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les maladies, les tempêtes mirent fin à. ses travaux. Kerguelen quitta ces parages sans s’être assuré s’il avait trouvé une île ou un continent et sans chercher de nouvelles découvertes. De retour en France en septembre 1774, Kerguelen fut en butte à diverses inculpations, et passa devant un conseil de guerre, qui le condamna à la dégradation et l’emprisonnement. Après lui avoir rendu la liberté, le gouvernement fit saisir tous les exemplaires de la relation de son voyage aux terres australes. Dans cet ouvrage, l’auteur ne donne qu’une connaissance imparfaite de l’île Kerguelen. Dans la relation de son voyage dans la mer du Nord, il donne d’assez bons détails sur l’Islande, le Groenland, les îles Féroë, Shetland, les Orcades et sur la Norvège ; il s’y montre navigateur soigneux et instruit.

Voyage à l’île de France, par Bernardin de Saint-Pierre (1773, 2 vol. in-8o).

D’après une préface écrite par l’auteur, les lettres et le journal dont se composent les deux volumes du Voyage à l’île de France ne sont que les lettres qu’il adressa à ses amis pendant son absence et qu’il mit en ordre à son retour pour les faire imprimer. Son voyage commence vers la fin de 1767, où il s’embarqua à Lorieut. Bernardin de Saint-Pierre double le cap de Bonne-Espérance et, après cinq mois de traversée, aborde à l’île de France. Nous trouvons consignés dans ses lettres toutes les impressions de son voyage et tous les incidents d’une longue traversée. Arrivé à l’île de France, l’auteur entre dans le véritable sujet de son travail, qui est d’étudier et de nous faire connaître cette colonie française. Il traite successivement de l’aspect et de la géographie de l’île, du sol et de ses productions naturelles, de son agriculture et de son commerce, des animaux particuliers à l’île de France, des productions maritimes, poissons, coquilles, madrépores ; des conditions atmosphériques, des mœurs, des habitants tant blancs que noirs, des moyens de défense de l’île, des animaux et des plantes exotiques qui y sont acclimatés. L’auteur raconte ensuite son départ pour retourner en France, son arrivée à Bourbon, au Cap. sa halte et ses explorations dans cette région, son arrivée à l’Ascension, ses observations sur cette île et sa rentrée en France.

Au récit de son retour en France, Bernardin de Saint-Pierre mêle une explication abrégée de quelques termes de marine et d’entretiens contenant des observations nouvelles sur la végétation.

Le plan constamment suivi dans son ouvrage consiste à parler d’abord des plantes, des animaux, du climat et du sol de chaque pays, puis à en décrire les mœurs, le caractère et les habitants. Ou a accusé l’auteur d’avoir voulu écrire une satire ; mais, en y regardant de près, on voit au’contraire qu’il s’est plu à s’étendre sur le bien et n’a parlé du mal qu’avec modération et indulgence. A cette indulgence peur les hoimues, Bernardin de Saint-Pierre joint les sentiments d’une philosophie pleine de mansuétude et d’humanité. C’est ainsi qu’après avoir tracé un effrayant tableau des traitements dont sont victimes les noirs de l’île de France, il proteste contre l’esclavage au nom de la philosophie et de la théologie : « Je suis fâché que les philosophes qui combattent les abus avec tant de courage n’aient guère parlé de l’esclavage des noirs que pour en plaisanter. Ils se détournent au loin ; ils parlent de la Saint-Barthélémy, du massacre des Mexicains par les Espagnols, comme si ce crime n’était pas celui de nos jours, et auquel la moitié de l’Europe prend part. Y a-t-il donc plus de mal à tuer d’un coup des gens qui n’ont pas nos opinions qu’à faire le tourment d’une nation à qui nous devons nos délices ? Ces belles couleurs de rosé et de feu dont s’habillent nos dames, le coton dont elles ouatent leurs jupes, le sucre, le café, le chocolat de leur déjeuner ; le rouge dont elles relèvent leur blancheur, la main des malheureux noirs a préparé tout cela pour elles. Femmes sensibles, vous pleurez aux tragédies, et ce qui sert à vos plaisirs est mouillé des pleurs et teint du sang des hommes ! »

