, accordait à Alphonse XII la main de cette princesse. Le mariage fut célébré le

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29 novembre, avec la pompe d’usage, à la basilique d’Atocha. Madrid vit à cette occasion des fêtes magnifiques, bien que les sommes dépensées eussent pu trouver un meilleur emploi dans les provinces de Murcie, Alicante et Almeria, où les eaux débordées venaient de ruiner des milliers de familles et d’engloutir plus de sept cents personnes.

Peu de temps après, le roi eut à chercher un nouveau président du conseil, après la chute du ministère Martinez Campos, chute préparée, conduite et réalisée au milieu d’intrigues byzantines par M. Canovas del Castillo. C’est à ce dernier qu’Alphonse XII confia le soin de former un autre cabinet (9 décembre) ; mais il fallut bientôt ajourner les Cortès devant la coalition des partis opposants, indignés de la conduite du nouveau ministre. Déjà Alphonse XII, ému de cette coalition, désireux d’apaiser les esprits, songeait, dit-on, à reconstituer un ministère libéral, quand une seconde tentative d’assassinat (30 décembre) rendit à l’homms d’État menacé la confiance du roi. • Ce que j’appelais de la politique d’instinct préventif, en face des menées révolutionnaires, répétait à ses intimes M. Canovas plus puissant que jamais, devient plus tôt que je ne le présumais de la politique d’instinct de conservation. ■ Au mois de janvier 1880, Alphonse XII exposa, dans le discours du trône, les rêves qu’il faisait pour le pays, « Unissez-vous tous les jours plus étroitement à moi, qui souhaite non moins que vous la richesse, la liberté et la gloire de la patrie ; avec votre concours, il ne me parait pas impossible que l’Espagne parvienne un jour a, tenir encore dans le monde le rang qu’elle a occupé jusqu’à ce siècle ; d’autres nations ont conquis la situation qu’elles n’avaient pas autrefois ; il est temps que nous redevenions aussi ce que nous avons été jadis. ■ Ce langage se rattachait à une campagne organisée parla presse de Berlin et de Vienne pour réclamer l’entrée de l’Espagne dans le concert européen. C’était la le rêve favori de M. Canovas del Castillo, dont la politique extérieure n’était pas pour déplaire au jeune roi ; mais le ministre, n’ayant pu décider Alphonse XII à approuver sa politique décompression à l’intérieur, offrit sa démission, qui fut acceptée. Alors le roi choisit (8 février 1881) pour président du conseil M. Sagasta, chef du parti dynastique libéral.

L’année suivante, à la suite d’un soulèvement militaire, promptement réprimé, à Badajoz, Alphonse XII partit le 5 août pour visiter plusieurs villes de son royaume et détruire l’impression fâcheuse qu’avait pu produire cepronunciamiento.il fut bien accueilli, même par les populations rurales, qui, de l’avis de tous, sont carlistes, et les classes ouvrières, notoirement républicaines, se montrèrent respectueuses et s’abstinrent de se livrer à des manifestations hostiles.

De Burgos, le roi revint précipitamment à Madrid, et, à peine arrivé, convoqua son conseil : il y annonça son départ pour l’Allemagne, où, depuis plusieurs mois, il projetait d’aller. Ce voyage pouvait sembler une preuve de sympathie médiocre pour la France ; le roi tint lui-même à dissiper cette impression fâcheuse, et, le 2 septembre, à l’inauguration des chemins de fer de la Galice, des Asturies et de Léon, il commença en français un discours où il s’avouait heureux de voir sceller par ces fêtes pacifiques l’union des deux pays que séparent les Pyrénées. ■ C’est seulement dans les luttes du travail et de l’intelligence, dit-il en terminant, que la France et l’Espagne mesureront leurs forces dans l’avenir, et, sur ce terrain-là, vainqueurs et vaincus pourront sans rancune marcher ensemble et en avant dans les voies de la civilisation, du progrès et de la paix. • Alphonse XII avait prononcé en espagnol la tin de son discours ; mais, comme pour mieux souligner ces dernières phrases, il les répéta en français, aux applaudissements de la foule. Il partit ensuite pour Vienne, d’où il se rendit en Allemagne afin d’assister officiellement aux graiîdes manœuvres militaires à côté des souverains des principaux États de l’Europe centrale ; à la suite de ces manœuvres, il lut nommé par l’empereur Guillaume chef honoraire du régiment schleswigholstinois n" 15, qui avait pour garnison la ville de Strasbourg. L’opinion publique en France crut qu’il y avait là autre chose qu’un acte de simple courtoisie entre souverains ; aussi, lorsqu’à son retour d’Allemagne, le jeune roi exprima au gouvernement français son intention de s’arrêter à Faris, on avait lieu de redouter des manifestations tumultueuses et hostiles : l’événement justifia ces craintes. Alphonse XII arriva le 29 septembre 1883 à Paris, et le président de la République alla à sa rencontre. En réponse à ses paroles de bienvenue, Alphonse XII déclara qu’il était heureux de se retrouver en France, pays où il avait fait ses études et qui lui avait donné asile dans des temps difficiles. On sortit de la gare. Dès que le roi parut, plusieurs coups de sifflet retentirent, appuyés par des cris

de : A bas le uhlanl Va instant la foule

entoura la voiture où se trouvait le roi d’Espagne, redoublant les sifflets et les huées. A peine arrivé à l’hôtel de l’ambassade espagnole, il renvoya les deux compagnies qui s’y trouvaient pour former un poste d’honneur et conféra longuement avec son ministre des affaires étrangères au sujet de la

