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se demande si les Allemands ont atteint le but auquel ils tendaient, c’est-à-dire la fondation d’un grand État modèle, un et libre, réalisant l’idéal des penseurs et des hommes pratiques, chef-d’oeuvre définitif que pouvait seule accomplir une race élue. < Qu’on se rappelle, dit-il, ce qui se disait en Allemagne lors de la guerre de France. C’était la lutte sainte de la civilisation contre la corruption. L’Hercule germanique se levait pour aller nettoyer les étables d’Augias et l’immoralité latine. Les Germains, soldats de Dieu, s’armaient pour détruire l’impure Babylone et faire refleurir sur ses ruines les principes éternels du droit et des devoirs. La victoire a rois ces champions de la morale outragée en mesure d’accomplir leur mission ; de quelle manière ont-ils su s’en acquitter jusqu’ici ? > La statistique donne une réponse probante. En 1871, l’Alsace ne fournissait que 6.900 individus accusés de crimes ou de délits ; la criminalité s’est élevée à 7.000 dès 2872, et elle a atteint le chiffre de 9.740 en 1876. L’Allemagne, au reste, n’a démoralisé les provinces qu’elle s’est annexées de force qu’en se démoralisant elle-même, à la suite de ses succès. Berlin compte 40.000 prostituées ; à Munich, il y a un enfant naturel sur trois naissances, tandis qu’à Paris H y en a tout au plus un sur quatre. L’excès du luxe, l’amour des plaisirs, la lièvre de l’or, ont fait partout des ravages. On vantait autrefois l’honnêteté, la conscience de l’ouvrier allemand ; H remplaçait par ces qualités sérieuses le goût et l’habileté qui lui font défaut. Tout cela est bien changé aujourd’hui. « Cédant à l’entraînement général, les ouvriers allemands se sont mêlés à la danse macabre des milliards. En ent’-ndantdiredetous côtés que la richesse de l’Allemagne s’était décuplée, en voyant les prodigieuses fortunes que les faiseurs réalisaient par un coup de bourse, ils ont voulu s’enrichir à leur tour. Tous ont exigé des salaires excessifs, et ils ont gaspillé ce qu’ils gagnaient ; ils se sont mis en grève, et ils ont arrêté brusquement, mis en péril la plupart des entreprises dont le succès dépendait principalement de leur bonne volonté. Bientôt l’Allemagne travaillant moins et produisant plus cher et plus mal, la production nationale n’a pu ni suffire aux besoins de la consommation, ni soutenir la concurrence étrangère. •

L’Allemagne du moins a-t-elle gardé cette supériorité intellectuelle dont elle était si fièreî Aucun de ses écrivains n’a, comme tel écrivain français ou anglais, un public universel ; elle n a plus ni grand peintre ni grand sculpteur, et elle a remplacé Sébastien Bach, Mozart et Beethoven par Richard Wagner, ce qui est assurément bien descendre. M. J. Cohen attribue cette décadence au militarisme, à ce que l’État prussien, en voulant faire de l’Allemagne une nation, en a d’abord fait une année, et soumis tous les esprits à une discipline rigoureuse. ■ Tout Allemand, après avoir été forcé d’être élève, est aujourd’hui forcé d’être soldat ; l’école n’est que le prélude de la caserne ; on y discipline les intelligences avant que le service militaire ne discipline le corps. Tout se tient dans ce régime, où la liberté de l’individu est complètement sacrifiée à l’intérêt politique. Sous l’influence de ce système, J Allemand s’est accoutumé à obéir. Ce que l’État lui impose, il le fait sans résistance, car ses historiens, ses poètes, ses philosophes, ses professeurs lui ont appris que l’État est une force nécessaire et indiscutable, en qui s’incarne l’idée absolue, la pensée supérieure, laquelle, étant la puissance, est incontestablement te droit. •