Quand l’occasion s’en présente, l’auteur accompagne ses observations d’hypothèses et de conjectures scientifiques qui se lisent avec intérêt et dont quelques-unes sont passées a l’état de vérités. Outre l’utilité résultant des connaissances nouvelles renfermées dans l’ouvrage, on y trouve aussi de bonnes réflexions morales et humanitaires : « Je croirai, dit-il, avoir été utile aux hommes, si le faible tableau du sort des malheureux noirs peut leur épargner un seul coup de fouet, et si les Européens, qui crient en Europe contre la tyrannie et qui font de si beaux traités de morale, cessent d’être aux Indes des tyrans barbares. Je croirai avoir rendu service à ma patrie, si j’empêche un seul homme honnête d’en sortir et si je puis le déterminer à y cultiver un arpent de plus dans quelque lande abandonnée. » Mais ce n’est pas là, à nos yeux, le principal mérite de l’excursion de l’auteur à l’île de France. Ce qu’il en a rapporté de plus curieux et de plus admirable, c’est ce qu’il donne comme un épisode du voyage, Paul et Virginie.

Voyage de Carteret (1773).

Le Commodore Byrou venait de visiter les îles Malouines, appelées Faikland par les Anglais ; George III

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ordonna de continuer l’exploration de l’hémisphère méridional. Trois vaisseaux partirent de Plymouth le 22 août 1766, sous les ordres du capitaine Wallis ; Carteret commandait la flûte Prince-Frédéric, chargée de l’approvisionnement. Après avoir touché à Madère et au Cap-Vert, l’escadre pénétra dans le détroit de Magellan le 17 décembre ; Carteret fut envoyé au Port-Egmont, tandis que les autres navires étaient retenus dans le détroit par la disette et par les vents contraires. A la sortie du canal (11 avril 1767), un coup de vent sépara les navires. Carteret, abandonné par Wallis sur un navire délabré, se porta sur l’île Massa-Fuéro, une des îles Juan-Fernandez, voisine de la côte du Chili, rendue célèbre par le séjour de Selkirk, le héros du Robinson Crusoé. Il découvrit l’île Pitcairn, à 150 lieues environ dans le sud-est de l’archipel Dangereux. Se dirigeant au nord-ouest, il découvrit encore quelques îles au sud de l’archipel des îles de la Société ; il passa entre ces îles et les deux archipels des Amis et des Navigateurs, mais sans en avoir connaissance. Continuant sa route droit à l’ouest, il retrouva, à 10° de latitude S., l’archipel Santa-Cruz-de-Mendana, qu’il appela îles de là Reine-Charlotte. Au nord-ouest, il découvrit les îles Gower et Carteret, qui font partie des îles Salomon. Plus loin au nord-ouest, il pénétra dans une baie signalée par Dampier ; il reconnut que c’était un vaste détroit, nommé par lui canal de Saint-Georges, lequel sépare la Nouvelle-Bretagne et la Nouvelle-Irlande. Il découvrit ensuite les îles Portland et le groupe de l’Amirauté. Passant au nord des Philippines et s’engagant dans les Moluques, il dressa la carte de toute la côte occidentale de l’île de Célèbes. De Macassar, il se rendit à Batavia, d’où il retourna en Europe par le cap de Bonne-Espérance. Accosté ea mer (26 février 1769) par Bougainville, qui le suivait depuis plusieurs mois, il refusa ses offres de service. Ce voyage eut des résultats très-importants pour la géographie ; ce succès était dû, non aux ressources matérielles du navire, mais au talent et à la persévérance de Carteret. La relation de ce voyage se trouve dans le premier volume des Voyages de Cook et dans le recueil d’Hawkesworth (1773).

Voyages dans l’Asie Mineure et en Grèce, par R. Chandler (1775 et 1776, 2 vol. in-4o).

