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rie. Chez nous, il suffit de comparer ce qu’était la Gaule romaine des premiers siècles de l’ère moderne à ce que fut la Gaule germaine des vi« et*vn» siècles pour voir en quoi consista cette régénération. À l’époque où le luborieux Gallo-romain faisait prospérer toutes les industries, les tissus, la verrerie, la bijouterie, l’armurerie, le Germain, homme libre, détestant tout travail, comme œuvre servile, passait son temps & boire de la cervoise, accroupi sur des peaux de bêtes, et faisait travailler à coups de fouet dans les champs les femmes et les vieillards, c’est-à-dire les faibles ; pendant que les Gallo-romains construisaient des routes, des ponts, des basiliques, des arcs de triomphe, dont les ruines sont encore autant de merveilles, le Germain vivait dans deshuttesda boue et de paille hachée, et comme il aimait tout de même boire dans des coupes de verre, porter des bijoux, avoir de belles armes, il se les procurait en les volant : c’était son industrie particulière. Nous avions dans toutes nos grandes villes des universités, des écoles, des bibliothèques, quand le Germain, homme libre, ne savait ni lire ni écrire. La législation romaine réconciliait les vainqueurs et les vaincus, émancipait la femme, les enfants, les esclaves, lorsqu’elle fut remplacée par la législation germaine qui replongea tout le monde ancien dans la barbarie. Le progrès se manifesta par la destruction des routes, des ponts, des aqueducs, des écoles ; par la substitution des Childéric, des CbXpéric, des Dagobert et des Childebert à Trajan, aux Antonins, à Marc-Aurèle. Ces roitelets grotesques et cruels, dont l’unique occupation était de se débarrasser par le poison ou par le fer de leurs fils, de leurs femmes, de leurs pères et de leurs neveux, servaient d’exemples aux populations abâtardies par la civilisation romaine. Il faut arriver à la fin du vin« siècle, à Charlemagne, pour trouver un temps d’arrêt dans la Barbarie ; mais cette grande figure de Charlemagne, revendiquée à la fois par les Français et par les Allemands, est-elle plus germaine que française ? M. Zelter a consacré tout un important chapitre à déterminer la nationalité de cet homme extraordinaire. Allemand par sa mère, mais né sur la Meuse française, élevé en Gaule, entouré de précepteurs et de ministres gallo-romains ou italiens, rédigeant en latin ses Capitulaires, Charlemagne fut un Gallo-romain, un champion de la civilisation latine ; ses guerres contre les Scandinaves et les Saxons arrêtent pour un temps les invasions des barbares, empêchent la Germanie de déborder sur le reste du monde, et reconstituent les barrières rompues sous les Césars romains. Au reste, le sentiment populaire donne ici raison à l’historien ; tandis que le souvenir de Charlemagne a été chez nous un lumineux foyer de poésie, que ses hauts faits, réels ou imaginaires, et ceux de ses paladins, sont chantés par nos trouvères dans une centaine d’épopées, les Allemands n’en ont pas une seule qui ne soit une imitation lointaine des nôtres ; ils ont boudé cette grande figure, avant de songer a la réclamer.