Toutes ces observations, quoique justes, ont besoin d’un correctif, parce qu’elles ne sont pas complètes. < Malgré des morceau : excellents, malgré des qualités sérieuses, a dit avec raison un publiciste du (Temps », l’ouvrage de M. Cohen pourrait plutôt nous donner le change que nous éclairer. Comme la plupart de ses devanciers, l’auteur s’attache trop aux côtés faibles, défectueux ou déplaisants du nouvel empire, tandis qu’il faudrait relever de préférence ses bons et solides côtés. Le gouvernement y tend à absorber tout dans l’État ; mais quelle hauteur de vues, quel esprit d’initiative, quelle activité universelle dans ce gouvernement 1 II sacrifie trop à son armée ; mais quelle école de l’homme, que cette armée où il n’y a d’avancement que pour le talent et le savoir, où la discipline est basée avant tout sur le sentiment du devoir et le respect de la supériorité intellectuelle ! Après toutes les mauvaises caricatures qu’on nous a données de la vie allemande, ne serait-ce pas nous rendre service que de nous en faire une peinture un peu ressemblante, en nous montrant au naturel et sans parti pris ce peuple que nous avons tant d’intérêt à bien connaître ; en nous présentant sous leur vrai jour ses diverses couches sociales, si différentes les unes des autres, et toutes si curieuses à étudier, notamment sa vigoureuse et prolifique noblesse agricole et militaire, qui ne cesse de fournir en tous genres les types supérieurs de la race ; sa nourgeoisie éclairée, cultivée, inépuisable réservoir des capacités les plus diverses, foyer d’un esprit public si large, si indépendant, si philosophiquement maître de lui-même, toujours prêt à reconnaître ses erreurs et à les réparer ; ses véritables mœurs natienales enfin, qui, de même que sa langue,

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sa littérature et tout son génie, sont un si singulier mélange de bonhomie, de sincérité, de candeur même, de subtilité, de recherche et d’apprêt ? »

Allemagne d’aujourd’hui (l*), Études politiques et littéraires, par Alexandre Pey(1883, 1 vol. in-18). Ces études, qui sont au nombre de cinq, embrassent la période de 1862 à 1882 ; en voici les titres : Les Luttes parlementaires en France ; Débuts de M. de Bismarck ; M. de Bismarck en Pruste ; Ses jugements sur les événements et les hommes de 1870-71 ; Le Socialisme chez les Allemands ; Une usurière d’outre-Rhin, Adèle Spritzeder, Le Roman socialiste en A llemagne ; Catherine la Brune, par Ernest de Waldow. M. Alexandre Pey proteste contre la tendance que nous avons depuis 1870 à tout admirer chez les triomphateurs d’hier, peut-être pour diminuer notre humiliation d’avoir été vaincus ; il nous dépeint les Allemands tels qu’ils sont en réalité, et nous fait comprendre du même coup combien il serait regrettable que nous arrivassions à les imiter par trop exactement. L’auteur nous montre aussi le socialisme comme une plaie qui ronge l’Allemagne, et dont aucun topique n’a pu jusqu’ici arrêter les progrès ; nous ne saurions, à la vérité, admettre le remède qu’il préconise pour guérir le mal et qui serait la suppression du suffrage universel. C’est, au contraire, en se défiant de la liberté que l’on prêche le mépris et la haine des classes supérieures, sentiments regrettables qui se trouvent développés, fort éloquemment à vrai dire, dans Catherine la Brune, dont le véritable auteur est la baronne Von Blum.

Allemagne et l’Halle (t, ’), Souvenirs diplomatiques de 1870-1871, par M. G. Rothan (1884-1885, S vol. in-8°). M. G. Rothan était consul général à Hambourg au moment de la déclaration de la guerre qui nous coûta l’Alsace et la Lorraine, et il tut envoyé en mission à Florence, puis accrédité comme ministre auprès du gouvernement italien au mois de janvier 1871. Bien placé pour tout voir et tout savoir, esprit droit avec cela et observateur sagace, M. Rothan pouvait mieux que tout autre, en réunissant les correspondances échangées par lui à cette époque et en les accompagnant de ses propres réflexions, écrire un ouvrage du plus vif intérêt. Le premier volume est consacré à l’Allemagne, et retrace toutes les péripéties qui précédèrent la rupture définitive des relations diplomatiques ; le second est consacré à l’Italie et aux infructueuses négociations entamées avec le cabinet de Florence pour l’amener à s’allier résolument avec nous. Dans l’un et dans l’autre, des introductions étendues, qui sont de véritables pages d’histoire, sobres et lumineuses, servent de préfaces aux documents.