Chandler, helléniste renommé, fut envoyé par la Société des Dilettanti en Orient, avec mission de faire des recherches et des collections d’antiquités en commun avec les peintres Revett et Pars. De 1764 à 1766, il parcourut les îles Ioniennes, l’Attique, l’Argolide, l’Elide et une partie de l’Asie Mineure. Chandler rapporta en Angleterre une riche collection, qui lui servit à composer quatre ouvrages. Passé maître dans l’art de lire les inscriptions anciennes, de les copier avec exactitude et de suppléer heureusement aux lacunes, il a donné, sous le rapport des antiquités et de la géographie ancienne, ce qu’on peut faire de mieux en ce genre. Erudit, il ne poursuivait qu’un but déterminé, restreint ; il a parfaitement atteint ce but, de l’aveu de Barthélémy. Chandler a adopté une méthode particulière : il suit pas à pas Pausanias pour la Grèce, Strabon pour cette contrée et l’Asie Mineure, Pline l’Ancien pour ce qu’il a recueilli sur ces deux pays. Mettant à profit les fragments échappés aux dévastations des barbares et aux ravages du temps, il recherche soigneusement les vestiges des cités de l’Asie Mineure et de la Grèce : temples, théâtres, cirques, aqueducs, édifices, etc. Souvent il est réduit à la nécessité de transcrire les descriptions données par les anciens auteurs. Sous ce rapport, son Voyage est beaucoup plus une relation historique de l’ancien état de l’Asie Mineure et de la Grèce que le tableau descriptif de leur situation actuelle. Bien qu’il rapproche tout de l’état moderne des lieux, il offre peu de renseignements sur la condition présente des contrées décrites et sur les mœurs des peuples juxtaposés qui les habitent. Chandler rapporte ce qu’ont recueilli de plus remarquable les précédents voyageurs, Spon, Wheler, Chishul, Pococke, etc. Par contre, les érudits et les voyageurs l’ont mis lui-même à contribution, sans le citer toujours. La partie la plus complète et la plus intéressante de son Voyage, c’est la description d’Athènes. Ses recherches ont embrassé les trois ports du Pirée, de Phalère et de Munychie ; les tombeaux de la route qui mène à Cabilla ; l’état ancien et actuel des Propylées et du temple de Minerve, l’Erechthéum, les ruines des temples de Neptune et de Minerve Polyade, les vestiges du temple de Bacchus et de l’Odéon, la situation de l’Aréopage, du Stade et du Muséum ; enfin trois monuments assez bien conservés, le temple de Thésée, la tour des Vents et le monument choragique de Lysistrate. Le Voyage de Chandler a été traduit en français (1806, 3 vol. iu-8°).

Voyages dans les Alpes, par de Saussure (1779-1796, 4 vol. in-4o).

Le titre de cet ouvrage est trop restreint. Outre les Alpes, l’auteur a parcouru le Jura, les Vosges, les montagnes de la Suisse, de l’Allemagne, de l’Italie, de la Sicile et des îles adjacentes, et les volcans éteints de la France et des bords du Rhin. Toutefois, les Alpes ont été le but et le théâtre ordinaire des explorations du géologue ; il les a traversées quatorze fois

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par huit passages différents. Dans cet ouvrage, Saussure a fondé la véritable géologie, en établissant cette science sur une base solide, les faits et la comparaison. Il a pénétré la structure du globe. Il s’abstient d’élever prématurément aucun système général, bien qu’il fût préparé mieux que tout autre à édifier une théorie. Saussure préfère étudier en détail les substances qui composent la masse des montagnes, détruire les erreurs accréditées et signaler des faits nouveaux. Il se trompe quelquefois à son tour, parce qu’il n’a pas assez dégagé ses propres opinions des spéculations cosmologiques des auteurs qui l’ont précédé. Voici les règles générales et les principes théoriques qu’il constate : la chaleur intérieure de la terre n’est pas constante ; elle va en diminuant de l’équateur au pôle ; elle a pour foyer le soleil, et non le feu central. Le granit, la roche primitive par excellence, est le substratum ; produit d’une cristallisation formée par couches dans un état liquide, il n’est pas dû à l’action du feu. Les couches des montagnes latérales sont inclinées vers la chaîne centrale et lui présentent leur escarpement. Ces montagnes latérales sont d’autant plus bouleversées et s’éloignent d’autant plus de la ligne horizontale, qu’elles remontent à une formation plus ancienne. Entre les montagnes de différents ordres, il y a toujours des amas de fragments, de pierres roulées, etc. Quelques-unes de ces opinions sont contestables. Saussure voit justement dans les glaces des hautes montagnes le réservoir naturel et permanent des grands fleuves. Il n’accorde pas assez d’attention aux pétrifications et à leur gisement. Ses descriptions sont d’une exactitude parfaite, et son récit aura toujours pour principal mérite la vérité. Un autre mérite a fait surnommer Saussure le premier peintre des Alpes. Il réunit une imagination puissante à l’exacte recherche du savant et la froide sagacité du philosophe. Son dessin est animé en même temps que correct. L’écrivain a le sentiment calme et serein des primitives beautés de la nature, et son style, quand il parle en poëte, éveille des peintures dans l’esprit.