Le véritable César germain, c’est Othon le Grand, dont l’œuvre, qui fut, non la continuation, mais la négation et la revanche de celle de Charlemagne, est l’objet du deuxième volume. Partout, en Lorraine, en Bourgogne, en France, en Italie, le Saxon n’apparaît que pour piller, ravager, désorganiser ce qu’avait organisé Charlemagne, remplacer la législation romaine par les brutales coutumes des Allemands et, par exemple, introduire le duel dans la procédure judiciaire. Le teutonisme alors étreint une grande partie de l’Europe, « comme une plante rampante qui étend ses rameaux en tous sens et étouffe toutes les autres tiges sans jamais dresser sa tête vers le ciel •. Le troisième volume est consacré à la querelle des investitures : règnes de Lothair-e, de Conrad II le Salique, de Henri III, de Henri IV et de Frédéric Barberousse. Ceux qui ont reproché à M. Zeller son hostilité contre la race allemande ne pourront l’accuser ici de parti pris. Quoiqu’il soit pour le sacerdoce contre 1empire, il ne diminue en rien la grandeur du rôle joué par les Césars allemands. Il nous fait assister, sous Conrad le Salique, à la lente et continue métamorphose de l’empire, qui après s’être appuyé sur l’Église, puis s’en être constitué le gardien, finit par engager la lutte avec elle. Le rêve du fondateur du saint-empire, Othon, l’harmonie des deux puissances, qui devait être la garantie de l’unité chrétienne en Europe, n’était qu’une chimère irréalisable. Sous Henri III, qui s’efforce de gouverner à la fois le spirituel et le temporel, de régénérer l’Église corrompue, de faire de tous les États voisins autant de tributaires, l’empire est à son apogée : mais cette grandeur colossale commence à s écrouler sous Henri IV, forcé de s’avouer vaincu et de s’humilier devant Grégoire VII, Ses sympathies, son admiration pour le grand pontife, n’empêchent pas M. Zelter de reconnaître ce qu’aurait pu avoir de funeste pour l’Europe le eésarisme ecclésiastique, et il rend pleine justice au souverain allemand. « S’il vit se briser entre ses mains, dit-il, une tyrannie injuste et corruptive, il sauva du moins par sa résistance l’indépendance du pouvoir temporel et laïque, et il sut ainsi soustraire son pays, et peut-être l’Europe,

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aux excès d’une théocratie qui recelait aussi « des germes dangereux d’asservissement pour les États et pour les peuples ». Frédéric Barberousse conserve encore, malgré son ambition démesurée, le double point de vue allemand et romain de son prédécesseur, mais Henri VI met cette conception en péril en changeant l’axe de la puissance impériale, en joignant la royauté de Naples et de Sicile à celle de TAllemagne, en comprenant dans les universelles visées de son ambition Jérusalem, la Grèce et tout l’Orient.

M. Zeller nous montre dans son cinquième volume, consacré à Frédéric II, cet essai de résurrection de l’empire de Constantin et de Théodose. Othon et Barberousse se contentaient de remonter à Charlemagne, empereur d’Occident ; Frédéric II se prétend l’héritier direct de Constantin, et ses légistes le prouvent. Il veut renouveler Trajan et Auguste, f II fait de la Méditerranée le centre d’une puissance énorme, qui étend ses bras de la mer de Sicile à la Baltique, et du royaume d’Arles à celui de Jérusalem. Du haut de ce vaste système, comment compterait-il pour beaucoup ce pape qui, un jour, dans Rome, ville qui ne lui appartient même pas, lui a donné une couronne qu’il veut ensuite lui reprendre ? L’empire qu’il rêve s’élève au-dessus de la papauté qui pourtant l’a fondé ; il la dépasse et se l’assujettit. C’est ce qui fait prêter à Frédéric II le projet de se mettre à la tête de l’Église et d’y remplacer la pape, tandis que ce n’était là qu’une conséquence de la politique transcendante et universelle qui caractérise son rôle et son génie, et qui a fait de lui, suivant l’expression d’un contemporain, l’étonnement du monde. Ce que Frédéric II a déployé de fécondité, d’invention et de variété de ressources pour réaliser une pareille ambition, après celle dont le pape Innocent III, qui n était pas moindre pour dominer le monde, avait donne l’exemple, a naturellement excité l’admiration. Esprit libre et détaché, qui dépasse de beaucoup la conception chrétienne, impériale et pontificale du moyen âge, il oppose hardiment le droit divin de sa nouvelle souveraineté au droit divin du saint-siège ; souverain laïque qu’on accuse trop d être uu impie parce qu’il n’est pas dévot, protagoniste du pouvoir civil contre le sacerdoce, il ne veut remplacer ni détruire la papauté ; cependant, tout en regrettant de n’être pas, comme les monarques d’Asie, à la fois chef d’État et de religion, il ne tente pas d’entrer tout entier dans le saint des saints, et il meurt encore jeune, usé par la lutte contre l’impossible. Pouvoir spirituel universel et pouvoir politique universel, dont l’alliance avait été le tourment et le mystère du moyen âge, la papauté et l’empire avaient tout perdu, pour avoir tout voulu. La mémoire de Frédéric II, malgré ses défauts et ses revers, n’en a pas moins, à cause de la grandeur de son rôle et de la hardiesse de son génie, survécu aux ruines qu’il a faites. En même temps qu’il est le dernier des empereurs du moyen âge en Allemagne, il est le premier souverain moderne à Naples. 11 ferme un âge et il en commence un autre >.

