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texte que nous désirions la guerre à courte échéance, mais l’intervention des cabinets de Londres et de Pétersbourg mit fin à l’incident. L’attitude du czar, et particulièrement celle du prince Gortschakoff, jeta une certaine froideur entre les chancelleries russe et allemande, et, lorsque la question d’Orient fut soulevée en Herzégovine et en Bosnie (1875), M. de Bismarck se garda bien de conseiller à la Russie de ne point entrer en guerre avec la Porte : il ne pouvait qu’être heureux de voir sa puissante alliée s’affaiblir sur les champs de bataille. Le prince Gortschakoff eut l’intuition de toutes ces choses ; se défiant de l’Allemagne, voyant l’Angleterre et l’Autriche résolues à s’opposer par la force au traité de San Stefano (V. Orient), il demanda l’entremise du cabinet de Berlin pour inviter les puissances k se réunir en congrès : la Russie obtint des territoires en Europe et en Asie, l’Autriche reçut en Bosnie et en Herzégovine la compensation qu’elle attendait depuis l’entrevue d’Ischl. M. de Bismarck avait évidemment • choisi entre la Russie et l’Autriche », et ce choix n’avait pas été à l’avantage du czar. Un moment, à voir les garnisons moscovites de la frontière renforcées et les polémiques de la presse, on put croire qu’un conflit allait éclater. L’empereur Guillaume ne le voulut pas, mais il »e put empêcher son premier ministre de substituer à la triple alliance une entente formelle entre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, Cette alliance, projetée à Gastein, au mois d’août 1879, par le prince de Bismarck et le comte Andrassy, fut ratifiée par Guillaume le 15 octobre, lorsque son chancelier Veut menacé de démissionner en cas de refus ; on devine qu’elle était dirigée et contre la France et contre la Russie. Tandis qu’il concluait des alliances pour se rendre plus redoutable à ses ennemis d’outre-Vosges, il ne négligeait aucune occasion de nous montrer sa bonne volonté dans toutes les questions où l’Allemagne n’est pas directement engagée : en Égypte, en Tunisie, au Congo, essayant par là de diriger notre activité vers d’autres desseins que celui de la revanche. Il pensait que, si nous étions occupés des questions coloniales, nous y trouverions un emploi de nos forces, des satisfactions d’amour-propre et des avantages matériels qui nous détourneraient quelque peu des affaires continentales. Il est incontestable que, de 1881 à 1885 et surtout de 1883 à 1885, il y a eu entre l’Allemagne et la France des rapports exempts de toute aigreur : au commencement de 1885, non seulement l’Allemagne nous soutint dans nos démêlés avec l’Angleterre, à propos de l’Egypte, mais encore elle chercha à nous pousser en avant quand elle nous trouva trop tièdes à l’égard de M. Gladstone. Après la chute du cabinet Ferry, on comprit que M. de Freyeinet, adoptant un programme tout différent de celui de son prédécesseur, ne montrerait plus les mêmes dispositions dans ses rapports avec Berlin, et la mauvaise humeur du chancelier fut telle que sa conduite dans les affaires de Grèce eut pour objet d’attester à l’Europe et de nous prouver à nous-mêmes notre isolement, c’est-à-dire notre impuissance diplomatique (v. Grèce) ; son attitude conciliante envers le czar prouva d’autre part qu’il voulait rendre impossible un rapprochement entre la Russie et la France.

L’assassinat d’Alexandre II avait eu pour conséquence un revirement subit de la diplomatie russe, et le nouveau czar s’était rapÏiroché ouvertement de l’Allemagne. En 1883, a triple alliance était constituée et assez solidement pour n’être pas ébranlée deux ans plus tard par la révolution rouméliote ; l’entrevue de Skiernieipice (1884) ne fit que la consacrer aux yeux de l’Europe ; mais l’habileté de M. de Bismarck ne réussit pas à maintenir en bons rapports les cabinets de Vienne et de Berlin à partir du jour où la déposition puis l’abdication forcée du prince Alexandre de Battenberg eurent amené des complications en Bulgarie. Des circonstances diverses permettent de croire que la Russie est aujourd’hui libre de tout lien, tant à l’égard de l’Autriche qu’à l’égard de l’Allemagne, et qu’elle entend conserver son entière liberté d’action.