Voyage aux Indes orientales et à la Chine, par Sonnerat, (1782, 2 vol. in-4o).

Commissaire de la marine, mais naturaliste avant tout, Sonnerat a parcouru, de 1768 à 1778 et de 1783 à 1805, les îles de France, de Bourbon, de Madagascar, les Moluqués, les Philippines, les îles des Papous, l’île de Ceylan, la côte de Malabar, les montagnes des Ghattes dans l’Inde, le golfe de Cambay, la côte de Coromandel, la presqu’île au delà du Gange, la péninsule de Malacca, le littoral de la Chine, les provinces de Tanjouar et de Maduré, enfin d’autres parties de l’Inde et le Cap de Bonne-Espérance. Il avait visité la Nouvelle-Guinée, dans un premier voyage dont il a également donné une relation : Voyage à la Nouvelle-Guinée (1776, 1 vol. in-4o). Sonnerat n’a pas écrit de relation sur ses dernières courses dans l’Inde. Son principal ouvrage peut être considéré à deux points de vue : 1° sous le rapport anthropologique ; 2° sous le rapport scientifique proprement dit, qui avait toutes les préférences de l’auteur. Il s’attache principalement à décrire les animaux et les plantes, après en avoir introduit dans nos colonies des spécimens, qui se sont acclimatés sur leur sol : le cacao, l’arbre à pain, le manguier, etc. Aux îles des Papous, il avait chargé une quantité considérable de graines de giroflier et de muscadier. Le premier, il a décrit des quadrupèdes, des oiseaux et des végétaux peu connus, et de plus il les a dessinés avec beaucoup d’exactitude. Ses observations sur l’histoire naturelle des pays dont il parla sont la partie capitale de son ouvrage. De même, sa première relation renferme de curieux détails sur Manille, les Philippines et les Moluques. Sonnerat n’a pas perdu de vue les hommes. Il fait connaître avec exactitude, à part quelques erreurs, l’histoire, la topographie, le commerce, les mœurs, les coutumes, les arts, les sciences, l’astronomie, la mythologie et la religion des Indous, ceux surtout du Decan ou de la presqu’île de l’Inde. Un peu prévenu en leur faveur, il ne se trompe pas cependant quand il voit dans l’Inde le plus antique berceau de la civilisation. Dans le Cambodge, qui se rattache géographiquement à l’Indoustan, se dressent des ruines d’une grandeur colossale, d’immenses murailles en marbre sculpté, des édifices aux ruines gigantesques, le tout couvrant un cercle de terrain de 10 à 12 lieues de diamètre, des monuments si prodigieux et si somptueux, que le Vatican et le Colisée, mis à côté, paraîtraient d’infimes baraques. Quel est donc le peuple qui a construit ces temples et ces palais gigantesques ? Sonnerat, il faut le répéter, n’a pas évité certaines méprises : il distingue les brahmes d’avec les brahmanes, ceux-ci ayant fait place aux premiers dans le cours des âges. A l’égard des Chinois, il se montre sévère plus que de raison ; son blâme paraît être exagéré sur bien des points. De Guignes a réfuté le voyageur sur ce sujet (Journal des savants, 1783) ; mais, plaidant en érudit, pro domo sua, de Guignes a outrepassé à son tour la mesure d’un équitable optimisme. Sonnerat pèche par trop de crédulité ; il manque d’ordre. En revanche, ses descriptions sont

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d’une parfaite exactitude. Méry, l’auteur d’Héva, qui n’a jamais visité l’Inde, avait lu la relation de Sonnerat. La meilleure édition de cet ouvrage, édition corrigée et augmentée, est celle de 1806 (4 vol. in-8o, avec atlas).

Voyage pittoresque en Grèce, par le comte de Choiseul-Gouffier (3 vol.).