La fin tragique de Conrad et Conradin clôt la première partie de l’Histoire d’Allemagne. La seconde comprendra : 1° les origines et les premiers souverains de la maison d’Autriche et de la maison de Luxembourg, l’histoire des institutions, des principautés et des villes d’Allemagne du premier grand interrègne à l’élection de Charles-Quint ; 2" la Renaissance et la Réforme allemande au xvie siècle ; 3» la guerre de Trente ans et la paix de Westphalie. Les derniers volumes conduiront l’histoire de l’Allemagne, et particulièrement celles de l’Autriche et de la

Prusse au temps de Frédéric II, de Marie-Thérèse et de leurs successeurs pendant le xvme siècle, jusqu’à la seconde chute de l’empire en 1806. L’histoire contemporaine de l’Allemagne comprendra celle de la Confédération germanique, constituée par les

traités de 1815, et du nouvel empire allemand restauré en 1870 par ta Prusse. On voit l’importance de l’immense travail entrepris par l’historien. Une érudition qui puise aux sources, une grande sûreté de jugement, une singulière habileté à entrer dans les détails les plus intimes sans perdre de vue l’ensemble, des portraits vivement touchés, des récits entraînants, voilà les qualités qui recommandent l’ouvrage de M. Zeller. Allemagne (l/) à la fin du moyeu Age,

par J. Janssen (traduction française, 1887, gr. in-8°). Le titre de l’ouvrage allemand est : Histoire du peuple allemand depuis le moyen âge (1876-1884, 3 vol. in-8°), ce qui laisse supposer que l’auteur se propose de poursuivre sa tâche jusqu’à l’époque contemporaine, et que ces trois volumes forment seulement une première série. Quoi qu’il en Soit, elle offre un tout complet, une histoire du peuple allemand dans le demisiècle qui a précédé la Réforme et, dût-elle rester la seule, elle serait toujours remarquable par la nouveauté et la hardiesse des aperçus. C’est une enquête des plus complètes et des plus savantes sur la vie intime de l’Allemagne, les mœurs et coutumes, la religion, les lettres, les sciences, les arts, la situation économique, industrielle et agricole, sur tout ce qui constituait la civilisation de ce grand pays quand la Réforme, comme chez nous

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la Révolution de 1789, vint fonder un nouvel ordre de choses sur les ruines de l’ancien. Cette enquête n’est pas sans offrir quelques points de ressemblance avec celle que poursuit chez nous M. H. Taine dans ses Origines de la France contemporaine, et elle a soulevé contre son auteur les mêmes tempêtes. M. J. Janssen est catholique ; adversaire du protestantisme, il ne fait un tableau de la situation prospère de l’Allemagne à la fin du moyen âge, que pour montrer que la Réforme, en apportant une immense perturbation dans les relations religieuses et sociales, a produit un irrémédiable abaissement du niveau intellectuel, moral et artistique, une diminution du bien-être général, un appauvrissement de tous. Ce sont là des vues auxquelles on ne refusera ni la nouveauté ni l’originalité, car tous les historiens envisagent la révolution religieuse accomplie par Luther comme le point de départ d’une rénovation complète pour l’Allemagne aussi bien que pour la civilisation européenne tout entière, à qui le libre examen ouvrit à la pensée des horizons sans bornes.

Ce parti pris de justification du moyen âge enlève du reste peu de valeur au savant ouvrage de Janssen ; on peut laisser de côté la thèse que l’auteur soutient, et se contenter de le suivre dans son exposition, qui garde tout son intérêt, abstraction faite des conclusions qu’il se propose d’en tirer. Dans son Introduction, il étudie l’état intellectuel de l’Allemagne au moyen âge et constate le développement qu’avaient pris toutes les branches du savoir humain. Le premier livre de l’ouvrage est consacré à l’imprimerie et à la librairie, aux écoles, aux universités, aux grands humanistes de l’époque : Werner Rolewink, Trithème et ses élèves, Ulrich Zasius, Gr. Reisch, Heynlin, "Wimphering, Sébastien Brandt, etc. L’auteur montre toute la part qu’eut le clergé catholique à la diffusion de l’art nouveau, tant que l’imprimerie fut à son service ; il cache naturellement ses efforts pour le tenir en tutelle, dès que le livre parut vouloir lui échapper et devenir un instrument de libération pour la pensée, si longtemps tenue captive. Le second livre : f Art et la vie populaire, est extrêmement intéressant ; l’auteur y examine le développement artistique et littéraire de l’Allemagne dans les édifices religieux, dans la peinture, la gravure, les œuvres d’art en métal, puis dans la poésie populaire, le théâtre religieux, les chroniques, les romans, les traductions d’auteurs anciens. Une étude sur la langue vulgaire, qui apparaît alors, clôt ce résumé substantiel. Dans le livre III est étudiée consciencieusement l’économie sociale : droits et