Dès le lendemain de la guerre de 1870-TI, l’Italie, retenue par les devoirs de gratitude qu’elle avait contractés jadis envers nous, s’était senti visiblement attirée vers la puissauce qui non seulement dictait ses volontés aux nations, mais encore combattait chez elle le Vatican, cet ennemi naturel du Quirinal. M. de Bismarck sut mettre à profit ces bonnes dispositions, et l’Italie entra dans la triple alliance (1883). Elle ne supposait point alors que le chancelier se réconcilierait avec le saint-siège, et Alphonse XII d’Espagne, en acceptant en 1885 le grade de colonel d’un régiment de uhlans, ne prévoyait point, lu’, non plus, que le successeur de saint Pierre, réglant la question des Carolines, échangerait des distinctions honorifiques et de douces paroles avec le haut exécuteur des lois de mai.

Voici la liste des empereurs d’Allemagne, depuis le traité de Verdun jusqu’à nos jours :

Empereur ! d’Allemagne.

Louis le Germanique 843-876

Louis, Carloman et Charles dit

le Gros S76-8S2

Charles le Gros 882-887

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Arnulf 887-899

Louis l’Enfant 899-911

Conrad Ier 911-919

Henri Ier l’Oiseleur 919-936

Othon Ier le Grand 936-973

Othon II 973-983

Othon III 983-1002

Henri II 1002-1024

Conrad II 1024-1039

Henri III 1039-1056

Henri IV 1056-1106

Henri V 1106-U25

Lothaire II 1125-1137

Conrad III 1137-1152

Frédéric Ier 1152-1190

Henri VI 1190-1197

Philippe de Souabe 1197-1208

  • Othon IV de Brunswick 1197-1212

Frédéric II 1212-1250

Grand interrègne 1250-1273

Rodolphe 1er de Habsbourg... 1273-1291

Adolphe de Nassau 1291-1298

Albrecht 1er 1298-1308

Henri VII de Luxembourg... 1308-1313

Louis IV de Bavière 1313-1347

Charles IV 1347-1378

"Wenceslas, mort en 1419.... 1378-1410

Sigismond 1410-1437

Albrecht II 1438-1439

Frédéric IV 1440-1493

Maximilien Ier 1493-1519

Charles-Quint 1519-1556

Ferdinand Ier 1556-1564

Maximilien II 1564-1576

Rodolphe II 1576-1612

Mathias 1612-1619

Ferdinand II 1619-1637

Ferdinand III 1637-1657

Léopold I«r 1658-1705

Joseph Ier 1705-1711

Charles VI 17U-1740

Charles VII 1740-1745

François Ier 1745-1765

Joseph II 1765-1790

Léopold II 1790-1792

François II 1792-1806

La dignité d’empereur, supprimée en 1806, fut rétablie le 18 janvier 1871, à Versailles. Le roi de Prusse, Guillaume, fut alors proclamé empereur d’Allemagne sous le nom de Guillaume Ier.

Littérature. L’Allemagne compte, sans aucun doute, un certain nombre de littérateurs de talent, dont nous saurons, à l’occasion, reconnaître le mérite ; le cas sera rare, la valeur des productions contemporaines ayant sensiblement baissé. Aussi, pour nous mettre plus à l’aise, citons tout d’abord les propres paroles de ceux-là mêmes qui sont en cause. En 1883, un critique allemand des plus autorisés, M. Wilhelm Scherer, écrivait que, depuis la mort de Goethe, tout le développement littéraire n’est « qu’un appendice irrégulier ■. Avant lui, un rédacteur de la « Deutsche Rundschau », revue fort estimée, avait écrit : ■ On ne cesse de nous répéter que l’essor politique d’une nation ne peut être que favorable k son essor littéraire : pour les travaux historiques, je constate juste le contraire. » Et pourtant c’est dans les travaux historiques et d’érudition que les Allemands montrent la plus grande supériorité. Ces mêmes critiques, ces mêmes plaintes, sont beaucoup plus fondées lorsqu’il s’agit de la poésie, du théâtre, du roman ou de la philosophie. Cependant, d’une part, les écrivains sont plus nombreux aujourd’hui en Allemagne qu’à aucune autre époque, les genres les plus divers y sont cultivés, et d’autre part, dans aucun pays du monde la littérature et la science n’ont agi avec plus de puissance sur les esprits et n’ont eu plus d’influence sur les destinées générales de la nation : grâce à l’instruction répandue partout, livres, journaux, revues sont à la portée de tous, et poètes, romanciers, historiens, philosophes, savants de toute sorte, entraînent derrière eux le peuple tout entier. Seulement, durant ces dernières années, nul parmi ces écrivains n’a su se créer par son génie cette vivante popularité que fait naître l’étroite communion d’idées entre l’écrivain et sa génération. Que si l’on cherche le pourquoi de ce phénomène, la meilleure raison à en donner est la suivante.