La description de la Grèce par Choiseul-Gouffier comprend trois volumes, lesquels représentent trois phases du travail de l’auteur et de la publication de son livre. Le premier volume fut publié en 1782, le deuxième en 1809 et le troisième en 1820 ; le dernier, complété et revu par Barbié du Bocage et Letronne, n’est qu’en partie l’œuvre de l’auteur. Cet ouvrage, qui forme, à vrai dire, deux ouvrages d’un caractère différent, fut interrompu par la Révolution, et les matériaux rassemblés pour son achèvement furent dispersés et enlevés à l’auteur, qui dut combler les lacunes laissées dans ses manuscrits par de nouvelles investigations. Soit avant, soit après la Révplution, Choiseul-Gouffier s’adjoignit des collaborateurs divers, lesquels allèrent, a ses frais et d’après ses instructions, recueillir tous les renseignements et tous les dessins qu’il ne pouvait se procurer par lui-même. Barthélémy, Villoison, Delille, un officier de marine, un astronome, un ingénieur, un dessinateur et antiquaire, un érudit, Barbié du Bocage, furent associés à ce grand travail. En 1776, à l’âge de vingt-quatre ans, Choiseul-Gouffier fait son premier voyage en Grèce. Il voit par lui-même tous les lieux, tous les monuments que reproduisent les planches de son livre. Il se rend directement en Morée et aborde à Coron ; il parcourt et décrit successivement les îles de l’Archipel. A défaut de monuments antiques, il y observe les mœurs, les habitudes, les costumes des Grecs modernes ; il dessine les ruines, il recueille les inscriptions. Ensuite il explore l’Asie Mineure et les îles voisines. Plus tard, étant ambassadeur à Constantinople, il revient sur ce théâtre de ses premières investigations, quelquefois périlleuses j il envoie des artistes habiles parcourir la, Syrie et une partie de l’Egypte. Partout et toujours, il cherche les traces, les restes d’une splendeur passée. Il fouille tous les débris, remue tous les décombres, interroge tous les vestiges. L’exploration de l’Asie Mineure lui fournit une riche collection de médailles, de pierres gravées, d’inscriptions. La Troade est le principal but de sa longue course. Les monuments homériques l’attirent et le retiennent. Il décrit la fameuse plaine de Troie ; il détermine l’emplacement d’Ilion ; il reconnaît le Scamandre et le Simoïs ; il fouille avec respect les tombeaux dAjax, d’Hector, d’Achille et de Patrocle. L’Iliade à la main, il parcourt le théâtre des combats et trace sur le terrain tout le mouvement militaire du grand drame antique. Il fait, eu un mot, le commentaire topographique et stratégique de l’Iliade. Il achève la description de la Grèce par la description d’une partie de la Turquie ; de belles planches représentent Constantinople ancienne et moderne. Le premier volume, qui fut reçu avec des applaudissements universels, révèle un élève de Barthélémy, un érudit enthousiaste, alliant l’imagination au savoir. Le discours préliminaire est un morceau remarquable, en ce sens que l’auteur devance et prépare le mouvement régénérateur de la Restauration, qui amena l’affranchissement de la Grèce. Choiseul-Gouffier s’indigne de la servitude des Grecs modernes ; il évoque les ombres de Milliade, de Thémistocle, d’Epaininondas, de Phocion, de Léonidas. Il adresse aux Hellènes un appel énergique à l’indépendance ; il trace le plan d’un Ktat libre en Morée. Le deuxième volume, composé dans l’âge mûr, dénote un esprit plus critique : les descriptions vives et —animées du littérateurphilhellène t’ont place, de plus en plus, aux opérations géographiques, aux observations géologiques, aux recherches d’érudition. L’ouvrage de Choiseul-Gouffier, bien qu’il n’ait pas le mérite de l’unité de composition, est un livre indispensable à l’historien, à l’antiquaire et à l’artiste ; c’est un livre qui sera toujours estimé. L’auteur a observé avec sagacité, choisi avec discernement et enregistré avec exactitude. Ses récits clairs, concis sans sécheresse et abondants sans longueur, sont parsemés de remarques et de réflexions utiles ou intéressantes. Son style, facile et orné, convient au sujet. Des cartes, des plans, des gravures pittoresques ajoutent à l’attrait et à la clarté du livre.

Voyage en Egypte et en Syrie, par Volney (1787, 2 vol. in-4o).

C’est un des meilleurs ouvrages de l’auteur ; il obtint tout d’abord une approbation dont il jouit encore aujourd’hui, et qui n’a semble que mieux méritée depuis que notre expédition d’Egypte et d’autres voyages entrepris avec de grandes ressources ont attesté l’exactitude et l’observation savante de ce voyageur isolé.

« Jamais livre, dit Quérard dans sa France littéraire, n’obtint un succès plus brillant, plus rapide et moins contesté. Il valut à son jeune auteur l’estime des savants, l’admiration de ses compatriotes instruits et une célébrité européenne. Grimm ayant eu la délicatesse d’en présenter un exemplaire à Catherine II de la part de Voluey, sans l’avoir