Quoi qu’on en ait dit, personne en Allemagne, sauf peut-être le comte de Bismarck et M. de Moltke, ne voulait la guerre : c’est ce qui résulte du tableau que trace M. Rothan du désarroi dans lequel les déclarations présomptueuses de notre ministre des affaires

étrangères, le duc de G raniment, jeta d’abord la cour de Prusse. On en fut atterré à Berlin. ■ C’est donc la guerre, et nous n’y sommes pas préparés 1 ■ s’écriait, plein d’angoisses, le prince royal en apprenant dans un château de la Silésie l’incident qui s’était produit au Corps législatif. Le général deMoltke lui-même ne put se défendre d’un sentiment d’inquiétude. « Il faut que mes agents m’aient bien mal renseigné, disait-il au baron Nothomb, pour que la France, à moins de céder à un accès de folie, avec d’au ?3) faibles effectifs et une préparation à peine ébauchée, nous jette un pareil défi. • L’inquiétude du grand organisateur des armées allemandes était-elle réelle ? Oui, et l’on s’en convaincra en lisant la correspondance de M. Rothan ; par un double sentiment très explicable, M. de Moltke voulait la guerre et la redoutait. Il savait être prêt, mais craignait que nous le fussions encore mieux que lui, et tous ses plans pouvaient être contrariés par des circonstances dont il n’était pas le maître. « L’Allemagne, dit M. G. Rothan, s’alarmait à l’idée d’une guerre dont les causes étaient équivoques et dont l’issue lui paraissait chanceuse. La France avait encore du prestige ; on savait que depuis 186ft elle avait armé sans relâche ; on ne soupçonnait pas qu’elle fût sans alliés ; on la croyait militairement et diplomatiquement prête à toutes les éventualités. Il semblait que le gouvernement de l’empereur venait de saisir une merveilleuse occasion d’isoler la Prusse, de rendre illusoires les traités d’alliance qu’elle avait imposés aux États du Midi, en séparant sa cause de celle de l’Allemagne. On s attendait fa voir nos généraux procéder d’une façon foudroyante. Déjà, avant la rupture des relations diplomatiques, le bruit courait qu’un corps d’armée marchait sur le Luxembourg et que les avant-gardes françaises pénétraient dans le Palatinat. On craignait que l’armée prussienne fût surprise avant d’être concentrée. Je cédai, je l’avoue, plusieurs jours, à ces illusions. Je n’étais pas seul a les partager. Je m’imaginais, en voyant le gouvernement de l’empereur si résolu, si cassant, que la guerre poursuivie et préparée de longue main allait éclater dans des conditions certaines de succès, que nous avions cinq cent mille hommes sous la main, pour les je ALLE

ter en moins de quinze jours au cœur de l’Allemagne, que nos escadres réunies à Cherbourg n’attendaient qu’un signal pour appareiller et débarquer sur les côtes danoises un corps d’armée qui forcerait la Prusse a se préoccuper de la défense de Berlin. Je me plaisais aussi à croire que la Russie était pressentie sur son attitude éventuelle, que nos alliances étaient conclues à Vienne, à Florence, à Copenhague, qu’au premier coup de canon l’Autriche et l’Italie procéderaient à la concentration de troupes sur les frontières allemandes. Je ne pouvais pas me douter, à plus de deux cents lieues de Paris, sans instructions, sans avoir été interrogé sur les dispositions du nord de l’Allemagne, qu’on passerait outre, sans avoir tout prévu, sans s’être en quelque sorte mathématiquement assuré de la victoire. L’erreur fut courte ; bien avant la déclaration de guerre, je vis le piège, je mesurai le danger, je compris que nous étions perdus. •

Non seulement on n’avait d’alliés nulle part, mais le coup de main hardi qui pouvait séparer l’Allemagne du Sud de l’Allemagne du Nord ne fut pas même tenté. À son arrivée à Paris, M. Rothan vit qu’on se préoccupait à peine de ce qu’il était le plus important de savoir, où en était la concentration des troupes allemandes ; à peine écoutait-on d’une oreille distraite les renseignements qu’il était eu mesure de donner. • Il devait tarder au gouvernement, dit-il, de conférer avec ses agents accrédités en Allemagne, de connaître leurs dernières impressions. Je me trompais. Le ministre avait d’autres préoccupations, et l’empereur, rongé par la maladie, accablé par les soucis, ne donnait pas d’audiences. Je ne vis, dans les salons d attente des Tuileries, que quelques officiers d’ordonnance, insouciants, désœuvrés. Ils jouaient aux cartes, tandis que le souverain, opposé à la guerre, adonné au fatalisme, cédait aux sombres prévisions qui, peu de jours après, se reflétaient dans sa mélancoliqueproclamation. Le duc de Grammont ne me