Après ses triomphants efforts de 1870-1871, l’Allemagne eut soif de bien-être, de jouissances matérielles, et dans toutes les branches de l’activité humaine on ne la vit plus chercher que le succès san3 fatigue et les bénéfices immédiats. Dans le domaine des lettres, cette tendance produisit des effets désastreux : il fut envahi par une quantité prodigieuse d’ouvrages, la plupart d’une lamentable médiocrité, maniérés et frivoles. L’absence de critique sérieuse est venue aggraver encore le mal ; presque toutes les prétendues études ne sont qu’une réclame déguisée, et ce système s’étend non seulement aux auteurs contemporains, mais encore aux écrivains du passé. On voit rééditer à profusion les œuvres de ceux dont le talent est consacré, et en même temps celles d’écrivains sans valeur, subitement tirés de l’oubli, auquel ils avaient droit, pour être improvisés classiques allemands. Dans ces conditions, le bon grain est fatalement étouffé par l’ivraie ; d’autre part, le niveau intellectuel des lecteurs baisse, leur goût se pervertit. On s’écarte des œuvres élevées

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oti recherche celles qui offrent un facile aliment à la curiosité malsaine, les livres à scandale.

Poésie. La poésie allemande au xixe siècle a joué un grand rôle en politique ; Hoffmann do Fallersleben et Herwegh eurent de nombreux imitateurs faisant, dans leurs chants d’un teutonisme exalté, appel à la colère et à la haine, poussant mille cris de fureur contre la France, ennemie séculaire de l’Allemagne ; contre la Russie, dont la puissance sans cesse grandissante était une menace ; contre Rome et le catholicisme, dont n’a pu triompher Luther, enfin contre les gouvernements despotiques qui compriment l’élan national. Si, à jouer ce rôle, la poésie a gagné une grande influence et une brillante popularité, elle a certainement perdu au point de vue artistique, car la poésie politique ne survit guère aux idées qui l’inspirent. Aujourd’hui c’est à grand peine que l’instinct musical et lyrique de l’Allemagne soutient contre les atteintes de la décadence la poésie et te lied national. Naguère encore un grand concours fut institué à Vienne pour la composition d’un hymne national destiné à l’Autriche allemande : 1.570 candidats, il est vrai, se présentèrent ; mais, aucun d’eux n’ayant mérité le prix, on dut enfin le décerner à un membre du jury, M.Winter. Les poètes accusent les anthologies de leur barrer le chemin du succès ; et cependant ca sont ces morceaux choisis qui maintiennent en Allemagne un peu de goût pour la poésie. Le recueil composé par Kneschke et Moltke, les Poètes lyrique» depuis 1850, a eu un grand succès. Voici, à ce sujet, l’avis de la « Deutsche Rundschau » :■ Les bons poètes de l’Allemagne se taisent ou s’éteiguent peu à peu, et leurs èpigones, sans pouvoir trouver des accents originaux, continuent à racler les violons accordés par leurs prédécesseurs. Notre époque a perdu la paix et le silence nécessaires aux rêveries lyriques ; les poètes eux-mêmes se sentent dans un milieu hostile à leurs émotions intimes. Là est peut-être la vraie cause du retour des imaginations au moyen âge, aux temps de l’empire romain et des Pharaons. » Un certain nombre de poètes, en effet, vont chercher leurs inspirations dans l’ancienne poésie allemande ; un entre autres, Jordan de Francfort, a repris les légendes du cycle des Nibelungen et va de ville en ville réciter, à la façon antique, des chants entiers de poème sur les exploits de Siegfried, En avril 1884, est mort Emmanuel Geibel, celui qu’on avait surnommé le • poète des Allemandes », et dont la dernière publication, Feuilles d’automne, fut très goûtée ; depuis Henri Heine, nul poète n’a été aussi admiré et aussi populaire que lui. Après lui, et parmi les auteurs déjà connus, nous citerons Fr. Bodenstedt, qui a donné le Chantre de Schiras, tes Nouveaux Chants de Mirza Schaffy et De l’Orient et de l’Occident, recueil où l’on trouve plus de savoir-faire et de réflexion que de véritable sentiment. Le célèbre écrivain A.-F. von Schack a fait paraître un roman en vers : De naissance égale, et deux œuvres épiques : les Nuits d’Orient et lesPléiades. Cette dernière œuvre transporte le lecteur en Grèce, à l’époque des combats héroïques contre les Perses, àSalamine. OndoitàOthon Roquette, l’auteur bien connu du Voyage de noce de Waldmeister, des Idylles, élégies et monologues, qui, s’élevant très au-dessus du niveau ordinaire des productions actuelles, sont d’une profondeur de vue etd’une richesse de forme remarquables.