devoirs des seigneurs et des colons ; redevances ; modes divers de culture, vie et travaux des journaliers, des artisans ; corporations, associations commerciales et industrielles ; etc. On ne peut s’empêcher de

reconnaître, en lisant ces pages, que l’état social du moyen âge n’était pas aussi confus, aussi incohérent qu’on le croirait d’après la plupart des historiens, et que- l’organisation du travail, qui reste encore un problème dans notre société contemporaine, avait été en grande partie résolue aux xiv* et XV* siècles. Un des chapitres les plus curieux est celui que consacre Janssen à l’exploitation du domaine archiépiscopal d’Erfurt, en 1500, qui nous est connue par le règlement d’un de ses intendants, Nicolas Engelmann. Les utopies des communistes n’y sont pas réalisées pleinement, puisqu’il y a un maître et des serviteurs ; mais pour la juste répartition des produits, le bien-être des travailleurs et la culture intelligente, cette exploitation agricole du moyen âge laisse bien loin derrière elle la fameuse Icarie, où tout ce qui était si beau sur le papier devint une suite de cruelles déceptions pour les pauvres diables entraînés au delà des mers par M. Cabet. À la suite viennent, sur les banques, le prêt à intérêt et les associations de capitaux, des considérations tout à fait conformes aux principes de l’Église, qui défend de tirer de l’argent toute espèce de loyer, mais en contradiction avec les faits, puisque le clergé catholique tire de gros revenus de ses propriétés immobilières et mobilières. M. Janssen n’en persiste pas moins à flétrir les grosses maisons de banque du xv« et du xvie siècle, et à traiter les capitalistes d’alors, comme sans doute ceux d’aujourd’hui, d’exploiteurs populaires. La tendance aux associations de capitaux, sans lesquels il est impossible de tenter de grandes entreprises, et qui ne s’associeront jamais que s’ils en espèrent une rémunération convenable, est trop naturelle et trop générale pour qu’on puisse aujourd’hui revenir en arrière, recommencer les temps antérieurs aux Fugger et aux Hochstetter

d’Augsbourg, et en revenir purement et simplement à ce que peuvent de petites bourses et des individualités isolées. Le livre IV traite de la constitution de l’empire d’Allemagne, des réformes tentées par Maximilien, de l’introduction du droit romain dans les universités et les tribunaux, et de la décadence amenée par l’abandon du vieux

droit germanique : l’invasion de la chicane, l’établissement de nouveaux impôts, ruineux pour le peuple et conseillés par les juristes. C’est un tableau politique et administratif d’une grande ampleur. Dans sa conclusion,

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l’auteur récapitule les symptômes menaçants pour l’Église qui étaient visibles dès la fin du xve siècle et, sans dissimuler les scandales et les abus d’où naquit la Réforme, conteste néanmoins la nécessité du bouleversement général dont elle fut le prétexte.