reçut que le sur lendemain de mon arrivée, le 23 juillet. Je le trouvai superbe dans ses allures, hautain dans ses revendications. Il croyait à la vertu des mitrailleuses, elles paraissaient être en ce moment le dernier mot de la science diplomatique. Il voyait la Prusse écrasée, implorant la paix ; et l’Europe émerveillée sollicitant nos bonnes grâces, si bien qu’il dédaignait les alliances, Nous aurons après nos victoires, me dit-il, « plus d’alliés que nous n’en voudrons. • Il entendait avoir ses coudées franches au moment de la paix ; il en était à se féliciter de l’évolution de la Bavière et du Wurtemberg. « Vous aviea tort de croire, disait-il à M. de t Saint-Vallier, que nous souhaitions^a neutralité des royaumes du Sud ; nous n’en vou-Ions pas, elle gênerait nos opérations mtli■ taires ; il nous faut les plaines du Palatinat « pour développer nos armées ». Jamais politique n’avait procédé avec plus de témérité ; elle devait aboutir à des catastrophes. >

L’entrevue de M. Rothan avec le maréchal Lebœuf fut tout aussi significative. Quand M. Rothan lui apprit ce qu’il savait, ce qu’il avait vu de ses yeux, à Hotnbourg, sur la rapidité de concentration de l’armée allemande, d’où il résultait que celle-ci avait une forte avance sur l’armée française, le maréchal refusa d’abord d’y croire, à Ses traits se contractèrent, il pâlit, s’agita anxieusement ; les questions qu’il m’adressa étaient décousues, elles dénotaient un trouble profond. Il semblait réveillé en sur saut sous le coup d’une nouvelle imprévue, décisive pour sa fortune. Il ne pouvait croire à une mobilisation aussi rapide des forces ennemies ; il avait affirmé devait la commission que nous avions une avance de huit jours sur la Prusse, •

L’allianceavec l’Autriche n’étaitcependant pas tout à fait chimérique ; elle reposait sur un plan combiné dès les premiers mois de 1870 entre notre état-major et l’archiduc Albert. « La France devait mobiliser en treize jours quatre cent mille hommes et former trois armées : celle de la Moselle, commandée par le maréchal Bazaine ; celle de Châlons, dite de réserve, commandée par le maréchal Canrobert, et celle du Rhin, commandée par le maréchal de Mac-Manon. La première, la plus considérable, était appelée à tenir en respect ie gros des farces prussiennes, les deux autres prenaient l’offensive et opéraient leur jonction avec l’armée autrichienne. L’Autriche, ayant besoin de quarante-deux jours pour sa mobilisation, s’engageait à masser dès le début de la campagne quarante mille hommes à Olmûtz, sur les frontières de la Bohême ; l’Italie devait jeter quarante mille hommes en Bavière ; dans ces conditions, la guerre n’avait rien qui pût alarmer la France. La participation de l’Autriche et de l’Italie imposait forcément la neutralité au Wurtemberg et à la Buvière, l’alliance éventuelle de 1 Autriche et de la France ne prévoyant, à vrai dire, qu’un cas de guerre : la violation flagrante du traité de Prague. L’incident espagnol renversa des combinaisons à peine ébauchées. Le gouvernement de l’empereur, au lieu de se concerter préalablement avec les cabinets de Vienne et de Florence, céda aux passions militaires et aux entraînements irréfléchis de l’opinion ; le plan de campagne, basé sur la coopération de l’Autriche et de l’Italie, dut

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être modifié sous le coup des événements, et on s’aperçut aussi que notre mobilisation reposait sur des calculs chimériques. »

Les négociations avec l’Italie forment la matière du second volume de M. G. Rothan. Elles ont trait, pour ce qui lui est personnel, à l’occupation de Rome ; il ne s’agissait déjà plus d’alliance avec l’Italie. Le prince Napoléon, au nom de l’Europe, puis le Sénat et Thiers, au nom du gouvernement de la Défense nationale, avaient échoué. M. G. Rothan nous en expose les raisons. La politique contradictoire et inexplicable de Napoléon III à l’égard des Italiens, depuis Villafranca, nous avait aliéné tout le monde, sauf peut-être le roi Victor-Emmanuel, qui fut sur le point de se laisser dominer par le sentiment chevaleresque et de venir à notre secours. Quand la nouvelle de la capitulation de Sedan lui parvint, il était au théâtre ; à peine eut-il parcouru les dépêches, qu’il sortit précipitamment, en proie à une violente émotion. Rentré an palais Pitti, il se laissa tomber dans un fauteuil en s’écriant : « Pauvre empereur ! mais, f...... je l’ai échappé