Oscar de Redwitz a publié, sous le titre de Odilo, une épopée moderne. Parmi les écrivains plus récents, on remarque surtout Richard Leauder, nature fine et aimable, H. Landesmann (connu sous le pseudonyme de Hieronymus Lorm), poète pessimiste ; Rudolphs Baumbach, auquel on doit les Chants et les Nouveaux chants d’un compagnon voyageur, des Contes d’été et Frau Bolde ; Paul Heyse, auteur d’une remarquable nouvelle en vers : la Madone au bais des oliviers et d’un Livre d’esquisses, recueil de ses dernières poésies ; on le classe avec raison parmi les premiers poètes de l’Allemagne contemporaine pour la clarté de l’expression, la profondeur du sentiment et la perfection de ta forme. Parmi les autres ouvrages de valeur, distinguons les Poésies posthumes de Georges Herwegh, poète polémiste et politique-, Cain, poème épique de G. Kastropp ; le Chasseur de rats de Hameln ; le Chasseur sauvage et TannhaHser, œuvres très appréciées de Julius Wolff ; Contes et histoires de Hans Herrig ; Rêoerie des bois de W. Jensen. Les événements de 1870 ont inspiré un grand nombre d’œuvres qui, de l’aveu des Allemands eux-mêmes, n’ont aucune valeur littéraire : la Guerre de 1870, simple chronique rimée ayant des prétentions à l’épopée, par Conrad Brandenburg ; les Glorieux Événements de Sedan, par Fritz Wonnig, et la Grande Année, par K. Koeslling, auquel on doit aussi un poème épique ; le Chemin de l’Eden. Voici maintenant : Fr. Othon Gensichen avec Felicia ; Hans Hopfen, personnalité poétique très originale, dont les poésies, et entre autres la ballade intitulée ; le Combat des paysans à Sendling, comptent parmi les meilleures productions de la littérature allemande contemporaine. Les poésies de Julius Grosse offrent de l’analogie avec les œuvres du précédent. S. HerUfelder exprime des sentiments chaleureux en des vers d’une forme accomplie.

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Citons enfin E. Scherenberg, Charles Falkenau, le poète épique Gottfried Kinkel, avec l’anagra et une Idylle en Grèce ; le prince Emile de Schœnaich-Carolath, qui s’inspire de Byron et des romantiques français ; le roi Jean de Saxe, dont les œuvres lyriques présentent un intérêt historique considérable ; Ad. Schœll, qui, dans ses œuvres poétiques, embrasse la période de 1823 à 1839 ; von Wildenbrusch, qui, comme poète et comme dramaturge, a obtenu les deux grands prixGrillparzeret Schiller ; Siegfried Lipiner, Ernst Zitelmann, Ferdinand von Schmidt, August Corrodi et Alfred Hartmann.