< Le livre de Janssen, dit judicieusement M. Heinrich, est pour la Réforme ce que le livre de M. Taine est pour la Révolution française. L’attitude des deux écrivains est presque la même, quoique les deux hommes soient séparés par toute la distance qu’on peut mettre entre un libre-penseur et un croyant. Le procédé est à coup sûr identique, et à la lecture des deux ouvrages il est impossible à un lecteur clairvoyant de ne pas en être frappé. Aux discussions théoriques sur la valeur de l’ancien régime et des temps nouveaux M. Taine a substitué une immense enquête dans laquelle les documents originaux, juxtaposés en une puissante synthèse, doivent nous fournir, si tant est qu’on puisse y arriver jamais, les éléments d’une conclusion définitive. Les procès-verbaux, les rapports, les pièces confidentielles, nous montrent, à Paris et en province, la vie da la nation française pendant cette terrible période d’orage ; de même qu’une enquête préalable, fondée sur la même méthode, nous a fait concevoir ce qu’était la vie nationale avant cette période de crise, ce qui a préparé le conflit, ce qui l’a rendu inévitable. Janssen na procède pas autrement. La vie industrielle, sociale, religieuse, l’organisation des institutions de bienfaisance, les mœurs chrétiennes prises dans leurs détHils les plus intimes, dans leur aspect tantôt naïf, tantôt pittoresque, voilà ce qu’il recherche dans le passé et ce qu’il met sous les yeux avec un rare bonheur. Le tableau est très évidemment à l’avantage du catholicisme. Ces institutions charitables, ces liens religieux des associations industrielles, ou même des simples associations artistiques, ces rapports des apprentis, des ouvriers, des patrons, étaient 1 œuvre de la plus vieille expérience, en même temps que des intentions les plus bienfaisantes. La piété la plus sincère et ta sagesse la plus éclairée y avaient collaboré pendant des siècles. Ces institutions avaient le défaut de tout ce que l’on constituait au moyen âge : elles prétendaient à une immobilité qui semblait exclure le progrès. Elles n’en étaient pas moins la condition de tout le bien qui s’opérait alors dans les relations sociales. Elles furent attaquées, bouleversées inconsidérément, comme tant de choses le furent

chez nous au moment de la Révolution française. Les réformateurs qui déchaînèrent l’orage ont plus d’un trait de ressemblance avec les philosophes qui, chez nous, poussèrent au renversement du vieil édifice social. Ce fut pour des questions abstraites, pour des principes souvent contestables, qu’ils jetèrent dans la massa ces grands mots, toujours si populaires, de réforme, de réorganisation. La multitude, au xvie siècle, en Allemagne, comme à la fin du xvme siècle en France, vit surtout dans ce mouvement une occasion de porter remède à tel ou tel abus dont elle ressentait dans son humble sphère, l’ineonvénient immédiat. Personne, au début, en 1517 ou même en 1521, ne veut changer l’ensemble de la religion, pas plus qu’en 1*89 on ne songe à changer en France la forme du gouvernement. Chacun attaque isolément telle pierre de la vieille construction qu’il veut changer pour rendre l’édifice plus solide ou plus commode, sans se douter que le mur, attaqué de tous côtés à la fois, va s’écrouler et joncher au loin le sol de ses débris.

« Le livre de Janssen prouve que pour justifier la Réforme on s’est attaché surtout à montrer les ombres du tableau. Dans cette période proclamée néfaste, les universités et les hautes écoles se créent de toutes parts ; les études y sont florissantes, ce qui prouve que les savants et leurs élèves y ont quelque sécurité et quelque bien-être. La richesse se développe dans tes villes, les goûts artistiques se répaudent jusque dans les corporations ouvrières, signe incontestable d’une aisance relative, d’une existence où les besoins les plus urgents de la vis sont facilement satisfaits. Sans doute il ne faut pas nier des maux souvent forts réels ni réhabiliter sans restrictions une société qui eut ses imperfections et ses vices ; mais il n’en est pas moins vrai que la plupart des écrivains, pour le besoin de leur thèse, se sont plu à assombrir ce tableau... Quelle que soit l’issue du débat, la postérité inscrira Janssen parmi les grands historiens de notre siècle, et donnera à ce penseur non moins profond que courageux et sincère, une place éminente parmi ses contemporains. »

Allemagne (HISTOIRE DES IDÉES REUOIEOSK3 EN), par M. Lichtenberger (1874, 3 vol. in-8°). L’auteur ne s’est pas renfermé dans l’étude spéciale de la théologie, des théologiens et des exégètes religieux. Nulle part autant qu’en Allemagne, philosophie, théologie et littérature ne sont plus intimement mêlées, ne se font plus sentir réciproquement leur influence. Comme l’a très bien dit M. de Pressensé, la religion, sur une terre protestante, n’est pas sacerdotale, elle est laïque et mêlée à toute la vie nationale. Parallèlement au mouvement des idées religieuses, M. Lichtenberger expose donc le mouvement de 1«

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