belle 1 » Ainsi, tout en déplorant nos malheurs, il s’effrayait du danger qu’il avait failli courir en risquant de se compromettre avec nous I Cependant, un peu plus tard, il disait à Thiers : « Si vous pouvez me donner votre parole qu’avec cent mille hommes j» sauverai la France, je marcherai. » Le grand homme d’État ne pouvait lui donner cetto parole, et les choses en restèrent là. Avec les ministres, on n’avait même plus affaire à ce sentiment chevaleresque.de si maigre secours qu’il fût. Depuis la guerre de 1859, Rome était la pierre d’achoppement de toute alliance sérieuse avec l’Italie ; en vain nos victoires avaient fait l’Italie une, tant qu’on gardait Rome, c’était, pour les Italiens, comme si nous n’avions rien fait ; ils ne se rendaient pas compte de l’impossibilité qu’il y avait, pour Napoléon III, à concilier une politique extérieure qui menait tout droit à la suppression du pouvoir temporel et une politique intérieure qui s’appuyait en grande partie sur le concours du clergé. Cette conciliation était, en effet ; absolument impossible, aussi l’empereur n’essaya-t-il pas de la réaliser : il fit subsister parallèlement ses deux politiques, sans se soucier du résultat auquel elles devaient aboutir. La chute du pouvoir temporel était la conséquence logique de la chute de l’empire. • En toute autre circonstance, dit M. F. Charmes, un pareil fait ne se serait pas produit sans amener des perturbations profondes ; mais le monde était déjà si troublé qu’il passa inaperçu. Qui ne désire savoir les émotions, les incertitudes dont a été alors agitée l’âme italienne ? La lecture du livre de M. Rothan est, à ce point de vue, des plus attachantes. C’est l’histoire des contrecoups produits au dehors par nos propres révolutions, et quel contre-coup que la chute sans bruit, sans fracas, étouffée en quelque sorte, du trône pontifical, au milieu de l’Europe absorbée ailleurs ! L’équilibre général étant rompu, chacun cherchait à profiter du désarroi avant que s’établit un équilibre nouveau. L’Italie tourne aussitôt ses regards vers Rome, c’est-à-dire qu’elle les détourne de nous. La Russie ne regarde que les détroits et dénonce les clauses les plus onéreuses pour elle du traité de Paris. Chacun ne songe qu’à soi, et M. de Beust peut proférer avec raison sa fameuse parole : « Il n’y a plus d’Europe t ■ Les publications de M. Rothan nous montrent avec la clarté de l’évidence par où nous avons péché, pourquoi et comment l’Allemagne nous a battus. Lecture douloureuse, mais nécessaire, ob.igatoire pour tous ceux qui veulent vraiment savoir. •

Allemagne de H. do BUmarek (L*), par

Amédée Pigeon (1885, 1 vol. in-8°J. L’auteur a habité quatre ans l’Allemagne, et pendant son séjour dans ce pays, correspondant d’un journal parisien, il lui adressait des chroniques où, tout en s’occupant des faits du jour, il notait ses observations et ses études sur nos voisins. Ce sont ces chronipropre à sa nature même : il est un peu décousu ; mais il a aussi les qualités, la verve et le brio, mérites auxquels s’ajoute toute l’autorité d’études prises sur le vif par un observateur intelligent, pénétrant et impartial. L’impartialité du jugement est même le trait caractéristique de l’important travail de M. Pigeon. Il a écarté, systématiquement peut-on dire, les douloureux souvenirs de 1870 ; il se défend avec soiu de l’esprit de satire, et si, pour être exact, il indique discrètement les côtés faibles ou laids de nos ennemis d’hier, il aime mieux appuyer sur les qualités et les traits de caractère qui les font redoutables. Tout l’empire né de nos ruines est" d’ailleurs étudié jusqu’en ses moindres recoins, et nous voyons successivement défiler sous nos yeux les hommes et les questions politiques, la question sociale et la question sémitique, les menées des différentes sectes, Berlin, ses faubourgs et ses repaires, les étudiants, leur vie dans les universités, le Berlinois au théâtre1 «t à table, le provincial, nos territoires annexés, la littérature, l’art, etc. Nous ne pouvons, h notre grand regret, suivre M. Pigeon dans tous ces détails ; nous nous bornerons douv à