Théâtre. Le théâtre, comme la poésie, traversa une longue période de transition. En 1878, le roi de Bavière ouvrit un concours afin de couronner et de faire représenter la meilleure tragédie, la meilleure comédie et le meilleur drame ; le directeur du théâtre royal de Munich reçut, à cette occasion, plus de 800 manuscrits ; mais, après une première lecture, trois œuvres furent à grand’peine jugées dignes d’être représentées, et encore aucune ne se trouva mériter un prix. Après la guerre de 1870, on s’était pourtant attendu à un élan de fécondité puissante et durable, à une floraison énergique de talents inconnus et remarquables ; on avait proclamé la liberté du théâtre en supprimant les privilèges des régisseurs de cour. La désillusion fut rapide ; c’est surtout dans le domaine de la littérature dramatique que la décadence allemande est certaine. Tous les efforts tentés pour créer un art national et arracher l’Allemagne au joug détesté de la France sont restés sans résultat appréciable. Comme le dit fort bien un critique, quand on songe avec quelle aigreur jalouse nos vainqueurs attaquent notre civilisation, qu’ils appellent corruption, il faut avouer que, s’ils demeurent tributaires de notre littérature dramatique, c’est que réellement la leur est bien peu récréative. Or, devant l’ennui, il n’y a pas d’esprit national qui tienne ; le patriotisme fera faire les plus grands sacrifices, sauf celui de bâiller. Naturellement ce sont les écrivains dramatiques allemands qui sont les plus irrités de cet engouement de leurs compatriotes pour les pièces françaises ; aussi applaudissent-ils quand ils voient la police interdire une pièce, comme cela eut lieu en 1879 pour Niniche, alors que le directeur avait payé 5.000 francs le droit de jouer ce vaudeville. Pauvres en œuvres dramatiques de valeur, ils.le sont aussi en auteurs de talent. ■ Si noua empruntons, dit Paul Lindau, à la richesse proverbiale de nos voisins d’outre-Rhin, nos acteurs sont parfois incapables d’interpréter des finesses qu’ils ne peuvent saisir, parce qu’ils vivent dans un milieu très différent de celui de Paris. C’est ce qui est arrivé pour la pièce spirituelle de Pailleron, le Monde où l’on s ennuie, qui ne fut qu’imparfaitement interprétée par les acteurs de Berlin. > La langue allemande se prête d’ailleurs fort mal au bon mot, à la finesse, à la légèreté et au badinage un peu libre ; néanmoins, selon Lindau, toutes les petites farces (possen) du théâtre allemand actuel sont empruntées au répertoire du Palais-Royal. Quant aux drames, aux comédies, les sujets en sont rarement demandés aux événements contemporains : M. de Bismarck, qui supporte à grand’peine l’opposition du Parlement, ne serait pas d’humeur à laisser passer, dans un ouvrage s’adressant au public, des théories d’indépendance opposées à sa façon de gouverner. Aussi l’art dramatique contemporain prend-il presque tous ses sujets dans l’histoire du passé : Kruse, dans la tragédie le Banni, nous raconte l’histoire du ministre danois, le comte Ulfeld, et de sa femme, la princesse Léonora Christina ; G. Stiegert fait jouer une Clytemnestre. parmi les autres auteurs dramatiques nous citerons : von Wildenbruch, Adolphe L’Arronge, Lohwag, dont Ylphigénie à Delphes rappelle VIphigénie en Tauride de Gœthe ; Schack, Caro et surtout Gustave Freytag, qui excelle aussi bien au théâtre que dans le roman historique. En 1886, M. Hugo Lubliner a obtenu à Berlin un succès immense dans les Pauvres riches (Die Armen Beichen), dont le sujet a pu être emprunté à une foule de pièces françaises, entre autres au Roman d’un jeune homme pauvre. Bref, la plupart de ces pièces historiques sont banales, déclamatoires, mal agencées : presque toutes manquent de relief, et l’on n y trouve jamais ces études psychologiques dont sont coutumiers en France Emile Augier et Dumas fils. S’il faut cependant citer quelques auteurs et quelques œuvres en dehors des noms que nous avons déjà donnés, nous accorderons la préférence aux suivants : Ad. Wilbrandt, avec Giordano Bruno, Néron, etc., Martin Greif, auteur du. Prince Eugène, où est traité d’une façon assez intéressante le conflit entre le pouvoir impérial et les vues d’un général de génie ; Ferd. de Saar, avec les Deux de Witt ; Kranz Nissel, auquel sa tragédie Agnès de Méran valut le prix Schiller ; Alb. Lîndner, avec Don Juan d’Autriche  ; A. Fitger qui, après Adalbert de Brème, obtint au théâtre de Leipzig un succès considérable avec sa tragédie la Sorcière, dont les héros sont de race frisonne. On doit à Fr. Spielhagen Amour pour amour ; à E. Wichert, l’Ami du prince. Une des rares