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manifestation parisienne. Il fit demander à M. Grèvy la permission de se présenter à l’Élysée en uniforme, puis, après cette visite de simple courtoisie, revint à l’ambassade, où il reçut tout le corps diplomatique et tous les attachés militaires. Il adressa immédiatement à la reine Christine une dépêche ainsi conçue : iMon voyage sera peut-être abrégé par suite d’incidents qu’il ne faut pas exagérer ; » et il se prépara à quitter Paris et la France. À ce moment, le président de la République, simplement, avec une dignité parfaite, sut réparer la faute commise par la foule amassée sur le passage du roi. Il se rendit à l’ambassade espagnole, accompagné du chef de sa maison militaire, salua le roi et prononça ces paroles : • Je viens, au nom de lu France, vous prier de ne pas la confondre avec des misérables qui ont compromis sa vieille renommée par des démonstrations que je répudie. Malheureusement, nos lois sont impuissantes à réprimer de pareilles manifestations. Je prie Votre Majesté de nous donner une nouvelle preuve de sa généreuse amitié en assistant ce soir au banquet qui réunit tout le gouvernement, et vous verrez là le véritable sentiment de la France. • Le roi d’Espagne répondit : « Étant venu en France pénétré des sentiments les plus amicaux pour votre pays, je consens, monsieur le président, k donner à la nation que vous représentez ce nouveau témoignage de ma cordiale sympathie ; mais vous souffrirez qu’après ce dernier sacrifice je réserve ma liberté d’action. » À l’instant où M. Grévy se retirait, le roi d’Espagne lui demanda que l’offense ayant été publique, cette déclaration fût également rendue publique ; le président de la République répondit que c’était son plus vif désir, et le lendemain la note désirée parut en tête du « Journal officiel ». Alphonse XII assista le soir au dîner offert en son honneur à l’Élysée et partit le lendemain pour l’Espagne, où, pour faire contraste aux incidents de Paris, on l’accueillit avec d’imposantes démonstrations. Alphonse XII s’abstint de faire aucune allusion à son entrée dans Paris, et, quelques jours après, M. Sagasta déclara l’incident du 29 septembre définitivement clos.

L’année 1884 fut une année de tranquillité pour l’Espagne. Au mois de janvier, après un vote des Cortès défavorable au ministère libéral, Alphonse XII, avait confié à M. Canovas del Castillo le soin de former un cabinet conservateur. Mais, pendant que les partis luttaient entre eux, des nouvelles défavorables circulaient sur la santé du jeune roi, et l’on commençait déjà à se préoccuper de l’époque où l’on se trouverait en présence d’une régente qui serait, soit la reine Christine, soit l’infante Isabelle. Les événements de l’année 1885 détournèrent l’attention d’un autre côté : le choléra éclata en Espagne et se développa avec une rapidité foudroyante. Comme le roi Humbert l’uvait fait à Naples l’année précédente, Alphonse XII désira aller en personne visiter les cholériques, et porter aux malades de la province de Murcie des consolations et des secours ; le président du conseil et les ministres s’y opposèrent, au nom de la raison d’État. Le roi alors, sans prévenir personne de son entourage, sans même avertir la reine, projeta un voyage un peu romanesque à Aranjuez, à quelques kilomètres de Madrid, où est cantonnée une partie de la garnison espagnole ; depuis plusieurs jours, il y avait dans cette petite ville de 6.000 habitants, soixante à quatre-vingts décès cholériques parjour. Dans la matinée, Alphonse XII, accompagné de deux aides de camp, parût incognito pour Aranjuez, visita les casernes et 1 hôpital, essayant de réconforter ceux qu’épouvantait le fléau. Le chef de gare l’ayant reconnu avait prévenu immédiatement le préfet de Madrid ; la reine aussitôt avertie voulut rejoindre AlphonseXII, mais en fut empêchée par M. Canovas del Castillo ; les députés levèrent la séance aussitôt en l’honneur du courage dont faisait preuve le roi, et quand celui-ci revint à Madrid k cinq heures du soir, des acclamations enthousiastes l’accompagnèrent de la gare au Palais-Royal. C’était beaucoup de bruit pour un acte de courage assez naturel en somme ; cette simple action eut, du reste, pour résultat d’augmenter considérablement sa popularité.

Deux mois après arriva à Madrid une nouvelle qui surexcita les esprits et faillit entraîner l’Espagne dans un conflit désastreux avec l’Allemagne : une canonnière allemande avait, malgré les protestations du gouverneur espagnol, occupé, au nom de l’empereur Guillaume, le territoire de Yap, l’Ile la plus occidentale de l’archipel des Carolines. À la nouvelle de cet acte inqualifiable, le vieil orgueil castillan se révolta, le drapeau qui flottait à la légation allemande fut arraché, porté comme un trophée et brûlé aux acclamations du peuple. Alphonse XII, tout en cherchant k calmer l’effervescence de ses sujets, se déclara prêt à lutter, s’il en était besoin, pour l’intégrité de la monarchie espagnole, et l’empereur Guillaume lut adressa une lettre amicale où il l’assurait de son vif désir de voir la paix maintenue. D’un commun accord, on finit par prendre le pape Léon XIII comme arbitre, et celui-ci, quelques mois après, déclara que les lies Carolines appartenaient à l’Espagne.

Tandis qu’on attendait Cette décision, la